Cass. crim., 22 février 2017, n° 16-82.039
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Avocats :
Me Occhipinti, SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 121-3, 432-12 et 432-17 du code pénal, 388, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. Y... coupable de prise illégale d'intérêts et en répression l'a condamné à une peine de cinq mois d'emprisonnement avec sursis et une amende de 40 000 euros ;
" aux motifs qu'il n'est pas contesté que MM. Y... et X... ont été élus en 2008 au conseil municipal de Lahonce en qualités respectives d'adjoint en charge des travaux, de l'entretien des bâtiments et des voiries, et d'adjoint chargé de l'animation et de la culture ; qu'ils étaient ainsi investis d'un mandat électif public au moment des faits ; que tous deux étaient propriétaires de parcelles de terrain sur la commune classées en zones non constructibles et avaient signalé à l'ancienne équipe municipale leur intention d'obtenir le classement de leurs terrains en zone constructible dès que l'étude d'un nouveau plan local d'urbanisme avait été envisagée au début des années 2000 ; la SOGREAH a ainsi envisagé dans un premier temps de classer le secteur des Artigaux, secteur sur lequel se trouvent les terrains appartenant à MM. Y... et X..., en zone 2AU, soit en zone à urbanisation future ; que M. Z..., adjoint au maire de 2001 à 2008, a expliqué que ce classement était justifié par le fait que d'autres parcelles plus proches du centre bourg n'étaient pas encore urbanisées, et que le plan local d'urbanisme devait lutter contre l'habitat dispersé ; après le changement d'équipe municipale en 2008, la SOGREAH a modifié la proposition de classement du secteur des Artigaux en zone 1AU, soit directement constructible ; dans le même temps, MM. Y... et X... ont chacun engagé des négociations de vente de leurs terrains avant même que le plan local d'urbanisme ne soit approuvé par une délibération du conseil municipal en date du 28 avril 2011 ; qu'ainsi, il ne peut être contesté que MM Y... et X... avaient dès leur élection au conseil municipal en 2008, un intérêt à la modification du plan local d'urbanisme aux fins de rendre constructibles leurs parcelles respectives ce qu'ils n'ont d'ailleurs pas contesté ; que le classement en zone 1AU du secteur des Artigaux ne pouvait résulter que d'une modification du plan local d'urbanisme qui relève d'un vote du conseil municipal, et présentait d'autant moins un caractère automatique ou obligatoire qu'il n'avait pas été envisagé par la SOGREAH dans son projet d'origine ; que le classement en zone 2AU initialement prévu ne permettait pas d'envisager la vente des parcelles, l'urbanisation préalable de parcelles plus proches du bourg et la mise en oeuvre d'une nouvelle modification du plan local d'urbanisme étant de nature à repousser à plus ou moins long terme un tel projet ; qu'en outre, le classement en zone 1AU de la totalité de ces parcelles n'a jamais relevé de l'évidence, à tel point que M. A..., adjoint au maire en charge de l'urbanisme, a indiqué que le plan local d'urbanisme devait être rectifié pour renforcer le corridor biologique à l'ouest du secteur des Artigaux, corridor qui n'avait pas été respecté pour la SAGEC, et que le reste du terrain de M. X... serait classé « espace boisé classé » et donc non constructible ; que M. X... a d'ailleurs lui-même admis qu'il n'était pas question pour lui d'accepter que le classement en zone 1AU puisse ne concerner qu'une partie de sa parcelle et qu'il l'avait fait savoir à M. A...; que la participation de MM. Y... et X... aux délibérations et aux votes des deux conseils municipaux des 27 juillet 2010 et 28 avril 2011 qui ont porté sur l'arrêt du projet de plan local d'urbanisme et son approbation, est constitutive de la prise illégale d'intérêt ; que l'abstention qu'ils ont observée à l'occasion du vote du 28 avril 2011, sans avoir quitté la salle du conseil, témoigne d'ailleurs de la conscience qu'ils avaient acquise des problèmes posés par leur participation active à une décision à laquelle ils avaient un intérêt direct ; que dès lors que ces actes ont été commis sciemment, ce qui ne prête pas à discussion s'agissant de la participation à des délibérations et votes lors de deux conseils municipaux sur des sujets qui avaient été prévus à l'ordre du jour, l'élément moral de l'infraction est caractérisé ; en outre, s'agissant de M. Y..., sa participation à la commission d'urbanisme en qualité de membre qui l'a placé au coeur du processus décisionnel de modification du plan local d'urbanisme, caractérise également une prise illégale d'intérêt ; qu'en conséquence, il convient de réformer la décision déférée et de déclarer MM. Y... et X... coupables du délit de prise illégale d'intérêts qui leur est reproché ;
" 1°) alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux ; qu'en l'espèce, M. Y... a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle en qualité d'auteur du délit de prise illégale d'intérêts pour avoir à Lahonce entre le 27 juillet 2010 et le 28 avril 2011, étant investi d'un mandat électif public, en l'espèce ayant les fonctions de conseiller municipal et adjoint au maire de Lahonce, pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans un opération dont il avait, au moment de l'acte, en tout ou partie la charge d'assurer la surveillance ou l'administration, en l'espèce, en étant présent à deux délibérations numéros 35-2010 et 31-2011 du conseil municipal de Lahonce, arrêtant un projet de plan local d'urbanisme (PLU) puis approuvant ledit PLU, les modificatifs décidées ayant eu pour effet de rendre constructibles des terrains de la commune dont il avait la propriété et qu'il a ultérieurement revendus ; que dès lors, en le déclarant coupable de prise illégale d'intérêts, en retenant à sa charge des faits non compris dans la prévention, à savoir sa participation à la commission d'urbanisme en qualité de membre qui l'a placé au coeur du processus décisionnel de modification du plan local d'urbanisme, et à propos desquels il ne résulte pas de l'arrêt que l'intéressé ait accepté d'être jugé, la cour d'appel a violé les textes susvisés et excédé ses pouvoirs " ;
" 2°) alors que le délit de prise illégale d'intérêts requiert que le prévenu ait, au moment de l'acte, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement de l'opération dans laquelle il a un intérêt ; que le simple fait d'avoir participé à deux délibérations numéros 35-2010 et 31-2011 du conseil municipal de Lahonce, arrêtant un projet de plan local d'urbanisme (PLU) puis approuvant ledit PLU, ne peut suffire à établir que M. Y... avait en charge d'assurer, au moment de l'acte, la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement de l'opération dans laquelle il aurait un intérêt, en sorte que la cour d'appel n'a pu justifier légalement sa décision ;
" 3°) alors que la prise illégale d'intérêt n'est caractérisée que si la personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public a pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ; que cet intérêt n'est pas acquis lorsque la décision incriminée, commandée par les circonstances, aurait été prise, dans la stricte observance des lois et règlements, de toutes façons, avec ou sans participation de la personne à qui on reproche le délit ; que tel est le cas en l'espèce, le reclassement des terres situées sur la zone des Artigaux en zones constructibles, opéré par la révision du PLU, étant commandé par la nécessité d'urbaniser la commune de Lahonce, le faible nombre d'opportunités sur la commune, la situation des lieux et la présence des réseaux à proximité ; qu'en entrant néanmoins en voie de condamnation à l'encontre du prévenu, au seul motif qu'il avait un intérêt dans ce reclassement, mais sans constater que celui-ci allait directement à l'encontre des propres intérêts de la commune, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 4°) alors qu'il ressort de l'article 121-3 du code pénal qu'il n'y a point de crime ou délit sans intention de le commettre ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever la participation du prévenu aux discussions lors des deux conseils municipaux des 27 juillet 2010 et 28 avril 2011 qui ont porté sur la détermination du projet de plan local d'urbanisme et son approbation, sans rechercher s'il avait conscience que cette seule participation à des discussions pouvait constituer l'élément matériel du délit, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale ;
" 5°) alors qu'en relevant, pour entrer en voie de condamnation, que le prévenu avait participé aux délibérations et aux votes des deux conseils municipaux des 27 juillet 2010 et 28 avril 2011 qui ont porté sur l'arrêt du projet de plan local d'urbanisme et son approbation, bien qu'il ressorte des pièces de la procédure qu'il n'a pas participé au vote lors du conseil municipal du 28 avril 2011, la cour d'appel a dénaturé les pièces de la procédure et ainsi privé sa décision de toute base légale " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 111-4, 121-3, 432-12 et 432-17 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de prise illégale d'intérêts et en répression l'a condamné à une peine de 5 mois d'emprisonnement avec sursis et une amende de 40 000 euros ;
" aux motifs qu'il n'est pas contesté que MM. Y... et X... ont été élus en 2008 au conseil municipal de Lahonce en qualités respectives d'adjoint en charge des travaux, de l'entretien des bâtiments et des voiries, et d'adjoint chargé de l'animation et de la culture ; ils étaient ainsi investis d'un mandat électif public au moment des faits ; que tous deux étaient propriétaires de parcelles de terrain sur la commune classées en zones non constructibles et avaient signalé à l'ancienne équipe municipale leur intention d'obtenir le classement de leurs terrains en zone constructible dès que l'étude d'un nouveau plan local d'urbanisme avait été envisagée au début des années 2000 ; que la SOGREAH a ainsi envisagé dans un premier temps de classer le secteur des Artigaux, secteur sur lequel se trouvent les terrains appartenant à MM. Y... et X..., en zone 2AU, soit en zone à urbanisation future ; que M. Z..., adjoint au maire de 2001 à 2008, a expliqué que ce classement était justifié par le fait que d'autres parcelles plus proches du centre bourg n'étaient pas encore urbanisées, et que le plan local d'urbanisme devait lutter contre l'habitat dispersé ; après le changement d'équipe municipale en 2008, la SOGREAH a modifié la proposition de classement du secteur des Artigaux en zone 1AU, soit directement constructible ; que dans le même temps, MM. Y... et X... ont chacun engagé des négociations de vente de leurs terrains avant même que le plan local d'urbanisme ne soit approuvé par une délibération du conseil municipal en date du 28 avril 2011 ; qu'ainsi, il ne peut être contesté que MM. Y... et X... avaient dès leur élection au conseil municipal en 2008, un intérêt à la modification du plan local d'urbanisme aux fins de rendre constructibles leurs parcelles respectives ce qu'ils n'ont d'ailleurs pas contesté ; que le classement en zone 1AU du secteur des Artigaux ne pouvait résulter que d'une modification du plan local d'urbanisme qui relève d'un vote du conseil municipal, et présentait d'autant moins un caractère automatique ou obligatoire qu'il n'avait pas été envisagé par la SOGREAH dans son projet d'origine ; que le classement en zone 2AU initialement prévu ne permettait pas d'envisager la vente des parcelles, l'urbanisation préalable de parcelles plus proches du bourg et la mise en oeuvre d'une nouvelle modification du plan local d'urbanisme étant de nature à repousser à plus ou moins long terme un tel projet ; qu'en outre, le classement en zone 1AU de la totalité de ces parcelles n'a jamais relevé de l'évidence, à tel point que M. A..., adjoint au maire en charge de l'urbanisme, a indiqué que le plan local d'urbanisme devait être rectifié pour renforcer le corridor biologique à l'ouest du secteur des Artigaux, corridor qui n'avait pas été respecté pour la SAGEC, et que le reste du terrain de M. X... serait classé « espace boisé classé » et donc non constructible ; que M. X... a d'ailleurs lui-même admis qu'il n'était pas question pour lui d'accepter que le classement en zone 1AU puisse ne concerner qu'une partie de sa parcelle et qu'il l'avait fait savoir à M. A...; que la participation de MM. Y... et X... aux délibérations et aux votes des deux conseils municipaux des 27 juillet 2010 et 28 avril 2011 qui ont porté sur l'arrêt du projet de plan local d'urbanisme et son approbation, est constitutive de la prise illégale d'intérêt ; que l'abstention qu'ils ont observée à l'occasion du vote du 28 avril 2011, sans avoir quitté la salle du conseil, témoigne d'ailleurs de la conscience qu'ils avaient acquise des problèmes posés par leur participation active à une décision à laquelle ils avaient un intérêt direct ; que dès lors que ces actes ont été commis sciemment, ce qui ne prête pas à discussion s'agissant de la participation à des délibérations et votes lors de deux conseils municipaux sur des sujets qui avaient été prévus à l'ordre du jour, l'élément moral de l'infraction est caractérisé ; qu'en outre, s'agissant de M. Y..., sa participation à la commission d'urbanisme en qualité de membre qui l'a placé au coeur du processus décisionnel de modification du plan local d'urbanisme, caractérise également une prise illégale d'intérêt ; qu'en conséquence, il convient de réformer la décision déférée et de déclarer MM. Y... et X... coupables du délit de prise illégale d'intérêts qui leur est reproché ;
" 1°) alors que le délit de prise illégale d'intérêts requiert que le prévenu ait, au moment de l'acte, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement de l'opération dans laquelle il a un intérêt ; que le simple fait d'avoir participé à deux délibérations numéros 35-2010 et 31-2011 du conseil municipal de Lahonce, arrêtant un projet de Plan Local d'Urbanisme (PLU) puis approuvant ledit PLU, ne peut suffire à établir que M. X... avait en charge d'assurer, au moment de l'acte, la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement de l'opération dans laquelle il aurait un intérêt, en sorte que la cour d'appel n'a pu justifier légalement sa décision ;
" 2°) alors que la prise illégale d'intérêts n'est caractérisée que si la personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public a pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ; que cet intérêt n'est pas acquis lorsque la décision incriminée, commandée par les circonstances, aurait été prise, dans la stricte observance des lois et règlements, de toutes façons, avec ou sans participation de la personne à qui on reproche le délit ; que tel est le cas en l'espèce, le reclassement des terres situées sur la zone des Artigaux en zones constructibles, opéré par la révision du PLU, étant commandé par la nécessité d'urbaniser la commune de Lahonce, le faible nombre d'opportunités sur la commune, la situation des lieux et la présence des réseaux à proximité ; qu'en entrant néanmoins en voie de condamnation à l'encontre du prévenu, au seul motif qu'il avait un intérêt dans ce reclassement, mais sans constater que celui-ci allait directement à l'encontre des propres intérêts de la commune, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 3°) alors qu'il ressort de l'article 121-3 du code pénal qu'il n'y a point de crime ou délit sans intention de le commettre ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever la participation du prévenu aux discussions lors des deux conseils municipaux des 27 juillet 2010 et 28 avril 2011 qui ont porté sur la définition du projet de plan local d'urbanisme et son approbation, sans rechercher s'il avait conscience que cette seule participation à des discussions pouvait constituer l'élément matériel du délit, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale ;
" 4°) alors qu'en relevant, pour entrer en voie de condamnation, que le prévenu avait participé aux délibérations et aux votes des deux conseils municipaux des 27 juillet 2010 et 28 avril 2011 qui ont porté sur l'arrêt du projet de plan local d'urbanisme et son approbation, bien qu'il ressorte des pièces de la procédure qu'il n'a pas participé au vote lors du conseil municipal du 28 avril 2011, la cour d'appel a dénaturé les pièces de la procédure et ainsi privé sa décision de toute base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables du délit de prise illégale d'intérêt, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, la participation, serait-elle exclusive de tout vote, d'un adjoint au maire d'une commune à un organe délibérant de celle-ci, lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt, vaut surveillance ou administration de l'opération au sens de l'article 432-12 du code pénal, d'autre part, l'article 432-12 du code pénal n'exige pas que l'intérêt pris par le prévenu soit en contradiction avec l'intérêt communal, enfin, la participation de M. Y... aux réunions de la commission d'urbanisme fait partie intégrante de ses fonctions d'adjoint au maire, visées par la prévention, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments le délit de prise illégale d'intérêt, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 2, 591, 593 du code de procédure pénale, 432-12 du code pénal, 1382 du code civil, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir déclaré M. Y... coupable de prise illégale d'intérêts, l'a condamné, sur l'action civile, à payer des dommages-intérêts et des frais irrépétibles à M. B..., partie civile ;
" aux motifs que M. B... est propriétaire d'une maison dont le voisin immédiat est M. Y... ; que la construction d'un programme immobilier de 33 logements sur la parcelle vendue par M. Y... dans leur voisinage immédiat constitue un préjudice personnel, direct et certain pour la partie civile de par la modification de son cadre de vie et des troubles de jouissance engendrés dans un secteur jusque-là peu urbanisé ; que sa constitution de partie civile sera donc déclarée recevable et M. Y... sera condamné à lui payer la somme d'1 euro de dommages-intérêts, ainsi que la somme de 2 400 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que ses demandes à l'encontre de M. X... seront en revanche rejetées ;
" alors que le délit de prise illégale d'intérêts, dont l'objectif est la moralisation de la vie publique, n'a aucun lien de causalité avec le prétendu dommage subi par le voisin d'un terrain déclaré constructible par un plan local d'urbanisme, lequel plan de surcroît a été déclaré légal par la juridiction administrative ; que ce lien de causalité est d'autant plus inexistant que le jugement infirmé avait relaxé M. Y... en relevant que, nonobstant sa participation à une délibération du conseil municipal sur la définition du PLU, celui-ci aurait pu être également adopté dans les mêmes conditions ; qu'en accordant à M. B... la réparation d'un prétendu préjudice, qui n'est la conséquence directe que d'un plan local d'urbanisme légal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; que la cassation interviendra sans renvoi " ;
Vu l'article 2 du code de procédure pénale ;
Attendu que selon ce texte, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime ou un délit n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;
Attendu que, pour condamner M. Y... à payer des dommages-intérêts et des frais irrépétibles à M. B..., partie civile, l'arrêt énonce que celui-ci, voisin du prévenu, a subi, du fait de la construction de 33 logements sur la parcelle voisine de la sienne, un préjudice personnel, direct et certain lié à la modification de son cadre de vie et des troubles de jouissance survenus dans un secteur jusque là peu urbanisé ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la construction des logements sur la parcelle du prévenu n'est pas en relation directe avec le délit de prise illégale d'intérêt, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
I-Sur le pourvoi formé par M. X... :
LE REJETTE ;
II-Sur le pourvoi formé par M. Y... :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 18 février 2016, mais uniquement en ses dispositions relatives aux intérêts civils le concernant, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT que la construction des logements sur la parcelle du prévenu n'est pas en relation directe avec le délit de prise illégale d'intérêt ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux février deux mille dix-sept ;