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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 11 septembre 2014, n° 13/09017

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Coopérative de Distribution des Magazines (SAS)

Défendeur :

1633 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franchi

Conseillers :

Mme Picard, M. Boyer

Avocats :

Me Baechlin, Me De Senilhes, Me Boccon Gibod, Me Cohen Elkaim

T. com. Paris, 16e ch., du 19 avr. 2013,…

19 avril 2013

La SAS COOPERATIVE DE DISTRIBUTION DES MAGAZINES (ci-après CDM), a été créée le 2 décembre 2010, et a remplacé six coopératives de distribution de magazines préexistantes.

Elle est devenue, en mai 2011 actionnaire à hauteur de 75 % de la société PRESSTALIS. Cette opération s'inscrivait dans le cadre d'un plan de sauvetage de PRESSTALlS, mis en place a l'initiative des pouvoirs publics.

La société SAS 1633, un des éditeurs de presse magazine, a souscrit au capital de CDM 508 actions de 100 euros de nominal, soit un montant investi de 50.800 euros représentant 0,41 % du capital.

Mécontente des prestations de PRESSTALIS, la société 1633 a, par lettre du 6 janvier 2012, résilié le contrat de groupage et de distribution la liant à PRESSTALIS.

La société 1633 a ensuite, dès le 18 janvier 2012, demandé à CDM son retrait de la qualité d'adhérent de cette coopérative.

Par lettre du 9 mai 2012, se prévalant de l'article 11 des statuts, la société 1633 a demandé à CDM « le remboursement sans délai, de l'apport (valeur nominale des actions) fait par notre société au capital de la CDM. ».

CDM, se fondant essentiellement sur le déficit enregistré en 2011, et sur les dispositions du paragraphe 3 de l'article 236 du code de commerce a refusé de procéder à ce remboursement, faisant état de l'avance considérable consentie à PRESSTALIS, correspondant à la plus grande part des apports des associés de CDM.

C'est ainsi que la société 1633 a assigné la société CDM en remboursement de son apport.

Par jugement en date du 19 avril 2013 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a, notamment, condamné la SAS CDM à payer à la SAS 1633 la somme de 50.800 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2012 pour le remboursement de son apport

Le tribunal a considéré que les statuts de la coopérative et les dispositions de l'article L231-6 du code de commerce devaient s'appliquer et que le fait que la coopérative était en lourd déficit ne pouvait faire obstacle au remboursement des parts sociales de la société 1633 en application du paragraphe 3 de l'article L231-6 du code de commerce qui prévoit que l'associé d'une société à capital variable qui se retire de celle-ci reste tenu, pendant cinq ans, envers les associés et envers les tiers, de toutes les obligations existant au moment de son retrait , la CDM n'étant pas fondée à opérer une compensation entre une créance certaine, celle de la société 1633 et une créance éventuelle, celle que la société pourrait avoir à l'encontre de son ancien associé.

La SAS COOPERATIVE DE DISTRIBUTION DE MAGAZINES a interjeté appel de cette décision le 2 mai 2013.

Dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 13 mars 2014 elle demande à la cour d'appel de :

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 19 avril 2013 en toutes ses dispositions,

En conséquence, et par l'effet dévolutif de l'appel, statuant à nouveau,

- Débouter la société 1633 de toutes ses demandes, fins et prétentions, et notamment de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts à hauteur de 20.000 € et des sommes demandées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- Dire que la société 1633 n'est pas bien fondée à obtenir le remboursement total de son apport et qu'il y a lieu d'opérer la compensation des créances en application de l'article 1289 du code civil,

- Condamner la société 1633 à verser à la société CDM la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts,

- Condamner en outre la société 1633 à verser à la société CDM la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

Si le jugement du tribunal de commerce de Paris du 19 avril 2013 devait être confirmé, maintenir la fixation du point de départ des intérêts légaux au 10 août 2012.

La société 1633 a transmis ses dernières conclusions par RPVA le 29 janvier 2014. Elle demande à la cour d'appel de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Société COOPÉRATIVE DE DISTRIBUTION DES MAGAZINES à payer à la Société 1633 la somme de 50.800 euros au titre du remboursement de son apport,

- Débouter en conséquence la Société COOPÉRATIVE DE DISTRIBUTION DES MAGAZINES de ses demandes, fins et conclusions,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts légaux à compter du 10 Août 2012,

Statuant à nouveau,

-Vu l'article 8.2.2 des statuts de la Société COOPÉRATIVE DE DISTRIBUTION DES MAGAZINES,

- Dire que le point de départ des intérêts légaux doit être fixée au 19 Mars 2012,

- Condamner en conséquence la Société COOPÉRATIVE DE DISTRIBUTION DES MAGAZINES à payer à la Société 1633 les intérêts légaux sur la somme en principal de 50.800 € à compter du 19 Mars 2012, en deniers et quittances,

- Ordonner la capitalisation en vertu de l'article 1154 du Code Civil,

- En tout état de cause,

- Condamner la Société COOPÉRATIVE DE DISTRIBUTION DES MAGAZINES à payer à la Société 1633 la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts,

- La condamner au paiement d'une somme de 12.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec ceux d'incident.

SUR CE,

Sur l'application de l'article L. 231-6 du code de commerce, l'existence d'une créance certaine et la compensation

La société CDM ne conteste pas le principe du retrait et du remboursement mais fait valoir que c'est en vertu des dispositions de l'article L. 231-6 du code de commerce, qui prévoit qu'une obligation spécifique pèse sur les associés d'une société à capital variable en contrepartie de leur droit de retrait, qu'elle demande la compensation et non en application de l'article 8.2.2. de ses statuts qui stipule que le remboursement s'effectuera à la valeur nominale des actions , et il sera diminué s'il y a lieu de la quote-part incombant à l'associé retrayant dans les pertes sociales telles qu'elles apparaissent dans les derniers comptes approuvés préalablement au retrait puisqu'à la date du retrait les comptes n'avaient pas encore été approuvés et que s'agissant du premier exercice il n'y avait pas d'autres comptes de référence.

Elle soutient de plus que ce n'est pas parce que les comptes n'ont pas été approuvés que les pertes n'existent pas. En l'espèce, au 31 décembre 2011 les pertes de la société CDM existaient bien.

CDM estime que le tribunal a opéré une confusion entre la créance, certaine, de contribution aux pertes de la société CDM, sur le fondement de l'article L 231-6 alinéa 3 du code de commerce et la créance, qu'il a estimé simplement éventuelle, résultant de l'engagement de recapitalisation contracté par la société CDM envers sa filiale, la société PRESSTALIS.

C'est donc à tort que le tribunal s'est fondé exclusivement sur les pertes de PRESSTALIS et donc les obligations contractées à l'égard des tiers pour retenir que la créance était seulement éventuelle.

Les pertes de CDM au 31 décembre 2011 étaient de 12.053.677, 52 euros et la participation de la société 1633 était de 49.392, 35 euros. Ainsi, CDM dispose d'une créance exigible de ce montant et la compensation doit opérer.

La société 1633 soutient qu'elle ne peut être tenue aux pertes de CDM apparaissant dans des comptes qui n'auraient pas fait l'objet d'une approbation préalable à son retrait.

La cour rappelle que l'article L.231-6 du code de commerce, d'ordre public, dispose que tout associé peut se retirer d'une société à capital variable mais qu'il reste tenu de toutes les obligations existant au moment de sa retraite pendant cinq ans.

Il en résulte que l'associé ne peut prétendre à la restitution intégrale de son apport que si, au moment de sa sortie, l'actif social est resté au moins égal au capital social et cette restitution ne sera que partielle si la société est en pertes. Ainsi, l'associé ne retirera son apport que diminué de la part de dettes qui lui incombe et sa part contributive sera déterminée en tenant compte de la situation active et passive de la société au moment de sa démission.

L'article 11 des statuts de CDM stipule que 'L'Associé Coopérateur qui se retire a droit au remboursement de ses actions, dans les conditions prévues à l'article 8.2.2 des statuts.'

L'article 8.2.2 des statuts de CDM précise que 'Tout Associé Coopérateur qui se retire ou est exclu de la Société a droit au remboursement de son apport (valeur nominale de ses actions), diminué, s'il y a lieu, de la quote-part lui incombant dans les pertes sociales, telles qu'apparaissant dans les derniers comptes approuvés préalablement au retrait (...). Le remboursement doit intervenir dans un délai de 90 jours à compter de la notification de la décision de retrait ou d'exclusion.'

Le but de cet article ne peut être de déroger à l'application des dispositions de l'article L.231-6 du code de commerce mais uniquement de préciser les modalités du retrait et notamment les bases sur lesquelles sera calculé ce qui est dû aux associés sortants. Il convient donc de l'interpréter conformément aux dispositions légales.

Ainsi, s'il est exact que les comptes de CDM ont été approuvés le 31 octobre 2012, soit postérieurement au retrait de la société 1633, la tardiveté de l'approbation ne peut faire obstacle à l'obligation de participation aux pertes sociales de ce seul fait dès lors qu'au moment de l'exercice du droit de retrait les pertes sociales existaient déjà quand bien même les comptes n'étaient pas encore déposés et approuvés.

En l'espèce, la société 1633 a exercé son droit de retrait le 18 janvier 2012 et il n'est pas contestable que les pertes de CDM pour l'exercice clos au 31 décembre 2011, soit l'exercice précédent le retrait, étaient de 12.053.678 euros, la quote-part de la société 1633 s'élevant à 49.392 euros. La créance de contribution aux pertes sociales qui existe au moment du retrait doit en conséquence venir en déduction du remboursement des parts sociales de la société 1633.

Il convient en conséquence d'ordonner la compensation entre les sommes dues par chacune des sociétés, soit un solde de 1.407 euros en faveur de la société 1633.

Sur les demandes de dommages et intérêts

La société 1633 sollicite le paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la multiplication des actions qu'elle a dû engager du fait de la résistance de la société CDM.

La société 1633 succombant en appel, sa demande sera rejetée.

La société CDM sollicite le paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des multiples procédures dont elle a fait l'objet de la part de la société 1633.

La cour relève que les procédures ont été motivées par le refus de CDM d'exécuter le jugement du tribunal de commerce. Il convient en conséquence de rejeter la demande.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

La société CDM sollicite le paiement de la somme de 15.000 euros à ce titre.

La société 1633 sollicite le paiement de la somme de 12.000 euros à ce titre.

La société 1633 ayant succombé dans la présente instance il serait inéquitable de laisser à la société CDM la charge des frais non compris dans les dépens. Il lui sera en conséquence allouée la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 19 avril 2013 et statuant à nouveau,

Constate que la société CDM doit payer à la société 1633 la somme de 50.800 euros au titre du remboursement de ses actions,

Constate que la société 1633 doit payer à la société CDM la somme de 49.392 euros au titre de sa participation aux pertes sociales,

Ordonne la compensation entre ces deux créances,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société 1633 à payer à la société CDM la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la société 1633 aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.