Cass. com., 23 septembre 2014, n° 13-20.766
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Delaporte, Briard et Trichet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 mai 2013), que, le 16 septembre 2009, la Banque populaire Bourgogne Franche-Comté (la banque) a consenti à la société Bertrand X... travaux publics (la société) un prêt de restructuration financière assorti de la garantie de l'Oséo, d'un montant de 80 000 euros, dont M. et Mme Bernard X... (les cautions) se sont rendus cautions à concurrence de 50 000 euros ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 27 novembre 2009 et 23 juillet 2010, la banque a assigné en paiement les cautions, qui ont invoqué la nullité de leur engagement pour dol ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir annulé les engagements des cautions et rejeté, en conséquence, ses demandes en paiement, alors, selon le moyen :
1°/ que le respect par la banque de son engagement de maintenir les « concours bancaires globaux » accordés à la société devait s'apprécier au regard de l'ensemble desdits concours, quelle que soit leur nature (facilité de caisse, prêt, etc.) ; qu'en affirmant que la réduction de 50 000 à 10 000 euros de la facilité de caisse accordée à la société caractérisait un manquement de la banque à l'engagement qu'elle avait pris à l'égard de la société de maintenir ses « concours globaux », peu important que la banque lui ait concomitamment accordé un prêt de 80 000 euros, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une réticence dolosive qui aurait été commise par la banque à propos d'une prétendue diminution de ses concours à la société, a violé l'article 1116 du code civil ;
2°/ que la banque faisait valoir qu'il n'y avait jamais eu d'accord pour la mise en place d'une autorisation de découvert de 50 000 euros, la banque ayant seulement toléré un découvert non autorisé ayant atteint ce montant, puis consacré cette tolérance en acceptant une facilité de caisse nécessairement momentanée, dans l'attente de l'octroi d'un crédit en bonne et due forme qui sera accordé peu après ; qu'en se fondant, pour reprocher à la banque d'avoir dissimulé aux cautions son intention de réduire le montant de la facilité de caisse accordée à la société après l'octroi du prêt en septembre 2009, sur la circonstance que cette facilité avait été maintenue entre avril et septembre 2009, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée et ainsi que la cour d'appel de Lyon l'a d'ailleurs retenu dans son arrêt rendu à l'égard de M. Bertrand X..., si l'octroi d'un prêt de restructuration destiné à « reprendre le découvert » ne mettait pas nécessairement un terme à cette facilité de caisse par nature précaire et révocable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
3°/ qu'à supposer que l'octroi d'une facilité de découvert de 50 000 euros ait permis à la société de faire face, avec plus de souplesse, à ses besoins de trésorerie, la substitution d'un crédit classique à cette facilité de découvert, n'aurait pu causer une gêne à l'entreprise qu'à la condition que la facilité de découvert n'ait pas été entièrement épuisée au jour où la banque a accordé le prêt de restructuration de 80 000 euros ; que la banque, précisément, faisait valoir dans ses conclusions qu'au jour où le prêt de 80 000 euros avait été accordé, le découvert s'élevait à la somme de 57 962,36 euros ; qu'il s'en déduisait que même si la ligne de découvert autorisée avait été maintenue, la banque n'en aurait pas moins rejeté les chèques qui lui avaient été présentés en novembre 2009, et dont l'acceptation aurait porté le découvert à un montant non autorisé ; qu'en énonçant que la substitution d'un prêt de 80 000 euros à la facilité de caisse de 50 000 euros jusqu'alors consentie s'analysait en une « réduction des concours globaux accordés par la banque », sans avoir égard au fait, expressément invoqué dans les conclusions, que la facilité de caisse de 50 000 euros avait été épuisée, et même dépassée, au jour où la banque avait accepté d'y substituer un crédit de restructuration de 80 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1147 du code civil ;
4°/ que la banque faisait valoir dans ses conclusions qu'outre le crédit de restructuration de 80 000 euros consenti le 16 septembre 2009, elle avait accordé des facilités de crédit consistant en une facilité de caisse de 10 000 euros, en un crédit d'escompte commercial à hauteur de 20 000 euros, et un crédit « loi Dailly » à concurrence de 20 000 euros, ce qui portait le total des lignes de crédit ainsi consenties à 50 000 euros ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen des conclusions de la banque, d'où il ressortait que le montant global des lignes de crédits n'avait pas été réduit, mais simplement réorganisé en fonction des besoins de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ qu'en se bornant, pour caractériser la réticence dolosive de la banque, à affirmer que les cautions, parents et anciens associés de la société, vivaient désormais éloignés du siège de la société et ne s'intéressaient pas à sa situation, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée s'ils n'avaient pas été avisés du fait que leur cautionnement garantissait un prêt de restructuration ayant vocation à se substituer à la facilité de caisse préalablement accordée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, après avoir constaté que, par lettre du 4 avril 2009, la banque s'était engagée à assurer à la société la continuité de ses crédits de fonctionnement, dont une facilité de caisse de 50 000 euros, retient que cette facilité de caisse, non limitée dans le temps, était assimilable à une autorisation de découvert permanent ; que, par ces constatations et appréciations, rendant inopérante la recherche prétendument omise, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que le prêt litigieux était assorti de la garantie de l'Oséo, laquelle était de nature à accréditer auprès des cautions, l'effectivité du renforcement de la trésorerie de la société, l'arrêt retient, par motifs non critiqués, que celles-ci avaient fait du maintien des concours bancaires antérieurement consentis à la société, une condition déterminante de leur engagement; qu'il retient encore que la banque, qui avait réduit des quatre cinquièmes le montant de l'autorisation de découvert après la libération du prêt, avait sciemment surpris leur consentement en s'abstenant de les informer, préalablement, de ses intentions ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, et qui a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, a pu déduire l'existence d'une réticence dolosive de la banque ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.