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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 9 février 2016, n° 15/00217

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Affi Plus (SARL)

Défendeur :

Transports Deycard (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseiller :

Mme Wagenaar

Avocat :

Me Labat-Carrere

T. com. Bordeaux, du 3 nov. 2014, n° 201…

3 novembre 2014

FAITS ET PROCEDURE

Les sociétés Transports Deycard et Affi Plus étaient liées depuis le 6 mai 2013 par un contrat d'emplacement publicitaire, pour l'installation d'un dispositif publicitaire sur le terrain de la société Transports Deycard.

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de cette dernière société par jugement du 28 août 2013 du tribunal de commerce de Bordeaux.

Puis, par jugement du 16 octobre suivant, le tribunal a ordonné la cession des biens immobiliers et éléments corporels et incorporels du fonds de commerce de la société Transports Deycard au profit de la société Transports Cazaux.

Le liquidateur ne pouvant obtenir résiliation amiable du contrat d'emplacement publicitaire signé avec la société Affi Plus a déposé requête en ce sens auprès du juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société Transports Deycard.

Le juge-commissaire, par ordonnance du 12 février 2014, a constaté la résiliation de pleindroit du contrat de location d'emplacement publicitaire.

Par jugement du 3 novembre 2014, le tribunal de commerce de Bordeaux, saisi par la société Affi Plus d'un recours contre cette décision, a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire.

Par déclaration du 13 janvier 2015, la société Affi Plus a interjeté appel de cette décision.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 9 avril 2015, auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses moyens et arguments, la société Affi Plus demande à la cour de :

Réformer en son intégralité le jugement rendu par le Tribunal de commerce en date du 03 novembre 2014,

Et statuant de nouveau,

Vu l'article L641-11-1 IV du code de commerce

Dire et Juger que la résiliation du contrat de location d'emplacement n'est pas nécessaire aux opérations de liquidation de la société TRANSPORTS DEYCARD,

Dire et Juger que la résiliation du contrat de location d'emplacement entraînerait une atteinte excessive aux droits de la société AFFI PLUS,

En conséquence,

Dire et juger n'y avoir pas lieu à résiliation.

Partant,

Rappeler l'opposabilité du contrat de location au nouveau propriétaire de l'immeuble.

Condamner la SELARL MALMEZAT-PRAT ès qualité au paiement d'une indemnité de 2.500 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner la SELARL MALMEZAT-PRAT ès qualité aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL CBS AVOCATS en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure Civile.

Outre les diverses demandes reprises intégralement ci-dessus de « dire que » ou « rappeler », qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, la société Affi Plus fait en sus valoir que le contrat de bail d'emplacement dont s'agit n'emporte aucune obligation active de la part de la société liquidée, et peut être opposé au cessionnaire ; que la résiliation entraînerait un préjudice économique conséquent pour la société Affi Plus alors qu'elle n'a commis aucune faute.

Par conclusions déposées le 9 juin 2015, auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses moyens et arguments, la société Malmezat-Prat, ès qualité de mandataire liquidateur de la société Transports Deycard, demande à la cour de :

Dire et juger irrecevable comme tardif en application de l'article R 661 ' 3 alinéa 1 du code de commerce, l'appel formé par la société AFFI PLUS à l'encontre du jugement du tribunal de commerce en date du 3 novembre 2014 statuant sur opposition à l'ordonnance du Juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société TRANSPORTS DEYCARD du 12 février 2014,

En toutes hypothèses,

Dire et juger mal fondée la société AFFI PLUS en son appel,

Confirmer en conséquence le jugement du tribunal de commerce en date du 3 novembre 2014 statuant sur opposition à l'ordonnance du Juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société TRANSPORTS DEYCARD du 12 février 2014,

En conséquence,

Prononcer la résiliation du contrat de location d'emplacements conclu entre la société TRANSPORTS DEYCARD et la société AFFI PLUS le 6 mai 2013, en application de l'article L 641-11-1.IV du code de commerce dont les conditions sont réunies,

Y ajoutant,

Condamner la société AFFI PLUS à payer à la SELARL MALMEZAT ' PRAT ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL TRANSPORTS DEYCARD la somme de 2000 à titre d'indemnité sur le fondement de l'art. 700 au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le liquidateur fait notamment valoir :

Sur l'irrecevabilité de l'appel, que le délai d'appel est en cette matière de 10 jours à compter de la notification de la décision en application des dispositions de l'article R. 661-3 du code de commerce ; que la société Affi Plus a relevé appel par déclaration du 13 janvier 2015 du jugement qui lui a été signifié le 24 décembre 2014 ;

Sur le fond, que l'article L. 641-11-1. IV du code de commerce institue un régime spécifique des contrats en cours en phase liquidative, qui relève des prérogatives du liquidateur ; que les conditions du texte sont réunies ; que la résiliation est effectivement nécessaire, et même imposée ; que la résiliation ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant ; que la société Affi Plus n'est pas titulaire d'un droit réel opposable à la procédure collective ;

Par ordonnance du 3 novembre 2015, le conseiller de la mise en état a débouté la société Malmezat-Prat de sa demande formalisée par incident de la mise en état, tendant à voir déclarer l'appel irrecevable comme tardif.

Le dossier a été communiqué au Ministère Public, lequel, par mention au dossier du 26 novembre 2015, a déclaré s'en rapporter.

Cet avis a été communiqué aux parties par les soins du greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

La société Malmezat-Prat, mandataire liquidateur de la société Transports Deycard, représente devant la cour sa demande de voir l'appel déclaré irrecevable comme déposé plus de 10 jours à compter de la notification de la décision, au visa des dispositions de l'article R. 661-3 du code de commerce.

Pour autant, il résulte des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ont autorité de la chose jugée au principal.

Ces décisions peuvent alors être déférées en application des dispositions prévues par l'article 916 alinéas 2 du même code.

Or, il apparaît que l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 novembre 2015 rejetant sa demande d'irrecevabilité de l'appel n'a pas été déférée par la société Malmezat-Prat, de sorte qu'elle est désormais revêtue de l'autorité de la chose jugée relativement à la question qu'elle tranche.

La nouvelle demande d'irrecevabilité de l'appel présentée devant la cour par le mandataire liquidateur est en conséquence irrecevable.

Sur le fond

Comme devant le tribunal de commerce, la société Affi Plus conteste la résiliation du contrat prononcée par le juge-commissaire à la demande du mandataire liquidateur.

Il résulte des dispositions de l'article L. 641-11-1 IV du code de commerce, relatif à la résiliation ou résolution des contrats en cours lors du prononcé d'une liquidation judiciaire, que, à la demande du liquidateur et lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

En l'espèce, d'abord, s'agissant de la nécessité de la résiliation, il est constant que le contrat litigieux n'a pas été inclus parmi les contrats nécessaires au maintien de l'activité dans le plan de cession à la société Transports Cazaux, liste arrêtée conformément aux dispositions de l'article L. 642-7 du code de commerce.

Dès lors, la résiliation du contrat conclu avec la société Affi Plus, qui portait sur l'exploitation d'une partie des locaux par ailleurs cédés par le plan de cession, est nécessaire aux opérations de liquidation.

La société Affi Plus n'est pas recevable à contester le périmètre du plan de cession, ni à exiger que le contrat qu'elle avait signé avec la société Transports Deycard soit déclaré opposable au cessionnaire. Il doit être relevé que, contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'est aucunement titulaire d'un droit réel sur l'immeuble cédé et qui serait opposable à la procédure collective.

Ensuite, la société Affi Plus échoue à établir que la résiliation porterait une atteinte excessive à ses intérêts.

En effet, et alors même que le chiffrage du préjudice qu'elle présente est contesté à juste titre par le mandataire liquidateur, les pertes de gains futurs qu'elle met en avant ne portent pas à ses intérêts une atteinte supérieure à celle résultant pour tout cocontractant de la liquidation judiciaire de l'autre partie au contrat.

C'est donc à bon droit et à juste titre que le juge-commissaire a prononcé la résiliation du contrat, et le jugement attaqué sera confirmé dans toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

Les autres demandes présentées par la société Affi Plus et rappelées intégralement ci-dessus, de « constater » ou « dire que » ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile, mais les moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer davantage.

Partie tenue aux dépens d'appel, la société Affi Plus paiera au mandataire liquidateur la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare irrecevable la demande présentée devant la cour par la société Malmezat-Prat, es-qualité de mandataire liquidateur de la société Transports Deycard, tendant à voir déclarer l'appel irrecevable,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Bordeaux le 3 novembre 2014,

Condamne la société Affi Plus à payer à la société Malmezat-Prat, es-qualité de mandataire liquidateur de la société Transports Deycard la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société Affi Plus aux dépens d'appel.