Cass. 1re civ., 14 mars 2018, n° 17-14.440
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. et Mme U. (les acquéreurs) ont acquis un terrain à bâtir, par l’intermédiaire de la Société groupement immobilier Provence (l’agent immobilier), auprès de M. et Mme C. (les vendeurs) ; que le contrat de vente, établi par Mme C., notaire (le notaire), le 16 mars 2007, contient une clause de conciliation-médiation ; que les acquéreurs, alléguant le caractère non constructible du terrain, ont assigné les vendeurs, le notaire et l’agent immobilier en résolution de la vente et indemnisation ; que la société Allianz IARD, assureur de ce dernier, est intervenue volontairement à l’instance ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l’action des acquéreurs, l’arrêt retient le défaut pour eux d’avoir mis en oeuvre avant l’introduction de la procédure la clause de conciliation préalable et obligatoire ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la saisine préalable du conciliateur prévue dans l’acte authentique de vente n’était pas une condition de recevabilité de l’action directe engagée par les acquéreurs contre le notaire, l’agent immobilier et l’assureur de ce dernier, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu’en l’état de la cassation prononcée, la présence des vendeurs s’impose devant la juridiction de renvoi ; que leur demande de mise hors de cause ne peut dès lors être accueillie ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare irrecevable l’action engagée par M. et Mme U., à défaut pour eux d’avoir mis en oeuvre, avant l’introduction de la procédure, la clause de conciliation préalable et obligatoire prévue dans l’acte authentique de vente du 16 mars 2007, l'arrêt rendu le 13 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. et Mme C., la Société groupement immobilier Provence, la société Allianz IARD et Mme C. aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. et Mme U. la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP N., de L. et H., avocat aux Conseils, pour M. et Mme U.
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré irrecevable l’action engagée par les époux U. à l’encontre de Maître C., de la SARL SOGIP et de la société Allianz, à défaut pour eux d’avoir mis en oeuvre, avant l’introduction de la procédure, la clause de conciliation préalable et obligatoire prévue dans l’acte authentique de vente du 16 mars 2007 ;
Aux motifs que « l’acte authentique de vente signé le 16 mars 2007 entre M. et Mme C., vendeurs, et M. Mme U., acquéreurs, prévoit en page 21 une clause dénommée « conciliation – médiation » ainsi rédigée : « En cas de litige, les parties conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre leur différend à un conciliateur désigné, qui sera missionné par le Président de la chambre des notaires. Le président de la chambre pourra être saisi sans forme ni frais. » ; qu’il s’agit d’une clause de conciliation obligatoire et préalable à l’engagement d’une procédure judiciaire, parfaitement licite, dont le champ d’application est sans équivoque, s’agissant de tout litige relatif à l’acte authentique signé (ce qui englobe l’action en résolution de la vente ici engagée) et dont la mise en oeuvre est suffisamment précise puisque le conciliateur est désigné par le président de la chambre des notaires saisi par la partie la plus diligente, sans forme ni frais ; que M. et Mme C. soulèvent en appel l’irrecevabilité de l’action engagée par M. et Mme U. sans avoir respecté préalablement cette clause de conciliation ; qu’aux termes d’un arrêt de chambre mixte du 14 février 2003, la Cour de cassation a jugé que les fins de non-recevoir prévues par les articles 122 et 124 du code de procédure civile n’étaient pas énumérées de manière limitative et que la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dès lors qu’elle est licite, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent ; qu’une telle fin de non-recevoir s’impose au juge, alors même qu’il serait acquis que cette conciliation sera vouée à l’échec ; que depuis un nouvel arrêt de chambre mixte du 12 décembre 2014, il est jugé que la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre d’une clause contractuelle instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge favorisant une solution du litige par le recours à un conciliateur, n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en oeuvre de la clause en cours d’instance ; que c’est donc en vain que M. et Mme U. soutiennent que la situation aurait été régularisée en cours d’instance devant la cour d’appel, avant que celle-ci ne statue, conformément aux prévisions de l’article 126 du code de procédure civile ; qu’il convient en conséquence, constatant que M. et Mme U. n’ont pas respecté la clause de conciliation prévue dans l’acte authentique, licite et suffisamment précise sur son champ d’application et ses modalités de mise en oeuvre, en saisissant le président de la chambre des notaires avant d’engager leur procédure devant le tribunal de grande instance de Draguignan, de déclarer leur action irrecevable » (arrêt attaqué, p. 9) ;
Alors que les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; que l’irrecevabilité de l’action dirigée contre un cocontractant en raison du non-respect d’une clause de conciliation obligatoire et préalable ne s’étend pas, en application du principe de l’effet relatif des conventions, à l’action dirigée contre des tiers au contrat dans lequel est stipulée cette clause ; qu’en déclarant irrecevable l’action engagée par les époux U. à l’encontre de Maître C., de la société SOGIP et de la société Allianz, pour défaut de mise en oeuvre, avant l’introduction de la procédure, de la clause de conciliation préalable et obligatoire prévue dans l’acte authentique de vente du 16 mars 2007, quand Maître C., la SARL SOGIP et la société Allianz n’étaient pas parties audit acte authentique de vente, qui avait été signé avec les seuls époux C., la cour d’appel a méconnu l’effet relatif des conventions, en violation de l’article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article 122 du code de procédure civile.