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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 22 mars 2018, n° 16/08498

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

KM Participation (Sté)

Défendeur :

In Extenso Finance & Transmission (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Esparbès

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

T. com. Lyon, du 25 nov. 2016, n° 2016j3…

25 novembre 2016

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant lettre de mission du 25 septembre 2013, la S.A.S. KM Participation utilisant le nom commercial «Jardin Chic» et représentée par Mme M., a confié au cabinet AExecutive & fact (AExecutive) aux droits de laquelle vient la S.A.S. In extenso finance & transmission, une mission de recherche d'acquéreurs et d'accompagnement dans le cadre de la cession de son entreprise.

Le dossier a été suivi par un des associés de la société AExecutive, M. Claude P., qui a trouvé un acquéreur en la personne de la société Hortorum ayant pour gérant M. Emmanuel P., son fils.

Suivant acte sous seing privé en date du 1er août 2014, le fonds de commerce de la société KM participation a été cédé à la S.A.S. Hortorum.

Conformément à la lettre de mission, des honoraires de succès en cas de réalisation de la cession, initialement fixés à un minimum de 25.000 € HT puis ramenés à 12.500 € HT, soit 15.000€ TTC, ont été payés par la société KM participation à la société AExecutive.

Au cours du mois de février 2015, différents échanges de courriers ont eu lieu entre les parties relatifs aux conditions de reprise d'un contrat de financement COFACE considérés comme litigieuses par Hortorum.

Les 11 et 17 mars 2015 Mme M., affirmant avoir découvert que M. Claude P. était associé dans le société Hortorum l'a mis en demeure de lui rembourser la somme de 15.000 € au motif que la cession est contraire à l'article 1596 du code civil.

En l'absence de réponse, la société KM participation a fait assigner le 14 avril 2015 la société AExecutive devant le tribunal de commerce de Chambéry en remboursement de cette somme de 15.000 € payée à titre de rémunération d'un intermédiaire.

La société AExecutive a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Chambéry qui a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement en date du 25 novembre 2016, ce tribunal de commerce a :

- dit que la convention signée le 18 [en réalité 25] septembre 2013 entre les parties est un contrat de louage,

- jugé que l'article 1596 du code civil n'est pas applicable,

- jugé la prestation effectuée par la société Aexecutive & fact effective et loyale,

- débouté la société KM participation de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société KM participation à payer à la société Aexecutive & fact la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration reçue le 2 décembre 2016, la société KM participation a interjeté appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 30 janvier 2017 fondées sur les articles 1134, 1596, 1991 et 1992 du code civil, la société KM Participation demande à la cour de :

- dire et juger l'appel recevable et bien fondé,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- condamner la société In extenso finance et transmission, venant aux droits de la société Aexecutive & fact, à lui rembourser la somme de 15.000 € payée au titre de la rémunération de l'intermédiaire suite à l'acte de cession du 1er août 2014,

- condamner la société In extenso finance et transmission à lui payer la somme de 2.500 € pour sa résistance abusive et la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 9 mars 2017 fondées sur les articles 1116, 1596 et 1779 du code civil, la société In extenso, venant aux droits de la société AExecutive par fusion-absorption, demande à la cour de:

- rejeter les appels, demandes, moyens, fins et conclusions de la société KM participation,

- confirmer le jugement dont appel,

- dire et juger que l'accord signé le 25 septembre 2013 entre les sociétés Aexecutive & fact et KM Participation n'est pas un mandat, en l'absence de la moindre représentation, mais un contrat d'entreprise, portant sur un service d'accompagnement,

- dire et juger que la rémunération déjà versée à la société Aexecutive & fact par la société KM Participation ne peut pas être révisée compte tenu de la qualité des prestations dispensées,

- dire et juger qu'il n'y a eu aucune déloyauté, aucune dissimulation, ni aucun préjudice subi par la société KM Participation dans l'exécution de la convention du 25 septembre 2013,

- condamner la société KM Participation aux entiers dépens, ainsi qu'à lui verser la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles.

La clôture a été prononcée le 24 octobre 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualification du contrat signé entre les sociétés Aexecutive et KM participation

Attendu que la société KM Participation réclame à titre principal, en application des articles 1991 et 1992 du code civil, le remboursement de la somme de 15.000 € versée à la société AExecutive au motif que M. Claude P., associé de cette société chargée selon elle de négocier la vente, s'est porté acquéreur à son insu par l'intermédiaire de la société Hortorum et de son fils Emmanuel ;

Qu'elle affirme que le contrat signé le 25 septembre 2013 a donné mandat à la société AExecutive de céder la société ou le fonds de commerce ;

Attendu que l'article 1596 du code civil invoqué par la société KM Participation ne conduit qu'au prononcé de la nullité de la cession directe ou par personne interposée des biens à un mandataire chargé de les vendre ;

Attendu que la société KM Participation ne se prévaut pas de la nullité de la cession de son fonds de commerce mais reproche en fait à la société AExecutive de n'avoir pas respecté ses obligations contractuelles inhérentes au mandat qu'elle prétend lui avoir confié ;

Attendu que l'article 1984 de ce code définit le mandat comme «un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.» ;

Attendu que ce contrat du 25 septembre 2013 stipule :

«1.3 Les objectifs de la mission

Le Cédant a souhaité être assisté dans la recherche d'acquéreurs et au cours des négociations avec ces derniers, et ce jusqu'à la signature des accords définitifs.

(...)

AExecutive propose au Cédant de réaliser la mission exclusive de recherche d'acquéreurs et d'accompagnement (...)»

Qu'il prévoit qu'AExecutive élabore une note de présentation, recherche des acquéreurs, «prend contact avec les dirigeants ou actionnaires des cibles retenues par tout moyen», «entre en discussion» avec ces dirigeants et organise alors les rencontres avec le cédant, en l'assistant lors de ces négociations préliminaires ;

Que dans la clause «Périmètre d'intervention», il est précisé que «Aexecutive n'intervient pas dans les rédactions des actes d'ordre juridique (protocole d'accord, garantie d'actif et de passif, pacte d'actionnaires, etc. rédigés par l'avocat de l'acquéreur.» ;

Attendu qu'aucune des clauses de cette convention ne donne mission à la société AExecutive de céder le fonds de commerce et de représenter la société cédante :

Que la qualification de mandat de vente classique mise en avant par la société KM Participation est ainsi exclue comme l'application de la loi du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet;

Que la société AExecutive n'était pas chargée d'accomplir des actes juridiques, caractéristique nécessaire du mandat, mais avait une tâche de recherches d'acquéreurs et d'assistance à la négociation ;

Attendu que contrairement à ce qu'affirme la société KM Participation, les échanges de courriels entre elle, la société AExecutive, et un candidat acquéreur (M. P.) des 13 et 18 juin 2014 confirment que la cédante gardait tout pouvoir de négociation directe et n'était pas tenue par la prise de position de M. Claude P. en indiquant «Je vous laisse donc faire votre meilleure proposition» ;

Que les autres courriels avec les candidats acquéreurs produits par la société intimée confortent cette indépendance de la cédante ;

Que l'acte de cession visant en son article 23 la lettre de mission et mentionnant que la société AExecutive était titulaire d'un «mandat régulier» et que la négociation avait été menée «par les soins d'un mandataire» est inopérant en ce que la société AExecutive n'en était pas partie et n'y est pas intervenu ;

Attendu que les premiers juges ont à bon droit rejeté la qualification de mandat ne permettant pas à la société KM Participation de rechercher la responsabilité de la société AExecutive fondée sur les articles 1991 et 1992 du code civil ;

Que celle de contrat d'entreprise a été à juste titre retenue car la lettre de mission prévoyait que la société AExecutive exécute de simples actes matériels ;

Sur les obligations découlant de la lettre de mission

Attendu que la société KM Participation se prévaut à titre subsidiaire des paragraphes ci-dessous rappelés du code de déontologie du groupe AExecutive joint à la lettre de mission comme de l'article 1134 ancien du code civil :

« Indépendance :

Tout collaborateur ou membre du groupe AEXECUTIVE exerce son activité de conseiller en investissements financiers en toute indépendance.

Dans ce cadre, il s'oblige :

- à agir loyalement et équitablement au mieux des intérêts de ses clients,

- à se doter des moyens et des procédures écrites lui permettant de prévenir, gérer et traiter tous les conflits d'intérêt pouvant porter atteindre aux intérêts de ses clients.

Confidentialité :

Sauf accord express de son client, tout collaborateur ou membre du groupe

AEXECUTIVE s'abstient de communiquer et d'exploiter, en dehors de sa mission, pour son compte propre ou pour le compte d'autrui, les informations relatives aux clients qu'il détient du fait de ses fonctions.»

Qu'elle reproche à sa cocontractante d'avoir privilégié l'offre faite par M. Claude P. pour évincer les autres candidats acquéreurs, et le manquement de ce dernier à l'exécution loyale et de bonne foi de ses obligations comme de lui avoir caché qu'il était associé à 50% de la société Hortorum dirigée par son fils ;

Attendu que le tableau communiqué à la société KM Participation par la société AExecutive faisant état de 29 prospects (sa pièce 3), ses courriels échangés en 21 mars 2014 avec M. G., en avril 2014 avec la société Truffaut, M. P. et Mme D. établissent les recherches d'acquéreurs effectuées et les négociations qui ont concerné notamment ces deux dernières personnes, menées par Mme M. dirigeante de la société appelante ;

Que le paiement des 15.000 € facturés après négociation à la baisse de 25.000 € HT à 15.000 € TTC confirme la satisfaction manifestée par la société KM Participation sur les prestations alors réalisées par sa cocontractante ;

Qu'aucun élément du dossier ne vient étayer l'affirmation d'une éviction des autres candidats au profit de l'offre de la société Hortorum ;

Attendu que comme l'ont souligné les premiers juges, le courriel envoyé le 7 juillet 2014 par Mme M. à M. Claude P., à son adresse «[...]» et non comme auparavant à l'adresse «[...]», par ses précisions sur les modalités techniques et pratiques de la reprise du fonds de commerce, comme surtout ceux des 8 et 28 juillet 2014 envoyés à la même adresse personnelle corroborent que ce dernier était clairement identifié comme partie prenante de l'acquisition du fonds de commerce par la société Hortorum ;

Que la société KM Participation a cédé son fonds de commerce à la société Hortorum en toute connaissance de l'implication de M. Claude P. ;

Attendu qu'ainsi la société KM Participation ne pouvait invoquer une exécution déloyale de la société AExecutive, les premiers juges ayant à bon droit rejeté toutes ses demandes ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu que la société KM Participation succombe totalement en son appel et doit en supporter les dépens, comme indemniser la société intimée des frais irrépétibles engagés devant la cour ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne la S.A.S. KM Participation à verser à la la S.A.S. In extenso finance & transmission une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. KM Participation aux dépens d'appel.