Livv
Décisions

CE, 5e et 4e sous sect. réunies, 25 novembre 2009, n° 323359

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Rapporteur :

M. Rossi

Rapporteur public :

M. Thiellay

Avocat :

Me Ricard

CE n° 323359

24 novembre 2009

Vu le pourvoi, enregistré le 18 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 décembre 2008 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance du 14 février 2008 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise condamnant l'Etat à payer à la société Orly Parc une provision d'un montant de 9 115,05 euros en réparation du préjudice résultant du refus de concours de la force publique afin d'assurer l'exécution de la décision de justice prononçant l'expulsion de Mme Josette A ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de provision de la société Orly Parc ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Rossi, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Ricard, avocat de la société Orly Parc,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Ricard, avocat de la société Orly Parc ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'après avoir signifié à Mme Josette A une ordonnance de référé rendue le 12 mai 2003 par le tribunal d'instance de Gonesse, constatant la résiliation du bail qu'elle avait conclu avec la société d'habitations à loyer modéré Orly Parc et ordonnant son expulsion du logement qu'elle occupait sans titre, l'huissier désigné par cette société a délivré à l'intéressée, le 28 août 2003, un commandement de quitter les lieux au plus tard au 28 octobre suivant ; que l'huissier s'est présenté sur place le 9 février 2004 et a constaté la persistance de l'occupation irrégulière ; qu'il a requis la force publique le 12 février suivant ; que le juge des référés du tribunal administratif de Cergy Pontoise a condamné l'Etat à verser à la société Orly Parc une provision de 9 115 euros en réparation du préjudice ayant résulté du rejet implicite de cette réquisition ; que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales se pourvoit en cassation contre l'ordonnance par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé la décision du premier juge ;

Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation ; que l'article 50 du décret du 31 juillet 1992 pris pour l'application de cette loi dispose : Si l'huissier de justice est dans l'obligation de requérir le concours de la force publique, il s'adresse au préfet. / La réquisition (...) est accompagnée d'un exposé des diligences auxquelles l'huissier de justice a procédé et des difficultés d'exécution (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative est normalement tenue d'accorder le concours de la force publique en vue de l'exécution d'une décision de justice revêtue de la formule exécutoire et rendue opposable à la partie adverse ; que, s'il en va autrement dans le cas où l'exécution forcée comporterait un risque excessif de trouble à l'ordre public, un refus justifié par l'existence d'un tel risque, quoique légal, engage la responsabilité de l'Etat à l'égard du bénéficiaire de la décision de justice ; que les dispositions précitées de l'article 50 du décret du 31 juillet 1992, prévoyant que la réquisition est accompagnée d'un exposé des diligences auxquelles l'huissier a procédé et des difficultés d'exécution, ont pour objet non d'habiliter le préfet à porter une appréciation, qui n'appartient qu'à l'huissier, sur la nécessité de demander le concours de la force publique, mais de l'éclairer sur la situation et sur les risques de troubles que l'expulsion peut comporter ;

Considérant que le ministre soutient que le juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit, eu égard aux dispositions précitées de l'article 50 du décret du 31 juillet 1992, en jugeant que le refus d'accorder le concours de la force publique en vue de l'exécution de la décision de justice rendue en faveur de la société Orly Parc engageait la responsabilité de l'Etat, alors que les diligences accomplies par l'huissier chargé de cette exécution n'établissaient pas l'existence de difficultés d'exécution, du fait que certaines de ces formalités avaient été accomplies au cours de la période du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l'année suivante pendant laquelle les dispositions de l'article L. 613-3 du code de la construction et de l'habitation imposent de surseoir aux mesures d'expulsion forcée ; que toutefois les dispositions invoquées par le ministre ne sauraient être interprétées comme permettant à l'Etat de se prévaloir de l'absence de justification, par l'huissier qui a accompli les diligences, de la nécessité de recourir à la force publique pour échapper à sa responsabilité au titre du rejet d'une réquisition ; que, par suite, le juge des référés n'a pas commis l'erreur de droit qui lui est reprochée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la société Orly Parc et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Orly Parc une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et à la société Orly Parc.