CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 27 novembre 2014, n° 14/07648
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Travel & Co (SAS)
Défendeur :
Souchon (ès qual.), Groupe Arec (SA), Open Conseil (SARL), A & M AJ Associés (Selarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franchi
Conseillers :
Mme Picard, Mme Rossi
Avocats :
Me Vallet-Pamart, Me Hugon, Me Parrinello, Me Parrinello, Me Baechlin, Me Aubry Glain
La société holding Travel & Co a été créée le 31 juillet 2007. Elle a pour objet la prise de participation dans des sociétés, en particulier dans le domaine du voyage.
Suivant acte sous seing privé en date du 5 septembre 2007, elle a acquis la totalité des actions de la société Terres de Charme, agence de voyage spécialisée dans les tours opérators de luxe, créée en 1992.
La cession est intervenue pour le prix principal de 1.750.000 euros, étant convenu en outre d'un versement complémentaire de 100.000 euros si la marge brute revalorisée de la société Terres de Charme de l'exercice clos au 31 décembre 2007 était supérieure à 1.425.000 euros.
Cette cession avait été précédée d'une mission d'expertise comptable pour le compte de la société Terres de Charme et réalisée par la société Open Conseil qui a établi le bilan clos pour l'exercice 2006. La société Groupe Arec qui vient aux droits de la société JRJM, spécialisée dans les missions d'expertise comptable et de commissaire aux comptes, a été désignée lors de l'assemblée générale de la société Terres de Charme du 9 mai 2007 en qualité de commissaire à la transformation dans le cadre de la transformation de cette dernière, de société à responsabilité limitée à société par actions simplifiée. Elle a établi un rapport le 7 juin 2007 sur la base des contrôles portant sur l'exercice clos au 31 décembre 2006.
Le jour de la cession, les parties ont régularisé une convention de garantie d'actif et de passif. Cette garantie était mise en jeu en novembre 2007 et mai 2008 pour un montant total de 175.843,95 euros au titre des régularisations des comptes de l'exercice 2006, notamment l'absence de dettes relatives aux provisions pour achats pour un montant de 116.306 euros. Une somme de 109.964,59 euros était ainsi versée par les cédants à la société Travel & Co à titre d'indemnité prenant en compte l'économie d'impôt en résultant.
La société Travel & Co estimait cependant que des fautes avaient été commises par les sociétés Groupe Arec et Open Conseil caractérisées par diverses erreurs dans l'établissement des comptes de l'exercice 2006 et par des conclusions erronées résultant du rapport à la transformation, fautes qu’elles considéraient être de nature à engager la responsabilité délictuelle des deux intervenants comptables.
C'est dans ce contexte que le tribunal de commerce d'Evry était saisi sur assignation du 16 décembre 2011 de la société Travel & Co à l'encontre de la société Groupe Arec et de la société Open Conseil.
Dans un jugement du 23 avril 2012, la société Groupe Arec a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, maître Alain Souchon a été désignée en qualité de mandataire judiciaire et la selarl A & M AJ en qualité d'administrateur judiciaire, puis par décision du 4 novembre 2013 en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Dans une décision en date du 12 février 2014 à la lecture de laquelle il est renvoyé, le tribunal de commerce d'Evry a débouté la société Travel & Co de l'ensemble de ses demandes ; a débouté la société Open Conseil et la société Groupe Arec venant aux droits de la société JRJM, de leurs demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts et a condamné la société Travel & Co, outre aux entiers dépens, à payer à chacune des deux défenderesses la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal de commerce a en particulier retenu que la tenue de la comptabilité était partagée entre les sociétés Terres de Charme et Open Conseil et que cette dernière avait directement saisi les produits et charges de chaque dossier ; que l'expert-comptable contrôlait la régularité formelle de la comptabilité par simple sondage et étendait simplement ses contrôles sur l'analyse des marges par dossier en concertation avec son client pour s'assurer de la cohérence ; que la société Open Conseil ne pouvait pas être informée des insuffisances de provision des comptes clients et clients douteux ; que la saisie des factures fournisseurs était à la charge de la société Terres de Charme, la société Open Conseil s'étant contentée d'en vérifier la cohérence.
Suivant déclaration au greffe en date du 4 avril 2014, la société Travel & Co a interjeté appel du jugement du 12 février 2014.
Dans des écritures notifiées par voie électronique le 15 octobre 2014, la société Travel & Co demande à la cour, au visa des articles 1382 et 1383 du code civil , L. 224-3 et R. 224-3 du code de commerce, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 février 2014 par le tribunal de commerce d'Evry et, statuant à nouveau, de dire que la société Groupe Arec a commis des fautes engageant sa responsabilité civile délictuelle à son profit ; fixer le montant de sa créance à la somme de 615.453,83 euros majorée de l'intérêt au taux légal ; dire que la société Open Conseil a commis des fautes engageant sa responsabilité civile délictuelle au profit de la société Travel & Co ; condamner la société Open Conseil au paiement de la somme de 615.453,83 euros majorée de l'intérêt au taux légal à titre de dommages et intérêts avec capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil ; débouter les sociétés Groupe Arec et Open Conseil de l'ensemble de leurs demandes et les condamner respectivement à lui payer la somme de 10.000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, s'agissant de la responsabilité de la société Open Conseil, elle articule les griefs suivants : - l'absence de comptabilisation d'avoirs clients sur des créances figurant pourtant dans les comptes au 31 décembre 2006 pour un montant de 12.403 euros, ainsi, les comptes clients douteux au 31 décembre 2006 qui s'élevaient à la somme de 22.037 euros n'ont pas été provisionnés, seuls ayant été provisionnée sans justification la somme de 9.634 euros ; l'absence de comptabilisation de dettes au titre de l'exercice 2006 pour un montant net de 116.306,95 euros entre le 1er janvier 2007 et le 28 mai 2007 sans faire l'objet d'une provision dans les comptes clos au 31 décembre 2006 ; la comptabilisation de façon prématurée au 31 décembre 2006 en produits d'une somme de 3.800 euros qui aurait dû être comptabilisée en produits constatés d'avance ; la comptabilisation de façon prématurée au 31 décembre en factures à établir d'une somme de 5.305 euros correspondant à une liste de mariage, soit un total de 175.843,95 euros au titre des erreurs commises sur l'exercice clos au 31 décembre 2006. Elle se réclame en ce sens d'une attestation de la SAFE commissaire aux comptes de la société Terres de Charme.
Elle soutient que la société Open Conseil prétend faussement que les comptes auraient été clôturés précipitamment, alors qu'ils l'ont été selon elle à la même époque que ceux de 2005.
Sur l'étendue de la mission de la société Open Conseil, elle prétend qu'elle était extrêmement large et non limitée à la présentation des comptes annuels et que le suivi comptable était dans sa totalité externalisé auprès d'elle. Elle rappelle à ce titre que la facture acquittée pour les travaux de l'année 2006 s'est élevée à 27.000 euros TTC. Elle se réfère aux courriels échangés entre les sociétés Terre de Charme et Open Conseil dont il résulte selon elle que cette dernière arrêtait le chiffre d'affaires, la marge brute et le résultat de la société Terres de Charme, et qu'elle ne s'est pas limitée contrairement à ses affirmations à 'saisir les frais généraux, la banque, établir le rapprochement bancaire et effectuer les déclarations fiscales.'
Elle soutient encore que contrairement à ce qu'elle prétend, la société Open Conseil ne s'est pas livrée au contrôle par simple sondage mais a bien établi la balance générale et les écritures de clôture, et en veut ici encore pour preuve les échanges de courriels.
Elle fait valoir que les comptes clients étaient tous débiteurs depuis de longues dates ce que la société Open Conseil aurait dû détecter.
Elle relève que la société Open Conseil s'est occupée entièrement du 'cycle fournisseurs' et aurait dû en sa qualité de professionnel comptabiliser les dettes fournisseurs.
S'agissant de la société Groupe Arec, elle lui reproche de n'avoir pas relevé dans son rapport les erreurs commises dans l'établissement des comptes clos au 31 décembre 2006 par la société Open Conseil.
Elle fait valoir que conformément aux dispositions des articles L. 224-3 et R. 224-3 du code de commerce, il appartient au commissaire à la transformation d'apprécier la valeur des biens composant l'actif social, or, les insuffisances de provisions de comptes clients et les absences de comptabilisation de dettes sont des postes qui font comptablement partie de l'actif social.
Mais elle reproche également à la société Groupe Arec des erreurs exclusivement commises par elle : en premier lieu, elle soutient que contrairement à ce qu'elle conclut dans son rapport, le montant des capitaux propres de la société Terres de Charme constaté par la société Groupe Arec n'est pas au moins égal au montant du capital social ; en second lieu, le résultat estimé au 30 avril 2007 n'est pas positif. Elle lui fait grief de n'avoir pas analysé les comptes jusqu'au 30 avril 2007 date de transformation.
Enfin, en réponse aux critiques de la société Groupe Arec qui soutient que la transformation de la société Terres de Charme serait 'à la limite de l'abus de droit', elle oppose qu'il s'agissait uniquement de satisfaire une volonté de développement et d'expansion de l'intéressée.
Sur son préjudice et le lien de causalité avec les fautes qu'elle allègue, elle soutient que sans ces fautes qui impactent directement l'excédent d'exploitation, elle n'aurait pas acquis la société Terres de Charme qui s'est finalement avérée être déficitaire. Elle fait en effet valoir que du fait de cette situation, l'opération de 'LBO - Leverage-Buy-Out', soit 'Acquisition à effet de levier' - qui consiste à acheter une entreprise en ayant recours à l'endettement bancaire ou obligataire en engendrant un effet de levier facilitant l'acquisition et la rentabilité des capitaux engagés - fonds propres - en s'appuyant notamment sur la déductibilité fiscale des intérêts versés aux prêteurs - s'est retrouvée inopérante.
Elle entend démontrer que la situation comptable de la société Terres de Charme était pour elle une condition déterminante de son achat et en veut pour preuve la clause de complément de prix justement fondée sur la situation comptable de ladite société.
Elle conteste avoir été indemnisée de son préjudice dans le cadre de la garantie d'actif et de passif. Elle relève en particulier que celle-ci a eu pour ojet d'indemniser le préjudice lié à la perte d'exploitation intervenue lors de l'arrêté des comptes au 31 décembre 2007 résultant des erreurs commises dans l'arrêté des comptes au 31 décembre 2006, mais que demeure le préjudice lié exclusivement aux fautes commises par les sociétés Open Conseil et Groupe Arec qui ont eu pour conséquence la valorisation erronée de la société Terres de Charme qu'elle n'aurait pas acquise si elle en avait connu le résultat réel non susceptible de couvrir son coût d'acquisition.
Dans des écritures notifiées le 21 octobre 2014 par voie électronique, la société Compagnie Open Conseil conclut à la confirmation du jugement attaqué et au débouté des prétentions de la société Travel & Co à laquelle elle réclame les sommes de 10.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose à titre liminaire qu'était en place un logiciel informatique spécifique aux agences de voyages comportant une partie de gestion commerciale 'Travis' en interface avec un logiciel comptable 'Pluto'. Ainsi, les vendeurs de l'agence de voyages saisissent directement les produits et charges pour chaque dossier, ce qui permet à la direction d'avoir le montant de la marge globale. L'expert-comptable n'ayant conservé que la saisie relative aux frais généraux, aux banques, effectuait le rapprochement bancaire et en fonction de ces éléments établissait les déclarations fiscales. Il s'assurait également du transfert correct des éléments du logiciel de gestion.
Elle fait valoir qu'en l'absence de lettre de mission qui n'a été rendue obligatoire qu'en 2008, il convient de rechercher quelle a été la commune intention des parties. Elle rappelle être débitrice d'une obligation de moyen et non de résultat dont le corollaire est le devoir de coopération et d'information du client qui doit être spontanée et trouve donc ses limites non seulement dans les cas d'exonération de droit commun que constituent le cas fortuit et la force majeure mais encore dans la carence du client qui doit répondre de sa participation directe ou indirecte à la production de son propre dommage.
Elle soutient n'être intervenue qu'au titre de l'exercice 2006, pour un contrôle de cohérence lors de l'établissement du bilan et dans le cadre de sa mission de présentation des comptes annuels, s'agissant de se limiter à un contrôle de régularité formelle par simples sondages. Elle conteste toute délégation de gestion.
Sur l'insuffisance de provisions des comptes clients pour 38.029,32 euros, elle conteste avoir reçu de la société Terres de Charme les informations relatives à l'existence d'avoir supplémentaires. Elle fait valoir à cet égard que les avoirs transmis dans le cadre de la présente procédure, mais qui ne l'avaient pas été en première instance, ont en tout état de cause été émis postérieurement au 30 avril 2007.
Sur l'insuffisance de provision pour clients douteux pour 12.403,20 euros, elle oppose que n'est pas démontré par la société Travel & Co que l'ancienne direction de Terres de Charme avait à son dossier les éléments sur ses clients débiteurs démontrant le caractère irrecouvrable des créances et que ces informations avaient été transmises à l'expert-comptable.
Sur l'absence de comptabilisation dans le bilan 2006 d'une dette fournisseur de 116.306 euros, elle oppose aussi n'en avoir pas eu connaissance.
Elle développe enfin les diligences par elles accomplies qui lui ont permis de mettre en évidence certaines incohérences et qui attestent de ce qu'elle s'est selon elle livrée à une analyse rigoureuse.
Elle conteste dans tous les cas la réalité d'un préjudice.
Dans des écritures notifiées par voie électronique le 21 octobre 2014, la société Groupe Arec, maître Alain Souchon en qualité de mandataire judiciaire et la selarl A & M AJ Associes représentée par maître François Nicolas Mancel en qualité de commissaire à l'exécution du plan, demandent à la cour, au visa des articles L. 224-3, R. 224-3 du code de commerce et 1382 du code civil de dire que la société Groupe Arec n'a pas commis de faute dans l'exécution de sa mission de commissaire à la transformation ; déclarer la société Travel & Co mal fondée en toutes ses demandes et confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions. Subsidiairement, ils demandent à la cour de dire qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le rapport du commissaire à la transformation et les motifs de l'acquisition des actions de la société Terres de Charme par la société Travel & Co ; juger que cette dernière ne démontre pas l'existence d'un préjudice résultant de son acquisition et pouvant être corrélé avec de quelconques fautes de la société Groupe Arec.
Ils demandent à la cour, ajoutant au jugement déféré, de condamner la société Travel & Co à payer à la société Groupe Arec les sommes de 10.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre 1.500 euros sur ce dernier fondement à maître Souchon et la Selarl A & M AJ.
Subsidiairement, pour le cas où la responsabilité de la société Groupe Arec serait admise, ils demandent à la cour de juger qu'aucune condamnation ne peut être prononcée, mais seulement une créance fixée.
Ils demandent que la société Travel & Co soit condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Ils font valoir que conformément aux dispositions de l'article L. 224-3 du code de commerce le commissaire à la transformation apprécie sous sa responsabilité la valeur des biens composant l'actif social et les avantages particuliers stipulés. Il atteste en application des dispositions de l'article R. 224-3 du même code que le montant des capitaux propres est au moins égal au capital social. Il est choisi parmi les commissaires aux comptes mais n'effectue pas une mission de commissaire aux comptes et n'a donc pas à vérifier la sincérité des comptes. Il est débiteur d'une obligation de moyens.
Ils contestent donc la pertinence des griefs avancés. Sur l'insuffisance de provisions concernant les comptes clients, pour les avoirs antérieurs au 7 juin 2007, ils rappellent que la société Groupe Arec n'avait pas à effectuer un audit de la comptabilité ; sur les avoirs postérieurs, ils soulignent qu'elle n'était plus en charge. Sur les clients douteux, ils opposent qu'il n'existait pas de risques clients insuffisamment provisionnés, notamment sur des créances anciennes.
Sur l'absence de comptabilisation de dette au titre de l'exercice 2006 d'un montant de 116.306,95 euros, ils font valoir que le système informatique de gestion commerciale 'Travis' permettait de considérer qu'il n'existait a priori aucun risque d'achats non comptabilisés afférents à l'exercice 2006 et que de tels achats occultés étaient de toute façon non décelables dans le cadre d'une mission de commissaire à la transformation. Ils opposent encore que les ajustements comptabilisés à la clôture de l'exercice 2007 par la nouvelle direction ne constituaient pas des corrections d'erreurs des exercices antérieurs mais de simples changements d'estimations, relevant du pouvoir de gestion de la nouvelle direction.
Ils font valoir encore l'absence d'impact sur le résultat et sur les capitaux propres des quelques erreurs décelées.
Sur la situation au 30 avril 2007, ils contestent que soit établie la situation déficitaire prétendue. Ainsi, ils font valoir que la société Travel & Co n'a communiqué que tout récemment, soit le 24 septembre 2014 une balance générale - éditée le 7 juillet 2007 - de la société Terres de Charme et un extrait du grand livre des comptes généraux au 30 avril 2007 et que cette balance générale n'est pas celle remise à la société Groupe Arec soit quatre jours après le 30 avril 2007 et en l'état de la tenue de la comptabilité au 14 mai 2007. Elle soutient qu'au vu de ce dernier document, c'est valablement qu'elle a pu conclure à un résultat déficitaire de 59.655,71 euros. Elle rappelle qu'il n'entrait pas dans sa mission de vérifier la situation comptable de la société Terres de Charme au 30 avril 2007. Le retraitement de la balance générale au 30 avril 2007 remise à la société Groupe Arec n'ayant été effectué que pour s'assurer que la continuité d'exploitation de la société Terres de Charme n'était pas compromise. Elle soutient enfin qu'une situation négative de 126.607,35 euros au 30 avril 2007 n'est pas crédible dans la mesure où un résultat bénéficiaire de 66.755 euros après impôts a été dégagé au 31 décembre 2007, et un résultat bénéficiaire de 157.297 euros en 2008.
Ils contestent enfin le préjudice et le lien de causalité. Ils font valoir que la société Travel & Co n'a sollicité ni la réduction du prix de cession, ni la nullité. Ils soulignent l'absence de clause de révision du prix de cession preuve que la situation comptable de la société acquise n'était pas déterminante de son consentement. Enfin, ils relèvent que l'appelante a acquis en septembre 2007 une société bénéficiaire et a disposé d'un audit fondé non seulement sur l'exercice clos au 31 décembre 2006 mais aussi sur une situation au 28 juin 2007 aboutissant à un résultat positif de 15.000 euros. Ils en concluent que la société Travel & Co a bénéficié d'informations comptables postérieures à celles auxquelles a eu accès la société Groupe Arec.
Le 30 avril 2014, le ministère public a apposé son visa.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 octobre 2014, lors de l'audience de plaidoiries.
SUR CE,
Conformément aux dispositions de l'article 1147 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution de son obligation.
Conformément aux dispositions de l'article 1382 du même code, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.'
Aux termes de l'article 1315 du code civil, 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'
Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
En l'espèce, la société Travel & Co entend voir engager la responsabilité des sociétés Open Conseil et Groupe Arec en réparation de son préjudice résultant de fautes contractuelles que celles-ci auraient commises dans l'exécution de leurs missions à l'égard de la société Terres de charme.
Sur les fautes prétendues à l'encontre de la société Open Conseil
Il est constant qu'aucune lettre de mission, qui n'était pas alors obligatoire, n'a été établie et il convient de rechercher quelle a été la commune intention des parties quant à l'étendue de l'intervention de la société d'expertise comptable Open Conseil au titre de l'exercice 2006.
Il est encore constant que la tenue de la comptabilité était partagée entre la société Terres de Charme et la société Open Conseil et qu'elle était établie à partir d'un logiciel informatique spécifique aux agences de voyage comportant une partie de gestion commerciale - Travis - en interface avec un logiciel comptable - Pluto -, les vendeurs de l'agence saisissant directement les produits et charges de chaque dossier.
Il résulte ainsi de la note de synthèse établie par le commissaire aux comptes en date du 7 juin 2007 de la société Travel & Co que les directives suivantes étaient données par la direction : '(...) Chaque client a un numéro de dossier dans le système informatique de gestion commerciale (TRAVIS) qui suit à la fois les prévisions et la réalisation des dépenses directes et les recettes inhérentes à chaque dossier et donc la marge par dossier. Les conseillers de voyages (les vendeurs) saisissent les produits et les charges. (factures d'achat). Le logiciel est en interface avec le logiciel comptable (Pluto) : achats voyages, ventes voyages et encaissements). La règle est que la marge est constatée lorsque le client part effectivement en voyage : en conséquence, à la clôture de l'exercice, les achats et les ventes concernant des voyages non réalisés sont neutralisés comptablement en charges et en produits constatés d'avance : pas de comptabilisation d'encours en compte de stock.'
La direction avait défini un seuil de marge de 30% en dessous de laquelle le vendeur devait faire valider le produit.
La société Open Conseil avait conservé la saisie comptable relative aux frais généraux et aux banques, elle effectuait les rapprochements bancaires, et, en fonction de ces éléments, établissait la présentation des comptes annuels et les déclarations fiscales. Elle contrôlait également la régularité formelle de la comptabilité par simple sondage et étendait ses contrôles sur l'analyse des marges par dossier en concertation avec la direction pour s'assurer de la cohérence. Aussi, n'intervenait-elle sur la saisie des produits et charges de voyages qu'à l'occasion des opérations de contrôle de cohérence lors de l'établissement du bilan et dans le cadre de sa mission de présentation des comptes annuels. Ces contrôles de cohérence portaient sur la régularité formelle de la comptabilité par sondages et sur la marge réalisée sur les voyages.
La preuve d'une mission plus étendue de la société Open Conseil n'est pas faite et ne résulte pas des échanges de courriels entre les parties, la société Travel & co ne démontrant pas en particulier avoir confié de délégation de gestion à la société Open Conseil.
Ceci posé, il convient de déterminer si la société Open Conseil a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité, étant rappelé que l'expert-comptable est tenu d'une obligation de moyen dont le corollaire est le devoir de coopération et d'information de son client qui doit lui fournir tout élément nécessaire à l'accomplissement et la bonne fin de ses travaux.
- l'insuffisance de provision des comptes clients pour 38.029 euros
Au titre des avoirs clients, la société Open Conseil a provisionné un montant de 9.634 euros, elle fait valoir que les éléments du logiciel de gestion 'Travis' mettaient en évidence des avoirs à établir pour 3.246 euros, qu'une provision avait été enregistrée au 31 décembre 2006, détaillée client par client, et qu'aucune information ne lui avait alors été transmise, ni par le logiciel ni postérieurement à la clôture des comptes, faisant état d'avoir supplémentaires. Sur les éléments aujourd'hui fournis qui ne l'avaient pas été en première instance - et en particulier la liste d'avoir datés du 27 février 2007 au 16 novembre 2007 et les avoirs eux-mêmes - elle oppose à juste titre que les six derniers avoirs dont entend se réclamer la société appelante ont été émis postérieurement à la clôture de l'exercice 2006, et qu'ils ne pouvaient dès lors pas être comptabilisés dans l'exercice 2006. Quant aux autres avoirs, il n'est pas établi en tout état de cause qu'ils aient été portés à la connaissance de l'expert-comptable avant la clôture du bilan 2006.
- l'insuffisance de provision pour clients douteux pour 12.403,20 euros
La provision pour clients douteux relève d'une décision de gestion du dirigeant qui doit être en mesure de justifier auprès de l'administration fiscale de l'irrécouvrabilité des créances qui seront déductibles du résultat de la société. Or, pas plus qu'en première instance, aucun élément n'est produit à cet égard ni, en tout état de cause, sur la communication à l'expert-comptable de l'information dont ce dernier aurait omis de tenir compte.
- l'absence de comptabilisation dans le bilan 2006 d'une dette fournisseur de 116.306 euros
Il est établi que les factures fournisseurs en cause n'ont pas été saisies par la gestion commerciale sur le logiciel 'Travis'. Outre que ce défaut de comptabilisation n'est pas imputable à la société Open Conseil, il ressort dans tous les cas de l'annexe au bilan 2007 que ces factures, présentement versées aux débats, ont été reçues en 2007 alors que la société Open Conseil n'était plus en charge.
Ainsi, la société Travel & Co n'établit pas les manquements qu'elle entend voir imputer à la société Open Conseil, tandis qu'il n'est pas discuté, en dehors des griefs ci-avant examinés et non établis, que cette dernière a normalement accompli sa mission sur la base des éléments dont elle disposait et qu'elle a en particulier accompli les diligences requises dans le cadre du contrôle de cohérence qui lui incombait.
Le jugement attaqué sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées à l'encontre de la société Open Conseil.
Sur les fautes prétendues à l'encontre de la société Groupe Arec
En application des dispositions de l'article L. 224-3 du code de commerce, le commissaire à la transformation apprécie sous sa responsabilité la valeur des biens composant l'actif social et les avantages particuliers stipulés. Il atteste en application de l'article R. 224-3 du même code que le montant des capitaux propres est au moins égal au capital social.
Ainsi, il n'effectue pas d'audit, ni ne certifie la régularité des comptes sur lesquels il s'appuie et qu'il n'a pas pour mission de vérifier. Il est débiteur d'une obligation de moyen.
Dans son rapport, la société Groupe Arec a indiqué que ses contrôles avaient porté sur les comptes clos au 31 décembre 2006, qu'elle n'avait pas d'observation à formuler sur les valeurs des biens composant l'actif social ; elle a attesté que le montant des capitaux propres était au moins égal au capital social. Sur ce dernier point, elle a fait état d'ajustements d'un montant de 2.194 euros pour le résultat 2006 qu'elle a pu valablement estimés mineurs. L'appelante lui fait grief de n'avoir pas relevé les omissions précédemment examinées à propos de la société Open Conseil. Il est certain que si la société Groupe Arec avait tenu compte des dites omissions, elle n'aurait pas pu attester que le capital social était égal aux capitaux propres. Il convient donc de rechercher si une défaillance lui est imputable à cet égard, étant néanmoins souligné comme l'ont fait les premiers juges que le service comptable interne de la société Terres de Charme n'a pas relevé ces omissions, ni davantage comme il a été vu la société Open Conseil, non plus que la société d'expertise comptable ECG chargée de l'audit d'acquisition en juin 2007 par la société Travel & Co.
En premier lieu, sur l'insuffisance de provisions des comptes clients pour 38.029 euros, il convient, d'une part, d'écarter les avoirs émis postérieurement au rapport établi le 7 juin 2007 par la société Groupe Arec à hauteur de la somme de 11.630 euros. S'agissant, d'autre part, des avoirs antérieurs au dépôt du rapport de la société Groupe Arec d'un montant de 26.399 euros, il n'est pas établi, en l'absence de clôtures comptables mensuelles auxquelles la société Terres de charme n'était pas soumise, que ces avoirs aient été comptabilisés antérieurement au 7 juin 2007, et quand bien même l'auraient-ils été, le commissaire à la transformation n'avait pas pour mission de vérifier l'enregistrement exhaustif des provisions. Il sera encore relevé à cet égard que la responsabilité de la société Terres de Charme n'est pas recherchée, alors que son gérant, monsieur Serrel, dans sa lettre d'affirmation du 6 juin 2007, attestait en particulier 'Tous les passifs dont nous avons connaissance sont inclus dans les états financiers (...) Et nous considérons que les provisions et indications complémentaires figurant à ce titre dans nos états financiers sont adéquates.(...) Toutes les provisions nécessaires ont été constituées pour faire face soit à des pertes latentes, soit à des charges résultant d'engagements de ventes ou d'achats (de produits ou de devises) ou du non-respect de celles-ci.(...). Nous vous confirmons l'absence de survenance, à ce jour de faits ou d'événements susceptibles de remettre en cause la continuité d'exploitation de la société. '
En deuxième lieu, sur l'insuffisance de provisions des clients douteux pour 12.403,20 euros, comme il a été vu, les montants à provisionner à ce titre relevait d'une décision de la direction et les comptes ne révélaient pas l'existence de clients insuffisamment provisionnés. Seront encore soulignés sur ce point, les termes précités de la lettre d'affirmation du gérant de la société cédée.
En troisième lieu, sur l'absence de comptabilisation de dettes fournisseur pour 116.306,95 euros, il s'avère, comme vu précédemment, que cette somme correspond à des achats non provisionnés, commandés et livrés en 2006 et dont les factures n'ont été reçues qu'en 2007. Or, ici encore, le gérant de la société cédée, dans sa lettre d'affirmation, a attesté de ce que les provisions nécessaires avaient été constituées.
Ainsi, il ressort des développements qui précèdent que les ajustements à la clôture de l'exercice 2007 dont se prévaut la société appelante ne constituent pas des erreurs imputables à la société Groupe Arec, mais plutôt des changements d'estimations relevant du pouvoir de gestion de la nouvelle direction qui n'a cependant pas entendu agir à l'encontre des cédants.
Enfin, la société Travel & Co prétend que la situation aurait été négative au 30 avril 2007 de 126.607,35 euros. Devant les premiers juges, elle n'a pas étayé cette affirmation et c'est au tout dernier stade de la procédure d'appel qu'elle a versé deux documents édités le 7 juillet 2014, la balance générale et un extrait du grand livre des comptes généraux au 30 avril 2007 de la société Terres de Charme. Or, ces documents ne sont pas ceux dont a disposés la société Groupe Arec, celle-ci ayant travaillé en l'état de la tenue de la comptabilité mise à sa disposition au 14 mai 2007 tandis que les deux documents tardivement produits ont été établis postérieurement, en particulier, monsieur Jean-Paul Thomas, ingénieur informatique, atteste que '(...) la comptabilité de l'exercice 2007 de la société TERRES DE CHARME n'a pas été informatiquement modifiée depuis sa clôture au 31/12/07.(...).'
Aussi la société Travel & Co ne démontre-t-elle pas la défaillance qu'elle entend voir imputer à la société Groupe Arec qui a pu valablement conclure, comme l'ont admis les premiers juges, au vu des éléments dont elle disposait, qu'au 31 décembre 2006 la continuité de l'exploitation de la société Terres de Charme n'était pas compromise. Il sera encore utilement souligné pour répondre aux derniers développements de la société appelante que la mission du commissaire à la transformation ne comportait pas l'analyse des comptes au 30 avril 2007, le retraitement de la balance générale, établie à cette date et remise à la société Groupe Arec, n'ayant été réalisé par celle-ci qu'à seule fin de s'assurer de la continuité d'exploitation depuis la clôture du dernier exercice. Il sera enfin utilement rappelé sur ce point que les comptes publiés de la société Terres de Charme montrent un résultat net bénéficiaire de 66.755 euros pour 2007 et de 157.297 euros pour 2008.
Le jugement attaqué sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées à l'encontre de la société Groupe Arec.
Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts formée dans l'intérêt de la société Open Conseil
La société Open Conseil, qui ne caractérise pas son préjudice, ne peut que voir rejeter sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts formée dans l'intérêt de la société Groupe Arec
La société Groupe Arec, qui ne caractérise pas son préjudice, ne peut que voir rejeter sa demande de dommages et intérêts.
Sur les frais irrépétibles et dépens de première instance
La solution retenue fonde de confirmer les dispositions du jugement attaqué relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Sur les frais irrépétibles et les dépens d'appel
L'équité justifie de condamner la société Travel & Co à payer à la société Open Conseil et à la société Groupe Arec, chacune, la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement du tribunal de commerce d'Evry rendu le 21 février 2014 en toutes ses dispositions ;
Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts au profit de la société Open Conseil ;
Condamne la société Travel & Co au paiement à la société Open Conseil et à la société Groupe Arec, chacune, de la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société Travel & Co aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats des parties intimées en faisant la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.