Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 17 novembre 1993, n° 91-18.773

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Bouillane de Lacoste

Rapporteur :

M. Pinochet

Avocat général :

M. Lupi

Avocats :

Me Cossa, SCP Delaporte et Briard

Rouen, du 12 juin 1991

12 juin 1991

Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :

Vu les articles 6, alinéa 3, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 74 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

Attendu qu'il résulte de ces textes d'ordre public qu'aucune commission ni somme d'argent quelconque ne peut être exigée ou même acceptée par l'agent immobilier ayant concouru à une opération qui ne s'est pas effectivement réalisée, notamment " s'il y a dédit " ;

Attendu que les époux X... ont donné mandat à la société Cramilly, agent immobilier, de rechercher un acquéreur pour leur immeuble au prix de 1 300 000 francs ; que, le 11 mars 1989, ils ont conclu une promesse synallagmatique de vente, au même prix, avec les époux Y..., qui leur avaient été présentés par l'agence, et qui ont versé à celle-ci, constituée séquestre, une somme de 130 000 francs ; que la vente, conclue sous les conditions suspensives de l'obtention d'un prêt et d'un certificat d'urbanisme, devait être réitérée par acte authentique au plus tard le 15 avril 1989, les vendeurs étant libérés de leur engagement si cet acte n'était pas signé à la date convenue ; que la promesse de vente stipulait encore que " dans le cas où M. et Mme Y... ne voudraient plus réaliser, pour une raison quelconque autre que les conditions suspensives, cette somme serait versée aux vendeurs à titre de dommages-intérêts, sur lesquels seraient prélevés les honoraires du Cabinet Cramilly... " ; que, les époux Y... ayant fait connaître qu'ils renonçaient à l'acquisition pour des raisons personnelles, l'agent immobilier a restitué aux époux X... la somme de 75 000 francs, conservant celle de 55 000 francs à titre d'honoraires ;

Attendu que, pour débouter les époux X... de leur demande en restitution du solde, l'arrêt attaqué retient que les sommes versées par les parties avant la signature de l'acte authentique doivent, en principe, être considérées comme des actes d'exécution du contrat ; que, pour qu'elles constituent le prix d'une faculté de dédit, il faut que les parties en aient exprimé l'intention, ce qui n'était pas le cas ; qu'il n'était pas indiqué dans l'acte que l'acquéreur était autorisé à ne pas exécuter son engagement, moyennant l'abandon de la somme séquestrée, mais au contraire que celle-ci serait versée aux vendeurs à titre de dommages-intérêts ; qu'elle était qualifiée de dépôt de garantie ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que la clause litigieuse, qui offre aux époux Y... la faculté de ne pas exécuter leur engagement d'acquérir pour une cause quelconque, en abandonnant la somme de 130 000 francs aux vendeurs, sans que ceux-ci puissent les contraindre à signer l'acte authentique, s'analyse en une clause de dédit, clause qui est indépendante de celle relative à la condition suspensive, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 juin 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen autrement composée.