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Décisions

Cass. crim., 5 décembre 2012, n° 11-85.838

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Ract-Madoux

Avocat général :

M. Liberge

Avocat :

SCP Piwnica et Molinié

Aix-en-Provence, du 22 juin 2011

22 juin 2011

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi de M. X... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur le pourvoi de M. Y... :

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 641-9 du code de commerce, 1382 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement MM. Y... et X... à payer à M. Z..., liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCAM, la somme de 395 636,16 euros à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que, sur la règle "una via electa", les autres actions engagées par le liquidateur, telles qu'elles sont énumérées par M. X..., n'ont ni le même fondement juridique ni le même objet que celle-ci en cause qui tend à la reconstitution d'un actif détourné au préjudice de la société ; que, sur la qualité pour agir de M. Z..., l'action civile en réparation du dommage causé par un délit n'est ouverte devant la juridiction répressive qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que le détournement, par le gérant d'une SARL, des fonds de cette société n'occasionne un préjudice actuel, direct et certain qu'à la société dont le patrimoine est atteint ; que l'action civile du chef de ce détournement n'est par conséquent ouverte qu'à la société ; que l'action civile devant la juridiction répressive à raison d'agissements délictueux reprochés aux dirigeants de la société en liquidation judiciaire et tendant à leur faire supporter à titre personnel le montant du dommage causé à la société en relation de causalité avec l'infraction est une action exercée au nom de la société dans l'intérêt de l'ensemble des créanciers et en vue de réparer l'atteinte frauduleusement portée au patrimoine du débiteur personne morale, dont l'exercice est réservé au liquidateur par l'article L. 641-9, paragraphe 1, alinéa 1er du code de commerce ; que cependant cette qualité à agir trouve sa limite dans l'intérêt de l'ensemble des créanciers, et par conséquent dans ce qui pour eux manque à l'actif, c'est-à-dire le montant du passif ; que le liquidateur n'a qualité et intérêt à agir qu'à concurrence de ce passif, augmenté des frais qui se trouvent légalement à la charge de la personne liquidée et sont prélevés en priorité sur les sommes recouvrées ; que, sur le montant de la demande, M. X... n'est pas fondé à soutenir que la qualité du liquidateur serait enfermée dans la relation de causalité de l'infraction avec la cause juridique de la dette elle-même dont le montant est inscrit au passif ; que l'action du liquidateur ici en cause tend, conformément à sa mission, à la reconstitution de l'actif dissipé par l'infraction, actif qui est le gage des créanciers quelle que soit l'origine de leur créance ; que les détournements de recettes au préjudice de la SARL dont les prévenus sont déclarés coupables à proportion du pourcentage retenu par la cour et pendant les mois résultant des faits dont la cour a été saisie, soit entre le mois d'avril ou juillet 2005 et l'arrestation des prévenus à la fin du mois de mars 2006 excèdent sensiblement un million d'euros et en tout cas un montant hors de proportion avec le passif de la liquidation judiciaire ; qu'en effet, le montant des sommes détournées au préjudice de la SACM ne peut être déterminé qu'à partir du montant du chiffre d'affaires connu sur l'année 2005, soit 712 861 euros auquel il fait ajouter les trois premiers mois de l'année 2006 qui eux, sont inconnus ; que les fiches mensuelles de l'année 2003 font apparaître un montant de recettes de 108 904 euros sur cette période, ce qui permet d'extrapoler un chiffre d'affaires sur la période d'exploitation jusqu'à l'arrestation s'élevant à 821 765 euros ; que sur la base d'un détournement de 58,50% des recettes et réciproquement d'une proportion de déclaration de 41,50% (cf arrêt du 2 février page 51), le chiffre d'affaires réel réalisé serait de l'ordre de 1 980 156 euros (100/41,5 x 821.765), ce qui par soustraction fait apparaître un détournement de l'ordre de 1 158 391 euros ; qu'il résulte de l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce de Marseille et arrêté par le juge commissaire le 12 janvier 2011 que le préjudice direct et certain dont le liquidateur est recevable et fondé à se prévaloir en relation avec les détournements de biens commis au préjudice de la SARL est, à l'intérieur de la somme détournée, justifié à hauteur du montant dont l'actif fait à ce jour défaut dans l'intérêt collectif des créanciers, lequel est constitué du passif définitif échu de 285 239,43 euros augmenté du passif encore contesté de 60 396,73 euros, outre les frais de 50 000 euros selon une estimation justifiée, soit au total 395 636,16 euros ; que le caractère encore contesté, et pour un temps à ce jour indéterminable, d'une partie du passif n'affecte pas la certitude du dommage, seul réparable, dont le montant au préjudice de la société est très largement supérieur, ni l'intérêt à agir du liquidateur qui est tenu d'agir en reconstitution d'actif dans l'intérêt collectif des créanciers, l'éventuel succès futur des contestations donnant seulement à ces sommes une fois recouvrées, la vocation à être distribuées en boni de liquidation ; qu'il suit de ces motifs que l'action de M. Z... est recevable et bien fondée à concurrence de cette somme ;

"1°) alors qu'en application de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile est exercée par tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en application de l'article L. 641-9 paragraphe I, 2e alinéa du code de commerce, applicable lorsque la liquidation judiciaire de la personne morale a été prononcée, l'action civile en réparation du préjudice causé par un délit est réservée au débiteur, à savoir aux dirigeants de la personne morale en fonction au moment du prononcé de la liquidation judiciaire ou au mandataire ad hoc ; que l'action civile, qui a exclusivement pour objet la réparation des dommages causés par l'infraction, diffère de l'action en reconstitution de l'actif de la personne morale, action qui a pour objet la gestion du patrimoine de la personne morale et qui est, en application de l'article L. 641-9 paragraphe I, 1er alinéa du code de commerce, réservée au liquidateur dans le seul intérêt des créanciers ; que si M. Z..., liquidateur de la SCAM, a, en application de l'article L. 641-9 paragraphe I, 1er alinéa du code de commerce, qualité pour agir en reconstitution de l'actif de la SCAM, il n'a pas qualité pour exercer l'action civile, en réparation du préjudice découlant directement des abus de biens sociaux, et réservée au seul débiteur ; qu'en estimant que l'action civile à raison des agissements délictueux « est réservée au liquidateur par l'article L. 641-9, paragraphe I, alinéa 1er du code de commerce », la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées et n'a pas justifié sa décision ;

"2°) alors que les juges du fond doivent motiver leur décision sans insuffisance ni contradiction ; que la cour d'appel a constaté que l'action avait été exercée par M. Z..., liquidateur, dans le cadre de l'article L. 641-9 paragraphe I, 1er alinéa du code de commerce, trouvait sa limite dans le montant du passif et l'intérêt des créanciers et que cette action tendait à la reconstitution de l'actif qui est le gage des créanciers quelle que soit l'origine de leur créance, y compris lorsque leur créance est sans lien avec l'infraction ; qu'en l'état de ces énonciations desquelles il se déduit que l'action de M. Z... ne consistait qu'en une action en reconstitution de l'actif de la société et ne consistait aucunement en une action en réparation du préjudice causé par une infraction, la cour d'appel ne pouvait pas en déduire que l'action de M. Z... était recevable au titre de l'action en réparation du préjudice subi par la SCAM et résultant des abus de biens sociaux commis ;

"3°) alors qu'en tout état de cause, la partie civile ne peut obtenir réparation que du préjudice certain résultant directement de l'infraction ; qu'il résulte des énonciations de la cour d'appel que le montant des sommes détournées au préjudice de la SCAM ne peut être déterminé qu'à partir du montant du chiffre d'affaires connu sur l'année 2005 auquel « il faut ajouter les trois premiers mois de l'année 2006 qui, eux, sont inconnus » ; qu'en l'état de ces énonciations qui établissent l'incertitude du préjudice, la cour d'appel ne pouvait pas en déduire que le montant du préjudice certain était de 395 636,16 euros" ;

Attendu que, pour dire Me Z..., mandataire judiciaire à la liquidation de la Société des armateurs côtiers marseillais, prononcée le 22 mai 2006, recevable en sa constitution de partie civile à l'encontre de MM. X... et Y..., déclarés coupables respectivement d'abus de biens sociaux et de complicité et recel au préjudice de cette société, et lui allouer des dommages-intérêts, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que, si l'article L. 641-9, II, du code de commerce dispose que les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation le demeurent, et prévoit , en cas de nécessité, la faculté de désigner un mandataire en leur lieu et place, ces dispositions ne font pas obstacle à l'exercice, par le liquidateur, des actions qui tendent à l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des infractions commises par les dirigeants de la personne morale en liquidation judiciaire, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié l'indemnité propre à réparer le dommage né des abus de biens sociaux poursuivis, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.