Cass. com., 8 avril 2014, n° 13-18.120
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Le Bret-Desaché, SCP Marc Lévis
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 janvier 2013), que la société par actions simplifiée Exco (la société) a pour associés des cabinets d'expertise comptable ou de commissariat aux comptes au profit desquels elle exerce son activité ; que le 8 novembre 2008, le comité directeur de la société a pris acte de la "démission" de l'un des associés, la société Exco Partenaires, devenue Groupe Nouvel Expert ; que, faisant valoir que cette dernière était débitrice de l'indemnité due en pareil cas, selon les stipulations du règlement intérieur, la société l'a fait assigner en paiement d'une certaine somme ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que pour annuler la délibération prise par l'AGE du 10 mai 2005, introduisant dans un règlement intérieur une clause de retrait, la cour d'appel a relevé que le règlement intérieur modifiait des règles statutaires relatives aux cessions d'actions, aux agréments préalables, aux contraintes de cessions de titres ainsi qu'à l'exclusion d'un associé et que de telles dispositions ne pouvaient résulter que de clauses statutaires adoptées ou modifiées qu'à l'unanimité ; qu'après avoir constaté que le droit de retrait des associés, non prévu dans les statuts, avait été décidé par l'AGE du 10 mai 2005, dans des conditions fixées par le règlement intérieur, elle a jugé que cette délibération était entachée de nullité pour ne pas avoir respecté les règles de l'unanimité requise par l'article L. 227-19 du code de commerce ; qu'en statuant ainsi, quand la clause de retrait, qu'elle soit incluse dans les statuts ou dans un règlement intérieur, n'est pas soumise à la règle de l'unanimité, la cour d'appel a violé l'article L. 235-1 du code de commerce, ensemble l'article L. 227-19 du code de commerce ;
2°/ que seules les clauses d'inaliénabilité des actions, d'agrément préalable de tout acquéreur d'actions, d'exclusion, et de changement de contrôle, doivent être insérées dans les statuts, les autres clauses telle qu'une clause de retrait pouvant être prévue dans un règlement intérieur ; qu'en jugeant que les dispositions du règlement intérieur d'une société ont seulement pour objet de préciser les dispositions statutaires mais ne peuvent ni les modifier ni accorder des droits nouveaux aux associés telle que la possibilité de démissionner, la cour d'appel a violé l'article L. 235-1 du code de commerce, ensemble les articles L. 227-13, L. 227-14, L. 227-16, L.227-17 et L. 227-19 du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que le 10 mai 2005, les associés, réunis en assemblée générale extraordinaire, ont adopté une première résolution aux termes de laquelle "les membres du réseau démissionnaires ou exclus devront payer des pénalités de sortie, dont les modalités seront fixées par le règlement intérieur", et que, par la même délibération, l'assemblée a décidé, en conséquence, "de modifier les articles 11.2.4, 11.3.1 et 26.1 des statuts" ; que l'arrêt ajoute que les décisions adoptées lors de cette assemblée modifient des dispositions statutaires relatives "aux cessions d'actions, aux agréments préalables, aux contraintes de cessions des titres, ainsi qu'à l'exclusion d'un associé" ; qu'il relève encore que ces décisions n'ont pas été approuvées par l'unanimité des associés ; qu'en l'état de ces constatations, desquelles il résulte que la délibération dont la société se prévalait pour en déduire que la société Groupe Nouvel Expert était tenue de payer la somme litigieuse, apportait des modifications à des clauses statutaires entrant dans les prévisions de l'article L. 227-19 du code de commerce, la cour d'appel a décidé, à bon droit, qu'elle était entachée de nullité en raison de l'absence de l'unanimité requise par ce texte ;
Attendu, d'autre part, que la deuxième branche critique des motifs surabondants ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, est inopérant pour le surplus ;
Mais sur la troisième branche du moyen :
Vu l'article L. 235-9, alinéa 1er, du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les actions en nullité d'actes ou délibérations sociaux se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue ; que si l'exception de nullité est perpétuelle, c'est à la condition qu'elle soit invoquée pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'acte juridique en cause est le paiement ou non d'une pénalité de départ, que cet acte n'a pas encore été exécuté et que la société Groupe Nouvel Expert est donc recevable à soulever l'exception de nullité des décisions de l'assemblée générale du 10 mai 2005 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société Groupe Nouvel Expert avait, en exécution de la délibération dont elle invoquait la nullité, demandé et obtenu son retrait de la société Exco, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée.