Cass. crim., 21 septembre 2005, n° 04-80.474
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. COTTE
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement que la société d'économie mixte (SEM) Sarcelles Chaleur, dont Jean-Claude Y... était le directeur technique salarié, a confié l'exploitation du réseau de chauffage urbain de la ville de Sarcelles au groupement IDEX SA et IDEX et Cie, représenté par Alain X... ; que, par ailleurs, le Syndicat intercommunal pour la gestion de l'usine d'incinération des déchets urbains de la région de Sarcelles (SIGIDURS) a dévolu à la SEM Sarcelles Chaleur une mission de suivi technique de l'usine d'incinération des ordures ménagères (UIOM), dont l'exploitation était assurée par la société Saren ; que la SEM a subdélégué cette mission à Jean-Claude Y..., qui exerçait également une activité libérale au sein du cabinet "Conseil, Energie et Environnement" ;
qu'en outre, le SIGIDURS a passé des marchés de travaux publics pour la modernisation de l'UIOM, dont la maîtrise d'ouvrage a été déléguée à la SEM Sarcelles Chaleur ; que cette dernière a subdélégué cette mission à Jean-Claude Y..., qui a conclu, à titre libéral, plusieurs contrats avec des société concessionnaires de service public ou des entreprises adjudicataires des marchés ;
En cet état :
I - Sur le pourvoi formé par Alain X... :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 59, 60, 175, 175-1 et 177 de l'ancien Code pénal, 121-6, 121-7, 432-11, 432-12 et 432-17 du Code pénal, 388, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain X... coupable de complicité du délit de prise illégale d'intérêts commis par Jean-Claude Y... ;
"aux motifs que " sur la requalification en complicité des délits de prise illégale d'intérêts commis par Jean-Claude Y..., des faits qualifiés de corruption active, le représentant, à l'audience, du ministère public, renonçant à l'incrimination de corruption active, soutient que la signature par Alain X... du protocole d'accord passé avec le bureau d'étude C.E. et E le 3 janvier 1994 caractérise pour ce dernier le délit de complicité du délit de prise illégale d'intérêts commis par Jean-Claude Y... et demande à la Cour de déclarer pour ce fait Alain X... coupable de ce dernier délit ;
qu'Alain X... s'oppose à cette demande de requalification, au motif que présentée pour la première fois à l'audience de la Cour par le ministère public, elle porte atteinte tant à son droit d'être informé de manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, qu'à son droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, et viole ainsi des dispositions de l'article 6 1, 3a et 3b de la Convention européenne des droits de l'homme et 388 du Code de procédure pénale, qui garantissent le droit à un procès équitable ; qu'à l'appui de son grief, il fait valoir, d'une part, que la complicité ne constitue pas un élément intrinsèque de l'accusation initiale qu'il a connue depuis le début de la procédure, d'autre part, que le 12 novembre 2003, date à laquelle l'instruction d'audience s'est achevée, aucun élément de fait ou de droit ne lui a été communiqué pour lui permettre d'organiser d'une manière concrète, effective et en temps utile sa défense au regard de la nouvelle qualification requise à l'audience par le représentant du ministère public ; qu'il appartient à la Cour, saisie "in rem", de restituer leur véritable qualification aux faits dont elle est saisie par les actes d'appel et l'ordonnance de renvoi en date du 30 mars 2001 du magistrat instructeur ; que le consentement du prévenu à la requalification n'est pas nécessaire si, en l'absence de faits nouveaux, distincts de ceux de la prévention, la nouvelle qualification s'applique aux mêmes faits et qu'il a été mis en mesure de s'expliquer ; qu'il est constant qu'Alain X... est le signataire, pour le compte de la société anonyme IDEX, du protocole d'accord du 3 janvier 1994 passé avec le bureau d'étude C.E et E de Jean-Claude Y..., constitutif pour ce dernier du délit de prise illégale d'intérêts ; qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que ce protocole d'accord, par lequel la société IDEX a garanti à Jean-Claude Y... un carnet de commandes sur 3 ans de 1 500 000 francs HT hors commissions commerciales, a eu pour contrepartie l'obtention par cette société ou une société de son groupe de marchés du Sigidurs ; qu'il est constant qu'Alain X..., mis en examen le 12 juin 1997, pour des faits de corruption active, faux et usage, s'est expliqué devant le magistrat instructeur sur la signature, le 3 janvier 1994, du protocole d'accord litigieux ; qu'il a notamment déclaré, d'une part, que cette convention n'avait été suivie d'aucun effet, d'autre part, que, dans son esprit, il n'avait pas l'intention de garantir à Jean-Claude Y... un montant de commande de 1 500 000 francs HT, non compris les commission commerciales éventuelles, mais qu'il s'était simplement engagé à solliciter ce dernier si des missions répondant à ses compétences intervenaient dans le futur, précisant qu'il avait alors pensé que son groupe pourrait avoir besoin de prestations extérieures à hauteur de ce montant qu'il pouvait garantir à Jean-Claude Y... ;
qu'il a également déclaré au magistrat instructeur que dès 1988, il s'était assuré que Jean-Claude Y..., qui lui avait indiqué être employé par la société d'économie mixte Sarcelles Chaleur à mi-temps, disposait du droit d'effectuer des prestations d'ingénieur conseil à titre libéral, et précisé qu'il avait vu le contrat de travail de Jean-Claude Y... l'autorisant à effectuer une activité à titre libéral ; qu'il est également constant que, dans son ordonnance de renvoi du 30 mars 2001, le magistrat instructeur mentionne expressément la convention litigieuse du 3 janvier 1994 dans la partie qui est consacrée aux prises illégales d'intérêts imputables à Jean-Claude Y... et qu'il y fait également référence dans les développements de l'ordonnance relatifs aux faits de corruption en mentionnant les conventions conclues par Jean-Claude Y... avec les sociétés exploitantes ou les entreprises adjudicataires de marchés, qui assuraient à ces dernières le maintien de relations privilégiées avec le directeur de la société d'économie mixte Sarcelles Chaleur, propres à consolider une position favorable ; que le magistrat instructeur mentionne à nouveau expressément cette convention dans la partie de son ordonnance de renvoi consacrée aux faits de corruption active imputés à Alain X... ; que le représentant du ministère public a informé les parties, dès le début de l'instruction à l'audience devant la Cour de son intention de requérir, le cas échéant, la requalification des délits de corruption active retenus par la prévention contre Alain X..., Michel Z... et Michel A... en délits de complicité des délits de prises illégales d'intérêts imputés à Jean-Claude Y... ; que ce magistrat a effectivement requis une telle requalification dans les réquisitions orales qu'il a prononcées à l'audience du 13 novembre 2003 ; qu'à l'appui de sa demande de requalification, le représentant du ministère public n'a retenu à la charge d'Alain X... aucun fait distinct de sa signature le 3 janvier 1994 de la convention litigieuse ; que ce dernier s'est expliqué sur cet acte tant au cours de l'instruction préparatoire qu'au cours des débats ; qu'à l'audience du 13 novembre 2003, Alain X..., par conclusions écrites de son conseil et soutenues à la barre, a déclaré refuser de comparaître volontairement sous la prévention de complicité de prise illégale d'intérêts et demandé le rejet de la demande de requalification du parquet ;
que le conseil d'Alain X... a plaidé pour la défense de ce dernier à l'audience du 14 novembre 2003 et sollicité sa relaxe des fins de la poursuite et qu'Alain X... a eu la parole en dernier ; que dans ces conditions, Alain X... ayant été informé au cours de l'instruction à l'audience et avant les réquisitions orales du représentant du ministère public de l'intention de ce magistrat de requérir la requalification des faits de corruption active de Jean-Claude Y... qui lui sont reprochés en délit de complicité des prises illégales d'intérêts imputées à ce dernier, a été mis en mesure de s'expliquer s'il le voulait sur cette nouvelle qualification et de préparer utilement sa défense ; que la demande de requalification du ministère Public ne portant dès lors atteinte ni aux droits de la défense ni au droit à un procès impartial et équitable d'Alain X..., ce dernier sera débouté de son opposition à cette demande ; qu'Alain X..., président de la société anonyme IDEX, exploitante du service public de distribution de chaleur concédé par la commune de Sarcelles à la société d'économie mixte Sarcelles Chaleur, connaissait, de son propre aveu, la qualité de Jean-Claude Y... de directeur de cette dernière société pour avoir pris personnellement connaissance de son contrat de travail ; qu'il est constant que le contrat d'exploitation du service public de distribution de chaleur précise que le contrôle de l'exploitant est exercé par le directeur de la société d'économie mixte Sarcelles Chaleur ; que c'est, dès lors, en toute connaissance de cause qu'Alain X... a procuré à Jean-Claude Y... le moyen de commettre le délit de prise illégale d'intérêts en signant, en sa qualité de président de la société anonyme IDEX, le protocole d'accord du 3 janvier 1994 aux termes duquel cette société garantit au cabinet C.E. et E un carnet de commande de 1 500 000 francs HT sur 3 ans ; que dans ces conditions, la signature par Alain X... de ce protocole, initialement retenue sous la qualification de corruption active de Jean-Claude Y..., constitue en réalité, tant dans son élément matériel que dans son élément intentionnel, le délit de complicité du délit de prise illégale d'intérêts commis par Jean-Claude Y... ; qu'il y a lieu, en conséquence, de requalifier les faits en ce sens et de déclarer Alain X... coupable de cette dernière infraction " (arrêt, pages 35 à 38) ;
"alors 1 ) que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux ; qu'en l'espèce, aux termes de l'ordonnance de renvoi, en date du 30 mars 2001, qui seule fixe les limites de la prévention, il est reproché à Alain X... en premier lieu d'avoir, courant 1995, établi des fausses factures correspondant à des travaux réalisés dans les résidences de Jean-Claude Y..., en second lieu d'avoir, de 1988 à 1995, en vue d'obtenir l'attribution de marchés publics relatifs au traitement des déchets et au réseau de distribution de chaleur de la ville de Sarcelles, accordé à Jean-Claude Y... d'une part, des avantages en nature, en l'espèce des travaux réalisés dans ses résidences, pour un montant évalué à 565 868 francs, d'autre part, des avantages financiers, à hauteur de 480 000 francs HT de la part de la société IDEX, à hauteur de 117 845 francs HT, de la part d'IDEX dans le cadre du fonctionnement de la Saren, à hauteur de 62 560 francs HT de la part de la société ICE, filiale d'IDEX et à hauteur de 252 000 francs HT de la part de la société Valorga, liée à IDEX ;
qu'ainsi, le protocole d'accord du 3 janvier 1994, passé entre la société IDEX et Jean-Claude Y... n'est nullement mentionné parmi les faits reprochés au demandeur ; que par ailleurs, ni la signature de ce protocole ni les conditions de son exécution ne sauraient - même implicitement - être incluses dans la prévention de faux limitée à l'établissement de fausses factures, ou dans celle de corruption active, puisque ce protocole ne caractérise ni l'avantage en nature visé dans l'ordonnance de renvoi et constitué par des travaux effectués dans les résidences de Jean-Claude Y... ni les avantages financiers dont l'ordonnance de renvoi précise la cause et pour lesquels le demandeur a bénéficié d'une relaxe ; que, pour retenir toutefois ces faits à la charge de Jean-Claude Y..., la cour d'appel s'est bornée à énoncer que le demandeur s'est expliqué devant le magistrat instructeur sur la signature de ce protocole du 3 janvier 1994, que ledit protocole est mentionné dans la partie de cette ordonnance de renvoi consacrée aux faits de prise illégale d'intérêts imputables à Jean-Claude Y..., dans les développements de ladite ordonnance relatifs aux faits de corruption en ce qu'ils mentionnent les conventions conclues par Jean-Claude Y... et dans la partie consacrée aux faits de corruption active imputés à Alain X... ; qu'en l'état de ces motifs inopérants, dont il ne résulte pas que le demandeur ait été expressément invité, aux termes du dispositif de l'ordonnance de renvoi, à répondre d'un chef de prévention relatif à la conclusion ou à l'exécution du protocole d'accord du 3 janvier 1994, et alors qu'il est constant qu'Alain X... a refusé d'être jugé sur ces faits, la cour d'appel, qui a retenu à la charge dudit prévenu des faits non visés à la prévention, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 388 du Code de procédure pénale ;
"alors 2 ) que tout accusé ayant - conformément aux dispositions de l'article 6, alinéa 3, a), de la Convention européenne des droits de l'homme - le droit d'être informé des faits matériels qui lui sont imputés et de la qualification juridique donnée à ces faits, ainsi que le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, la juridiction pénale qui opère une requalification des faits poursuivis doit en informer préalablement le prévenu et le mettre en mesure de présenter utilement sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; qu'ainsi, lorsque l'éventualité d'une requalification des faits n'est exposée, pour la première fois, qu'au cours des débats en cause d'appel, il appartient à la cour d'appel de renvoyer l'affaire afin de permettre aux parties de s'expliquer sur cette nouvelle qualification ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que si Alain X... a été initialement poursuivi du chef de corruption active, renvoyé de ce chef devant la juridiction correctionnelle et déclaré coupable de ce même chef de prévention par le jugement du 21 novembre 2002, ce n'est qu'à l'audience des débats du 13 novembre 2003, devant la cour d'appel, que le représentant du ministère public a pris des réquisitions tendant à la requalification des faits en complicité de prise illégale d'intérêts, tandis que ces débats avaient débuté le 7 novembre de la même année pour s'achever le 14 novembre ; que dès lors, en faisant droit à cette demande de requalification, expressément contestée par le demandeur, pour déclarer ce dernier coupable de complicité de prise illégale d'intérêts, sans avoir - en l'état de la contestation dont elle était saisie - renvoyé l'affaire à une audience ultérieure afin de permettre audit prévenu de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense pour présenter, en temps utile, ses observations sur la nouvelle qualification pénale ainsi retenue, la cour d'appel a violé l'article 388 du Code de procédure pénale, ensemble le principe de l'égalité des armes et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"alors 3 ) qu'en se bornant à énoncer qu'ayant été informé, à l'audience du 13 novembre 2003, de la demande du représentant du ministère public tendant à la requalification des faits concernant Alain X..., ce dernier, qui a eu la parole en dernier à l'audience des débats du 14 novembre 2003, a été mis en mesure de s'expliquer s'il le voulait sur cette nouvelle qualification et de préparer utilement sa défense, sans rechercher si, au regard des exigences du procès équitable, le délai maximal de 24 heures qui s'est écoulé entre la demande de requalification et la clôture des débats était suffisant pour permettre audit prévenu de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et notamment de s'expliquer sur cette qualification de complicité de prise illégale d'intérêts, ceci quand, depuis sa mise en examen, en 1997, jusqu'à l'ouverture de l'audience du 13 novembre 2003, Alain X... n'avait eu à défendre que sur la seule qualification de corruption active, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu l'article 388 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, s'il appartient au juge de restituer aux faits poursuivis leur véritable qualification, il ne peut substituer des faits distincts à ceux de la prévention ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Alain X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de corruption active ;
qu'il lui est reproché d'avoir, dans le but d'obtenir l'attribution de marchés publics, fait verser à Jean- Claude Y..., par la société IDEX dont il était le dirigeant ou par des sociétés liées à cette dernière, des sommes s'élevant respectivement à 480 000 francs, 117 845 francs, 62 560 francs et 252 000 francs, et d'avoir pris en charge le coût des travaux effectués au domicile de Jean-Claude Y... ;
Attendu qu'après avoir relaxé le prévenu du chef de corruption active aux motifs que le versement des deux premières sommes correspondait à des prestations réellement effectuées par lui en exécution respectivement d'une mission confiée le 30 octobre 1992 et d'un contrat d'études du 9 juillet 1991, que les deux autres sommes avaient été versées par des sociétés dont le lien avec Alain X... n'était pas établi et que les travaux réalisés au domicile de Jean-Claude Y... étaient postérieurs à l'attribution des marchés publics, l'arrêt énonce, pour le déclarer coupable, après requalification en complicité des délits de prise illégale d'intérêts commis par Jean-Claude Y..., qu'il a signé, le 3 janvier 1994, un protocole d'accord par lequel la société IDEX garantissait au cabinet de Jean- Claude Y... un carnet de commande de 1 500 000 francs sur trois ans ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les faits retenus sous la nouvelle qualification sont distincts de ceux pour lesquels Alain X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci- dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
II - Sur le pourvoi formé par le procureur général :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour relaxer Jean-Claude Y... du chef de prise illégale d'intérêts résultant de deux missions rémunérées effectuées au profit de la société Saren, l'arrêt relève, notamment, que le contrat du 20 juin 1988, aux termes duquel le SIGIDURS a confié à la SEM Sarcelles Chaleur une mission de suivi technique de l'UIOM, dont l'exploitation était assurée par la société Saren, n'a eu ni pour objet ni pour effet de déléguer à la SEM une mission de contrôle ou de surveillance de la société Saren, ni de liquider ou de payer les marchés que le SIGIDURS pouvait être amené à passer ; que les juges en déduisent que Jean-Claude Y..., à qui la SEM a sous-traité, à titre onéreux, la mission technique qu'elle était contractuellement tenue de fournir au SIGIDURS, n'a pas non plus été chargé du contrôle ou de la surveillance de la société Saren ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'elle relevait par ailleurs que, dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée, la SEM devait, notamment, suivre la comptabilité des quantités récupérées et incinérées, suivre certaines prestations de la société Saren, contribuer à la mise en place du budget global du SIGIDURS et suivre les ventes et l'amortissement des investissements, circonstances dont il se déduit que la SEM devait contrôler la gestion de la société Saren, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, énoncer que le prévenu n'était pas chargé du contrôle ou de la surveillance de la société Saren ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 6 et 8 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ;
que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que le délit de prise illégale d'intérêts se prescrit à compter du dernier acte administratif accompli par l'agent public par lequel il prend ou reçoit directement ou indirectement un intérêt dans une opération dont il a l'administration ou la surveillance ;
Attendu que, pour déclarer prescrits certains faits de prise illégale d'intérêts reprochés à Jean- Claude Y... et résultant de conventions qu'il a conclues, antérieurement au 15 novembre 1993, avec des sociétés concessionnaires, exploitantes de service public ou avec des entreprises adjudicataires de marchés de travaux publics, dont il avait la charge d'assurer la surveillance, l'arrêt énonce qu'en l'absence de lien de connexité entre les délits visés par le réquisitoire introductif du 16 décembre 1994 et plusieurs réquisitoires supplétifs et ceux visés par le réquisitoire supplétif du 15 novembre 1996, seul ce dernier réquisitoire a valablement interrompu la prescription ;
Mais attendu qu'en retenant la date de conclusion des conventions comme point de départ de la prescription, sans rechercher si le prévenu, lors de l'exécution de ces contrats, n'avait pas réalisé d'acte nouveau d'administration le plaçant en position de surveillé et de surveillant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;
Par ces motifs,
I - Sur le pourvoi d'Alain X... :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 décembre 2003, mais en ses seules dispositions ayant déclaré Alain X... coupable de complicité de prise illégale d'intérêts et l'ayant condamné de ce chef à six mois d'emprisonnement avec sursis, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
II - Sur le pourvoi du procureur général :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 décembre 2003, mais en ses seules dispositions concernant les relaxes prononcées pour les faits de prise illégale d'intérêts reprochés à Jean- Claude Y... et résultant de la mission qui lui a été confiée par la société Saren, le 8 juillet 1991, du contrat d'assistance conclu avec la même société, le 17 novembre 1993, ainsi que des conventions d'assistance conclues par Jean-Claude Y... avec la société Itisa Volund, les 10 avril 1992, 15 janvier 1993 et 23 août 1993 et de l'avenant du 2 septembre 1993, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;