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Décisions

Cass. com., 16 septembre 2014, n° 13-17.892

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

Me Bertrand, SCP Boulloche

Paris, du 5 juill. 2012

5 juillet 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 2012), que la société Day and Nous Charter Ltd a, par acte du 10 juillet 2008, souscrit auprès de la société Natixis Lease un contrat de location avec option d'achat portant sur un navire ; que la société Natixis Lease a, par ordonnance du 13 décembre 2011, été autorisée à faire pratiquer une saisie-revendication sur ce navire ; que la société Day and Nous Charter Ltd a fait assigner la société Natixis Lease en nullité de cette saisie ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Day and Nous Charter Ltd fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par elle, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est celui du lieu où demeure le débiteur ; que ce lieu s'entend, pour une personne morale, « du lieu où celle-ci est établie », soit son siège social, tel qu'il est indiqué au registre du commerce à la date de l'acte de procédure considéré ; qu'en estimant que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris était compétent pour connaître du litige au motif que, dans le contrat de location du 10 juillet 2008, la société Day and Nous Charter Ltd avait déclaré que son siège administratif se situait au... 75017 Paris, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Day and Nous Charter Ltd n'avait pas son siège social à Malte, ce que révélait la simple lecture de l'extrait Kbis de la société, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 43 du code de procédure civile et R. 511-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que s'il mentionne l'existence d'un « siège administratif » chez « Mme X...,... 75017 Paris », le contrat de location du 10 juillet 2008 mentionne, dans la case détaillant l'identité du locataire, à savoir la société Day and Nous Charter Ltd, l'existence d'une adresse située à Malte (Palazzo Pietro Stiges-90, Strait Street, Valetta) ; qu'en se bornant à retenir l'existence du « siège administratif » mentionné dans le contrat de location, en passant sous silence la mention de l'adresse de la société Day and Nous Charter Ltd fixée à Malte, la cour d'appel a dénaturé le contrat de location et a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que si une personne morale ayant plusieurs établissements peut être assignée au lieu de l'un de ses établissements secondaires ou de ses succursales aussi bien qu'au siège social, c'est à la condition que cet établissement jouisse d'une certaine autonomie ; que dans son assignation à jour fixe, la société Day and Nous Charter Ltd faisait valoir que, par un courrier du 20 décembre 2011, Mme X... avait indiqué à la société Natixis Lease que la société Day and Nous Charter Ltd n'avait pas d'établissement au... à Paris, qui constituait en réalité son domicile personnel, et que le siège social de la société était « Palazzo Pietro Stiges-90, Strait Street, 1436 Valetta, Malta » ; qu'en estimant que la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris n'était pas utilement contestée par la société Day and Nous Charter Ltd, « la lettre recommandée adressée à ladite société quelques jours avant la requête aux fins de saisie le 9 décembre 2011 au... ayant été réceptionnée à cette adresse », sans répondre au moyen de l'assignation à jour fixe qui démontrait qu'à la date de la saisine du juge, la banque ne pouvait ignorer que la société Day and Nous Charter Ltd ne disposait d'aucun établissement autonome à Paris, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en estimant que la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris n'était pas utilement contestée par la société Day and Nous Charter Ltd, sans caractériser le fait que cette société aurait disposé à Paris d'un établissement autonome, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 42 et 43 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 511-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

5°/ qu'en estimant que la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris n'était pas utilement contestée par la société Day and Nous Charter Ltd, sans répondre aux écritures de celle-ci faisant valoir que l'adresse du... 75017 Paris était l'adresse personnelle de Mme X..., qui n'était plus le représentant légal de la société depuis sa démission survenue le 26 octobre 2009, et que dès la signature de l'avenant au contrat du 30 octobre 2009, la société Day and Nous Charter Ltd déclarait une adresse « administrative » chez Navilux, son gestionnaire, ayant son siège au Luxembourg, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt constate qu'il ressort du contrat de location que la société Day and Nous Charter Ltd a déclaré être représentée par Mme X... en qualité de codirecteur et disposer d'un siège administratif au... à Paris ; qu'il relève que la lettre recommandée envoyée à la société Day and Nous Charter Ltd le 9 décembre 2011, soit quelques jours avant la présentation de la requête aux fins de saisie, a été réceptionnée à cette adresse ; qu'il relève encore que la société Day and Nous Charter Ltd invoque vainement la démission de Mme X... de son poste de directeur dès lors qu'il n'est établi ni que la société Natixis Lease en ait été avisée ni qu'elle ait été informée des modifications que cette démission entraînait concernant le siège administratif parisien ; qu'en l'état de ces constatations, exemptes de dénaturation, desquelles elle a fait ressortir que l'adresse parisienne correspondait au lieu où demeure le débiteur au sens de l'article R. 511-2 du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions qui ne soutenaient pas que la société Day and Nous Charter Ltd avait, dès la signature d'un avenant du 30 octobre 2009, déclaré une adresse administrative au Luxembourg ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Day and Nous Charter Ltd fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à ce que soit prononcée la nullité de l'ordonnance sur requête et de la saisie-revendication, alors, selon le moyen :

1°/ que la saisie-revendication ne peut porter que sur des biens meubles corporels, à l'exclusion des biens meubles immatriculés, qui sont soumis à un régime qui les rapproche de la propriété immobilière ; que dans son assignation à jour fixe, la société Day and Nous Charter Ltd faisait valoir que le yacht Larmera avait un tonnage de 65 tonnes, qu'il était de ce fait régulièrement immatriculé et qu'il ne pouvait donc faire l'objet d'une mesure de saisie-revendication ; qu'en écartant ce moyen et en estimant applicables les dispositions relatives à la saisie-revendication, « peu important le tonnage du navire et son immatriculation comme bâtiment de mer », quand l'immatriculation du yacht en raison de son tonnage était à l'inverse déterminante, puisqu'elle le faisait échapper à la catégorie des biens meubles corporels susceptibles de faire l'objet d'une mesure de saisie-revendication, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 222-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que ne peuvent être saisis les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille ; que cette insaisissabilité est susceptible d'être invoquée indépendamment de toute considération relative à la propriété des biens en cause ; qu'en estimant que la société Day and Nous Charter Ltd ne pouvait se prévaloir des dispositions relatives à l'insaisissabilité des biens meubles nécessaires à la vie professionnelle du saisi, au motif que le navire objet de la saisie ne lui appartenait pas, la cour d'appel a violé l'article L. 112-2-5° du code des procédures civiles d'exécution ;

3°/ qu'il appartient à celui qui sollicite une mesure de saisie-revendication d'établir le caractère apparent du droit qu'il invoque ; qu'en l'espèce, le droit invoqué par la société Natixis Lease était celui fondé sur la mise en oeuvre de la clause contractuelle de résiliation de plein droit du contrat de location du fait du non-paiement des loyers à leur échéance, de sorte qu'il appartenait aux juges du fond de constater qu'apparemment, la société Day and Nous Charter Ltd ne s'était pas acquittée des échéances de loyers dans les délais requis ; que dans son assignation à jour fixe, la société Day and Nous Charter Ltd faisait valoir que les loyers dus à la société Natixis Lease avaient été intégralement réglés et que « c'est donc de façon tout à fait abusive que la société Natixis Lease a cru devoir, nonobstant ce paiement, considérer que le contrat était résilié de plein droit » ; qu'en estimant que la société Natixis Lease remplissait les conditions requises pour la mise en oeuvre d'une mesure de saisie-revendication, au seul motif que sa qualité de propriétaire du navire n'était pas contestée et qu'elle avait « mis en oeuvre la clause contractuelle de résiliation de plein droit du contrat du fait du non-paiement des loyers à leur échéance », sans s'assurer que l'allégation tenant à un non-paiement des loyers avait une apparence de vraisemblance, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 222-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu, d'une part, que, si des dispositions spéciales régissent la saisie conservatoire et la saisie-exécution des navires, aucune n'exclut la possibilité de leur saisie-revendication dans les conditions du droit commun ; qu'en retenant, par motifs propres et adoptés, que les dispositions du code des procédures civiles d'exécution relatives à la saisie-revendication étaient applicables au navire saisi, peu important le tonnage de ce navire et son immatriculation comme bâtiment de mer, la cour d'appel a statué à bon droit ;

Attendu, d'autre part, que les biens mobiliers dont la loi permet ou prescrit l'insaisissabilité sont ceux appartenant au débiteur ; qu'ayant relevé que le navire qui était l'objet de la saisie-revendication appartenait à la société Natixis Lease, et non à la société Day and Nous Charter Ltd, la cour d'appel en a déduit à bon droit que ce navire ne pouvait être déclaré insaisissable ;

Et attendu, enfin, que l'arrêt constate qu'il n'est pas contesté que la société Natixis Lease a la qualité de propriétaire du navire saisi ; qu'il relève que cette société a mis en oeuvre la clause contractuelle de résiliation de plein droit du contrat de location du fait du non-paiement des loyers à leur échéance ; qu'en l'état de ces constatations faisant ressortir que la société Natixis Lease était apparemment fondée à requérir la délivrance ou la restitution de ce navire, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.