Cass. com., 14 novembre 2018, n° 16-24.532
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Rémy-Corlay, SCP Delvolvé et Trichet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 26 juin 2015), que M. X... possédait la pleine propriété et la nue-propriété d'un certain nombre de parts formant le capital social de la société civile immobilière Studel (la société) ; qu'après le retrait volontaire de membres de sa famille, auquel il s'était joint pour les parts qu'il détenait en nue-propriété, l'assemblée générale extraordinaire du 20 août 2010 a prononcé son retrait forcé ; que contestant son exclusion, M. X... a assigné la société pour voir annuler cette décision et prononcer sa réintégration dans la société en sa qualité d'associé ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'annuler la délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 20 août 2010 ayant prononcé l'exclusion et le retrait forcé de M. X... alors, selon le moyen :
1°/ que dans l'hypothèse d'une exclusion d'un membre d'une société à capital variable, dont les statuts ne précisent pas que l'exclusion d'un associé doit être justifié par des motifs graves, il appartient aux tribunaux uniquement de vérifier que l'exclusion n'est pas abusive; que l'abus de droit ne se confond pas avec l'absence de motifs graves ; qu'en considérant que la décision d'exclusion d'un associé devait être justifiée par une raison suffisamment grave et ne pouvait être justifiée a posteriori par des éléments postérieurs à la décision d'exclusion, si bien qu'il y avait abus de droit la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil et l'article L. 231-6 du code de commerce ;
2°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs; que la société Studel soutenait, dans ses conclusions récapitulatives d'appel du 10 avril 2014, que les juges, pour contrôler l'exclusion de M. X..., devaient uniquement vérifier l'existence ou non d'un abus, éventuellement commis par les autres associés, qui reposait sur une intention de nuire et non vérifier le sérieux des motifs de l'exclusion ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la société Studel soutenait, dans ses conclusions récapitulatives d'appel du 10 avril 2014, que la décision de retrait d'un associé était décrite par l'article 12 des statuts comme une démission et qu'une démission étant nécessairement totale, le retrait volontaire d'un associé, prévu à l'article 11 des statuts, ne pouvait qu'être total et la circonstance que l'article 9 des statuts fasse allusion à la réduction de capital social du fait d'un retrait partiel ou total ne signifiait pas qu'il serait possible de se retirer partiellement dans les termes de l'article 11 car cette mention de retrait partiel de l'article 9 était en réalité l'évocation de la possibilité pour un associé de se départir partiellement de ses parts sociales en se les faisant racheter par la société qui procédait ensuite à une réduction de capital dans le cadre d'une reprise partielle d'apports prévue par l'article 13 des statuts ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il appartient à la juridiction, lorsqu'elle en est saisie, de vérifier que l'exclusion n'est pas abusive, l'abus de droit ne se résumant pas à l'exercice de ce droit avec l'intention de nuire ; que l'arrêt constate que le rapport de gérance en vue de l'assemblée générale extraordinaire du 20 août 2010 justifiait l'exclusion de M. X... par sa participation au retrait massif des associés, membres de la famille X..., imposé à la société le 16 avril 2010, et énonçait que le refus par M. X... de céder volontairement ses cent cinquante dernières parts caractérisait une étonnante indifférence envers la bonne administration de la société, fondée sur l'affectio societatis, ainsi que sa dénégation de l'intérêt social ; qu'il relève que, cependant, M. X... n'a cédé la nue-propriété de ses parts que parce que sa mère souhaitait céder l'usufruit de ces mêmes parts et qu'il n'est pas expliqué en quoi le retrait des membres de la famille X..., intervenu le 16 avril 2010, caractérisait une manifestation de défiance et serait la cause d'une difficile cohabitation de M. X... avec les autres associés familiaux ; qu'il ajoute que la société ne peut soutenir que le retrait partiel d'un associé n'est pas possible ni que la vente par M. X... de la nue-propriété des parts dont sa mère détenait l'usufruit impliquait la vente de la totalité des autres parts détenues en pleine propriété ; qu'il estime que les difficultés consécutives au retrait des associés le 16 avril 2010, qui ne sont pas liées à un comportement de M. X... préjudiciable à la société, ne peuvent fonder son exclusion et caractérisent un abus ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, répondant aux conclusions prétendument omises, la cour d'appel, qui a constaté l'absence de tout motif grave justifiant l'exclusion de l'associé, a pu retenir que cette exclusion était abusive ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.