Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-14.540
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Odent et Poulet, SCP Richard
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... était associé, avec quatre autres professionnels, de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Databio, aux droits de laquelle se trouve la société Lexobio (la société), exploitant des laboratoires d'analyses de biologie médicale ; qu'il exerçait en outre les fonctions de cogérant ; qu'après avoir débattu, le 13 mars 2009, des griefs formulés à l'encontre de M. X..., ses coassociés ont, lors de l'assemblée réunie le 17 avril 2009, décidé de le révoquer de ses fonctions de gérant et de prononcer son exclusion de la société ; que faisant valoir que ces décisions étaient fautives, M. X... a assigné la société en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire sans motif légitime l'exclusion de M. X... en qualité d'associé et de la condamner à lui payer une indemnité de ce chef alors, selon le moyen, que c'est par des motifs identiques que la cour d'appel a jugé que les griefs retenus par la société Databio pour justifier la révocation et l'exclusion de M. X... en qualité d'associé ne reposaient pas sur des motifs légitimes ; qu'il en est ainsi du grief retenu d'avoir, en infraction aux dispositions de l'article L. 223-21 du code de commerce et aux règles de fonctionnement de la société, maintenu un compte courant d'associé débiteur ; qu'il s'ensuit que la censure à intervenir sur ces motifs du chef du premier moyen, relatif à la révocation, entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la censure de la décision en ce qu'elle a décidé que l'exclusion de M. X... était elle-même sans motif légitime ;
Mais attendu que les motifs par lesquels la cour d'appel a jugé dépourvue de motif légitime la décision d'exclure M. X... de la société n'étant pas identiques à ceux par lesquels elle a considéré que sa révocation de ses fonctions de gérant ne reposait pas sur un juste motif, le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 223-25 du code de commerce ;
Attendu que pour accueillir la demande de M. X... tendant à l'allocation de dommages-intérêts au titre de sa révocation sans juste motif de son mandat social, l'arrêt, après avoir retenu que si, en vertu des dispositions de l'article L. 223-21 du code de commerce, aucun associé ou gérant ne peut avoir, à quelque moment que ce soit, un compte courant débiteur à l'égard de la société, ajoute qu'il convient de déterminer si, au regard de la pratique existant au sein de la société, cette faute constitue un motif légitime de révocation ; qu'il déduit ensuite de son analyse des circonstances de la cause que c'est à tort que le premier juge a considéré que la révocation de M. X... se fondait sur un motif légitime ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que M. X... faisait fonctionner son compte courant d'associé en position débitrice et avait maintenu cette situation jusqu'au 9 mars 2009, malgré les avertissements reçus, de la part du cogérant, en 2008, et de ses coassociés, le 5 janvier 2009, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, desquelles il résultait que la révocation de M. X..., qui avait contrevenu à l'interdiction édictée par l'article L. 223-21 du code de commerce, était fondée sur un juste motif, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit sans motif légitime l'exclusion de M. X... en qualité d'associé de la société Databio, aux droits de laquelle se trouve la société Lexobio, et condamne celle-ci à lui payer, à ce titre, la somme de cent vingt mille euros, l'arrêt rendu le 18 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.