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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 23 mars 2017, n° 15/13390

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Dimensions (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dabosville

Conseillers :

Mme Schaller, Mme du Besset

T. com. Paris, 7e ch., du 15 avr. 2015, …

15 avril 2015

FAITS ET PROCÉDURE

Madame Marie-Christine C. détient 40% du groupe FRAM dont elle a été dirigeante jusqu'en 2006 puis évincée par un groupe d'actionnaires minoritaires dont fait partie son beau-frère. Elle a souhaité en reprendre le contrôle et, à cette fin, elle a signé au mois de mai 2008 un contrat de mission de conseil en management financier et gestion de crise, pour une durée de douze mois, avec plusieurs intervenants dont la société Dimensions Conseils.

Le 12 janvier 2010, la société C. Venture Capital constituée par Madame Marie-Christine C. pour le compte de la famille C. dont elle a en charge la gestion des intérêts, a signé une "convention d'honoraires" à durée indéterminée avec la société Dimensions, portant sur la mission de reprise de contrôle ou de cession du groupe FRAM, ainsi que pour diverses missions complémentaires, avec une partie de la rémunération liée au succès de l'opération en capital.

Le 4 février 2011, Madame Marie-Christine C. a signé un second contrat de mission avec la société Dimensions Conseils.

Un litige est apparu sur le montant et la nature de certaines sommes facturées dans le cadre des mandats des 12 janvier 2010 et 4 février 2011. Par lettre du 16 janvier 2012, Madame C. a pris acte de ce que les missions complémentaires de conseil visées à la convention du 12 janvier 2010 étaient achevées et que l'évolution des conditions de la mission initiale de conseil concernant l'opération de reprise de contrôle du groupe Fram ne permettait plus la réalisation du projet envisagé dans les conditions du contrat signé le 4 février 2011. Par mail du 5 juillet 2013, La société Dimensions Conseils lui a indiqué ne plus pouvoir assurer la défense de ses intérêts.

C'est dans ces conditions, que Madame Marie-Christine C. et la société C. Venture Capital ont fait assigner le 16 avril 2014, la société Dimensions Conseils pour obtenir le remboursement de sommes qu'elle a perçues au titre d'avance sur honoraires de succès, à savoir la somme de 430.560 euros, outre le paiement de la somme de 197.314,46 euros pour le préjudice subi du fait de l'inexécution de son obligation de conseil par la société Dimensions.

Par jugement rendu le 15 avril 2015, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté Madame Marie-Christine C. et la société C. Venture Capital de l'ensemble de leurs demandes.

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

- Les a condamnées aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 E dont 17,42 € de TVA.

Vu l'appel interjeté par Madame C. et la société C. Venture Capital le 22 juin 2015,

Vu les dernières conclusions signifiées par Madame C. et la société C. Venture Capital, le 22 septembre 2015, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les dispositions des articles 1181, 1235, 1134 et 1147 du Code Civil,

Réformant le jugement du 15 avril 2015 en toutes ses dispositions et rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées :

- Dire et juger qu'aucun des événements conditionnant le paiement des honoraires de succès, prévus d'un commun accord entre les Parties, ne s'est réalisé ;

- Dire et juger que la société Dimensions retient indûment les sommes qu'elle a perçues au titre d'avances sur honoraires de succès ;

- Condamner la société Dimensions à restituer l'intégralité des sommes qu'elle a perçues à ce titre, à savoir la somme de 430.560 euros, aux demanderesses ;

- Dire et juger que la société Dimensions n'avait plus à solliciter de conseils extérieurs à partir du 16 janvier 2012, les prestations de gestion patrimoniale étant achevées, et les prestations de conseil pour la reprise du groupe FRAM n'ayant plus d'objet ;

- Dire et juger qu'en tout état de cause, la société Dimensions :

* n'a pas respecté ses engagements contractuels, en ce qu'elle n'a pas pris en charge les honoraires des conseils extérieurs intervenus dans le cadre de la mission, tel qu'il lui incombait de le faire aux termes des accords conclus entre les parties ;

* n'a pas rempli l'obligation de conseil qui lui incombait, au regard de l'information des demanderesses sur les coûts engendrés par le recours aux conseils extérieurs et la nature des diligences sollicitées ;

- Condamner la société Dimensions à rembourser la somme de 197.314,46 euros aux demanderesses, et qui constitue le préjudice que ces dernières ont subi du fait de l'inexécution de son obligation de conseil par la société Dimensions ;

- Condamner la société Dimensions au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Dimensions, quoique régulièrement assignée devant la cour d'appel, n'a pas constitué avocat.

* * *

Madame C. et la société C. Venture Capital sollicitent la répétition des honoraires de succès versés à titre d'avances sur « success fees » et devenus indus suite à la non-réalisation d'aucun des événements conditionnant le versement desdits « success fees ». Elles sollicitent également la restitution des sommes versées à titre d'honoraires d'avocats qui auraient dû être payés par la société Dimensions dans le cadre de sa mission, ou qui concernent des prestations postérieures à la date de la fin de mission. Elles demandent en outre la condamnation de la société Dimensions à leur payer des dommages-intérêts pour violation de son obligation de conseil, à laquelle le tribunal de commerce a omis de répondre.

Elles exposent que suivant convention d'honoraires signée le 12 janvier 2010 et suivant contrat du 4 février 2011, il était prévu une rémunération forfaitaire de succès d'un montant de 1.870.000 euros HT qui incluait les avances déjà payées en 2010 à valoir sur cette somme, que ces deux missions n'ayant pas abouti, les conventions sont devenues sans objet, ainsi que les avances sur honoraires de résultat portant sur la réussite desdites missions (« success fees »), que suivant contrat du 5 avril 2013, Madame C. a confié une nouvelle mission à la société Dimensions pour participer à l'opération de « restructuring » du groupe FRAM, moyennant un honoraire forfaitaire de 150.000 € HT pour la période du 1er mars au 31 juillet 2013, que par e-mail du 5 juillet 2013, la société Dimensions Conseils a indiqué à Madame C. ne plus pouvoir assurer la défense de ses intérêts, que suite à la dénonciation des conventions, la société Dimensions n'a pas hésité à leur faire parvenir deux notes d'honoraires supplémentaires d'un montant de 652.418 euros concernant l'intervention de Dimensions du 1er avril 2012 au 31 juillet 2013 et d'un montant de 2.212.600 euros concernant l'honoraire de résultat que la société Dimensions aurait éventuellement perçu si les négociations avaient pu être menées à bout, que le tribunal a à tort retenu qu'il n'était pas prévu que les montants mentionnés à l'article 10 soient reversés si la mission n'aboutissait pas à un « closing » dans les conditions prévues, alors que les honoraires de succès n'étaient exigibles qu'en cas de réalisation d'un des deux événements prévus au contrat, que la société C. Venture Capital s'est par ailleurs retrouvée contrainte de régler le montant total des honoraires d'avocat facturés par les avocats auxquels la société Dimensions a fait appel, à savoir la somme de 197.314,46 euros pour la période allant du 1er décembre 2011 au 28 février 2013 alors même que les missions étaient devenues sans objet, qu'en tout état de cause ces services étaient inclus dans la convention signée le 12 janvier 2010 ou le 4 février 2011 et ne devaient pas leur être refacturés, qu'en outre ces factures portaient sur des diligences menées sur les instructions et à l'initiative de Monsieur G., de la société Dimensions, sans que Madame Marie-Christine C. n'en ait été informée préalablement, en violation d'une obligation de conseil.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR,

Considérant qu'aux termes de l'article 1235 du code civil, tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition ;

Qu'aux termes de l'article 1376 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ;

Considérant qu'il en résulte que l'action en répétition suppose que les sommes dont la restitution est demandée, ont été indûment versées et qu'il appartient à celui qui agit pour obtenir le remboursement de sommes prétendument perçues à tort d'établir la réalité du paiement indu, que ce qui a été payé en vertu d'un accord ou d'une intention libérale n'est pas sujet à répétition ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats, qu'en exécution de la convention du 12 janvier 2010 dont les dispositions n'ont pas été contestées, la société C. Venture Capital s'est engagée à payer à la société Dimensions Conseils en rémunération de ses services des honoraires forfaitaires annuels de 460.000 euros HT pour l'année 2010 et des honoraires forfaitaires mensuels de 25.000 euros HT pour l'année 2011, indépendamment de toute clause dite de « succès » ;

Que ces sommes dues conventionnellement sans condition ont été intégralement réglées, suivant factures acquittées ;

Que par convention en date du 4 février 2011, complétant la convention du 12 janvier 2010, les parties sont convenues d'un honoraire de résultat de 1.870.000 euros HT, dû uniquement en cas de « succès », et dont une partie viendrait en déduction des sommes dues, à hauteur des 3/5ème des sommes susvisées déjà versées ;

Qu'il n'est pas contesté que les résultats escomptés n'ont pas été réalisés, n'ouvrant pas droit à « success fees » ;

Que les parties n'ont toutefois pas prévu que les sommes déjà acquittées au titre des honoraires forfaitaires dus en exécution de la convention du 12 janvier 2010 devraient être restituées en cas de non-succès ;

Que c'est dès lors à juste titre, par des motifs précis et pertinents que la cour adopte, que les premiers juges ont débouté la société C. Venture Capital et Madame C. de leur demande en répétition des honoraires versés à hauteur de 430.560 euros ;

Qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise sur ce point ;

Considérant que pour les frais d'avocats, payés par Madame C. et par la société C. Venture Capital, il résulte des pièces versées aux débats et des conventions signées par les parties dont les termes non contestés ont été repris in extenso par les premiers juges, que ces frais restent à la charge des appelantes, faute de réalisation du résultat escompté qui seul permettait d'inverser la prise en charge desdits frais et de les imputer à la société Dimensions sur les honoraires de résultat ;

Que là encore, la cour adoptera les motifs des premiers juges et confirmera la décision sur ce point ;

Qu'en outre, il résulte des factures produites que ces honoraires ont été payés directement entre les mains des avocats intervenant pour Madame C. et la société C. Venture Capital, et non à la société Dimensions ;

Que pour ce motif surabondant, la décision des premiers juges sera confirmée de plus fort ;

Considérant qu'en conséquence de la violation alléguée de l'obligation de conseil, les appelantes sollicitent une indemnisation à hauteur du remboursement des honoraires versés à un cabinet d'avocats ;

Qu'il appartient toutefois à Madame C. et à la société C. Venture Capital de rapporter la preuve de la faute alléguée et du préjudice subi, ainsi que du lien de causalité entre les deux, ce qu'elles ne font pas ;

Qu'il résulte en effet des mails échangés que les parties ont été en relations constantes et qu'aucun reproche n'a jamais été fait au regard de l'obligation de conseil de la société Dimensions ;

Que les parties ont établi les bases de leur collaboration par trois contrats successifs, dont un dernier contrat en date du 5 avril 2013 couvrant la période du 1er mars au 31 juillet 2013 ;

Que Madame C. a dénoncé les deux premiers contrats par lettre du 16 janvier 2012 sur la base de la seule non-réalisation des projets initialement prévus, n'ouvrant donc simplement pas droit aux « success fees », sans alléguer aucune faute ;

Que les factures du cabinet d'avocat De G. F. adressées à la société C. Venture Capital ont toutes été acquittées sans contestation ;

Qu'il en résulte que la violation alléguée de l'obligation de conseil n'est pas établie ;

Qu'il y a lieu de débouter Madame C. et la société C. Venture Capital de leurs demandes à ce titre ;

Considérant que Madame C. et la société C. Venture Capital conserveront la charge des dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions.

Y ajoutant,

Déboute Madame C. et la société C. Venture Capital de toutes leurs demandes.

Condamne Madame C. et la société C. Venture Capital aux dépens.