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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 octobre 2012, n° 10/10934

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Javouret, Financière de l'Electronique (SARL), Maquere

Défendeur :

Coficob (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Pomonti, Mme Luc

Avocats :

Me Fanet, Me Filipe-Staron, Me Hardouin

T. com. Evry, du 14 avr. 2010, n° 2009F0…

14 avril 2010

FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE

Le 19 avril 2007, Monsieur Javouret en son nom propre et représentant les deux autres associés de la société Hytem, la société Financière de l'Electronique (SFE), dont il est le dirigeant, et Madame Maquere, a confié à la société Coficob mandat de contacter toute personne susceptible d'être intéressée par l'acquisition de tout ou partie des titres de la société Hytem.

Ce mandat exclusif était accordé pour une durée de 6 mois renouvelable trois fois par tacite reconduction, sauf dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception avec un préavis d'un mois avant le terme.

Le contrat précisait que la rémunération se ferait sous la forme d'une commission de succès en cas de matérialisation d'une opération de cession ou d'une prise de participation dans le cadre de la mission.

Dans le courant du 2ème trimestre 2008, la société Coficob a obtenu une offre d'acquisition et les 23 avril et 27 mai 2008 la signature d'une lettre d'intention pour un montant de 2.800.000€ mais les mandants n'ont pas donné une suite favorable à cette offre.

Le 23 septembre 2008, la société Coficob a demandé sa rémunération sur la base de la commission de succès qu'elle aurait perçue en cas de réalisation de la vente, estimant que l'offre trouvée concordait avec les conditions convenues dans le mandat puis, le 9 octobre 2008, elle a mis en demeure Monsieur Javouret d'honorer son engagement.

Le 26 janvier 2009, faute d'avoir obtenu satisfaction, la société Coficob a assigné Monsieur Javouret, la société Financière de l'Electronique (SFE) et Madame Maquere devant le tribunal de commerce d'Evry afin d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 181.792 € à titre de dommages-intérêts, les défendeurs ayant quant à eux demandé leur mise hors de cause ainsi que la condamnation du demandeur à des dommages et intérêts.

Par jugement prononcé le 14 avril 2010, assorti de l'exécution provisoire , le tribunal de commerce d'Evry a:

- débouté les défendeurs de toutes leurs demandes les disant mal fondées ;

- condamné solidairement les défendeurs à payer à la SARL Coficob, à titre de dommages et intérêts, la somme de 75.000 € TTC outre les intérêts légaux à compter de la première mise en demeure faite le 9 octobre 2008 et ce jusqu'à complet paiement et débouté pour le surplus ;

- condamné solidairement les défendeurs à payer à la SARL Coficob la somme de 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 21 mai 2010 par Monsieur Javouret, la société Financière de l'Electronique et Mme Maquere.

Vu les dernières conclusions signifiées le 6 octobre 2011 par lesquelles la société Financière de l'Electronique (SFE) Monsieur Javouret et Madame Maquere demandent à la cour :

-d'infirmer la décision dont l'appel en toutes ses dispositions,

- de constater qu'aucune matérialisation d'une opération de cession ou aucune prise de participation dans la Société Hytem n'a été réalisée et ce dans le respect des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil,

-de ne relever aucune faute à l'encontre des concluants,

À titre principal, de faire application des dispositions de la loi numéro 70- 9 du 2 janvier 1970 en son article 6 alinéa 3 et déclarer irrecevables les demandes adverses.

A titre infiniment subsidiaire, de constater en violation des dispositions de l'article 1992 du code civil que le mandataire a agi dans son propre intérêt,

-d'ordonner le remboursement des sommes pour un montant total de 84.721,25 € indûment perçues au titre de l'exécution provisoire de la décision dont appel,

En conséquence :

-de débouter la société Coficob représentée par son gérant de sa demande en paiement de toutes les sommes à titre de dommages et intérêts ainsi que de toutes autres demandes à quelques fins qu'elles tendent,

-de condamner la société Coficob au paiement de la somme de 6.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-de la condamner au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants soutiennent que le contrat énonçait expressément que seule la matérialisation d'une opération de cession ou d'une prise de participation de la société Hytem donnerait lieu a rémunération sous forme d'une commission de succès, celle-ci étant subordonnée à la signature d'un protocole ferme et définitif entre le vendeur et l'acheteur, et qu'en l'absence d'un tel accord aucune commission ne pouvait être due.

Les appelants font en outre valoir que les lettres d'intention n'étaient pas conformes au mandat, ce qui justifiait leur refus car ils avaient précisé que la cession de parts ne se ferait que sur une base d'un prix minimum de 2,5 millions d'euros pour 100% des parts alors que, si la dernière lettre d'intention proposait bien une cession au prix de 2,8 millions d'euros, cette cession était assortie de telles conditions que le prix réel final n'atteignait que 1,85 millions d'euros, soit un prix bien inférieur au terme du mandat donné.

Par conséquent, ils affirment qu'aucune faute ne peut être relevée contre eux et que, dès lors, la société Coficob ne peut pas prétendre à des dommages et intérêts.

Ils ajoutent que le mandataire a manqué à ses obligations de diligence et de fidélité envers les mandants, violant ainsi les dispositions de l'article 1992 du Code Civil.

Ils considèrent que le mandataire a agi uniquement dans son propre intérêt car il s'est abstenu d'intervenir auprès de l'offrant pour l'inciter à respecter les conditions de la cession, n'ayant pour but que de réaliser la vente à tout prix afin d'obtenir la commission de succès, sans tenir compte des conditions imposées au cédant.

Vu les dernières conclusions signifiées le 9 février 2011 par lesquelles la Société Coficob, intimée, demande à la Cour :

-de dire Monsieur Javouret, la SARL SFE et Madame Maquere mal fondés en leurs demandes contestations moyens et conclusions,

-de les débouter de leur appel en toutes les fins qu'il comporte.

Faisant droit à l'appel incident de la société Coficob, l'y déclarer fondée ;

-de réformer en conséquence le jugement du tribunal de commerce d'Évry du 14 avril 2010 en ce qu'il a évalué le préjudice de la société Coficob à la somme de 75.000 €.

Et statuant à nouveau :

-de condamner solidairement les appelants à payer à la société Coficob, à titre de dommages et intérêts, la somme de 181 792€ TTC outre intérêts légaux à compter de la première mise en demeure faite le 9 octobre 2008 et ce jusqu'à complet paiement,

-de confirmer ledit jugement entrepris en toutes ses autres dispositions.

En tout état de cause :

-de condamner solidairement les appelants à payer en outre une indemnité de 6.000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient avoir entièrement exécuté les obligations auxquelles elle avait souscrit dans le contrat de mandat. Elle souligne avoir accompli un travail considérable ayant donné des résultats concrets puisqu'un candidat acquéreur a offert paiement d'un prix de 2.800.000 € ce qui représente un prix très supérieur à l'objectif fixé.

L'intimée affirme en outre que le mandat ne donnait aucune autre précision sur les conditions financières acceptables ou non par le vendeur que celles concernant le prix de vente et relève que les conditions proposées par l'offrant étaient parfaitement usuelles en matière de cession d'entreprise.

La société Coficob rappelle que le mandataire peut prétendre à des dommages et intérêts contre le mandant si c'est par sa faute que l'opération ne peut être réalisée et que, s'il est loisible au mandant de ne pas réaliser la vente, il n'en demeure pas moins que cette décision est fautive à l'égard du mandataire, de sorte que les mandants ne peuvent se dispenser de rémunérer leur mandataire pour le succès de sa mission et, en tout état de cause, engagent leur responsabilité contractuelle.

A cet égard, la société Coficob sollicite l'octroi à titre de dommages et intérêts d'une somme strictement équivalente à celle qu'elle aurait perçue à titre de commission de succès si ses mandants avaient honoré leurs contrats.

L'intimée fait valoir qu'elle a recherché l'intérêt des mandants et observe qu'à ce jour la société n'a toujours pas trouvé d'acquéreur ce qui prouve son incapacité à trouver offre plus intéressante. Elle souligne d'ailleurs l'incohérence qu'il y aurait pour elle à ne pas chercher le meilleur intérêt du mandant puisque sa propre rémunération se trouve être proportionnelle au prix de vente.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Monsieur Pascal Javouret, la SARL SFE et Madame Jacqueline Maquere n'ont présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué, lequel repose sur des motifs pertinents, non contraires à l'ordre public, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

Aux termes du contrat de mandat signé entre Monsieur Pascal Javouret, la SARL SFE et Madame Jacqueline Maquere, d'une part, et la SARL Coficob, d'autre part, le 19 avril 2007, qui constitue la loi des parties, le mandant a conféré au mandataire 'un mandat exclusif pour contacter toutes personnes physiques ou morales susceptibles d'être intéressées par l'acquisition des parts du mandant' dans la société Hytem 'et pour agir comme intermédiaire lors des discussions en vue de l'opération de cession et d'acquisition'.

Il était prévu que 'la cession des parts du mandant se fera sur la base d'un prix minimum de 2,5 M€ pour 100 % des parts'.

La mission du mandataire y est décrite de la manière suivante :

'-l'assistance dans l'élaboration d'un dossier de présentation de la société,

-la recherche de partenaires,

-la mise en place de l'opération de cession envisagée,

-l'assistance à tous les stades des négociations, jusqu'à la finalisation de l'opération de cession en collaboration avec toute personne physique ou morale que désignera le mandant,

-dans ce cadre, la rédaction des protocoles et actes juridiques concrétisant l'opération de cession se fera sous la responsabilité d'un avocat choisi par le mandant.'

La rémunération du mandataire était prévue sous la forme 'd'une commission de succès en cas de matérialisation d'une opération de cession ou d'une prise de participation dans le cadre de la mission'.

Le mandant s'engageait à verser au mandataire :

-'d'une part, une commission de succès de 5 % HT jusqu'à un prix de 2,5 million d'euros calculée sur le montant global de l'opération y compris distribution des dividendes et hors éventuels frais de déplacements et divers engagés avec l'accord du mandant;

-d'autre part, une commission de succès supplémentaire de 10 % HT du montant du prix sur la partie supérieure à 2,5 millions d'euros payé par l'acheteur'.

C'est cette commission de succès qui est réclamée par la société Coficob qui estime avoir intégralement et correctement exécuté le mandat qui lui a été confié dans les termes ci-dessus exposés, alors que les appelants soutiennent, qu'aucune cession globale ou partielle n'étant intervenue, la commission de succès n'est pas due .

Il est constant qu'une lettre d'intention a été établie le 19 avril 2008, et transmise par la société Coficob à ses mandants, aux termes de laquelle Monsieur Simon Lavaud s'engageait à acquérir la totalité des parts de la société Hytem au prix de 2.550.000 €.

Suite aux réticences quant aux prix, pourtant supérieur à celui figurant au mandat, et quant à certaines conditions annexes, la société Coficob a poursuivi les négociations avec Monsieur Simon Lavaud, aboutissant à la transmission d'une deuxième lettre d'intention de celui-ci en date du 23 avril 2008 puis d'une troisième du 27 mai 2008, portant le prix de cession de la totalité des parts de la société Hytem à 2.800.000 €.

C'est à tort que les appelants soutiennent que cette offre n'aurait pas été recevable car ne répondant pas aux conditions financières souhaitées à cette date alors que le seul prix de référence est celui fixé dans le mandat, soit 'un prix minimum de 2,5 M€ pour 100 % des parts', alors que le prix proposé par le candidat acquéreur est bien supérieur.

C'est à juste titre, et par des motifs que la Cour adopte, que le tribunal a considéré que les conditions figurant dans l'offre du 27 mai 2008 étaient habituelles en matière de cession d'entreprises, à savoir prix payable pour partie au moyen d'un concours bancaire, période de transition assurée par la présence du dirigeant et garantie de passif.

Le fait que les appelants aient souhaité vendre les parts sociales en cause à un prix supérieur à celui figurant au contrat de mandat et que la société Coficob ait pu avoir connaissance de ce souhait n'implique pas une modification des termes clairs dudit mandat.

S'il était loisible aux mandants de renoncer à la vente en estimant le prix proposé insuffisant, ce choix engage leur responsabilité contractuelle à l'égard du mandataire qui a trouvé un acquéreur au prix qui lui avait été fixé.

La société Coficob ne peut pas pour autant réclamer paiement de la commission de succès, dès lors qu'aucune cession partielle ou globale n'est intervenue, le mandat étant parfaitement clair et non susceptible d'une quelconque interprétation sur ce point.

Par contre, elle peut se prévaloir d'une faute contractuelle de ses mandants sur le fondement de l'article 1147 du code civil, la faute des mandants consistant à avoir refusé de procéder à la cession prévue alors que l'offre proposée par la société Coficob était à un prix nettement supérieur au prix minimum prévu au contrat de mandat et que les conditions dont était assortie l'offre correspondaient à des clauses habituelles dans ce type de transaction.

En outre, il ne résulte pas des pièces versées aux débats que le mandataire aurait agi dans son propre intérêt, en violation de l'article 1992 du code civil.

La société Coficob avait en effet intérêt à ce que la cession des parts se fasse au meilleur prix puisque sa commission était fonction de ce prix de vente.

En outre, Monsieur Pascal Javouret, la SARL SFE et Madame Jacqueline Maquere ne peuvent se prévaloir de valeurs supérieures au montant proposé par l'acheteur présenté par la société Coficob alors que, de leur aveu même, les parts de la société Hytem n'ont pas été cédées à ce jour et qu'ils sont toujours à la recherche d'un acquéreur.

Cependant, la société Coficob ne peut sérieusement réclamer des dommages et intérêts équivalents à ce qu'elle aurait perçu à titre de commission de succès si ses mandants avaient passé les actes prévus, soit la somme de 181.792 € TTC.

En effet, la vente n'ayant pas été conclue, la société Coficob n'a pas effectué une partie de la mission qui lui était dévolue aux termes du mandat, soit la mise en place de l'opération de cession envisagée et l'assistance à tous les stades des négociations, jusqu'à la finalisation de l'opération de cession.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont limité les dommages intérêts à la somme de 75.000 €, étant précisé que cette somme doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement et non à compter de la mise en demeure comme l'a retenu à tort le jugement dont appel.

Enfin, les appelants ne sauraient se prévaloir des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet, qui prévoit qu' 'aucun bien, effets, valeurs, sommes d'argent, représentatives de frais de recherche, de démarches et de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1, ou ne peut être exigé ou accepté par elle avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties', dès lors que ces dispositions ne concernent pas l'allocation de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle, qui seule est en cause.

Monsieur Pascal Javouret, la SARL SFE et Madame Jacqueline Maquere doivent donc être déboutés de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions.

L'équité commande d'allouer à la société Coficob une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêt sur la somme de 75.000 € allouée à la société Coficob à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau sur ce point,

DIT que la somme de 75.000 € allouée à la société Coficob à titre de dommages et intérêts doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,

DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,

CONDAMNE Monsieur Pascal Javouret, la SARL SFE et Madame Jacqueline Maquere à payer à la société Coficob la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur Pascal Javouret, la SARL SFE et Madame Jacqueline Maquere aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.