Cass. crim., 20 juin 2002, n° 01-82.705
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Samuel
Avocat général :
M. Launay
Avocats :
SCP Monod et Colin, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Cossa
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires ampliatifs et additionnels en demande et le mémoire en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, à la suite d'un contrôle effectué au cours des années 1994 et 1995 par la chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais, le commissaire du Gouvernement près cette juridiction a porté à la connaissance du procureur de la République de Dunkerque diverses irrégularités constatées dans les comptes et la gestion de la commune de Saint-Pol-sur-Mer ;
Que les investigations conduites dans le cadre d'une information judiciaire ont mis en évidence divers faits commis entre 1985 et 1995, imputables à Gaston X..., maire de la commune entre 1959 et 1995, Gaëtan Z..., secrétaire général de la mairie, et Emmanuel Y..., secrétaire général adjoint, chargé des finances, consistant notamment, d'une part, dans la manipulation de certaines écritures comptables, d'autre part, dans le versement de salaires ne correspondant pas à des activités réelles, l'octroi d'avantages indus et la mise à disposition de bâtiments communaux, au bénéfice d'employés communaux, de leurs conjoints ou de membres de la famille du maire, enfin, dans la fabrication de faux ordres de mission ou de déplacement du maire et le paiement de travaux effectués, entre autres, dans ses divers lieux d'habitation ;
Que le montant total des détournements correspondant aux faits dont ils ont été déclarés coupables, a été fixé à la somme de 8 418 500 francs ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, présenté par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié, pour Emmanuel Y..., pris de la violation des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal, L. 241-1 du Code des juridictions financières, 13 du décret n° 83-224 du 22 mars 1983 relatif aux chambres régionales des comptes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Emmanuel Y... coupable de complicité d'entrave au fonctionnement de la chambre régionale des comptes ;
"aux motifs qu'il est constant que le contrôle de la chambre régionale des comptes a été annoncé officiellement fin décembre 1994 au maire de Saint-Pol-sur-Mer et qu'il ressort du témoignage d'Emmanuel Y..., secrétaire général adjoint, que, dès cette annonce, Gaston X... s'est rapproché de son secrétaire général adjoint pour s'assurer qu'il n'y aurait pas de difficultés particulières ; qu'Emmanuel Y..., suivant ses déclarations précises, lui a alors indiqué que les difficultés pouvaient provenir des comptes de programmes de la comptabilité analytique dont la tenue est facultative faisant apparaître la réalité de certaines dépenses s'agissant des comptes du maire, d'adjoints et de secrétaires généraux dont la justification pouvait être litigieuse ; que le maire lui a alors indiqué de faire disparaître ces comptes facultatifs ; qu'Emmanuel Y... a alors, avec l'aide technique de M.
A... et de M. B..., respectivement attaché territorial responsable de l'informatique et rédacteur territorial responsable de la comptabilité communale reconnu s'être livré à des manipulations informatiques consistant à la sortie de certaines dépenses figurant sur certains comptes programmes, en l'occurrence les comptes maire, adjoints et secrétaires généraux pour imputer ces mêmes dépenses dans un autre compte programme général appelé compte programme "entretien général" ; que, quand bien même Emmanuel Y... refuse la qualification de "gommage informatique" qu'il estime inadaptée et péjorative, force est de constater que la manipulation informatique a eu directement pour objet de masquer l'existence de dépenses pouvant être litigieuses ; que, comme l'a exactement rappelé le jugement aux termes de l'article 13 du décret n° 13-224, "le droit de communication de la chambre régionale des comptes implique pour les opérations faisant appel à l'informatique, l'accès l'ensemble des données et programmes et la faculté d'en demander la transcription dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle par tout traitement approprié" ; que peu importe que la comptabilité analytique n'ait été que facultative dès lors que la modification des données réelles a fait obstacle au contrôle ; que, contrairement à ce que soutient Emmanuel Y..., qui conteste l'idée d'un fait principal punissable pour évacuer sa propre complicité, la manipulation informatique alors que le contrôle de la chambre régionale des comptes était d'ores et déjà en cours, a consommé l'infraction d'obstacle, en supprimant la possibilité d'accès de l'organisme de contrôle à une comptabilité fiable, les modalités d'obstacle en cette hypothèse étant différentes de celles d'un simple refus de communiquer des comptes en l'absence de toute altération qui suppose dans cette hypothèse qu'il y ait eu en ce qui concerne ces comptes une demande formulée ; que la matérialité de l'infraction d'obstacle est ainsi parfaitement caractérisée par l'altération des comptes informatiques en période de contrôle ; que Gaston X..., qui est, en dépit de ses dénégations et au regard des témoignages circonstanciés, l'ordonnateur de cette manipulation ayant pour objet de masquer certains aspects de sa gestion communale, est bien auteur de cette infraction ; qu'Emmanuel Y..., qui a fait partie de l'équipe ayant procédé aux modifications d'imputation des comptes informatiques et a donné les ordres nécessaires en fonction de sa situation hiérarchique, réunit sur sa
personne les éléments matériels et moraux du délit de complicité par aide et assistance du délit d'entrave commis par Gaston X... ; que le fait qu'il ait conservé une comptabilité analytique papier conforme à la situation antérieure à la manipulation par-devers lui et l'ait remis en été 1995 après le changement de municipalité, s'analyse au plus en un repentir actif ;
"1 ) alors que l'opération de modification d'imputation d'une dépense sur des comptes informatiques qui ne revêtent aucun caractère obligatoire, tandis que simultanément est conservé le support papier mettant en évidence l'ancienne imputation, opération de sauvegarde qui permet le contrôle de la chambre régionale des comptes, n'est pas punissable sur le fondement de l'article L. 241-1 du Code des juridictions financières ;
"2 ) alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 241-1 du Code des juridictions financières et 13 du décret n° 83-224 du 22 mars 1983 que le délit d'entrave au fonctionnement de la chambre régionale des comptes par suppression ou modification d'un compte informatique non obligatoire n'est pénalement punissable qu'autant que la chambre régionale des comptes en a préalablement demandé la communication ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce selon les constatations de l'arrêt et que, dès lors, en entrant en voie de condamnation du chef de complicité d'entrave au fonctionnement de la chambre régionale des comptes à l'encontre d'Emmanuel Y..., la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés" ;
Sur le premier moyen de cassation, présenté par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Gaston X..., pris de la violation des articles L. 140-1 du Code des juridictions financières, 121-1 et 121-4 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gaston X... coupable d'entrave au fonctionnement de la chambre régionale des comptes et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs qu'à l'annonce, fin décembre 1994, du contrôle de la chambre régionale des comptes, Emmanuel Y..., secrétaire général adjoint, s'est, à la demande du maire et avec l'aide technique de MM. A... et B..., livré à une manipulation informatique, consistant en la sortie de certaines dépenses figurant sur certains comptes programmes de la comptabilité analytique (facultative), pour imputer ces mêmes dépenses dans un autre compte programme général appelé "entretien général" ; que la matérialité de l'infraction d'obstacle au fonctionnement de la chambre régionale des comptes est caractérisée par l'altération des comptes informatiques en période de contrôle ; que Gaston X..., ordonnateur de cette manipulation ayant pour objet de masquer certains aspects de sa gestion communale, est bien l'auteur de cette infraction ;
"alors, d'une part, que l'infraction d'obstacle au contrôle de la chambre régionale des Comptes, prévue à l'article L. 140-1 du Code des juridictions financières, n'est constituée que par des actes ayant pour but ou pour effet d'empêcher ce contrôle, notamment par le refus de communication des comptes, ce texte ne visant pas l'altération des comptes ; qu'en retenant néanmoins cette infraction à l'encontre de Gaston X... au motif qu'il était à l'origine de l'altération des comptes en période de contrôle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
"alors, d'autre part, que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'est auteur de l'infraction la personne qui commet les faits incriminés ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que la manipulation informatique était le fait matériel de MM. A... et B..., agissant à la demande d'Emmanuel Y..., lui-même agissant à la demande du maire ;
qu'en affirmant que Gaston X... était bien l'auteur de l'infraction, sans caractériser à son encontre des actes matériels de commission des faits incriminés, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Sur le moyen complémentaire de cassation, présenté par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Gaston X..., pris de la violation des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal, L. 241-1 du Code des juridictions financières, 13 du décret n° 83-224 du 22 mars 1983 relatif aux chambres régionales des comptes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gaston X... coupable de complicité d'entrave au fonctionnement de la chambre régionale des comptes ;
"alors que l'opération de modification d'imputation d'une dépense sur des comptes informatiques qui ne revêtent aucun caractère obligatoire, tandis que simultanément est conservé le support papier mettant en évidence l'ancienne imputation, opération de sauvegarde qui permet le contrôle de la chambre régionale des comptes, n'est pas punissable sur le fondement de l'article L. 241-1 du Code des juridictions financières ;
"alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 241-1 du Code des juridictions financières et 13 du décret n° 83-224 du 22 mars 1983 que le délit d'entrave au fonctionnement de la chambre régionale des comptes par suppression ou modification d'un compte informatique non obligatoire n'est pénalement punissable qu'autant que la chambre régionale des comptes en a préalablement demandé la communication ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce selon les constatations de l'arrêt et que, dès lors, en entrant en voie de condamnation du chef de complicité d'entrave au fonctionnement de la chambre régionale des comptes à l'encontre de Gaston X..., la cour d'appel a violé par fausse application des textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, informé d'un contrôle de la chambre régionale des comptes sur la gestion de la commune, Gaston X... a ordonné à Emmanuel Y... de faire disparaître les comptes programme de la comptabilité analytique, dont la tenue est facultative et qui faisaient apparaître certaines dépenses difficiles à justifier ; qu'Emmanuel Y... a alors procédé à des manipulations informatiques destinées à masquer l'existence de ces dépenses ;
Attendu que, pour déclarer Gaston X... coupable d'entrave aux pouvoirs de la chambre régionale des comptes, et Emmanuel Y... coupable de complicité de ces faits, la cour d'appel énonce, notamment, que la manipulation informatique, effectuée alors que le contrôle de la chambre régionale des comptes était en cours, a consommé l'infraction en supprimant la possibilité d'accès de l'organisme de contrôle à une comptabilité fiable ; qu'elle ajoute que le fait qu'Emmanuel Y... ait conservé une version sur papier de la comptabilité analytique, conforme à la situation antérieure à la manipulation et qu'il l'ait remise au cours de l'été 1995, après le changement de municipalité, s'analyse au mieux en un repentir actif ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'il n'importe que la chambre régionale des comptes n'ait pas demandé préalablement communication des documents ayant fait l'objet des altérations, la cour d'appel, qui a caractérisé le fait personnel de Gaston X..., en sa qualité de donneur d'ordre, a justifié sa décision ;
Qu'ainsi, les moyens ne peuvent être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, présenté par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Gaston X..., pris de la violation des articles 169 et 408 du Code pénal abrogé, 432-15 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gaston X... coupable de détournements de fonds publics par personne dépositaire de l'autorité publique, et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs qu'une partie de la subvention communale allouée à l'association Amicale des Employés et Ouvriers Communaux a servi à régler des dépenses irrégulières de la commune, notamment à payer le 13ème mois du personnel communal, selon une habitude remontant aux années 70 ; que Gaston X... était l'ordonnateur des subventions communales versées à l'association et a assuré, par l'intermédiaire du personnel, les paiements irréguliers pouvant être chiffrés à 5 000 000 francs ;
que Gaston X..., en sa qualité de maire, a nommé diverses personnes dans des emplois qui se sont, selon les témoignages, avérés totalement ou partiellement fictifs, les salaires pouvant être fixés à la somme globale de 2 500 000 francs ;
"alors que les détournements constitutifs du débit visé à l'article 432-15 du Code pénal ne sont punissables que s'ils sont intentionnels, c'est-à-dire si l'intéressé a volontairement et sciemment utilisé des fonds publics à des fins étrangères à leur destination normale, une simple négligence ou un défaut de surveillance ne caractérisant pas l'élément intentionnel ; qu'en concluant à l'irrégularité des sommes versées, au titre du 13ème mois, aux employés de la commune "par l'intermédiaire du personnel", ainsi qu'à l'irrégularité des salaires versés à des employés communaux n'ayant accompli aucun travail effectif, sans constater que ces versements irréguliers auraient été le fait, non d'un simple défaut de surveillance, mais d'une volonté de fraude de la part du maire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa déclaration de culpabilité" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, présenté par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié, pour Emmanuel Y..., pris de la violation des articles 121-6, 121-7 et 432-15 du Code pénal, 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Emmanuel Y... coupable de complicité de détournement de fonds publics et l'a condamné, solidairement avec Gaston X..., à payer à la commune de Saint-Pol-sur-Mer 5 100 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que près de 90 % des ressources de l'Amicale des Employés et Ouvriers Communaux proviennent d'une subvention municipale, les dernières subventions ayant été les suivantes : 1992 : 3 379 900 francs ; 1993 : 3 659 900 francs ;
1994 : 1 013 463 francs ; 1995 : 1 012 900 francs ; que la baisse de la subvention allouée à compter de l'année 1994 s'explique par la budgétisation à compter de l'année 1994 de la prime du 13ème mois antérieurement payée par le canal de cette association ; qu'il s'avérait, en effet, en premier lieu que la subvention avait servi à payer un 13ème mois au personnel communal suivant une habitude remontant en 1970 suivant les indications de Gaston X..., selon lesquelles il s'agissait au départ d'une prime de vacances qui devenait vers les années 1990 un 13ème mois ; que cette prime ne pouvait, toutefois, être payée au-delà de l'entrée en vigueur de la loi n° 85-53 du 26 janvier 1984 et en tout cas en aucune façon par le biais d'une association communale, qu'au titre d'un avantage acquis et sous réserve d'être prise en compte dans le budget communal et sous certaines conditions ; qu'Emmanuel Y..., président de l'association de 1983 au 11 février 1994, a prêté la main aux opérations en connaissance de cause ; qu'il a expliqué sur ce point en sa qualité qu'il s'appuyait sur les chiffres de traitement du mois de décembre pour évaluer les primes de 13ème mois afin de déterminer le montant de la subvention que la commune devait attribuer à l'association ; que les mandats de versement des subventions fallacieuses sont fictifs et que les fonds correspondant ont gardé leur caractère de deniers publics ;
"1 ) alors que le délit de détournement de fonds publics suppose une affectation des fonds non conforme à l'intérêt général ;
que le respect des droits fondamentaux des fonctionnaires répond à un impératif d'intérêt général ; qu'il résulte des dispositions de l'article 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction à la date des faits, que le versement, aux agents titulaires d'un emploi d'une collectivité locale, soit de complément de rémunération au titre d'avantages acquis individuellement avant l'entrée en vigueur de ladite loi, soit de complément de rémunération au titre d'avantages acquis collectivement au sein de la collectivité par l'intermédiaire d'organismes à vocation sociale, répondait à un droit de ces fonctionnaires et que l'exercice de ce droit n'était pas subordonné à l'inscription de la dépense correspondante au budget de la collectivité (cette condition ayant été introduite dans la législation par la loi du 16 décembre 1987) et que la Cour, qui constatait que l'ensemble du personnel communal de la commune de Saint-Pol-sur-Mer bénéficiait depuis 1970 d'une prime de vacances - laquelle avait été transformée en 13ème mois - et que cette rémunération était versée par l'intermédiaire de l'association des Employés et Ouvriers Communaux, c'est-à-dire par l'intermédiaire d'un organisme à vocation sociale, ne pouvait, sans méconnaître le principe et les dispositions susvisées, considérer que la subvention correspondante versée par la commune de Saint-Pol-sur-Mer audit organisme constitue le délit de détournement de fonds publics ;
"2 ) alors que, dès l'instant où, comme en l'espèce, l'affectation des fonds est conforme à l'intérêt général, la volonté de détournement, élément constitutif du délit de détournement de fonds publics, ne saurait résulter de la seule méconnaissance d'une éventuelle règle budgétaire formelle" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Gaston X... a fait verser, en 1992 et 1993, des subventions d'un montant total de 6,9 millions de francs à l'amicale des employés et ouvriers communaux, association dont Emmanuel Y... était le président ; que ces sommes ont servi à lui procurer des avantages indus sous la forme de primes de vacances, d'espèces et de prise en charge de diverses cotisations personnelles et à payer au personnel communal diverses indemnités complémentaires dont une prime de treizième mois, pour un total de 5 millions de francs au titre des années 1992 et 1993 ;
Attendu que Gaston X... a été poursuivi sur le fondement des articles 169 et 408 anciens, 432-15 et 432-17 du Code pénal, et Emmanuel Y... du chef de complicité de ces délits ;
Attendu que, pour les déclarer coupables respectivement de détournement de fonds publics et de complicité de ce délit, la cour d'appel retient que, par le biais d'une association communale, à laquelle ont été fictivement allouées des subventions, Gaston X... s'est procuré à lui-même des avantage injustifiés et a fait bénéficier le personnel communal d'un complément de rémunération auquel celui-ci ne pouvait prétendre au titre d'avantages acquis antérieurement à la loi du 26 janvier 1984 ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, procédant de son appréciation souveraine du caractère indu des rémunérations attribuées au personnel communal, et si c'est à tort que la cour d'appel a retenu que les prévenus s'étaient rendus coupables de détournements de fonds publics et complicité de ce délit, l'arrêt attaqué n'encourt pas pour autant la censure, dès lors qu'il a constaté que Gaston X... avait fait des fonds dont il était l'ordonnateur une utilisation entrant dans les prévisions de l'article 408 ancien du Code pénal, visé à la prévention ;
Que les moyens ne peuvent donc être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation, présenté par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Gaston X..., pris de la violation des articles 145 et 148 du Code pénal abrogé, 441-1 et 441-4 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gaston X... coupable de faux en écritures publiques et usage, et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs que Gaston X... a pris, en sa qualité de maire, des arrêtés de nomination d'agents communaux pour des emplois totalement ou partiellement fictifs ;
"alors qu'en retenant l'infraction de faux à l'encontre de Gaston X..., sans constater qu'il aurait eu, à la date de signature des arrêtés de nomination, conscience du fait que les agents concernés n'effectueraient aucun travail, ou effectueraient un travail ne correspondant pas au salaire prévu, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction retenue" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, de 1989 à 1995, Gaston X... a pris des arrêtés de nomination d'agents communaux concernant des personnes dont le travail s'est avéré soit totalement, soit partiellement fictif ; que le montant des salaires versés à ce titre par la commune s'est élevé à 2,5 millions de francs ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de faux en écritures publiques, la cour d'appel énonce qu'il a reconnu que ces arrêtés avaient pour objet, d'une part, pour trois d'entre eux, de compenser l'insuffisance des salaires des conjoints de leurs bénéficiaires, d'autre part, pour un quatrième, d'apporter de l'aide à une personne dépressive ; qu'elle ajoute que les autres faits ont été commis, dans un contexte de clientélisme, en vue de favoriser des personnes de l'entourage du maire ou d'accorder des avantages non prévus par le statut de la fonction publique territoriale ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où se déduit le caractère intentionnel des faits, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi, le moyen ne saurait être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, présenté par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Gaston X..., pris de la violation des articles 175 du Code pénal abrogé, 432-12 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gaston X... coupable de prise illégale d'intérêts, et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs que le maire est chargé de la surveillance et de l'administration du patrimoine communal ; que Gaston X... a mis des logements communaux à la disposition de sa famille dans des conditions anormales (absence de loyer, loyer au-dessous du prix normal) ; que le maire a ainsi recherché un intérêt personnel ou familial dans la gestion du patrimoine communal ;
"alors que, pour que le délit de prise illégale d'intérêts puisse être retenu, il faut que la personne dépositaire de l'autorité publique ou investie d'un mandat électif public ait eu, au moment des actes imputés, un pouvoir de surveillance sur les opérations en question ; qu'en se bornant à se déterminer par le motif d'ordre général que "le maire est chargé de la surveillance et de l'administration du patrimoine communal", sans constater que Gaston X... aurait assuré effectivement, au moment des actes incriminés, la surveillance ou l'administration des opérations de location des bâtiments communaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, de 1992 à 1995, Gaston X... a, soit à la suite de délibérations du conseil municipal, mais sans en respecter les conditions, soit en dehors de toute délibération, mis à la disposition de quatre personnes faisant partie de sa famille, des bâtiments communaux qu'elles ont occupés à titre gratuit ou en contrepartie de loyers dérisoires ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de prise illégale d'intérêts, les juges énoncent notamment que le maire est chargé de la surveillance et de l'administration du patrimoine communal ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que la charge de l'administration de la commune et de la gestion du patrimoine communal, attribuée au maire, implique surveillance et administration dudit patrimoine au sens de l'article 432-12 du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Gaston X..., pris de la violation des articles L. 122-20 du Code des communes abrogé, L. 2122-22, 16 , du Code général des collectivités territoriales, 111-5 du Code pénal, 2, 87, 418, 423, 515 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré la commune de Saint-Pol-sur-Mer recevable en son appel et en sa constitution de partie civile, et condamné Gaston X... à lui payer la somme de 8 527 500 francs à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que le maire de Saint-Pol-sur-Mer a bénéficié d'une délégation du conseil municipal, pour la durée de son mandat, d'intenter au nom de la commune des actions en justice et de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ; que même si cette délégation donnée par délibération du 27 juin 1995 ne définit pas les cas dans lesquels le maire pourra agir en justice, elle doit être considérée comme donnant qualité au maire pour agir en justice au nom de la commune et à la représenter régulièrement ; qu'en tout état de cause, l'éventuel défaut de qualité du maire à se constituer partie civile a été régularisé par la délibération prise par le conseil municipal le 20 mars 1999, décidant de maintenir sa constitution de partie civile, ratifiant en tant que de besoin les actes antérieurs du maire au titre de cette constitution de partie civile, et autorisant le maire à interjeter appel de la décision du tribunal correctionnel du 12 mars 1999 ; que la Cour n'a pas le pouvoir d'apprécier la légalité de la décision d'abréger le délai légal de convocation du conseil municipal réuni à cet effet ;
"alors, d'une part, que, lorsque la délégation donnée par le conseil municipal au maire ne précise pas les cas dans lesquels le maire pourra agir en justice, ce dernier n'a pas qualité pour agir au nom de la commune ; qu'en relevant elle-même que la délibération du 27 juin 1995 ne définissait pas les cas dans lesquels le maire pourra agir en justice, tout en affirmant que cette délibération devait être considérée comme donnant qualité au maire pour agir en justice au nom de la commune, la cour d'appel a violé l'article L. 122-20 du Code des communes devenu l'article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales ;
"alors, d'autre part, que si la victime d'une infraction peut se constituer partie civile devant le juge d'instruction, et au plus tard à l'audience du tribunal, elle ne peut plus le faire au-delà de cette date ni régulariser une constitution de partie civile, faite par une personne sans qualité, postérieurement au jugement ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de la commune, au motif qu'elle avait été régularisée par une délibération du 20 mars 1999, soit postérieurement au jugement du 12 mars 1999, la cour d'appel a violé les textes susvisés du Code de procédure pénale ;
"alors, enfin, et en tout état de cause, que l'inobservation du délai légal prévu par l'article L. 2121-12 du Code général des collectivités territoriales est sanctionnée par l'annulation de la délibération étant précisé que l'annulation de la délibération du 20 mars 1999 était de nature à entraîner l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de la commune ;
qu'il appartenait, dès lors, au juge pénal, appelé à donner une solution au procès pénal en tranchant, notamment, la question de la recevabilité de la constitution de partie civile de la commune, et, partant, celle de la légalité de la délibération du 20 mars 1999, d'apprécier la légalité de la décision d'abréger le délai légal de convocation du conseil municipal en vue de la réunion du 20 mars 1999 ; qu'en estimant qu'elle n'avait pas de pouvoir de procéder à cette appréciation, la cour d'appel a violé l'article 111-5 du Code pénal" ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour Emmanuel Y..., pris de la violation des articles 2, 3, L. 122-20-16 du Code des communes, L. 2122-22-16 du Code général des collectivités territoriales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, des principes généraux du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de la commune de Saint-Pol-sur-Mer ;
"aux motifs que les anciennes dispositions de l'article L. 122-20 du Code des communes aujourd'hui reprises à l'identique par l'article L. 122-22 du Code général des collectivités territoriales, permettent au conseil municipal de donner délégation au maire, pour la durée de son mandat, d'intenter au nom de la commune les actions en justice et de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ; qu'en l'occurrence, le maire de Saint-Pol-sur-Mer a effectivement bénéficié d'une telle délégation par délibération en date du 27 juin 1995, ladite délégation étant devenue exécutoire le 4 juillet 1995, date de sa transmission en préfecture ; qu'il est vrai que cette délégation reprenant textuellement les dispositions du Code des communes n'est pas assortie d'une décision du conseil municipal définissant les cas dans lesquels l'action en justice est autorisée, le voeu du conseil municipal lors de sa réunion du 29 septembre 1995 ne pouvant être assimilé à une délibération en la forme ; qu'il n'en demeure pas moins que bien que ne définissant pas les cas dans lesquels le maire pourra agir en justice, la délibération du mois de juin 1995 doit être considérée comme donnant qualité au maire pour agir en justice au nom de la commune et à la représenter régulièrement ; qu'en tout état de cause, l'éventuel défaut de qualité du maire à se constituer partie civile est susceptible d'être régularisé en cause d'appel ; qu'il y a lieu de constater qu'en l'espèce, le conseil municipal de Saint-Pol-sur-Mer a dûment décidé, par délibération prise le 20 mars 1999 dans le cours du délai d'appel, de maintenir sa constitution de partie civile, ratifiant en tant que de besoin les actes antérieurs du maire au titre de cette constitution de partie civile, d'interjeter appel de la décision du tribunal correctionnel du 12 mars 1999, d'autoriser à cet effet le maire ;
"1 ) alors que la cour d'appel, qui constatait expressément que la délibération du 27 juin 1995 invoquée par la partie civile devant les premiers juges se bornait à se référer aux dispositions de l'article L. 122-20-16 du Code des communes reprises par l'article L. 2122-22-16 du Code général des collectivités territoriales sans définir les cas dans lesquels le maire pouvait agir au nom de la constitution de partie civile intentée au nom de la commune de Saint-Pol-sur-Mer ;
"2 ) alors que la régularité de la délibération du conseil municipal est un préalable à l'exercice de l'action civile par le maire et que, dès lors qu'il est constaté que le maire était dans l'impossibilité de se prévaloir devant les premiers juges d'une délibération régulière et, par conséquent, était dépourvu à ce stade de la procédure de toute qualité pour agir au nom de la commune, la production en cause d'appel d'une délibération du conseil municipal postérieure à la décision des premiers juges ne pouvait, au regard des principes généraux du Code de procédure pénale, permettre de régulariser la procédure" ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Monod et Colin pour Gaëtan Z..., pris de la violation des articles L. 122-20 du Code des communes, 2, 87, 419, 497, 509, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de la commune de Saint-Pol-sur-Mer et a condamné Gaëtan Z... solidairement avec Gaston X... au paiement de la somme de 8 527 500 francs à titre de dommages et intérêts, dans la limite d'un montant de 2 808 500 francs ;
"aux motifs que l'appel de la commune sur les dispositions civiles a été diligenté le 22 mars dans le délai de dix jours, peu important en l'espèce qu'il ait été qualifié d'appel incident et qu'il n'y ait pas eu antérieurement d'appel sur les dispositions civiles ; que les anciennes dispositions de l'article L. 122-20 du Code des communes aujourd'hui reprises à l'identique par l'article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales permettent au conseil municipal de donner délégation au maire, pour la durée de son mandat, d'intenter au nom de la commune les actions en justice et de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ;
qu'en l'occurrence, le maire de Saint-Pol-sur-Mer a effectivement bénéficié d'une telle délégation par délibération en date du 27 juin 1995, ladite délégation étant devenue exécutoire le 4 juillet 1995, date de sa transmission en préfecture ; qu'il est vrai que cette délégation reprenant textuellement les dispositions du Code des communes n'est pas assortie d'une décision du conseil municipal définissant les cas dans lesquels l'action en justice est autorisée, le voeu du conseil municipal lors de sa réunion du 29 septembre 1995 ne pouvant être assimilé à une délibération en la forme ; qu'il n'en demeure pas moins que bien que ne définissant pas les cas dans lesquels le maire pourra agir en justice, la délibération du mois de juin 1995 doit être considérée comme donnant qualité au maire pour agir en justice au nom de la commune et à la représenter régulièrement ;
"qu'en tout état de cause, l'éventuel défaut de qualité du maire à se constituer partie civile est susceptible d'être régularisé en cause d'appel ; qu'il y a lieu de constater qu'en l'espèce, le conseil municipal de Saint-Pol-sur-Mer a dûment décidé par délibération prise le 20 mars 1999 dans le cours du délai d'appel de maintenir sa constitution de partie civile, ratifiant en tant que de besoin les actes antérieurs du maire au titre de cette constitution de partie civile, d'interjeter appel de la décision du tribunal correctionnel du 12 mars 1999, d'autoriser à cet effet le maire ; qu'il convient d'indiquer que la Cour n'a pas dans le cadre de l'article 111-5 nouveau du Code pénal le pouvoir d'apprécier la légalité de la décision d'abréger le délai légal de convocation du conseil municipal réuni à cet effet, et qu'en soi d'ailleurs la brièveté du délai d'appel crée le cas d'urgence ; qu'il sera enfin précisé que l'appel a été dûment diligenté au nom de la commune de Saint-Pol-sur-Mer conformément à la décision de son conseil municipal, le fait que le maire ait indiqué dans l'arrêté du 20 mars 1999 qu'il allait interjeter au nom du conseil municipal (au lieu de commune) étant sans incidence ; qu'il convient, aux termes de ces motifs, de déclarer et la constitution de partie civile de la commune de Saint-Pol-sur-Mer et son appel recevables ;
"alors qu'en application de l'article L. 122-20 du Code des communes, le conseil municipal est autorisé à déléguer au maire certaines de ses attributions ; que ledit article prévoit, dans son paragraphe 16, la possibilité pour le maire, par délégation du conseil municipal, d'intenter au nom de la commune, les actions en justice dans les cas définis par le conseil municipal ; qu'en l'espèce, le maire de la commune de Saint-Pol-sur-Mer se prévaut, pour justifier de la recevabilité de son action, de la délibération du 27 juin 1995 par laquelle le conseil municipal lui a accordé les délégations prévues à l'article L. 122-20 du Code des communes ;
qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la délibération invoquée par la partie civile se borne à se référer aux dispositions de l'article L. 122-20 du Code des communes, sans mention de son paragraphe 16 ni des cas dans lesquels l'action en justice est autorisée par le conseil municipal ; que, dès lors, en déclarant recevable la constitution de partie civile de la commune de Saint-Pol-sur-Mer, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés à la prévention ;
"alors, en toute hypothèse, que l'intervention devant les juridictions de jugement se combinant avec le principe du double degré de juridiction, la victime ne peut se constituer pour la première fois en appel sous peine de priver le prévenu du bénéfice de cette règle ; qu'en l'espèce, les premiers juges ont déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la commune de Saint-Pol-sur-Mer sur le fondement des dispositions de l'article L. 122-20-16 du Code des communes ; que si la délibération du 20 mars 1999 permet de dire que l'appel interjeté par le maire de Saint-Pol-sur-Mer, le 22 mars 1999, est recevable, elle constitue également une reconnaissance implicite de ce qu'une délibération spéciale était nécessaire pour que le maire puisse se constituer partie civile devant les premiers juges ; que le maire se constituant, ainsi, valablement pour la première fois en cause d'appel, c'est à la faveur d'une violation du principe susvisé que la cour d'appel a déclaré recevable la constitution de partie civile de la commune de Saint-Pol-sur-Mer" ;
Sur le moyen de cassation additionnel, proposé par la société civile professionnelle Monod et Colin pour Gaëtan Z..., pris de la violation des articles L. 122-20 du Code des communes abrogé, L. 2121-12, L. 2122-22, 16 , du Code général des collectivités territoriales, 111-5 du Code pénal, 2, 87, 418, 423, 515, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'appel et la constitution de partie civile de la commune de Saint-Pol-sur-Mer et a condamné Gaëtan Z... solidairement avec Gaston X... au paiement de la somme de 8 527 500 francs à titre de dommages et intérêts, dans la limite d'un montant de 2 808 500 francs ;
"aux motifs que l'appel de la commune sur les dispositions civiles a été diligenté le 22 mars dans le délai de dix jours, peu important en l'espèce qu'il ait été qualifié d'appel incident et qu'il n'y ait pas eu antérieurement d'appel sur les dispositions civiles ; que les anciennes dispositions de l'article L. 122-20 du Code des communes aujourd'hui reprises à l'identique par l'article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales permettent au conseil municipal de donner délégation au maire, pour la durée de son mandat, d'intenter au nom de la commune les actions en justice et de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ;
qu'en l'occurrence, le maire de Saint-Pol-sur-Mer a effectivement bénéficié d'une telle délégation par délibération en date du 27 juin 1995, ladite délégation étant devenue exécutoire le 4 juillet 1995, date de sa transmission en préfecture ; qu'il est vrai que cette délégation reprenant textuellement les dispositions du Code des communes n'est pas assortie d'une décision du conseil municipal définissant les cas dans lesquels l'action en justice est autorisée, le voeu du conseil municipal lors de sa réunion du 29 septembre 1995 ne pouvant être assimilé à une délibération en la forme ; qu'il n'en demeure pas moins que, bien que ne définissant pas les cas dans lesquels le maire pourra agir en justice, la délibération du mois de juin 1995 doit être considérée comme donnant qualité au maire pour agir en justice au nom de la commune et à la représenter régulièrement ;
"qu'en tout état de cause, l'éventuel défaut de qualité du maire à se constituer partie civile est susceptible d'être régularisé en cause d'appel ; qu'il y a lieu de constater qu'en l'espèce, le conseil municipal de Saint-Pol-sur-Mer a dûment décidé par délibération prise le 20 mars 1999 dans le cours du délai d'appel de maintenir sa constitution de partie civile, ratifiant en tant que de besoin les actes antérieurs du maire au titre de cette constitution de partie civile, d'interjeter appel de la décision du tribunal correctionnel du 12 mars 1999, d'autoriser à cet effet le maire ; qu'il convient d'indiquer que la Cour n'a pas dans le cadre de l'article 111-5 nouveau du Code pénal le pouvoir d'apprécier la légalité de la décision d'abréger le délai légal de convocation du conseil municipal réuni à cet effet, et qu'en soi d'ailleurs la brièveté du délai d'appel crée le cas d'urgence ; qu'il sera enfin précisé que l'appel a été dûment diligenté au nom de la commune de Saint-Pol-sur-Mer conformément à la décision de son conseil municipal, le fait que le maire ait indiqué dans l'arrêté du 20 mars 1999 qu'il allait interjeter au nom du conseil municipal (au lieu de commune) étant sans incidence ; qu'il convient, aux termes de ces motifs, de déclarer et la constitution de partie civile de la commune de Saint-Pol-sur-Mer et son appel recevables ;
"alors que l'inobservation du délai légal prévu par l'article L. 2121-12 du Code général des collectivités territoriales est sanctionnée par l'annulation de la délibération, étant précisé que l'annulation de la délibération du 20 mars 1999 était de nature à entraîner l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de la commune ; qu'il appartenait, dès lors, au juge pénal, appelé à donner une solution au procès pénal en tranchant, notamment, la question de la recevabilité de la constitution de partie civile de la commune et, partant, celle de la légalité de la délibération du 20 mars 1999, d'apprécier la légalité de la décision d'abréger le délai légal de convocation du conseil municipal en vue de la réunion du 20 mars 1999 ; qu'en estimant qu'elle n'avait pas de pouvoir de procéder à cette appréciation, la cour d'appel a violé l'article 111-5 du Code pénal" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la commune de Saint-Pol-sur-Mer, représentée par son maire, s'est constituée partie civile devant le tribunal correctionnel sur la base d'une délibération du 27 juin 1995 ; qu'en l'absence de production de cette délibération, les premiers juges ont estimé qu'ils n'étaient pas en mesure de s'assurer qu'elle visait expressément la mission donnée au maire de se constituer partie civile et ont déclaré cette constitution irrecevable ;
Que le conseil municipal a, par une délibération du 20 mars 1999, autorisé le maire à interjeter appel de cette décision et maintenu la constitution de partie civile de la commune ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que la légalité de la délibération du 20 mars 1999 n'a fait l'objet d'aucune exception soulevée avant toute défense au fond par les demandeurs, la cour d'appel a, à bon droit, retenu que le maire avait été régulièrement mandaté par le conseil municipal pour agir en justice au nom de la commune ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le second moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Monod et Colin pour Gaëtan Z..., pris de la violation des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 111-5 du Code pénal, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de la commune de Saint-Pol-sur-Mer et a condamné Gaëtan Z... solidairement avec Gaston X... au paiement de la somme de 8 527 500 francs à titre de dommages et intérêts, dans la limite d'un montant de 2 803 500 francs ;
"aux motifs adoptés des premiers juges que Gaëtan Z... a bénéficié d'un logement au centre aéré pour un faible loyer (310 francs) qui ne correspondait pas à la délibération fixant le loyer selon la surface corrigée ; qu'il a expliqué que c'était la compensation de sa disponibilité sept jours sur sept ; que, de même, son logement a été amélioré, une salle de bains en marbre et les peintures intérieures et extérieures ayant été refaites en 1994 sans que le loyer ne soit révisé ; que l'avantage fixé à 1 500 francs par mois entraîne un détournement de 270 000 francs ;
"aux motifs propres que le détournement de fonds publics par faux arrêtés de nomination d'agents communaux ne peut être fixé à moins de 2 500 000 francs ; que d'autres détournements ont profité à Gaëtan Z..., outre la perception indue d'une prime annuelle de vacances de 3 000 francs par an de 1988 à 1993 et d'un bon d'habillement de 500 francs (avantages évaluables à 18 500 francs) versés sur les comptes de l'amicale, il a bénéficié d'un logement communal au centre aéré dans des conditions anormalement avantageuses décrites par les motifs du jugement entrepris, avantage évaluable à 1 500 francs, soit un détournement de 270 000 francs, de la pose d'une petite barrière par les services municipaux (5 000 francs), des avantages liés à une consommation d'essence sur les cartes de la mairie et de l'entretien de son camping-car ; qu'ajoutés aux sommes indûment reçues sur le compte de l'amicale, ces faits caractérisent des détournements de fonds publics supplémentaires évaluables à 290 000 francs et caractérisent des faits de recel de détournements de fonds publics à l'encontre de Gaëtan Z... de 308 500 francs ;
"alors, d'une part, qu'il ressort des pièces de la procédure que, par une première délibération du 13 octobre 1978, le conseil municipal calculant le montant du loyer du logement occupé par Gaëtan Z... sur la base de la surface corrigée du logement, avait fixé ledit loyer à 616,63 francs par mois ; que, par une seconde délibération, en date du 26 février 1981, le conseil municipal a fixé le loyer de ce même logement sur la base forfaitaire de 50 % de la surface corrigée, soit un montant de 310 francs par mois ; que, dès lors, en affirmant que le loyer mensuel de 310 francs versé par Gaëtan Z... "ne correspondait pas à la délibération fixant le loyer selon la surface corrigée", la cour d'appel a dénaturé la délibération du 26 février 1981 susmentionnée, annulant et remplaçant la délibération du 13 octobre 1978, et entaché son arrêt attaqué d'un manque de base légale par contradiction de motifs ;
"alors, d'autre part, que la recevabilité de l'action civile d'une personne physique ou morale devant les juridictions pénales repose sur l'existence d'un préjudice personnel directement causé par l'infraction ; qu'en l'espèce, pour condamner Gaëtan Z... à verser à la commune de Saint-Pol-sur-Mer la somme de 270 000 francs à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel énonce que le prévenu aurait bénéficié d'un logement communal au centre aéré dans des conditions anormalement avantageuses, avantage qu'elle évalue à 270 000 francs ; que le loyer réglé par Gaëtan Z... ayant été déterminé par le conseil municipal, organe délibérant de la commune, par deux délibérations successives en date des 13 octobre 1978 et 26 février 1981, dont la régularité n'a été contestée par la partie civile ni devant le juge administratif ni devant le juge répressif, la commune de Saint-Pol-sur-Mer ne peut se prévaloir d'un quelconque préjudice directement causé par l'infraction ; que, dès lors, c'est à la faveur d'une violation de l'article 2 du Code de procédure pénale que la cour d'appel a condamné Gaëtan Z... à lui verser des dommages et intérêts de ce chef ;
"alors, en toute hypothèse, qu'en se bornant à énoncer arbitrairement que le préjudice subi par la commune de Saint-Pol-sur-Mer du fait des conditions avantageuses d'occupation du logement communal consenties à Gaëtan Z... devait être évalué à la somme de 1 500 francs par mois, sans expliquer précisément d'où il résulte que de telles conditions auraient causé à la commune un préjudice mensuel de 1 500 francs, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs" ;
Attendu qu'en évaluant comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant notamment des faits de recel de détournement de fonds publics, non contestés par le pourvoi, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.