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Décisions

Cass. com., 9 mars 1999, n° 96-16.559

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Leclercq

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Defrénois et Levis, Me Choucroy

Paris, du 16 avr. 1996

16 avril 1996

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, poursuivis en remboursement de divers découverts sur des comptes personnels et d'entreprises par la Banque de Neuflize Schlumberger Mallet, M. X... et son épouse, celle-ci en qualité de caution, ont invoqué reconventionnellement la responsabilité de la banque pour rupture abusivement brutale des crédits, et ont contesté les décomptes en soutenant qu'ils incluaient des intérêts calculés sur un taux unilatéralement fixé par la banque et hors des exigences prévues par la loi du 28 décembre 1966 ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. et Mme X... et la SCI Paradis font grief à l'arrêt du rejet de leurs prétentions sur la faute de la banque dans la rupture de leurs relations, alors, selon le moyen, d'une part, qu'ils avaient, dans leurs conclusions devant la cour d'appel, rappelé que la banque avait manifesté un brusque volte-face puisque après avoir, dans une lettre du 13 janvier 1992, offert de porter l'ouverture de crédit à 50 000 000 de francs avec garantie d'une prise d'hypothèque sur l'immeuble du Faubourg Saint-Honoré, elle avait, sans attendre de réponse, envoyé des lettres de rupture le 5 février 1992 et consommé cette rupture bien que cette garantie lui ait été accordée, jetant ainsi le discrédit sur un client avec lequel des relations stables duraient depuis plus de quarante ans et le mettant en difficultés ; qu'en s'abstenant de prendre en considération ces circonstances faisant apparaître le manque de loyauté et de bonne foi de la banque qui, sous couvert d'exigences de garanties, avait entendu rompre avec un client sans avoir égard à l'atteinte portée à sa réputation et aux difficultés résultant de la rupture de quarante années de relations bancaires, l'arrêt attaqué a ainsi : 1° entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1147 du Code Civil ; 2° omis de se prononcer sur les conclusions invoquant expressément ces circonstances ; et alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué, qui se borne à déclarer " normal "le délai de préavis (deux mois pour les sociétés commerciales, huit jours pour la SCI et M. X...) sans vérifier si la durée exceptionnelle des relations entre la banque et son client et le montant élevé des découverts accordés n'auraient pas imposé un délai plus long, a encore entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les pourparlers n'ont pas abouti en raison du refus opposé par M. X... aux propositions, non excessives, de garanties de la banque et de la formulation par lui de contre-propositions substantiellement différentes, non acceptées par la banque ; que la cour d'appel en a déduit que la banque n'a pas commis d'abus en rompant ensuite les relations avec ses interlocuteurs, après leur avoir laissé des délais de préavis raisonnables ; que l'arrêt est ainsi légalement justifié et répond aux conclusions prétendument omises ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme X... et la SCI Paradis font grief à l'arrêt du rejet de leurs prétentions sur l'omission de convention écrite et préalable sur le montant des taux d'intérêt pratiqués à leur égard, alors, selon le pourvoi, que, pour la période antérieure au 10 septembre 1985 l'arrêt attaqué ne pouvait admettre que les titulaires de compte auraient accepté tacitement les taux d'intérêts pratiqués par la banque sans constater que ce taux avait fait l'objet d'une mention ou information susceptible d'attirer leur attention et leur approbation consciente ; qu'à défaut d'une telle constatation, l'arrêt attaqué a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1907 du Code civil ;

Mais attendu qu'en retenant que les titulaires du compte ont accepté tacitement les taux d'intérêts pratiqués par la banque sur les découverts en comptes avant l'entrée en vigueur du décret du 4 septembre 1985, en recevant sans protestation ni réserve les relevés qui leur étaient adressés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ;

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 1907 du même Code, les articles 4 de la loi du 28 décembre 1966 et 2 du décret du 4 septembre 1985 ;

Attendu que, pour rejeter la prétention de M. et Mme X... et la SCI Paradis sur l'omission par la banque de la fixation écrite du taux effectif global appliqué pour le calcul des intérêts postérieurement au 30 juin 1989, en ce qui concerne M. X... et postérieurement au 30 septembre 1989, en ce qui concerne la SCI, l'arrêt retient qu'à partir de ces dates les titulaires des comptes avaient reçu régulièrement des tickets d'agios précisant les taux pratiqués et qu'ils les avaient tacitement acceptés ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans préciser si les tickets d'agios ainsi reçus sans protestation ni réserve comportaient indication d'un taux effectif incluant globalement l'incidence de tous frais et commissions, et s'ils comportaient des indications suffisamment exemplaires pour informer exactement et préalablement les titulaires sur le taux effectif global des opérations postérieures, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du second moyen ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le montant des condamnations prononcées contre M. et Mme X..., et la SCI Paradis, en tenant compte d'intérêts à un taux supérieur au taux légal à compter des 30 juin et 30 septembre 1989, l'arrêt rendu le 16 avril 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.