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Décisions

Cass. 3e civ., 5 mai 2015, n° 14-13.060

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Avocats :

Me Rémy-Corlay, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Poitiers, du 3 déc. 2013

3 décembre 2013

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 3 décembre 2013), qu'après le décès de Gilbert X..., laissant pour lui succéder son épouse Mme Renée X...et leurs cinq enfants, un jugement a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation-partage de la succession dont dépendent notamment la société GB conseil et la société civile immobilière La Tailla (SCI) dont le capital social est réparti entre les cohéritiers et qui sont gérées par M. Pascal X...; que Mme Agnès X..., alléguant une mésentente entre les associés rendant impossible le fonctionnement normal des sociétés, les a assignés en dissolution judiciaire des deux sociétés et en révocation judiciaire du gérant ;

Attendu que Mme X...fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de ses conclusions d'appel, régulièrement signifiées le 20 septembre 2013, Mme X...a soutenu la paralysie de la société GB conseil et son absence d'activité à la suite de la résiliation lors du décès de M. Gilbert X...de l'unique contrat de conseil qui la liait à sa filiale la société Aglo, liquidée pour défaut d'affectio societatis par un jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 21 août 2007 ; qu'il était justifié de l'accroissement des charges d'exploitation de la société GB conseil au cours des années 2005 à 2012, et de l'inexistence de produits d'exploitation depuis 2007, l'exercice de l'année 2012 faisant apparaître une absence de produits d'exploitation et un résultat d'exploitation négatif s'élevant à la somme de 50 451 euros qui, cumulé aux pertes sur les exercices antérieurs, forme une perte totale au 31 décembre 2012 de 277 563 euros ; qu'il appartenait aux juges du fond de se prononcer sur un tel moyen circonstancié s'appuyant sur des pièces produites au débat ; qu'en se contenant d'affirmer péremptoirement que « (¿) il est cependant justifié d'une vie sociale et d'une activité conforme à l'objet social pour chacune des deux sociétés (¿) », soit en se prononçant par des motifs péremptoires, sans mettre la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

2°/ qu'aux termes de ses conclusions d'appel, régulièrement signifiées le 20 septembre 2013, Mme X...a fait valoir que : d'une part, Mme Renée X...par un courrier du 27 février 2012 adressé à ses cinq enfants avait clairement manifesté sa volonté de ne plus être associée aux décisions des sociétés GB conseil et La Tailla et que celles-ci « qui ne sont sources que de discorde soient dissoutes, les biens qu'elles détiennent vendus, et que chacun reçoive sa part de liquidation », d'autre part, la paralysie du fonctionnement de la société GB conseil à la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 13 octobre 2009 ayant annulé les décisions de l'assemblée générale extraordinaire de la société GB conseil prévoyant la cession de ses actifs immobiliers par son gérant M. Pascal X...; qu'il a été précisé « Ce n'est qu'en raison d'un arrêt infirmatif de ce jugement jugement du tribunal de commerce de Marennes du 6 juillet 2007 rendu par la cour d'appel de Poitiers le 13 octobre 2009 constatant la nullité des décisions conférant les pleins pouvoirs à M. Pascal X..., gérant, que celui-ci (qui entre-temps avait mis en vente l'appartement de Grenoble sans en référer à l'assemblée malgré la procédure en cours) a désormais cessé de gérer la société dans l'intérêt de celle-ci, se limitant à générer des pertes et à distribuer des dividendes ; qu'il a été justifié de l'absence d'activité de la société GB conseil à la suite du décès de M. X...et de la contestation par Mme X...de l'existence de comptes courants d'associés débiteurs de 32 322 euros donc illégaux au débit de M. Didier X...ou 56 700 euros au débit de Mme Chantal X..., constatés dans un protocole du 10 juin 2006 et dans les comptes de la société GB conseil arrêtés au 31 décembre 2005, 2006 et 2007 ; qu'il était par ailleurs constaté que depuis 2007, date du décès de Gilbert X..., les appartements de Grenoble et d'Annemasse sont non loués depuis huit ans, le local industriel dont CEMG situé à Saint-Béron (près de Chambéry) était laissé à l'abandon, non chauffé, ni loué, non assuré en proie à la végétation et aux intempéries ; qu'il appartenait aux juges du fond de répondre à un tel moyen de nature à justifier la dissolution de la société GB conseil pour justes motifs en raison de la disparition de l'affectio societatis et de la paralysie du fonctionnement de la société ; qu'en se contentant d'affirmer « que force est de constater que la mésentente alléguée se résume en un conflit opposant Mme Agnès X...aux autres associés ou au gérant des deux sociétés, que l'opposition isolée et minoritaire de Mme Agnès X...n'empêche pas la majorité des associés d'avoir la volonté de continuer à collaborer à une oeuvre commune (¿) », la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

3°/ qu'aux termes de ses conclusions d'appel, régulièrement signifiées le 20 septembre 2013, Mme Agnès X...a justifié sa demande de dissolution de la société GB conseil au regard de la paralysie de celle-ci et du défaut de réalisation de l'objet social, comme le démontrait le contrôle fiscal opéré en 2012 ; qu'il a été soutenu sur ce point « Cette constatation pessimiste est confirmée par le résultat d'un contrôle fiscal partiel de la comptabilité s'étendant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009, qui s'est traduit par une notification du 30 décembre 2012, proposant un rappel de TVA de 22 859 euros pour 2009. Ce redressement est en outre assorti de sanctions pour manquements délibérés prévues par l'article 1729 du code général des impôts. Il est fait état d'une entrave réelle à contrôle mais aussi d'une reconnaissance le 28 novembre 2012 par Maître A..., conseil de la société, du fait que la société n'avait aucune activité économique depuis 2007. Ce fait interdit le bénéfice de la déduction de TVA et le rappel de 22 859 euros à charge de la société GB conseil pour la seule année 2009, outre 40 % de pénalités, la société et ses conseils juridiques et comptables ne pouvant ignorer la loi fiscale. La société n'a pas jugé devoir contester les pénalités ainsi qu'elle y était invitée à le faire par la proposition de rectification alors que ce contrôle se poursuit pour les années 2010, 2011 et 2012. L'ensemble de ces éléments constitue de justes motifs de dissolution (¿) » ; qu'en affirmant péremptoirement « que force est de constater que la mésentente alléguée se résume en un conflit opposant Mme Agnès X...aux autres associés ou au gérant des deux sociétés, (¿) que l'opposition isolée et minoritaire de Mme Agnès X...n'empêche pas la majorité des associés d'avoir la volonté de continuer à collaborer à une oeuvre commune et à se comporter comme des associés ; que les assemblées des deux sociétés sont régulièrement tenues et les bilans établis », la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

4°/ qu'aux termes de ses conclusions d'appel, régulièrement signifiées le 20 septembre 2013, Mme Agnès X...a soutenu, quant au dysfonctionnement de la SCI La Tailla : que celle-ci se trouvait propriétaire d'un seul bien constitué par un local industriel située à Saint-Béron (73) ; que ce bien était actuellement loué par la société Aglo développement exploitée par Mme Agnès X...à la suite du rachat du fonds de commerce de la société Aglo mise en liquidation judiciaire pour défaut d'affectio societatis ; que les seuls revenus de la SCI La Tailla sont constitués par les loyers d'occupation du local industriel versés par la société Aglo développement ; que la SCI La Tailla a affecté à titre de prétendus prêts en compte courant le résultat net bénéficiaire de la SCI constitué par les loyers d'occupations versés par la société Aglo développement ; que les sommes ainsi affectées ont été versées par M. Pascal X...en sa qualité de gérant sur le compte de la société GB conseil, à l'exception des comptes de l'indivision Gilbert X...pour la somme de 12 001 euros et de Mme Agnès X...pour la somme de 4 070 euros ; que Mme Agnès X...a fait valoir à ce titre : « Il y a là, dans ce stratagème, volonté délibérée du gérant et des associés de son groupe privilégié, de rompre l'égalité entre associés en camouflant une distribution de résultats à leurs profits sans en faire profiter l'indivision successorale de Gilbert X...dans laquelle se trouve Mme Agnès X..., ni Mme Agnès X...à titre d'associée. La communication le 10 avril 2013 par les adversaires de la pièce numérotée 31 confirme définitivement le mécanisme mis en place (¿) Ces documents démontrent une connivence extrême entre les sociétés GB conseil et La Tailla dont le gérant est le même, le conseil et l'expert comptable le même et à l'évidence, les intérêts croisés et interdépendants au bénéfice exclusif des associés frères et soeur de Mme Agnès X...» ; qu'en se contenant d'affirmer péremptoirement que « (¿) il est cependant justifié d'une vie sociale et d'une activité conforme à l'objet social pour chacune des deux sociétés (¿) », la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

5°/ que le gérant d'une société à responsabilité limitée est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ; qu'en l'espèce Mme Agnès X...faisait état de nombreuses fautes de M. Pascal X...dans la gestion de chacune des sociétés et notamment concernant la société GB conseil du fait que cette société était gérée sans tenir compte de l'intérêt social (augmentation des charges d'exploitation, inexistence de produits d'exploitation, comptes courants débiteurs, gestion au profit du gérant, gestion déficitaire voire inexistante depuis des années ¿ ; qu'en affirmant de manière péremptoire « qu'il est cependant justifié d'une vie sociale et d'une activité conforme à l'objet social pour chacune des deux sociétés ; que régulièrement des assemblées sont tenues ; que les griefs allégués par Mme Agnès X...révèlent une volonté d'immixtion dans la gestion mais ne constituent pas des faits objectifs établis à l'encontre du gérant qui seraient de nature à compromettre l'objet social ; que les bilans et les comptes sont établis ; que les demandes subsidiaires non fondées ne peuvent qu'être rejetées », la cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article L. 223-25 du code de commerce ;

6°/ que le gérant d'une société civile est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ; qu'en l'espèce Mme Agnès X...faisait état de nombreuses fautes de M. Pascal X...dans la gestion de chacune des sociétés et notamment concernant la SCI La Tailla du fait que cette société était gérée sans tenir compte de l'intérêt social (dysfonctionnements, absence d'assurance du seul bien, absence d'entretien de ce bien, abus de confiance, prêts à titre gratuit à certains associés, sans répartition des bénéfices entre associés, virements faits par M. Pascal X...du compte de la SCI sur le compte de la société GB conseil ; utilisation de la carte bancaire de la société par le gérant à des fins personnelles, défaut de convocation à l'assemblée générale ordinaire ¿ ; qu'en affirmant de manière péremptoire « qu'il est cependant justifié d'une vie sociale et d'une activité conforme à l'objet social pour chacune des deux sociétés ; que régulièrement des assemblées sont tenues ; que les griefs allégués par Mme Agnès X...révèlent une volonté d'immixtion dans la gestion mais ne constituent pas des faits objectifs établis à l'encontre du gérant qui seraient de nature à compromettre l'objet social ; que les bilans et les comptes sont établis ; que les demandes subsidiaires non fondées ne peuvent qu'être rejetées », la cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 1851 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les assemblées des deux sociétés étaient régulièrement tenues et les bilans établis et qu'il était justifié d'une vie sociale et d'une activité conforme à l'objet social pour chacune des deux sociétés, et souverainement retenu que la mésentente alléguée se résumait en un conflit opposant Mme Agnès X...aux autres associés ou au gérant des deux sociétés et que l'opposition isolée et minoritaire de celle-ci n'empêchait pas la majorité des associés d'avoir la volonté de continuer à collaborer à une oeuvre commune et à se comporter comme des associés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre Mme Agnès X...dans le détail de son argumentation, en a déduit que l'affectio societatis subsistait entre les associés, qu'il n'y avait pas mésentente générale mais une simple opposition de Mme Agnès X..., associée minoritaire, n'entraînant pas la paralysie des sociétés, ne compromettant pas leur intérêt social, et que de justes motifs de dissolution ou de révocation du gérant n'étaient pas démontrés ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.