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Décisions

Cass. 3e civ., 16 juin 2016, n° 14-27.222

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jardel

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Didier et Pinet, SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Vincent et Bouvier-Ohl

Besançon, du 11 sept. 2014

11 septembre 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 11 septembre 2014), qu'à l'occasion de la construction d'un immeuble par la SCI L'Arbalette & cie (la SCI), constituée entre MM. Arezki et Rachid X..., sont notamment intervenus la société Travaux publics Mourot (société Mourot) pour le lot implantation de réseaux, M. Y... pour le lot électricité, la société Icto, depuis en liquidation amiable, pour le lot parquets et cloisons séparatives, M. Z... pour le lot plâtrerie, M. X... pour le lot gros-oeuvre, dont les travaux ont été sous-traités à M. A..., et la société Rachid X... pour des prestations diverses ; que la SCI n'a souscrit aucune police d'assurance ; qu'en cours de travaux, elle a vendu, par actes reçus par la SCP B... (la SCP), notaire, les lots de l'immeuble placé sous le régime de la copropriété à M. et Mme C..., à M. D... et Mme E... et à M. F... ; que, se plaignant de désordres, non-conformités et non-finitions, le syndicat des copropriétaires (le syndicat) et les copropriétaires ont, après expertise, assigné en indemnisation la SCI, la SCP, les intervenants à la construction et leurs assureurs ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le syndicat et les copropriétaires font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre M. Y..., la MMA, le liquidateur de la société Icto, la MAAF, M. A..., la société Mourot, la MMA, et M. Z..., alors, selon le moyen :

1°/ que les acquéreurs successifs d'un immeuble sont recevables à agir contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale qui accompagne, en tant qu'accessoire, l'immeuble ; qu'en affirmant que le syndicat et les copropriétaires ne disposaient pas de plus de droits que ceux que la SCI, maître d'ouvrage originel, leur avait transmis par la vente de l'ouvrage, quand ils étaient fondés à exercer l'action décennale contre les constructeurs, qui accompagne l'immeuble en tant qu'accessoire, indépendamment des exceptions qui, liées à une faute personnelle de la SCI, ne pouvaient être opposées aux acquéreurs successifs de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil par refus d'application ;

2°/ que fût-elle fautive, l'immixtion du maître d'ouvrage, notoirement compétent, dans la conception et la réalisation de l'ouvrage, ne peut constituer une cause étrangère exonérant totalement le constructeur de sa responsabilité décennale, dès lors qu'il appartient, en toute hypothèse, à cet homme de l'art ne pas accepter aveuglément les instructions, modifications et suppressions exigées par le maître de l'ouvrage, lorsqu'elles sont contraires au permis de construire et aux règles de l'art et qu'il lui faut, le cas échéant, refuser purement et simplement d'exécuter les travaux dans de telles conditions ; que la cour d'appel constate que les constructeurs intervenus dans la réalisation de l'immeuble litigieux ont accepté de réaliser les travaux quand les plans et documents techniques nécessaires à leur mission ne leur étaient pas fournis par le maître d'ouvrage, quand ils avaient été dépossédés de toute liberté dans l'exécution des tâches non précisément déterminées qui leur étaient confiées par le maître d'ouvrage, quand ils avaient reçu des instructions qui, répondant à un souci d'économie du maître d'ouvrage, étaient contraires au permis de construire, et plus généralement aux règles de l'art et, enfin, quand le maître d'ouvrage avait fait des choix totalement inadaptés qui étaient la cause directe et exclusive des dommages constatés ; qu'en décidant d'exonérer les constructeurs de toute responsabilité du fait de ces fautes commises par la SCI, quand il appartenait à ces hommes de l'art, et professionnels de la construction, de ne pas accepter servilement de telles conditions d'intervention imposées par le maître d'ouvrage, et de refuser d'exécuter des travaux contraires à la réglementation d'urbanisme et aux règles de l'art, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé l'article 1792 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la SCI, dont la compétence technique était notoire, avait assuré la maîtrise d'oeuvre en dirigeant sous son autorité toutes les entreprises, sans mettre à leur disposition les plans ou documents techniques nécessaires à leur mission et sans leur permettre de conserver la moindre liberté dans l'exécution des tâches non précisément déterminées qu'elle leur avait confiées, et qu'elle avait volontairement, par souci d'économie, donné aux entreprises des instructions contraires au permis de construire et aux règles de l'art et fait des choix totalement inadaptés qui étaient la cause directe et exclusive des dommages, la cour d'appel, qui a pu retenir que cette immixtion fautive constituait une cause étrangère qui exonérait totalement les entreprises de leur responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage en application de l'article 1792 du code civil, en a déduit à bon droit que les demandes du syndicat et des copropriétaires acquéreurs de l'ouvrage à l'encontre des constructeurs devaient être rejetées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième, troisième, et quatrième moyens réunis, ci-après annexés :

Attendu que le syndicat et les copropriétaires font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre M. Y..., la MMA, le liquidateur de la société Icto, la MAAF et M. A... ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'immixtion fautive de la SCI était la cause exclusive des désordres et constituait une cause étrangère, la cour d'appel, qui en a déduit, sans modifier l'objet du litige, qu'elle exonérait totalement les entreprises de leur responsabilité, a légalement justifié sa décision ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu que le syndicat et les copropriétaires font grief à l'arrêt de mettre hors de cause la SCP, alors, selon le moyen, que le notaire chargé de dresser un acte de vente est tenu de faire mention, dans le corps de l'acte, ou en annexe, de l'existence ou de l'absence des assurances prévues aux articles L. 241-1 et suivants du même code ; si le constructeur est aussi le vendeur, et que ce professionnel de la construction a délibérément pris le risque de ne pas souscrire les assurances obligatoires prévues par la loi pour protéger l'acquéreur, le notaire doit informer ce dernier des conséquences exactes découlant de ce choix ; que la seule indication générale et imprécise, dans les actes de vente litigieux, que le notaire aurait dûment informé les acquéreurs des risques que pouvait présenter pour eux l'acquisition d'un immeuble imparfaitement assuré et des conséquences susceptibles d'en résulter pour le cas où, par suite de désordres, ils viendraient à se trouver dans l'obligation d'engager des procédures pour en obtenir réparation, ne suffisait pas à établir le caractère suffisant de l'information effectivement délivrée aux acheteurs ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il ressortait des actes de vente que le vendeur avait expressément déclaré qu'il ne souscrirait aucune assurance dommage-ouvrage, que les acquéreurs et le vendeur avaient reconnu que cette situation n'était pas conforme à la loi, que le notaire avait dûment informé les acquéreurs des risques que pouvait présenter pour eux l'acquisition d'un immeuble imparfaitement assuré et des conséquences susceptibles d'en résulter pour le cas où, par suite de désordres, ils viendraient à se trouver dans l'obligation d'engager des procédures pour en obtenir réparation, et que les acquéreurs avaient déclaré persister dans leur intention d'acquérir, la cour d'appel a pu en déduire que la responsabilité du notaire ne pouvait être retenue ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.