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Décisions

Cass. crim., 15 juin 2016, n° 15-81.124

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Versailles, du 21 janv. 2015

21 janvier 2015

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 432-12, 432-17, 121-6 et 121-7 du code pénal et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de chef de complicité de prise illégale d'intérêt et l'a condamné à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende ;

" aux motifs propres qu'aux termes de ses conclusions, M. Y... dénie, en premier lieu, avoir exercé tout contrôle dans les décisions adoptées en faveur du reclassement de la parcelle de son épouse et de sa belle-soeur, alors qu'il n'a pas été membre de la commission d'urbanisme chargée en 2008 d'élaborer le projet de plan local d'urbanisme PLU ; qu'il conteste les motifs de la décision des premiers juges selon lesquels il a exercé une influence sur certains votants, alors qu'il est établi qu'à l'issue des délibérations, il s'est abstenu de voter, que le PLU a été adopté à l'unanimité et qu'enfin, il ne peut être érigé en principe, l'interdiction pour un élu de participer à des délibérations sur un PLU qui porte sur des parcelles dont il est propriétaire ; que, cependant, et d'une première part, qu'en ses qualités d'adjoint au maire délégué à la voirie, et celle de suppléant du maire au SIRE, M. Y... exerçait des prérogatives en relation directe avec l'urbanisme ; qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, que la délibération du conseil municipal à laquelle M. Y... a participé pour l'adoption du PLU a donné lieu à un débat sur son intérêt personnel au reclassement de la parcelle ; que, de seconde part, il est dûment établi par l'enquête que M. Y... a exigé et obtenu du représentant de la société Jean Lefebvre en charge des travaux la pose des bateaux ainsi que l'aménagement du fourreau ; qu'il est ainsi établi la preuve de la surveillance et de l'administration des décisions relatives à l'aménagement de la voirie et à l'enfouissement des réseaux ainsi que de son influence sur le reclassement de la parcelle Y...-Z...; que M. Y... dénie, en deuxième lieu, avoir pris un intérêt quelconque au reclassement de la parcelle Y...-Z..., alors que sa belle-soeur a déclaré aux enquêteurs ne pas être intéressée au reclassement de la parcelle qu'elle souhaitait conserver en zone agricole afin que son fils poursuive l'activité agricole, conformément au voeu de son père et n'a, par ailleurs, pas été informée du prix auquel a été décidé la cession des 450 m ² de parcelles à la mairie pour l'aménagement du rond-point ; que l'épouse de M. Y... a aussi déclaré n'avoir pas été tenue informée du projet de modification de PLU et n'a jamais entendu son époux évoquer l'installation d'un fourreau et des bateaux ; que ces déclarations apparaissent au demeurant, de pure circonstance, alors qu'il n'est pas établi que l'essentiel de la parcelle soit affecté à une activité agricole, qu'il ne résulte pas de l'enquête publique ayant précédé l'adoption de projet du PLU, que les soeurs Z...ont fait valoir leur volonté de conserver leur parcelle en zone agricole ; qu'enfin, la valorisation de la parcelle attendue en zone constructible est manifeste, de sorte que la preuve est acquise que M. Y... avait un intérêt avec son épouse de promouvoir ce reclassement, de faire poser de bateaux, d'aménager le fourreau et de créer un rond-point ; qu'en troisième lieu, les prévenus prétendent, d'une première part, qu'à l'instar de trois autres parcelles sur le hameau des Hauts d'Orgeval, le projet de reclassement de la parcelle Y...Z...en zone Uhb était compatible avec la situation de la parcelle ainsi que l'a conclu l'analyse du juriste de la DDT des Yvelines telle qu'elle est rapportée ci-dessus ; que l'infraction n'est en outre pas constituée, alors qu'au terme de la délibération du 21 mars 2011, le conseil municipal a adopté un PLU rétablissant notamment le classement de la parcelle en zone agricole ; que, de seconde part, les prévenus soutiennent que l'élargissement de la rue de la Vernade était commandé par la décision du goudronnage de la voie et n'était pas subordonné à une décision du conseil municipal, ainsi que l'a relevé le juriste de la DDT des Yvelines ; que l'opportunité de créer le rond-point en bout de rue avait pour objet de faciliter la circulation des véhicules pour le ramassage scolaire ainsi que pour l'enlèvement des déchets ; qu'enfin, la création des neuf places de stationnement était dédiée aux adhérents du centre équestre ; que les sorties des gaines d'alimentation en énergie enfouies avaient été conçues au droit de chaque terrain de la rue Vernade pour l'éclairage public, et au cas où la parcelle était susceptible d'être déclarée constructible, d'éviter la destruction de l'installation une fois enfouie ; que devant la cour, les prévenus ont soutenu que les bateaux devaient permettre l'accès à la parcelle pour les engins agricoles des co-indivisaires sans dommage pour les aménagements de la voirie ; qu'enfin, il est établi que ni la pose des bateaux ni la sortie des fourreaux au droit de la parcelle Y...n'avaient entraîné de surcoût pour la collectivité et n'étaient en tout état de cause plus destinés à l'emploi d'une construction depuis que la parcelle a été maintenue en zone agricole ; que la valeur protégée par les dispositions de l'article 432-12 du code pénal est celle de la préservation du conflit entre la poursuite de l'intérêt général et celle d'un intérêt particulier, indépendamment de la considération que l'intérêt particulier se confonde avec l'intérêt général, sans par ailleurs que cette confusion d'intérêts soit subordonnée à la preuve que le résultat ait été atteint ; qu'en outre, et en fait, l'appréciation que le juriste de la DDT des Yvelines a faite de la parcelle Y...-Z...n'est pas mise en rapport avec la procédure et le contenu du projet de PLU de la commune d'Orgeval, et duquel il résulte, d'une part, que le reclassement de cette parcelle n'est pas inclus dans l'un des quatre secteurs faisant l'objet par la commune d'une orientation d'aménagement, et d'autre part, n'est pas non plus intégré, ainsi que cela est prescrit à l'article L. 123-1, alinéa 7, et suivants du code de l'urbanisme, au règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1 relatives aux schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales ; que, si les opérations de goudronnage et d'enfouissement des réseaux pouvaient être commandées par l'intérêt général de la collectivité, il en va bien différemment de l'aménagement du rond-point, en tous les cas dans son périmètre dont l'utilité pour la zone desservie n'apparaît pas d'après le coût et la taille de cet aménagement pour une collectivité de six mille habitants ; que les places de stationnement sont encore moins justifiées, ni par l'établissement d'une pratique ou d'une demande d'une association sportive équestre, ni par la situation d'un centre équestre à proximité, ni surtout, d'après les documents préparatoires ou le projet pour l'adoption du PLU ; qu'en relation avec ces aménagements, la création des deux bateaux à l'entrée de la parcelle dont l'accès était déjà aménagé par la route agricole qui la longeait comme le placement du fourreau pour l'alimentation en énergie, matérialisent la preuve de la prise illégale d'intérêt ; que M. Y... affirme que la preuve de son intention n'est pas établie ; que cette affirmation est contraire avec l'exercice de ses prérogatives et de sa participation aux institutions de la collectivité telles qu'elles sont relevées ci-dessus ; que, par ces motifs, il convient de confirmer la culpabilité de M. Y... ; que, sur les faits de complicité de prise illégale d'intérêts en premier lieu, qu'il est constant qu'en ses qualités de maire, de président de la commission d'urbanisme chargée du projet de révision du PLU et de président du Sire, M. X... a personnellement engagé la procédure de révision du PLU, suivi les étapes de son adoption, et qu'en suite de sa présidence des conseils ayant donné lieu aux délibérations en faveur de l'adoption du PLU, la preuve est acquise de la fonction et de l'autorité avec lesquelles M. X... a aidé et assisté M. Y... dans les décisions prises pour l'aménagement de la voirie, la création du rond-point, des places de stationnement, l'enfouissement, des réseaux, ainsi que des décisions favorables au reclassement de la parcelle Y...-Z...; qu'en deuxième lieu, que M. X... prétend n'avoir eu aucun intérêt au reclassement de la zone reproché à M. Y... ; que, néanmoins, il est constant que M. Y... comme M. X... font partie du personnel politique de la commune d'Orgeval depuis 25 ans, que M. Y... s'est rallié à la majorité de M. X... à l'occasion du scrutin de mai 2008, et à la suite duquel le maire lui a confié la délégation à la voirie, de sorte qu'il se déduit la preuve de l'intérêt politique personnel du prévenu qui entre dans la prévision de l'article 432-12 du code pénal ; qu'en troisième lieu, que M. X... prétend n'avoir pas connu l'intention de M. Y... de voir réviser le PLU dans son intérêt au moment du vote et dont il ne pouvait connaître la portée marginale sur la révision de l'ensemble du PLU ; que cette dénégation n'est pas vraisemblable, alors que M. Y... était exclu de la commission d'urbanisme en charge de l'élaboration du projet de PLU, et que M. X... n'a pu, sans relation avec l'intéressé, projeter le reclassement d'une parcelle qui n'entrait dans aucun projet d'aménagement du nouveau PLU ; que la preuve de cette connaissance est encore déduite, ainsi que cela est relevé ci-dessus, de l'ancienneté et de la proximité des relations politiques entre les deux prévenus ainsi que des attributions qu'ils ont partagés en matière d'urbanisme et, particulièrement celles critiquées ci-dessus pour l'approbation du goudronnage de la rue Vernade, l'aménagement du rond-point et des places de stationnement ; que l'aménagement des bateaux et du fourreau tels qu'ils sont visés aux poursuites sont la conséquence de toutes ces décisions, sans qu'il soit nécessaire d'établir la preuve que M. X... l'ait ordonné ; que par ces motifs, il convient d'infirmer le jugement et de retenir M. X... dans les liens de la prévention ;

" aux motifs, à les supposer adoptés, que l'article 432-12 du code pénal dispose que : « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende » ; que cette infraction qualifiée délit d'obstacle ne nécessite pas que le coupable, comme c'est le cas en l'espèce, ait retiré de l'opération prohibée un bénéfice quelconque, ni que la collectivité ait souffert quelque préjudice ; qu'il s'ensuit que la matérialité du délit est constituée ici du seul fait de la participation de M. Y... aux délibérations et au vote sur le projet de plan local d'urbanisme 2009 et 2010 (en 2010 et en 2011) et à l'usage de sa qualité pour ajouter aux travaux engagés par la municipalité, même en quantité infinitésimale, dans l'intérêt final des propriétaires de la parcelle, son épouse et sa belle-soeur ; que la valeur de la parcelle augmentait considérablement, le prix du m ² constructible étant de 450 euros environ au lieu de 1, 50 euros pour le terrain agricole ; que concernant l'élément moral de l'infraction, l'article 432-12 du code pénal n'exige aucun do1 spécial, ce qui implique que l'intention coupable est caractérisée par le seul fait que l'auteur a accompli sciemment l'acte constituant la matérialité du délit de prise illégale d'intérêt ; qu'en sa qualité d'élu, le prévenu savait nécessairement qu'en votant et même en étant seulement présent lors des débats concernant les dispositions du nouveau PLU, il pouvait exercer sur certains votants une pression psychologique ; qu'en effet, dans des petites communes de six mille habitants et alors que M. Y... fait de la politique depuis longtemps à Orgeval, tout le monde sait que sa belle-famille, maraîchers à l'origine, et dont certains membres exploitent encore, possède des terrains ; que, comme il découle des explications précédentes au sujet de l'élément matériel de l'infraction, peu importe que M. Y... n'ait exercé en réalité aucune pression particulière puisqu'il s'est mis en situation de le faire ; que M. Y... avait en sa qualité d'élu, adjoint au maire de la commune d'Orgeval depuis le 15 mars 2008, l'obligation impérieuse de veiller à la parfaite neutralité des décisions auxquelles il participait : en ayant assisté à la délibération et voté en conseil municipal le projet d'un nouveau plan local d'urbanisme puis en faisant ajouter personnellement deux bateaux d'accès aux terrains de sa famille et des gaines pour une viabilisation future, il a pris un intérêt dans une opération dont il avait la surveillance au sens de la loi pénale ; que, bien que ces ajouts aient eu une incidence extrêmement minime sur le prix total au point d'être non quantifiables, il n'en reste pas moins que le prévenu a utilisé ses fonctions pour économiser une future dépense, accès aux terrains et passages de gaines, lors de la construction érigée dans le futur sur cette bande de terrain devenue constructible par le biais de l'adoption d'un nouveau plan local d'urbanisme ; que, peu importe les aléas ultérieurs qui ont conduit à l'abandon de ce plan ayant rendu cette parcelle de nouveau non constructible ; que, dans le dernier PLU voté en 2011, le terrain sera de fait reclassé entièrement en zone agricole ; qu'en effet, le délit est instantané et ces effets ne peuvent disparaître du fait d'actes postérieurs ; que, néanmoins, la quasi-inexistence du préjudice doit être prise en considération pour la fixation de la peine et aussi le fait que M. Y... n'a jamais eu de condamnation quelconque ; qu'une dispense de peine sera prononcée et il sera débouté de ses demandes sur le fondement de l'article 800-2 du code de procédure pénale ;

" 1°) alors que les juges du fond ne sauraient fonder leur décision sur un motif d'ordre général et abstrait, sauf à entacher celle-ci d'une insuffisance de motifs ; qu'en affirmant, par un motif d'ordre général et sans préciser sur quels éléments elle s'était fondée, que la valorisation de la parcelle attendue en zone constructible était manifeste et que la valeur de la parcelle augmentait considérablement, le prix du m ² constructible étant d'environ 450 euros au lieu de 1, 50 euro pour le terrain agricole, pour en déduire que M. Y... avait un intérêt avec son épouse de promouvoir ce reclassement de faire poser des bateaux, d'aménager des fourreaux et de créer un point, sans se livrer à des constatations de fait concrètes, la cour d'appel qui a statué par un motif d'ordre général et qui plus est totalement hypothétique a violé les textes susvisés ;

" 2°) alors que l'infraction de prise illégale d'intérêts est une infraction intentionnelle qui nécessite, pour être constituée, que le prévenu ait sciemment commis l'acte constituant l'élément matériel du délit ; que M. X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que M. Y... avait agi sans conscience de la violation des règles de droit applicables dès lors qu'il pensait, en toute bonne foi, qu'il suffisait à ce dernier de ne pas prendre part au vote de la délibération du conseil municipal relative à l'acquisition d'un terrain lui appartenant pour que cette délibération soit conforme à la loi ; qu'en se bornant, cependant, pour entrer en voie de condamnation de M. Y... comme auteur et M. Y... comme complice, à faire état de l'assistance de M. Y... à la séance de délibération, sans caractériser la conscience qu'aurait eue ce dernier d'accomplir un acte illicite en participant à ladite délibération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en violation des textes susvisés ;

" 3°) alors que le délit de prise illégale d'intérêts suppose que le prévenu ait pris dans l'opération incriminée un intérêt personnel spécial, particulier et personnel ; qu'en se bornant à déclarer M. X... coupable de complicité de ce délit au seul motif que M. Y... s'était rallié à sa majorité à l'occasion du scrutin de mai 2008, motif impropre à caractériser l'intérêt politique de M. X..., la cour d'appel a violé les textes visés ;

" 4°) alors que les juges du fond ne peuvent statuer par des motifs hypothétiques ; qu'en affirmant que M. X... devait nécessairement connaître l'intérêt personnel de M. Y... s'agissant du projet PLU et des aménagements dans la ville, en raison de la proximité des relations politiques entre les deux prévenus, la cour d'appel qui a statué par des motifs hypothétiques, a violé les textes susvisés " ;

Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de complicité du délit de prise illégale d'intérêt commis par M. Y..., l'arrêt attaqué relève que ce dernier, qui exerçait, en sa qualité d'adjoint au maire notamment délégué à la voirie, des prérogatives en matière d'urbanisme, a, d'une part, participé à la délibération du conseil municipal relative à la révision du plan local d'urbanisme (PLU) prévoyant, notamment, le reclassement partiel d'une parcelle appartenant à son épouse située initialement en zone agricole, dans une zone constructible, d'autre part, exigé et obtenu de la société en charge des travaux d'aménagement commandés par la commune, l'installation de deux bateaux et d'un fourreau au droit de la parcelle concernée ; que, s'agissant de M. X..., les juges constatent que, d'une part, il n'avait pu, sans relation avec son adjoint, exclu de la commission en charge de l'élaboration du projet de PLU, inclure dans celui-ci le reclassement d'une parcelle qui n'avait pas été envisagé initialement, d'autre part, il partageait avec M. Y..., outre une proximité politique caractérisée notamment par le ralliement de celui-ci à sa majorité, des attributions en matière d'urbanisme comprenant notamment les décisions relatives aux aménagements litigieux ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le délit de complicité de prise illégale d'intérêt n'exige pas la caractérisation d'un tel intérêt pour le complice, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire du code de procédure pénale, de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 432-12, 432-17 du code pénal, des articles 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de chef de complicité de prise illégale d'intérêt et l'a condamné à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende ;

" aux motifs que les faits retenus ci-dessus attestent de la volonté de MM. Y... et X... de se substituer aux règles qui auraient dû être mises en oeuvre par les soeurs Z..., titulaires du droit de saisir la mairie d'une demande de classement de leur parcelle à la faveur de la procédure de révision du PLU, et en cas de contestation, saisir la juridiction administrative ; que ces faits revêtent une particulière gravité en considération des fonds publics disproportionnés qui ont été engagés po aménagements décidés sans autre justification que d'anticiper un reclassement de parcelles dans l'intérêt d'un seul propriétaire avant même qu'il soit validé et qui a finalement été abandonné ; que, dans une autre affaire mettant en cause M. X... instruite et tranchée le même jour par la cour, ce dernier a été relaxé du chef de détournement de fonds publics, mais la cour a relevé la même inclination que celle relevée ici, de M. X... à s'affranchir des règles administratives applicables aux indemnités des élus et de la responsabilité qui lui incombait en sa qualité de maire de respecter le principe fondamental de la République d'égalité de traitement des élus ; que, par ces motifs, et d'après les revenus de chacun des prévenus, il convient de condamner M. Y... à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis ainsi que de 5 000 euros d'amende et M. X... à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende ;

" 1°) alors qu'aux termes de l'article 6, § 1, de la Convention des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ; que cette exigence d'impartialité s'oppose à ce que les juges prennent en compte le comportement du prévenu relevé dans une autre affaire mettant en cause le prévenu dont ils ont eu à connaître ; qu'en prenant en compte le comportement de M. X... relevé dans une autre affaire instruite et tranchée le même jour par la cour, pour déclarer M. X... coupable des faits qui lui étaient reprochés et le condamner à un mois d'emprisonnement et 20 000 euros d'amende, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 2°) alors que les juges du fond ne peuvent pas se fonder sur des connaissances qu'ils ont obtenues sur le prévenu lors d'une autre affaire le concernant devant eux ; qu'en prenant en compte la même inclination de M. X... à s'affranchir des règles administratives applicables aux indemnités des élus et de la responsabilité qui lui incombait en sa qualité de maire de respecter le principe fondamental de la République d'égalité de traitement des élus, relevé dans une autre affaire instruite et tranchée le même jour par la cour, dans lequel il a été relaxé du chef de détournement de fonds publics, pour le condamner à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 3°) alors que les motifs n'ont pas l'autorité de la chose jugée lorsqu'ils ne sont pas le soutien nécessaire du dispositif ; qu'en prenant en compte les motifs d'un arrêt de relaxe rendu à l'égard de M. X... le même jour que l'arrêt attaqué, par lesquels la cour a relevé la même inclination que celle relevée ici, de M. X... à s'affranchir des règles administratives applicables aux indemnités des élus et de la responsabilité qui lui incombait en sa qualité de maire de respecter le principe fondamental de la République d'égalité de traitement des élus, pour condamner M. X... à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 4°) alors que les juges ne peuvent fonder leur décision que sur des éléments apportés au cours des débats et contradictoirement discutés ; qu'ils ne peuvent se fonder sur des éléments résultants d'une autre affaire qu'ils ont eu à connaître concernant le même prévenu et rendue le même jour dans la mesure où ces éléments sont nécessairement postérieurs à l'audience ; qu'en prenant en compte les appréciations de la même cour sur une affaire concernant M. X... et tranchée le même jour par la cour, ce dont il résultait que ces éléments étaient nécessairement postérieurs aux débats du 26 novembre 2014, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 5°) alors que les graves manquements de la cour d'appel quant à ses obligations d'impartialité et de respect du principe du contradictoire, même entachant formellement les seuls motifs relatifs à la peine, ont nécessairement eu une incidence sur l'établissement des éléments matériel et moral de l'infraction " ;

Vu l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que, selon ce texte, les juges, même lorsque la loi ne leur fait pas obligation de motiver leur décision, ne peuvent fonder le prononcé d'une sanction sur des éléments de personnalité ne résultant pas du dossier de la procédure ;

Attendu que, pour condamner le prévenu aux peines susvisées, l'arrêt relève que, dans une affaire le concernant, jugée le même jour et ayant fait l'objet d'une relaxe, le prévenu a manifesté la même inclination " à s'affranchir des règles administratives applicables aux indemnités des élus et de la responsabilité qui lui incombait, en sa qualité de maire, de respecter le principe fondamental de la République d'égalité de traitement des élus " ;

Mais attendu qu'en se fondant ainsi sur les éléments extérieurs à la procédure, la cour d'appel a violé le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la peine, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 21 janvier 2015, toutes autre dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle,et prononcé par le président le quinze juin deux mille seize.