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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 17 février 2015, n° 14/00358

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Avec (SARL)

Défendeur :

Bureau de Vérification et de Conseils (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hirigoyen

Conseillers :

Mme Hebert-Pageot, M. Boyer

Avocats :

Me Grappotte-Benetreau, Me Leyrie

T. com. Meaux, du 12 nov. 2013, n° 20120…

12 novembre 2013

La société Bureau de Vérification et de Conseil (ci-après BVC), ayant pour activité la vérification et le conseil en matière d'hygiène et de sécurité alimentaire auprès des restaurateurs et professionnels de l'alimentation, a conclu, le 28 mai 2007, avec la Sarl BVC Paris Est, dénommée désormais Sarl Avec, dont elle est par ailleurs associée, détenant en dernier lieu 3.050 parts sur un capital social divisé en 20.890 parts :

- un contrat de licence d'exploitation de la marque BVC pour les départements du Val de Marne, de Seine et Marne, de Haute Marne et pour les 3, 4, 11, 12,19 et 20èmes arrondissement de Paris, la concédante conservant le droit de continuer à exploiter sa marque dans ces secteurs géographiques dans des domaines définis,

- une convention d'assistance d'une durée de trois ans.

Les relations se sont ensuite dégradées entre les parties et ont donné lieu à divers contentieux.

Sur assignation de la société BVC, le tribunal de commerce de Nice a, par jugement du 29 octobre 2010, confirmé par arrêt du 17 avril 2014, condamné la société Avec au paiement du solde de factures de BVC et prononcé la résiliation de la convention d'assistance.

Un autre contentieux, n'ayant pas encore fait l'objet d'une décision définitive, oppose également la société BVC à la société Avec au sujet d'actes de concurrence déloyale allégués à l'encontre de l'un de ses associés, gérant par ailleurs de la société Comme à la Table Ronde.

Par courrier recommandé du 20 septembre 2011, réceptionné le 21 septembre suivant, la société BVC a notifié à la Sarl Avec son retrait en tant qu'associé sur le fondement de l'article 16 des statuts et a proposé le rachat des parts qu'elle détient dans la société sur la base d'un euro la part, conformément à la valeur qui avait été fixée par l'assemblée générale du 4 août 2011, soit pour ses 3.050 parts, une somme de 3.050 euros.

Par assemblée générale extraordinaire en date du 21 septembre 2011, tenue en l'absence de la société BVC, l'article 17-1 des statuts de la société Avec a été modifié pour y ajouter plusieurs motifs d'exclusion d'un associé.

Suivant courrier du 22 septembre 2011, la gérant de la société Avec a refusé de racheter les parts au prix demandé.

Par nouvelle assemblée générale extraordinaire, en date du 20 octobre 2011, la société Avec a voté l'exclusion de la société BVC sur le fondement de l'article 17.1 des statuts.

C'est dans ce contexte, que la société BVC a fait assigner la société Avec en nullité des résolutions ainsi adoptées.

Par jugement du 12 novembre 2013, le tribunal de commerce de Meaux a prononcé la nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 21 septembre 2011 prise en l'absence d'unanimité des associés, ainsi que celle de l'intégralité des résolutions de l'assemblée générale extraordinaire du 20 octobre 2011, prises en application de l'assemblée générale du 21 septembre 2011, a débouté la société BVC de sa demande de dommages et intérêts, a ordonné l'exécution provisoire et condamné la société Avec au paiement d'une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Avec a relevé appel de ce jugement le 7 janvier 2014 et dans ses dernières conclusions signifiées le 12 décembre 2014, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de constater la validité des assemblées générales des 21 septembre 2011 et 20 octobre 2011, de débouter la société BVC de toutes ses prétentions et de la condamner à lui verser 5.568,08 euros à titre de participation aux pertes de la société, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Dans ses écritures signifiées le 16 décembre 2014, la société BVC demande le rejet des conclusions signifiées tardivement le 12 décembre 2014, de juger recevable son appel incident, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé les résolutions prises lors de l'assemblée générale extraordinaire du 21 septembre 2011 et de celles prises en application de celle ci, lors de l'assemblée générale extraordinaire du 21 septembre 2011, subsidiairement d'annuler la résolution d'exclusion non motivée, pour abus de majorité, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, de condamner la société Avec au paiement de 5.000 euros de dommages et intérêts, en tout état de cause de débouter la société appelante de toutes ses prétentions et de la condamner au paiement de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

SUR CE

- Sur la demande de rejet des conclusions

Il n'y a pas lieu de déclarer irrecevables comme étant tardives les conclusions signifiées le 12 décembre 2014 par la société Avec, l'ordonnance de clôture ayant été reportée au 5 janvier 2015, jour des plaidoiries, et la société BVC ayant pu y répondre le 16 décembre 2014.

- Sur l'annulation des résolutions

L'article 24-2 des statuts stipule, conformément aux dispositions de l'article L 223-30 du code du commerce, que les décisions collectives extraordinaires sont prises à l'unanimité notamment s'il s'agit d'augmenter les engagements des associés'.

Pour annuler les résolutions litigieuses, les premiers juges ont, au visa de ces dispositions, considéré que la clause prévoyant l'exclusion d'un associé et l'obligation de céder ses parts en cas de faits graves réduit la liberté du commerce et du travail et entraîne une augmentation des engagements des associés.

La société Avec critique cette interprétation, soutenant que la modification de l'article 17 des statuts n'entraîne aucune aggravation de la dette contractée par les associés envers la société ou les tiers, constitue tout au plus une diminution du droit des associés pour laquelle l'unanimité n'est pas requise, et fait également observer que la résolution litigieuse n'a pas inséré de clause d'exclusion dans les statuts mais l'a seulement modifiée.

Tandis que la société BVC considère que la résolution élargissant les motifs d'exclusion et imposant à un associé de céder ses parts en cas de faute grave, réduit la liberté du commerce et du travail et revient en l'espèce à la priver d'office de sa qualité d'associé, son objet étant identique à celui de la société Avec, la notion d'augmentation des engagements ne se réduisant pas aux engagements financiers des associés.

Il est constant entre les parties que la résolution litigieuse n'a pas été votée à l'unanimité des associés, la mention du procès-verbal visant son adoption à l'unanimité ne concernant en fait que les associés présents, dont ne faisait pas partie la société BVC.

L'article 17.1 des statuts (Motifs d'exclusion) qui stipule en sa rédaction antérieure au 21 septembre 2011, que tout associé peut être exclu de la société pour motifs graves par les associés réunis en assemblée générale extraordinaire statuant aux conditions de majorité fixées pour la modification des statuts et que constituaient des motifs graves, la violation des statuts et le défaut de règlement des sommes dues à la société, comporte désormais quatre autres motifs graves d'exclusion : la mise en oeuvre d'actions visant à menacer l'existence de la société, le fait de mettre en péril la survie de la société, l'exercice d'une activité professionnelle directement concurrente à l'activité de la société et la participation au capital social d'une société directement concurrente à l'activité de la société.

Est inopérant le moyen tiré de ce que la résolution n'a fait que modifier une clause existante, dès lors qu'il en est résulté une extension des cas d'exclusion.

Ces nouveaux motifs d'exclusion, parmi lesquels l'exercice d'une activité professionnelle directement concurrente, portent atteinte à la liberté de commerce et de travail, en ce que les associés peuvent se trouver contraints de revoir et de restreindre leur activité professionnelle. L'existence d'une telle atteinte se vérifie concrètement au travers de la situation de la société BVC, qui peut se voir reprocher au vu du nouveau libellé de l'article 17.1 l'exercice d'une activité identique à celle de la société intimée, activité qui n'a pourtant pas varié depuis qu'elle est associée et dont la société Avec était parfaitement informée, les parties ayant conclu un contrat de licence d'exploitation de la marque BVC dans certains secteurs géographiques, laissant à la société concédante le droit de continuer à exploiter sa marque dans des domaines définis.

Cette réduction de la liberté de commerce et de travail caractérise une augmentation des engagements des associés et exigeait dès lors d'être adoptée à l'unanimité et non comme en l'espèce à la majorité des associés.

Il s'ensuit que les premiers juges doivent être approuvés d'avoir annulé l'assemblée générale extraordinaire du 21 septembre 2011 et par voie de conséquence les décisions prises, en application de cette assemblée générale extraordinaire, à l'assemblée générale extraordinaire du 20 octobre 2011, ayant conduit à l'exclusion de la société BVC.

- Sur la demande de participation aux pertes

Le tribunal a refusé de faire droit à cette demande au motif que les assemblées générales litigieuses avaient été annulées.

La société Avec reprend cette demande devant la cour qu'elle fonde sur l'article 18.2 des statuts selon lequel toutefois pour déterminer les sommes à revenir aux associés sortants, ou à leurs ayants droit, au titre de leur participation aux pertes, les retraits comme les exclusions ne prendront pécuniairement effet qu'à la date de clôture de l'exercice au cours duquel ils ont eu lieu', soutenant que les associés ont ainsi entendu déroger à la règle de droit commun de l'article L 223-1 du code du commerce, les pertes sociales n'étant réparties proportionnellement aux apports des associés d'une sarl qu'à défaut d'autres dispositions statutaires.

Pour s'y opposer la BVC invoque l'absence de clarté de l'article 18.2, sa contradiction avec les règles régissant les Sarl dans lesquelles les engagements financiers des associés sont limités aux apports et le fait que cette clause est liée à l'exclusion d'un associé.

L'article 18-2 des statuts, intégré au paragraphe Effets du retrait ou de l’exclusion, prévoit la date de prise d'effet du retrait ou de l'exclusion d'un associé, à réception de sa notification par la gérance dans le premier cas et à l'issue de l'assemblée générale qui la prononce dans le second, reportant toutefois ces effets à la fin de l'exercice en cours pour la détermination des droits et obligations de l'associé sortant sur le plan financier.

C'est par une exacte appréciation que les premiers juges ont rejeté la demande de participation aux pertes, les dispositions dont se prévaut la société Avec ne concernant que la situation d'un associé sortant. En effet, le tribunal comme la cour n'étant saisis que du litige relatif à l'exclusion de la société BVC, aucune conséquence ne pouvait être tirée d'une exclusion mise à néant par l'annulation de la résolution qui l'a prononcée. Cette clause ne trouvant pas à s'appliquer, il n'y a pas lieu d'en examiner la validité.

- Sur la demande de dommages et intérêts de la société BVC

La société BVC, qui a bénéficié d'un jugement assorti de l'exécution provisoire, la rétablissant dans ses droits, ne justifie pas d'une atteinte à son image ouvrant droit à réparation.

Le jugement mérite ainsi confirmation en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société BVC.

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de confirmer la condamnation prononcée en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et y ajoutant de condamner la société Avec au paiement d'une indemnité de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

La société Avec, partie succombante, supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevables les conclusions de la société Avec signifiées le 12 décembre 2014,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Avec à payer à la société BVC la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Avec aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés directement pas les avocats qui en ont fait la demande, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.