Cass. 3e civ., 9 juillet 2014, n° 13-15.923
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Rapporteur :
M. Nivôse
Avocat général :
M. Bailly
Avocats :
SCP Boulloche, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Ortscheidt
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 février 2013), que la société 71 Barbet a réalisé en qualité de maître de l'ouvrage une opération de construction immobilière avec le concours de la société Dominique Delva Design (la société DDD), assurée par la société Axa France IARD (Axa), maître de l'ouvrage délégué et titulaire des lots n° 1 travaux de curage et n° 2 travaux de terrassement, démolition, gros oeuvre et structure métallique, de la société Bureau d'étude technique Etudesol, chargée de l'étude des sols et fondations, de M. X..., architecte, chargé d'une mission de conception et de direction des travaux, de la société Pareimo, assurée par la société L'Auxiliaire, maître d'oeuvre d'exécution et de la société BTP consultants, assurée par la société Euromaf, contrôleur technique ; que se plaignant d'un sinistre ayant occasionné une obligation de démolition et de reconstruction d'un bâtiment sur le lot n° 5 et d'un allongement du chantier, la société 71 Barbet a assigné en indemnisation, la société DDD, la société Pareimo, la société BTP consultants et leurs assureurs ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société 71 Barbet fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir juger que la responsabilité de la société DDD, titulaire des lots n° 1 et 2, et de la société Pareimo était engagée sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil et de rejeter sa demande tendant à les voir condamnées à lui payer solidairement, avec leurs assureurs, la compagnie Axa France Iard et la société L'Auxiliaire, la somme de 3 152 362, 26 euros à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en cause d'appel, la société 71 Barbet produisait la lettre du 9 juillet 2007 reçue de la société DDD, titulaire du lot curage, énonçant : « suite à nos différents entretiens concernant le sinistre du chantier... 92000 Nanterre. Nous tenons à préciser par la présente la cause du sinistre concernant le lot n° 5. Lors du curage et de la création d'ouvertures dans les murs du lot n° 5, pour les futures verrières, nous avons rencontré un affaiblissement de la structure existante, qui a causé un effondrement » ; qu'en déboutant la société 71 Barbet de ses demandes formulées contre la société DDD, titulaire des lots curage et terrassement, démolition gros-oeuvre et structure métallique, en s'abstenant d'examiner et d'analyser la lettre du 9 juillet 2007 émanant de la société DDD, dont la responsabilité était recherchée, établissait que les opérations en cours sur le bâtiment litigieux non étayé en avait fragilisé la structure au point que celle-ci s'était affaissée, ce qui avait entraîné l'effondrement partiel du bâtiment, prouvant par là même l'existence du sinistre invoqué, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ subsidiairement, que la lettre du 9 juillet 2007 reçue de la société DDD, titulaire du lot curage, énonçait « suite à nos différents entretiens concernant le sinistre du chantier... 92000 Nanterre. Nous tenons à préciser par la présente la cause du sinistre concernant le lot n° 5. Lors du curage et de la création d'ouvertures dans les murs du lot n° 5, pour les futures verrières, nous avons rencontré un affaiblissement de la structure existante, qui a causé un effondrement » ; qu'en affirmant que la lettre de la société Pareimo du 2 août 2007, adressée à la société DDD, par laquelle cette société disait avoir été informée du sinistre était « insuffisante pour établir les faits allégués dans la mesure où elle n'est étayée par aucun autre élément », la cour d'appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis de la lettre du 9 juillet 2007, en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que dans sa lettre du 10 décembre 2007, la société Pareimo énonçait que « je vous confirme que pendant les travaux de curage pour en assurer la reprise, une partie importante des maçonneries structurelles se sont écroulées ; le restant des maçonneries en a été fragilisée et présentait un risque certain d'écroulement sur les ouvriers ; devant cette urgence, l'entreprise DDD a fait le choix de tout détruire ; en qualité de maître d'oeuvre d'exécution sur cette opération, je ne pouvais qu'être en accord avec l'entreprise ; reprendre ces ouvrages n'étant plus possible », en sorte qu'elle précisait la nature du sinistre, sa cause, le moment de sa survenance et ses conséquences, de sorte qu'en relevant qu'elle ne donnait pas plus d'explication ou de précision utile à l'établissement de la preuve du sinistre invoqué par la société 71 Barbet, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour prouver que la société DDD était soumise à des contraintes spécifiques relatives à l'exécution du lot n° 5, liées à la circonstance qu'elle oeuvrait sur des existants et notamment qu'il lui appartenait, avant d'entreprendre les travaux de curage de prendre attache avec un bureau technique pour vérifier la résistance structurelle du bâtiment, la société 71 Barbet produisait le cahier des charges (CCTP), les compte-rendu de chantier des 19 juin et 16 octobre 2007 et la lettre de la société Pareimo du 2 août 2007, rappelant à la société DDD les obligations qu'elle avait méconnues ; qu'en considérant que la société Barbet 71 ne rapportait pas la preuve d'un manquement de la part de la société DDD dans l'exécution de ses obligations contractuelles, sans s'expliquer, ni examiner les éléments de preuve produits, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile
Mais attendu qu'ayant relevé que la société 71 Barbet ne rapportait pas la preuve d'un sinistre à l'origine de la destruction du bâtiment existant, correspondant au lot n° 5 du projet, ni d'un lien de causalité entre les manquements contractuels de la société DDD et ledit sinistre et qu'elle ne démontrait pas que l'interruption du chantier pour méconnaissance des règles d'urbanisme était due au sinistre allégué, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes et qui a souverainement apprécié la force probante des éléments de preuve soumis à son examen, a pu en déduire que les coûts des travaux de démolition et de reconstruction à l'identique du lot n° 5 et d'allongement du chantier n'étaient pas imputables à la société DDD ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer la société 71 Barbet irrecevable en ses demandes formulées à l'encontre de la société Pareimo et de son assureur, la société L'Auxiliaire, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le contrat de la société Pareimo ayant été signé avec la société Hortense, bénéficiaire d'une promesse de vente du terrain, préalablement à la vente du même terrain à la société 71 Barbet, intervenue le 5 décembre 2006, la société 71 Barbet ne justifiait pas de sa qualité à agir à l'encontre de la société Pareimo ni, par voie de conséquence, à l'encontre de son assureur, pour mettre en cause sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil la mauvaise exécution d'un contrat auquel elle n'avait pas été partie ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf clause contraire, l'acquéreur d'un immeuble a qualité à agir contre les constructeurs, même pour les dommages nés antérieurement à la vente, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun qui accompagne l'immeuble en tant qu'accessoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le troisième moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant déclaré la société 71 Barbet irrecevable en ses demandes présentées à l'encontre de la société Pareimo et de son assureur, la société L'Auxiliaire, l'arrêt rendu le 4 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.