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Décisions

Cass. com., 4 décembre 2012, n° 11-27.667

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gatineau et Fattaccini

Bordeaux, du 12 oct. 2011

12 octobre 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 octobre 2011), que la société Groupement d'achat et de diffusion des armuriers professionnels (la société Gadap) était membre de la société Union coopérative d'armuriers professionnels (la société Unifrance) ; que le 9 janvier 2006, le conseil d'administration de la société Unifrance a prononcé l'exclusion de la société Gadap ; que cette dernière a fait appel de cette décision devant l'assemblée générale de la société Unifrance qui a confirmé son exclusion ; qu'estimant que la sanction la concernant avait été prise en violation des droits de la défense et n'était pas justifiée par un motif sérieux et légitime, la société Gadap a fait assigner la société Unifrance en annulation de la décision d'exclusion, restitution de sommes et paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Unifrance fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action en nullité engagée par la société Gadap à l'encontre de la décision d'exclusion du conseil d'administration de la société Unifrance du 9 janvier 2006, alors, selon le moyen :

1°/ que le recours juridictionnel contre la décision de l'assemblée générale d'une société coopérative ayant confirmé l'exclusion d'un des associés prononcée par le conseil d'administration doit, à peine d'irrecevabilité, être formé dans le délai d'un mois suivant la notification à l'associé concerné de la délibération de l'assemblée générale ; qu'en l'espèce, la société Unifrance faisait valoir que le recours de la société Gadap devant le tribunal de commerce contre la décision de l'assemblée générale ayant confirmé son exclusion, laquelle lui avait été notifiée le 20 mars 2006, était prescrit car formé par assignation du 2 juillet 2007 ; qu'en énonçant, pour déclarer cette action recevable, que l'article L.124-10 du code de commerce « ne prévoyant aucune sanction en cas de non-respect du délai de saisine de la juridiction, il ne peut s'en déduire qu'à défaut de respect du dit délai, l'action en nullité serait prescrite », la cour d'appel a violé le texte précité ;

2°/ que l'associé coopératif ayant voté au sein de l'assemblée générale en faveur de la résolution ayant confirmé son exclusion ne peut ultérieurement contester celle-ci, sauf à invoquer un vice du consentement ayant altéré son vote ; qu'en l'espèce, la société Unifrance faisait valoir que le procès-verbal de délibération de l'assemblée générale de la société Unifrance du 20 février 2006 portait mention du vote unanime de la résolution ayant prononcé l'exclusion de la société Gadap ; qu'elle en concluait que le représentant légal de la société Gadap ayant été présent à cette délibération, la société Gadap ne pouvait plus remettre en cause cette décision ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le vote par la société Gadap, lors de l'assemblée générale du 20 février 2006, de la résolution ayant prononcé son exclusion ne faisait pas obstacle à l'action en annulation de cette décision par la société Gadap, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.124-10 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant exactement retenu que l'article L. 124-10 du code de commerce ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect du délai de saisine de la juridiction, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'action en nullité introduite par la société Gadap n'était pas prescrite ;

Et attendu, d'autre part, que l'article L. 124-10 du code de commerce n'interdit pas à l'associé coopératif qui a voté lors de l'assemblée générale en faveur de la résolution ayant confirmé son exclusion de contester ultérieurement celle-ci en justice ; que la cour d'appel, qui n'avait dès lors pas à effectuer la recherche visée par la seconde branche, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Unifrance fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la décision d'exclusion prise par le conseil d'administration du 9 janvier 2006 à l'égard de la société Gadap et d'avoir statué sur les demandes de cette dernière tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de son exclusion, alors, selon le moyen :

1°/ que par lettre du 19 décembre 2005, régulièrement versée aux débats, la société Gadap a été convoquée au conseil d'administration devant se tenir le 9 janvier 2006 pour statuer sur la « révocation d'un adhérent et suspension de ses droits », la convocation étant assortie d'une mention manuscrite du président de la société Unifrance indiquant « j'espère que la raison l'emportera pour ne pas arriver à cette extrémité, et que dans l'intérêt de l'ensemble des adhérents des trois coopératives, la fusion pourra être décidée » ; qu'il résultait de cette lettre que l'objet du conseil d'administration portait sur l'exclusion de la société Gadap, à raison du refus de cette dernière d'accepter la fusion projetée ; que la société Unifrance produisait également aux débats une lettre de la société Gadap en date du 29 décembre 2005 aux termes de laquelle celle-ci déclarait prendre « note de l'ordre du jour valant perspective de révocation » et prendre « acte de votre mention manuscrite » ; que pour annuler la décision d'exclusion de la société Gadap, la cour d'appel a estimé que les seules mentions, dans la lettre de convocation du 19 décembre 2005, de l'ordre du jour du conseil d'administration relatif à la « révocation d'un adhérent et suspension de ses droits » ne permettaient pas « d'identifier lequel des adhérents doit être sanctionné d'une révocation, ni que cette révocation est liée à l'approbation ou non d'un projet de fusion en cours, ni même que le projet de fusion sera soumis à l'approbation du conseil d'administration puis de l'assemblée générale en cours de préparation » ce dont elle a déduit que la société Gadap n'avait pas été mise en mesure de préparer sa défense et que la procédure devait être annulée ; qu'en statuant de la sorte, sans avoir égard à la mention manuscrite figurant sur la lettre de convocation du 19 décembre 2005, dont la société Gadap avait expressément pris acte dans son courrier du 29 décembre 2005, selon laquelle la révocation de la société Gadap était envisagée faute pour celle-ci d'avoir approuvé le projet de fusion établi entre les membres de la société Unifrance, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que le recours devant l'assemblée générale offert à l'associé coopératif ayant fait l'objet d'une mesure d'exclusion prononcée par le conseil d'administration a pour objet de permettre à l'intéressé de faire valoir ses moyens de défense et de soumettre à l'assemblée générale l'appréciation du bien-fondé de l'exclusion ; que la mise en oeuvre de ce recours purge les éventuelles irrégularités ayant pu affecter la procédure devant le conseil d'administration ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que les droits de la défense n'avaient pas été respectés dans la mesure où, eu égard à ses termes que la cour d'appel a estimé imprécis, la lettre de convocation de la société Gadap au conseil d'administration du 9 janvier 2006 ayant prononcé l'exclusion de cette société de la société Unifrance « n'a manifestement pas permis à la société Gadap et à son représentant au conseil d'administration de préparer puis de présenter sa défense en pleine connaissance de cause », ce dont elle a déduit que « ce non-respect des droits de la défense dés la convocation viciant la procédure d'exclusion dans son ensemble » ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses propres constatations que la société Gadap avait exercé contre la décision d'exclusion prononcée par le conseil d'administration le recours devant l'assemblée générale offert par l'article L.124-10 du code de commerce, lequel avait purgé les éventuels vices de la procédure devant le conseil d'administration, la cour d'appel a violé l'article L.124-10 du code de commerce ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions d'appel que la société Unifrance ait soutenu, d'un côté, que la société Gadap avait bénéficié, préalablement à la réunion du conseil d'administration, d'une information suffisamment complète sur les griefs formulés à son encontre et sur la sanction envisagée, de l'autre, que le recours devant l'assemblée générale avait purgé les éventuels vices de la procédure antérieure ; que le moyen, nouveau, et mélangé de fait et de droit, est comme tel irrecevable;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Unifrance fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à rembourser à la société Gadap le solde créditeur de son compte courant d'associé, alors, selon le moyen, qu'il incombe à la partie qui se prétend libérée d'une obligation d'en rapporter la preuve ; qu'aux termes de l'engagement de blocage des comptes courants et cession d'antériorité au profit de la Caisse régionale de Crédit agricole de Touraine et du Poitou du 2 juillet 2004, les associés de la société Unifrance se sont obligés à « maintenir pendant la durée du crédit (…) et jusqu'à complet remboursement, le solde créditeur des comptes courants à hauteur d'un montant égal au capital restant dû sur ledit prêt » ; qu'en vertu de cet engagement signé par la société Gadap, celle-ci ne pouvait prétendre à la restitution des sommes figurant au crédit de son compte courant qu'à la condition que celles-ci ne soient pas nécessaires à la garantie du prêt contracté par la société Unifrance auprès de la banque ; que la charge de la preuve de ce fait, qui conditionnait l'existence de la créance de restitution de la société Gadap, pesait sur cette société ; qu'en retenant néanmoins, pour condamner la société Unifrance à restituer à la société Gadap la somme de 324.955,71 euros correspondant au solde créditeur de son compte courant, que la société Unifrance ne versait aucun document justifiant du capital restant dû au titre du prêt, ni de ce que le montant des comptes courants des autres sociétés associées de la société Unifrance ne permettrait pas de garantir ce capital, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que par acte du 2 juillet 2004, la société Gadap s'était engagée avec les autres associés de la société Unifrance à maintenir, pendant la durée du crédit consenti à la société Unifrance et jusqu'à complet remboursement, le solde créditeur des comptes courants à hauteur d'un montant égal au capital restant dû sur le prêt, et relevé que cet engagement n'interdisait le remboursement total ou partiel des comptes courants sans l'accord préalable de l'organisme prêteur que pour un montant supérieur au capital restant dû, la cour d'appel a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, qu'il appartenait à la société Unifrance, qui s'opposait à la restitution à la société Gadap du solde créditeur de son compte courant d'associé, de justifier du montant du capital restant dû à la date de la demande de remboursement et de la nécessité de conserver les sommes figurant en compte courant pour la garantie des obligations contractées en vertu de ce prêt ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.