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Décisions

CA Versailles, 16e ch., 13 février 2014, n° 12/07972

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

De La Rosée Quatre (SCI)

Défendeur :

Finamur (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Avel

Conseillers :

Mme Massuet, Mme Lelièvre

Avocats :

Me Meresse, Me Dumeau, Selarl MP Avocats, Me Toriel, Me Minault

TGI Nanterre, 13 nov. 2012, n° 12/07276

13 novembre 2012

FAITS ET PROCÉDURE,

Par acte notarié en date du 13 décembre 2006, la SA FINAMUR a consenti à la SCI DE LA ROSEE QUATRE un contrat de crédit-bail sur un immeuble situé à Claye-Souilly (77410) moyennant une redevance arrêtée sur le montant de l'investissement effectué par le bailleur.

Considérant que la SCI DE LA ROSEE QUATRE était redevable de la taxe foncière afférente à l'immeuble donnée à bail, la société FINAMUR l'a mise en demeure, par courriers recommandés des 19 novembre 2010 et 17 décembre 2010, de régler les sommes correspondant à la taxe foncière de 2008 à 2010.

La société FINAMUR a fait délivrer à la SCI DE LA ROSEE QUATRE un commandement de payer la somme de 62.910,50 euros par exploit du 29 juillet 2011.

La société FINAMUR a fait procéder par acte d'huissier du 31 janvier 2012 à une saisie-attribution pour un montant de 89.578,05 euros entre les mains de la banque LCL Neuilly Théâtre sur les sommes détenues par elle pour le compte de la SCI DE LA ROSEE QUATRE, procès-verbal qui a été dénoncé à cette dernière le 6 février 2012.

Par acte d'huissier en date du 2 mars 2012, la SCI DE LA ROSEE QUATRE a assigné la société FINAMUR devant le juge de l'exécution de NANTERRE aux fins de voir de déclarer nulle et de nul effet la saisie-attribution du 31 janvier 2012 et de condamner la défenderesse à lui payer les sommes de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et 2.500 euros au titre de l'article 700 du C.P.C.

Vu l'appel interjeté le 21 novembre 2012 par la SCI DE LA ROSEE QUATRE du jugement rendu le 13 novembre 2012 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de NANTERRE qui a validé la saisie-attribution pratiquée le 31 janvier 2012 à la demande de la société FINAMUR pour un montant de 89.578,05 euros entre les mains de la banque LCL Neuilly-Théâtre sur les sommes détenues par elle pour le compte de la SCI DE LA ROSEE QUATRE, rappelé que l'exécution provisoire est de droit, l'a condamnée à payer la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du C.P.C., ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2013 par lesquelles la SCI DE LA ROSEE QUATRE, appelante, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour de déclarer nulle et nul effet la saisie attribution du 31 janvier 2012, ordonner la mainlevée de celle-ci, condamner la société FINAMUR à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, rejeter toute autre demande, condamner l'intimée à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du C.P.C. ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 23 septembre 2013 par lesquelles la société FINAMUR, intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré et demande à la cour de condamner la SCI DE LA ROSEE QUATRE à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du C.P.C. ;

SUR CE, LA COUR

La Cour se reporte, pour l'exposé des faits constants de la cause et des moyens des parties, aux écritures échangées par les parties et à la motivation du jugement entrepris.

Il est constant que les sommes pour lesquelles la saisie-attribution contestée a été pratiquée correspondant en principal au montant des taxes foncières pour les années 2008 à 2011, augmenté des intérêts de retard, et aux frais de poursuite afférents. Statuant sur la contestation d'une saisie-attribution portant exclusivement sur les taxes foncières 2008 à 2011 dues sur l'immeuble faisant l'objet du crédit-bail, le juge de l'exécution est compétent pour interpréter le titre exécutoire que constitue le contrat de crédit-bail immobilier conclu par acte authentique.

Dans les rapports entre crédit-bailleur et crédit-preneur, le statut des baux commerciaux est exclu. En effet, le contrat de crédit-bail immobilier n'est pas un contrat de louage d'immeuble, mais une opération complexe de financement ayant pour objet essentiel de fournir à un industriel ou un commerçant les fonds nécessaires devant lui permettre de se procurer l'immeuble correspondant à ses besoins, tout en tendant essentiellement à l'acquisition de la propriété des murs.

La spécificité de cette opération financière s'oppose à la prise en considération des jurisprudences citées par la SCI de la ROSEE QUATRE, statuant sur la répartition et la charge des impositions, taxes et contributions entre les parties au seul bail commercial, lequel obéit à un régime juridique distinct du crédit-bail immobilier. Par ailleurs on constate que les contrats de crédit-bail immobilier prévoient le plus souvent que les impositions du crédit-bailleur sont remboursables par le preneur au même titre que les charges de copropriété puisque l'opération financière réalisée par le crédit-bailleur consiste à percevoir les loyers du crédit-bail nets de toutes charges.

Sur la dispositions du contrat de crédit-bail prévoyant la charge des impôts

En l'espèce, il résulte de l'article B 11.3 2°), 'charges- impôts-primes d'assurance' des conditions générales du contrat de crédit-bail, que le bailleurs facturera au preneur en sus du loyer

- Tous impôts, taxes et contributions foncières ou autres de toute nature auxquelles la location elle-même pourrait être assujettie, ainsi que toutes taxes municipales, charges de ville ou d'Etat et redevances quelconques assises ou à asseoir sur ledit immeuble.

- Tous impôts, taxes et redevances qui pourraient être créés ultérieurement sous quelque forme que ce soit en supplément ou en remplacement de ceux ci-dessus prévus

- Plus généralement, toutes charges quelconques de quelque nature qu'elles soient, qui seraient ou pourraient devenir exigibles sur l'immeuble loué ou sur la location, le tout de manière que le loyer ci-dessus fixé soit perçu par le bailleur net de toutes charges réelles quelconques à la seule exclusion des impôts susceptibles de grever du chef du bailleur les revenus de la location, qui sont et demeureront à la charge du bailleur'

Aux conditions particulières du crédit-bail figure également un article A.7.3 ainsi libellé

"Par explicitation du paragraphe B.11.3 des conditions générales, il est précisé que la totalité des taxes, impôts ou charges et notamment celles pouvant être dues au titre des primes d'assurance souscrites par le bailleur, seront supportées par le preneur en tant que complément de loyer dans l'hypothèse où le bailleur serait amené à payer en lieu et place du preneur un complément d'assurance ou souscrire lesdites assurances pour cause de résiliation."

Il résulte du premier de ces deux articles, qu'aux impôts taxes et contributions foncières "de toute nature" auxquelles la location de l'immeuble pourrait être assujettie - et l'on sait que, si référence est ici faite au contrat de bail commercial, la taxe foncière pourrait être mise à la charge du preneur -, s'ajoutent de manière incontestable "toutes taxes municipales, charges de ville ou d'Etat et redevances quelconques assises ou à asseoir sur ledit immeuble", lesquelles incluent nécessairement la taxe foncière.

La généralité des termes du troisième alinéa du même article qui impute au preneur "plus généralement toutes charges quelconques de quelque nature qu'elles soient, qui seraient ou pourraient devenir exigibles sur l'immeuble loué ou sur la location" confirme s'il en était besoin que la taxe foncière, impôt local assis sur la valeur de l'immeuble, incombe au crédit-preneur.

Ce n'est pas sans mauvaise foi que la SCI DE LA ROSEE QUATRE persiste à soutenir que la taxe foncière pourrait être confondue avec les 'impôts susceptibles de grever du chef du bailleur les revenus de la location' dont il a par exception été prévu à l'article B 11.3 2°) qu'ils demeureront à la charge de la société FINAMUR. En effet les 'revenus tirés de la location', ou revenus fonciers, sont essentiellement constitués par les loyers et les revenus accessoires - location d'un droit d'affichage, droit de chasse ou de pêche...- tirés des biens immobiliers loués, que ceux-ci soient ou non bâtis, et la taxe foncière qui est un impôt sur l'immeuble, ne peut être assimilée à une imposition des revenus ou bénéfices perçus par le crédit-bailleur.

Le fait que le terme 'taxe foncière' ne figure pas spécifiquement dans les dispositions contractuelles ne permet pas d'exclure cet impôt des charges incombant au crédit-preneur, d'autant que le contrat litigieux évoque la notion de 'contribution foncière'.

Ainsi que l'aà juste titre relevé le premier juge, il résulte ainsi clairement des dispositions de l'acte notarié du 13 décembre 2006 que le preneur est le débiteur final des impôts, taxes et charges grevant l'immeuble et que le crédit-bailleur facturera au crédit-preneur en sus du loyer, toutes taxes municipales assises sur ledit immeuble.

Sur le caractère certain, liquide et exigible de la créance

Il convient de rappeler que pour faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée, telle une saisie-attribution, il suffit que le titre exécutoire contienne les éléments permettant l'évaluation de la créance. Pour que l'acte authentique réponde à l'exigence de l'article L 111-6 du C.P.C.E., ses termes doivent permettre de déterminer le montant de sommes réclamées, et une mise en demeure identifiant les éléments réclamés doit avoir été préalablement adressée au débiteur or les refacturations relatives aux taxes foncières appelées par l'administration fiscale auprès de la société FINAMUR ont été produites par le crédit -bailleur, et la SCI DE LA ROSEE QUATRE connaissait le montant en principal de la saisie-attribution pour avoir reçu plusieurs mises en demeure de régler les taxes foncières annuelles.

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a affirmé que la créance invoquée par la société FINAMUR présentait un caractère liquide et exigible conformément aux articles L 111-6 et L 211-1 du C.P.C.E.

Sur la demande de dommages-intérêts de la SCI DE LA ROSEE QUATRE

Le présent arrêt confirmant le rejet de la contestation de la SCI ROSEE QUATRE par le juge de l'exécution, la demande de dommages-intérêts tirée par la SCI DE LA ROSEE QUATRE de l'atteinte causée à son honneur et sa réputation par la saisie-attribution aujourd'hui validée, ne saurait prospérer.

Sur l'article 700 du C.P.C.

Au vu de la solution du litige, il y a lieu d'allouer à la société FINAMUR une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles que la SCI DE LA ROSEE QUATRE l'a contrainte à exposer en cause d'appel.

Sur les dépens

Succombant en son recours, la SCI DE LA ROSEE QUATRE supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 novembre 2012 par le Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE ;

Déboute la SCI DE LA ROSEE QUATRE de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne la SCI DE LA ROSEE QUATRE à verser à la SA FINAMUR une somme de 1.500euros sur le fondement de l'article 700 du C.P.C. ;

Condamne la SCI DE LA ROSEE QUATRE aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du C.P.C.