CA Paris, 4e ch. B, 7 octobre 2005, n° 05/03956
PARIS
Arrêt
Confirmation
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 14 novembre 2001,
Vu l'arrêt de la présente cour d'appel en date du 15 octobre 2004 (auquel il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure) qui a donné acte à M. L et à la société SODIFAG de ce qu'ils renoncent à demander la nullité des revendications 1, 2 et 3 du brevet n° 95 11183, délivré le 17 octobre 1997 à la société AGROSOL, confirmé en conséquence le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en nullité de ces revendications et, sur le bien fondé de la demande en contrefaçon, sursis à statuer, et ordonné le renvoi de l'affaire à une audience de procédure afin que les intimés précisent quelle est la fonction de la " colonne de gazéification " figurant sur le dispositif saisi,
Vu les dernières écritures en date du 12 avril 2005 de la société AGROSOL, appelante, aux termes desquelles elle demande de :
- constater qu'il y a bien similitude entre le dispositif breveté de l'appareil conçu par la société AGROSOL et celui de la société SODIFAG et de M. L,
- la dire recevable et bien fondée en son appel principal,
- infirmer le jugement en ce qu'il a refusé de reconnaître l'existence d'une contrefaçon ainsi que d'une concurrence déloyale, préjudiciables à la société AGROSOL,
- débouter M. L et la société SODIFAG de l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions ainsi que de leur appel incident,
en conséquence,
- dire que M. L et la société SODIFAG se sont rendus coupables de contrefaçon des revendications 1 à 3 du brevet n° 95-11-183,
- dire qu'ils se sont rendus coupables de concurrence déloyale,
- déclarer nul et de nul effet le certificat d'utilité n° 99-07-704 déposé le 3 juin 1999 auprès de l'INPI par M. L pour défaut d'activité inventive lequel est purement et simplement dépourvu de toute valeur juridique,
- constater que M. L n'a jamais sollicité l'inscription au Registre National des Brevets en application de l'article L. 613-27 du Code de la propriété intellectuelle et en tirer toutes les conséquences,
- ordonner la destruction devant huissier ou la confiscation et la remise à la société AGROSOL des carbonateurs contrefaisants se trouvant, directement ou indirectement, par toute personne physique ou morale interposée entre les mains de M. L et de la société SODIFAG, ce sous astreinte de 8.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- ordonner la cessation de tous actes de contrefaçon et ce, sous astreinte de 8.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- s'entendre la cour se réserver la liquidation des astreintes ainsi ordonnées,
- condamner in solidum M. L et la société SODIFAG à verser à la société AGROSOL la somme de 163 808,09 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon, commis depuis temps non prescrit, jusqu'à la fin de l'année 2001 sauf à parfaire, ainsi que celle de 163 808,09 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des actes de concurrence déloyale, commis depuis temps non prescrit, jusqu'à la fin de l'année 2001 sauf à parfaire,
- dire néanmoins que pour la détermination de l'entier préjudice subi par la société AGROSOL, il sera tenu compte des faits commis jusqu'à la date de la décision définitive à intervenir,
- au besoin et si nécessaire, à titre subsidiaire, ordonner une mesure d'expertise judiciaire avec désignation d'un expert lequel aura pour mission de comparer les deux appareils litigieux, c'est à dire celui saisi et celui bénéficiant d'une invention brevetée, relever leurs ressemblances substantielles (pompes de surpression+colonne de gazéification+ballon spécial dont de rôle est de produire de l'eau gazéifié en instantané) susceptibles d'exister entre eux en s'aidant des photographies prises par l'huissier instrumentaire lors de la saisie contrefaçon pratiquée dans les locaux de l'UCAAB, éclairer la cour sur les faits de contrefaçon alléguée et déterminer avec précision l'ampleur du préjudice subi par la concluante, du fait de l'existence de la contrefaçon et des actes de concurrence déloyale en découlant,
- autoriser la société AGROSOL à faire publier l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues de son choix et aux frais in solidum de M. L et de la société SODIFAG et, au besoin, à titre de complément de dommages et intérêts, le coût de chaque insertion étant fixé à la somme de 4 573,47 euros HT,
- condamner in solidum M. L et la société SODIFAG à verser à la société AGROSOL une indemnité de 10 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon et les frais d'expertise, dont le montant pourra être recouvré par la SCP GRAPOTTE BENETREAU, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Par leurs dernières écritures du 6 janvier 2005, M. L et la société SODIFAG demandent à la cour de :
- les recevoir en leur appel incident,
- confirmer le jugement du 14 novembre 2001 du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il déboute la société AGROSOL de ses demandes, fins et conclusions,- donner acte aux concluants de leurs renonciation à demander la nullité des revendications 1, 2 et 3 du brevet d'invention n° 95 111 83,
- condamner la société AGROSOL à payer à la société SODIFAG la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et à M. L celle de 5 000 euros à ce même titre,
- condamner la société AGROSOL à payer à la société SODIFAG et à M. L la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés directement par la SCP REGNIER BEQUET en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
I - Sur la contrefaçon des revendications 1, 2 et 3 du brevet n° 95-11183 déposé le 19 septembre 1995 par le dispositif, objet de la saisie-contrefaçon
Considérant qu'il est constant que le dispositif saisi le 29 juillet 1996 n'est pas identique à celui objet du certificat d'utilité puisque la " colonne de gazéification " n'existe plus dans le titre déposé par M. L ; que sera ainsi seulement analysé le dispositif objet de la saisie, le certificat d'utilité faisant l'objet d'une demande en nullité qui sera examinée ci-après ;
Considérant qu'il a déjà été souligné dans l'arrêt en date du 15 octobre 2004 que le dispositif de carbonatation de l'eau en instantané, objet du brevet, protégeait en sa revendication 1, " l'incorporation, sur un circuit de déviation d'une installation d'eau courante ", des moyens suivants :
- un dispositif mélangeur où l'eau est additionnée de dioxyde de carbone sous pression contenu dans un réservoir de stockage,
- en amont de ce dispositif mélangeur, une pompe,
- en aval du dispositif mélangeur, un bassin de stockage de l'eau carbonatée sous pression, relié à un circuit de distribution,
- une électrovanne intercalée entre le réservoir de stockage et le dispositif mélangeur,
- une électrovanne intercalée entre la pompe et le dispositif mélangeur, le fonctionnement de ces électrovannes étant asservi à la pompe dont le fonctionnement est lui-même asservi à un pressostat contenu dans le bassin de stockage, ces électrovannes et pressostat ayant pour fonction de permettre l'arrivée de CO2 suivant les besoins, le dispositif de distribution d'eau s'effectuant de manière instantanée ;Considérant que le procès-verbal de saisie-contrefaçon et les photographies annexées montrent que, contrairement à ce qu'ont dit les premiers juges, le dispositif de la société SODIFAG comporte un dispositif mélangeur (encore appelé colonne de gazéification) qui n'existe pas dans le certificat d'utilité ;
Qu'ainsi, l'appareil, objet de la saisie, comporte comme dans le dispositif du brevet :
- un mélangeur dans lequel le CO2 se dissout dans l'eau qui se gazéifie,
- une pompe de surpression, qui envoie l'eau dans le mélangeur,
- un dispositif de stockage de l'eau gazéifiée qui est lié au circuit de distribution ;
Qu'il en diffère toutefois en ce que :
- l'arrivée de CO2 a lieu en amont de la pompe et non pas en aval, ce qui, selon les intimés, assure un fonctionnement tout à fait autre du dispositif,
- le pressostat est absent du ballon de stockage, la commande de la pompe étant réalisée par un compteur à impulsion ; Considérant que les intimés soutiennent principalement que la carbonation s'effectue au niveau de la pompe et non au niveau du dispositif mélangeur et que le remplacement du pressostat par un compteur d'eau à tête émettrice permet d'avoir des dosages plus rigoureux du gaz, quelque soit le débit instantané d'eau ;
Qu'ils ajoutent que les deux dispositifs différent en ce que celui d'AGROSOL est monté en série alors que le leur est monté en parallèle et qu'en outre, le système, objet du brevet, nécessite un bassin de stockage très volumineux à la différence de leur dispositif ;
Considérant, cela exposé, que le dispositif protégé par le brevet ne porte pas sur un système de montage ; qu'il n'est nullement indiqué en quoi un montage en parallèle donnerait une fonction nouvelle au dispositif argué de contrefaçon ; que dans les deux cas, le dispositif est relié à un système d'alimentation en eau et comporte à sa sortie un circuit de distribution, ainsi qu'un dispositif mélangeur qui est bien situé sur un " circuit de déviation " par rapport à l'installation d'eau ; que le montage en parallèle invoqué n'induit aucune différence dans le fonctionnement défini par le brevet ;
Considérant que si, comme le font observer ajuste titre les intimés, le système d'injection du CO2 en amont de la pompe peut entraîner des effets différents de ceux résultant de l'injection de CO2 en aval du dispositif mélangeur, dans la mesure où le mélange du gaz et de l'eau se ferait au niveau de la pompe, tel n'est pas le cas dans le dispositif objet de la saisie, puisque le mélange eau/gaz a lieu dans la colonne de gazéification, la pompe ayant toujours pour fonction d'envoyer en surpression dans cette colonne l'eau (additionnée en l'occurrence de CO2, mais non encore gazéifiée) ; que dès lors que la combinaison des moyens reproduits assure la même fonction et a un résultat identique (distribuer de l'eau gazéifiée en instantané), il est en conséquence indifférent que l'injection de CO2 ait été effectuée avant la pompe ;
Considérant que le tribunal a retenu que le pressostat remplissait une fonction essentielle dans le dispositif de la société AGROSOL puisqu'il détectait la baisse de pression dans le bassin lors d'une consommation d'eau carbonatée et commandait la remise en marche de la pompe en vue du maintien du niveau en eau carbonatée du bassin de stockage et que ce moyen n'était pas reproduit dans le dispositif de la société SODIFAG ;
Mais considérant que la fonction de commande assurée par ce pressostat est dans le dispositif argué de contrefaçon remplie par un autre moyen qui est connu en soi ; qu'il est en effet nécessaire d'avoir un dispositif de commande qui, en l'espèce, est constitué par un compteur à impulsion lié à la pompe et qui a également pour fonction de mettre la pompe en route dès qu'il est nécessaire d'envoyer du gaz carbonique ; qu'il s'agit en conséquence d'un moyen équivalent à celui du brevet ;
Considérant que, dès lors que le dispositif de la société SODIFAG comporte la combinaison des moyens exposés à la revendication 1 soit de manière identique soit de manière équivalente, il en constitue la contrefaçon, étant en l'espèce indifférent que le bassin de stockage ait une taille moins importante que celui du brevet, la taille de ce bassin de stockage variant en fonction de l'importance de la distribution de l'eau ; que le jugement sera donc réformé en ce qu'il a débouté la société AGROSOL de cette demande ;
Considérant que la revendication 2 est ainsi rédigée : " dispositif selon la revendication 1 caractérisé en ce que le dispositif mélangeur est équipé de plots magnétiques permettant une magnétisation de l'eau à son passage " ;
Considérant que les photographies annexées au procès-verbal de saisie-contrefaçon montrent distinctement que sur la colonne de gazéification se trouvent également des plots magnétiques qui ont pour fonction de freiner l'eau qui arrive en surpression afin de favoriser la gazéification ; qu'il n'est pas d'ailleurs présenté d'observations sur ce point par les intimés qui se contentent de se référer au certificat d'utilité dans laquelle la colonne a été supprimée ; que cette revendication est en conséquence reproduite par le dispositif saisi ;
Considérant que la revendication 3 concerne un dispositif selon les revendications 1 ou 2 caractérisé en ce que la pompe est munie d'un palpeur inhibant le fonctionnement de la pompe lorsque la pression est trop basse ; que ce palpeur n'existe pas sur le dispositif de la société SODIFAG ; qu'en conséquence, en l'absence de cette caractéristique, la contrefaçon de cette revendication n'est pas établie ; que le jugement sera sur ce point confirmé ;
II - Sur les actes de commercialisation
Considérant que les intimés exposent que le dispositif objet de la saisie-contrefaçon n'est qu'un prototype qui ne saurait en conséquence entraîner une condamnation pour contrefaçon en application de l'article L. 613-5 b) du Code de la propriété intellectuelle ; que la société AGROSOL soutient tout au contraire que les intimés ont fait des propositions de commercialisation de ce dispositif et qu'en conséquence, la fabrication a été effectuée non pas seulement à titre d'essai mais en vue d'une commercialisation ;
Considérant que suivant l'article L. 613-5 b) du CPI susvisé, " les droits conférés par le brevet ne s'étendent pas...... aux actes accomplis à titre expérimental qui portent sur l'objet de l'invention " ;
Considérant que la dérogation apportée au monopole du brevet est d'interprétation stricte et ne peut s'appliquer qu'aux seuls actes expérimentaux qui ont pour objet de participer à la vérification de l'intérêt technique de l'invention ou à son développement aux fins de faire progresser la connaissance mais non à des actes à visée commerciale ;
Considérant que, si le dispositif contesté à été mis gratuitement à la disposition de l'UCAAB (Union Coopérative Agricole pour l'Alimentation du bétail) et s'il a été précisé que des mises au point pouvaient être effectuées pour permettre un dosage du CO2, ces mises au point ne constituaient qu'une amélioration éventuelle pour satisfaire le client et non pas une vérification substantielle du produit ; qu'au surplus, il est établi par la société AGROSOL qu'à tout le moins un agriculteur M. P a été démarche au 4(ème) trimestre 1995 par la société SODIFAG pour l'installation d'un carbonateur ; que les autres documents versés aux débats par la société AGROSOL (attestation de M. H et de la société SANITEC) sont trop imprécis sur l'identité des dispositifs concernés et ne peuvent être retenus à charge contre la société SODIFAG ;
Considérant qu'ainsi, le dispositif, objet de la saisie, mis à la disposition de l'UCAAB ne constituait pas un simple prototype expérimental mais procédait d'un acte à visée commerciale ; que les intimés ne peuvent se prévaloir de l'exception de l'article L. 613-5 b) du CPI ; qu'il sera précisé que seule la société SODIFAG est tenue responsable des actes de contrefaçon commis, M. L étant seulement salarié de la société ;
III - Sur la réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon
Considérant que compte tenu des éléments de preuve ci-dessus rapportés, le préjudice résultant des actes de contrefaçon consistent essentiellement dans le trouble apporté au titulaire des droits, le préjudice commercial étant très limité, n'étant pas démontré que l'appareil, conforme à la saisie, aurait fait l'objet de facturations ; qu'il sera alloué en réparation du préjudice subi la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à la société AGROSOL ;
Considérant qu'il sera fait droit aux mesures d'interdiction sous astreinte précisée dans les termes du dispositif ci-dessous énoncé, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte ; que les mesures de destruction ou de confiscation ne sont pas nécessaires ; que la publication de l'arrêt n'est pas appropriée compte tenu de la commercialisation limitée du dispositif contrefaisant ;
IV - Sur la demande en nullité du certificat d'utilité enregistré à l'INPI le 3 juin 1999 sous le n° 99-07-704
Considérant que la société AGROSOL, qui, toutefois, n'expose pas dans ses dernières écritures sur quel fondement la validité de ce certificat est contesté, si ce n'est dans le dispositif " pour absence d'activité inventive " conclut à sa nullité, soutenant que :
- le certificat d'utilité ne nécessite pas l'établissement d'un rapport de recherche, ce qui évitait en l'espèce de mettre en évidence que la revendication 1 " fait bel et bien partie intégrante de la revendication 1 du brevet d'invention de la société AGROSOL ",
- M. L et la société SODIFAG ont " avoué que l'invention protégée est dénuée de toute activité inventive, qu'elles ne constituerait qu'un perfectionnement au brevet n° 95 11 183 et que " perfectionner c'est contrefaire " ;
Qu'elle ajoute que le tribunal, qui a dit que " l'activité inventive du certificat d'utilité " est suffisamment caractérisée, n'a pas tiré les conséquences des éléments ci-dessus rappelés, " en conférant à ce certificat, une portée juridique que celui-ci ne saurait avoir, par rapport au brevet de la société AGROSOL, tant par sa nature même (absence de recherche d'antériorité) que par sa date de délivrance largement postérieure à l'obtention du brevet, et, se référant au rapport d'expertise non contradictoire qu'elle verse aux débats, soutient que " l'appareil SODIFAG du certificat d'utilité est une copie conforme de celui de la société AGROSOL (hormis la disparition de la colonne) puisque l'on y retrouve les deux autres éléments essentiels de l'invention : pompe et ballon, le but étant de fabriquer de façon instantanée de l'eau gazéifiée sur site en l'adaptant à la demande de consommation d'eau gazéifiée provoquée en aval et que l'application est donc identique ;
Considérant que le certificat d'utilité dont la validité est contestée est relatif à un " dispositif pour dissoudre du gaz carbonique dans l'eau " ; qu'il est indiqué dans la description que ce dispositif permet de dissoudre du CO2 dans l'eau tout en dosant sa concentration avec précision et que dans ce dispositif :
- le gaz est dispersé dans le liquide par une pompe centrifuge qui assure en même temps l'homogénéité du mélange sortant de l'appareil,
- le gaz est injecté à l'aspiration de la pompe (1) ce qui provoque une cavitation le dispersant en très fines bulles entraînant sa dissolution immédiate,
- la pompe refoule l'eau chargée en CO2 dans le réservoir d'homogénéisation (2) d'où elle part vers le circuit d'utilisation,
- se trouvent disposés des moyens de régulation entre quantité de CO2 injectée et volume d'eau à traiter (compteur d'eau à tête émettrice qui en fermant un contact électrique pour un volume prédéterminée, déclenche l'ouverture d'une électrovanne qui permet l'injection du CO2 sous pression, la durée de cette injection étant déterminée par un temporisateur dont le réglage permet de quantifier le volume de gaz admis à chaque impulsion) ;
Considérant que ce certificat d'utilité comporte deux revendications ainsi rédigées :
revendication 1 : dispositif permettant la dissolution de gaz carbonique (CO2) dans l'eau en utilisant la cavitation produite par une pompe,
revendication 2 : dispositif selon la revendication 1 caractérisé en ce que la concentration de CO2 est parfaitement définie grâce à un compteur d'eau à tête émettrice qui permet d'asservir la quantité de gaz injectée au volume d'eau qui traverse l'appareil ;
Considérant que, dans le dispositif protégé par le certificat d'utilité, la dissolution de gaz carbonique s'effectue en utilisant la cavitation produite par une pompe à la différence de celui de la société AGROSOL qui a lieu dans une colonne indépendante de la pompe, qualifiée dans son brevet de dispositif mélangeur (encore appelé colonne de gazéification) ;
Considérant que la société AGROSOL ne peut être suivie dans son argumentation selon laquelle le certificat d'utilité aurait de l'aveu de ses contradicteurs été un perfectionnement de son brevet ; qu'en effet, d'une part, rien ne permet de reconnaître l'existence d'un tel aveu, d'autre part, elle même a insisté sur le rôle essentiel de cette colonne de gazéification, un tel mélange qui serait effectué au niveau de la pompe entraînant des dysfonctionnements du système, mettant ainsi en évidence que, l'homme de l'art, compte tenu de ses connaissances ne pouvait être que dissuadé de parvenir au dispositif proposé par le certificat d'utilité qui supprime du dispositif le mélangeur que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en nullité de ce certificat d'utilité, étant au surplus ajouté qu'il ne peut être fait aucun grief à l'inventeur d'avoir choisi de déposer un certificat d'utilité au lieu d'un brevet ;
V - Sur la concurrence déloyale
Considérant que le tribunal a débouté la société AGROSOL de la demande formée à ce titre en relevant que M. L, ancien salarié n'était lié par aucune clause de non-concurrence et que le dispositif mis en place par M. L exploité dans les locaux de l'UCAAB au mois de juillet 1996 n'était pas le même que celui breveté ;
Considérant qu'en appel, la société AGROSOL réitère que son ancien employé n'était certes pas lié par une clause de non concurrence mais qu'il reste tenu d'un devoir de loyauté ; que le fait de développer, voire de capter une savoir-faire obtenu chez son ancien employeur, au sein d'une entreprise concurrente, est un procédé contraire aux usages loyaux du commerce ; qu'elle expose encore que la société SODIFAG, par l'intermédiaire de M. F, agent commercial de la société AGROSOL a démarché les clients de la société AGROSOL ;
Considérant que M. L a été licencié pour motif économique le 16 octobre 1995 avec un mois de préavis par la société AGROSOL ; qu'en travaillant dans une société concurrente, à la mise au point d'un dispositif conforme au brevet de son ancien employeur, il a manqué aux usages loyaux du commerce, ne se contentant pas de mettre en oeuvre le savoir-faire acquis dont il ne peut faire abstraction mais en cherchant, par une copie, à transmettre à une société concurrente les recherches effectuées par son ancien employeur ; que la société SODIFAG qui savait que M. Lprovenait d'une entreprise concurrente s'est non seulement rendu coupable d'actes de contrefaçon mais également d'actes de concurrence déloyale en utilisant, avec la complicité de M. L, le travail et les investissement fournis par son concurrent ;
Considérant que les autres griefs de concurrence déloyale formés à l'encontre de la société SODIFAG, liés notamment au comportement de M. F, ne sont pas suffisamment établis pour caractériser des actes de concurrence déloyale, n'étant pas démontré que les agissements reprochés à M. F, alors lié à la société AGROSOL, auraient été connus de la société SODIFAG ; que ces griefs seront donc écartés ;
Considérant, en conséquence, que le préjudice lié aux actes de concurrence déloyale n'a pas, contrairement à ce qui est prétendu par la société AGROSOL, des conséquences graves ; que notamment, la société SODIFAG ne saurait être rendue responsable d'une résiliation d'un contrat d'exclusivité conclu avec la société SANITEC OCENE le 10 septembre 1997, aucun document ne prouvant qu'à une période proche de cette date, la société SODIFAG aurait eu un comportement déloyal à l'égard de la société AGROSOL (les attestations mises aux débats étant pour la plupart relatives au comportement de M. F et les autres étant imprécises sur la nature du produit visé) ;
Considérant que compte tenu de ces circonstances, la cour estime avoir des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à la somme de 8.000 euros le montant du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale imputables à M. L et à la société SODIFAG ;
Considérant qu'eu égard à la décision rendue par la cour, l'appel incident formé par les intimés pour obtenir des dommages et intérêts en raison de la procédure qui aurait été diligentée de manière purement abusive sera rejeté et le jugement confirmé de ce chef ;
Considérant que le jugement sera réformé en ce qu'il a alloué une indemnité à M. L et à la société SODIFAG au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que l'équité commande d'allouer à la société AGROSOL à ce titre la somme de 7.000 euros à la charge in solidum de M. L et de la société SODIFAG ;
Considérant que M. L et la société SODIFAG qui succombent pour la plus grande part devront supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, étant précisé que ces dépens ne pourront inclure les frais de saisie-contrefaçon et d'expertise diligentée à l'initiative de la société AGROSOL, ces frais n'étant pas inclus dans les dépens tels que précisés à l'article 695 du nouveau Code de procédure civile mais constituant des frais irrépétibles pris en compte pour l'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ci-dessus allouée ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement sauf sur les dépens, l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et en ce qu'il a rejeté la demande en contrefaçon des revendications 1 et 2 du brevet n° 95 11183 et la demande en concurrence déloyale ;
Le réformant de ces chefs et statuant à nouveau,
Dit que le dispositif saisi dans les locaux de l'UCAAB reproduit les revendications 1 et 2 du brevet n° 95 11183 ;
Condamne la société SODIFAG en raison de ces actes de contrefaçon à payer à la société AGROSOL la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Dit que la société SODIFAG et M. L ont commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société AGROSOL ; Les condamne in solidum de ce chef au paiement de la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts à la société AGROSOL ;
Fait interdiction à la société SODIFAG de poursuivre des actes de contrefaçon sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée passé le délai de quinzaine de la signification de l'arrêt ;
Dit que la cour se réserve la liquidation de l'astreinte ;
Condamne in solidum M. L et la société SODIFAG à payer à la société AGROSOL la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne in solidum M. L et la société SODIFAG aux entiers dépens ;
Autorise la SCP GRAPOTTE-BENETREAU, avoué, à recouvrer les dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.