Cass. crim., 28 septembre 2016, n° 15-83.467
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme Zerbib
Avocat général :
M. Le Baut
Avocat :
SCP Spinosi et Sureau
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-11 alinéa 1 2° du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré M. X... coupable de trafic d'influence ;
" aux motifs que « Le projet de la Zac porte d'Aquitaine qui incluait le village de marques ne se bornait pas à ce centre commercial et concernait également 3 autres villages un village commercial un village loisirs, un village tourisme ; qu'il est constant que ce projet marquait le pas notamment à raison des recours qui avaient été engagés ; que les auditions de M. Y...font apparaître que, selon son expression, il était " allé au contact " de M. X... vers 2005-2006 ; que dès le début 2008, des discussions étaient menées par CFA-Atlantique avec la communauté de communes du cubzaguais pour se positionner comme opérateur sur le village commercial qui apparaissait d'emblée comme le plus profitable ; que CFA-Atlantique disposait ainsi qu'il ressort du dossier de l'envergure financière et du savoir-faire pour mener une telle opération : c'est le coeur de métier de CFA-Atlantique ; que les cadres de CFA Atlantique qui, étaient étroitement associés aux projets suivis par leur supérieur M. Y... ont confirmé l'existence de ces discussions avec M. X... pour développer ce village commercial faisant partie de cette Zac ; que la directrice du pôle montage de projets au sem de CFA-Atlantique et Facmel directeur qui était auparavant le bras droit de M. Y... indiquent également qu'à la même époque soit début 2008 la société a envisagé une stratégie de diversification en se lançant dans la construction de résidences pour personnes âgées valides intitulées " Square des âges ; qu'à ce moment-là, il n'y avait aucun projet similaire dans la société ; que M. Y... a indiqué qu'il croyait fermement à ce projet de square des âges ; que le 29 août 2008, M. Y... écrit à la direction de son entreprise seule à même de valider l'aspect financier des projets qu'il veut engager, une note dans laquelle il indique que la société a l'opportunité de développer un programme Square des âges sur deux sites différents de la commune de Peujard dont il est précisé qu'elle fait partie du canton de Saint André de Cubzac, que les deux opérations sont liées, que certains terrains appartiennent à un bailleur social et les autres à M. X... dont il est encore relevé qu'il est le maire de Peujard, M. Y... dans ce document réclame selon son expression " de maîtriser tout de suite " les parcelles proposées par le vendeur M. X... au prix de 350 000 euros, il évoque le dépôt de garantie de 140 000 euros, il se déduit de ce document qu l'achat des parcelles de M. X... présente un caractère d'urgence ; qu'en réponse, le 1er septembre 2008, la direction confirme l'accord pour le lancement de l'opération suivant la note du 29 août en demandant à M. Y... de tenter toutefois de renégocier le dépôt de garantie en caution bancaire ce qu'il ne fera pas, il n'a pas été trouvé trace d'autres documents attestant du sérieux de la préparation de ce projet de square des âges ; que de fait, l'organisme social GIRONDE HABITAT dont il est question dans le courrier du 29 août n'a jamais été vendeur de ses propres terrains et une collaboratrice de M. Y... admettra que les deux projets n'étaient pas liés ; que, 48 heures plus tard, le 3 septembre 2008, est signé devant le notaire M. A..., le compromis de vente de la parcelle cadastrée ZH 23 et ZH 185 qui est désormais à la suite de l'avis favorable du conseil communautaire du 4 juin 2008 présidé par M. X... classée en zone naturelle destinée à l'urbanisation future à long terme à vocation principale d'habitat ; que dans cet acte, les parties conviennent que l'acte authentique sera régularisé au plus tard le 30 septembre 2009, les parties conviennent encore du prix soit la somme de 350 000 euros et du versement d'un acompte immédiat de 140 000 euros au vendeur soit, plus de 40 % du prix ; qu'il est également stipulé que si les conditions suspensives ne sont pas réalisées le vendeur devra restituer à l'acquéreur les sommes versées dans un délai maximum de trois mois après la constatation de la résiliation de l'accord ; qu'enfin, les parties arrêtent dans un paragraphe intitulé " conditions suspensives dans l'intérêt de l'acquéreur " c'est-à-dire CFA-Atlantique tout d'abord que ce dernier s'oblige à déposer une demande de permis d'aménager au plus tard le 30 mais 2009 ; que de plus, toujours au rang de ces conditions suspensives, l'acquéreur s'engage à transférer au bénéfice du vendeur le permis d'aménager devenu définitif dans l'hypothèse où il ne souhaiterait plus réaliser son opération d'urbanisme ; que l'acte précise à cet égard que, si l'acquéreur décide d'emblée d'abandonner l'opération d'urbanisme les parties conviennent de rester liées le temps nécessaire pour l'obtention des autorisations nécessaires définitives et le vendeur serait alors autorisé à déposer toute demande de permis d'aménager ; que dans ce cas, il est expressément convenu que le vendeur pourra librement poursuivre la vente des lots du lotissement et le remboursement de la somme visée ci-dessus n'interviendrait que le jour de la vente du dernier lot ; que ce compromis ne crée aucune obligation sérieuse à l'encontre de la partie venderesse qui ne supporte qu'une obligation purement formelle de restituer l'acompte soit dans un délai de trois mois à défaut de régularisation de l'acte soit, s'il profite de l'inertie de l'acquéreur pour lotir à sa place, au jour de la vente du dernier lot ; que ces délais ne sont assortis d'aucune sanction et, pour ce qui concerne le jour de la vente du dernier lot, d'aucune disposition contractuelle relative à l'information de l'acquéreur défaillant sur la réalisation par le vendeur de la vente de ce dernier lot ; qu'ainsi, le 3 septembre 2008 M. X... se voit remettre en acompte un chèque de 140 000 euros sans aucune condition coercitive de restitution de ladite somme. M. X... s'est toujours comporté comme si le compromis de vente n'avait pas existé ; qu'en effet, il ressort de l'enquête que dès le 15 février 2007 M. X... a confié à la société de géomètres-experts dirigés par le maire de Saint-Gervais, le lotissement du clos du Limousin et qui porte précisément sur les parcelles visées dans le compromis de vente ; que le dépôt du permis d'aménager a été diligenté par M. X... le 23 décembre 2008 et ces mêmes géomètres précisent que dès octobre 2008 est intervenue la prestation topographique qui a un coût ce qui démontre l'intention par M. X... de réaliser cette opération ; qu'à cette date du 23 décembre 2008, CFA-Atlantique n'a pas fait connaître qu'il abandonnait le projet et au demeurant, pouvait encore déposer le permis d'aménager ; que, le 20 février 2009, alors que le délai prévu au compromis de vente c'est-à-dire le 30 mars 2009 n'était pas encore échu. M. X... régularise une promesse de vente de ces mêmes terrains à la société AGTI ; que cette société s'est en effet portée acquéreuse des 9 lots du lotissement " le clos du Limousin " et, elle atteste, lors de l'enquête, que cette vente s'est faite sur une idée de M. X... au cours du dernier trimestre 2008 ; qu'enfin, la société AGTI précise que ces 9 lots ont été vendus très rapidement et qu'elle ignorait absolument l'existence du premier compromis avec CFA-Aquitaine ; que de fait il n'apparaît pas que M. X... ait avisé ses co-contractants tant CFA-Atlantique qu'AGTI de l'existence des promesses et compromis antinomiques ; que, Maître A... a reconnu que le compromis du 3 septembre constituait une porte ouverte à la réalisation de l'opération de lotissement par M. X... ; que, Maître A..., a de plus indiqué que le dernier lot s'était vendu le 9 avril 2010 et qu'avec le fruit de ces ventes M. X... disposait des fonds nécessaires, s'il l'avait voulu, pour rembourser son co-contractant, le notaire reconnaissait en outre avoir fait parvenir, à la suite de la vente des terrains du lotissement situé sur la commune de Peujard, un chèque daté du 12 janvier 2010 d'un montant de 130 000 euros, au mandataire de l'EARL, alors que le compromis liant M. X... à CFA-Atlantique pour les mêmes parcelles, n'avait pas abouti et qu'une somme équivalente risquait théoriquement d'être réclamée par CFA-Atlantique ; que le notaire admettait à cet égard, que le prétendu vendeur, qui avait reçu un acompte conséquent, hors de sa propre comptabilité mais néanmoins eu sa présence, restait libre, au regard de l'engagement signé, de disposer des biens à sa guise, sans que CFA-Atlantique ne bénéficie de la moindre sécurité pour récupérer des fonds anormalement conséquents au regard des aléas à même de survenir ; que M. A... reconnaissait que son office avait ainsi participé à la négociation d'actes qui étaient antinomiques entre eux, les mêmes biens faisant l'objet de cessions successives, sauf à trouver leur justification dans un montage frauduleux dont il prétendait ne pas avoir pris conscience ; qu'ainsi qu'il a été indiqué plus haut, M. X..., en personne, remettait le chèque à l'encaissement le jour même de la signature du compromis ; que ce chèque ira abonder ainsi qu'il a été évoqué plus haut le compte de l'EARL familial qui devait impérativement honorer le plan mis en place ; que, M. Y... a admis en raison de ses relations régulières avec M. X... qu'il était au courant des difficultés financières de ce dernier dès juin ou juillet 2008 : il savait que M. X... avait besoin d'argent pour le mandataire et c'est dans ces conditions qu'il indiquait avoir voulu lui rendre service et par suite été d'accord pour le montant de 140 000 euros, représentant l'acompte versé lors de la conclusion du compromis de vente soit plus de 40 % du prix total de la vente, M. X... et lui, étaient en relations d'affaires suivies, les deux hommes n'ayant jamais soutenu que leurs contacts étaient autres que professionnels même s'ils ont déclaré avoir de l'estime l'un pour l'autre ; que l'enquête a fait apparaître que M. Y... avait au demeurant fait savoir à la Financière Duval, dont sa filiale dépendait, et à son service juridique que M. X... comprenait la problématique des montages d'opération et que CFA, et donc indirectement la Financière Duval n'avaient donc pas intérêt à se montrer trop regardants sous peine de déstabiliser les''relations et partenariats récents " ; que, M. Y... soutient que CFA-Atlantique a finalement abandonné le projet de square des âges à raison de la crise économique mondiale puis qu'il s'est concentré sur d'autres projets ; qu'en réalité, alors qu'il était un professionnel chevronné, rompu à la vie des affaires, il est demeuré complètement inerte et s'est dégagé immédiatement de ce projet qu'il décrivait comme important et urgent quelques semaines plus tôt ; qu'en effet, les vérifications effectuées à la Mairie de Peujard n'ont pas permis de retrouver trace d'un quelconque permis de lotir effectué par CFA-Atlantique et la seule demande d'aménager les mêmes terrains est celle présentée par M. X..., le seul élément tangible dans l'action de M. Y... est la remise du chèque de 140 000 euros ; que les autres éléments avancés sont sans consistance ; que la cour relève que la note du 29 août qui est l'oeuvre de M. Y..., est tout à la fois imprécise car nullement à la hauteur de l'enjeu proclamé et inexacte puisque Gironde Habitat n'était pas partie prenante à l'opération de vente de ses terrains ; que l'argument de la crise économique mondiale est inopérant dès lors, que d'emblée et dès avant le début de cette crise, la précipitation, l'imprécision et le paiement immédiat de plus de 40 % du prix à un vendeur dont on connaît pour le fréquenter professionnellement de longue date de première part l'influence dont il jouit à la communauté de communes du cubzaguais qu'il préside et de seconde part les difficultés financières privées et le désir de maintenir à flots coûte que coûte l'entreprise de ses fils, démontre qu'il s'est uniquement agi de gratifier M. X... pour obtenir qu'il use de son influence sur la communauté des communes du cubzaguais, afin de décrocher le marché d'au moins un des " villages " ; que le crédit professionnel dont M. Y... bénéficiait dans le groupe CFA-Atlantique lui a permis de forcer la décision de la direction en moins de trois jours ; que, le 8 septembre 2008, soit cinq jours après qu'il a encaissé le chèque de 140 000 euros, M. X..., en sa qualité de président de la communauté des communes du cubzaguais écrit à CFA-Atlantique, à l'attention de M. Y..., pour lui faire savoir qu'un partenariat pourrait être envisagé concernant l'aménagement de la ZAC Aquitaine ; que la chronologie reprise ci-dessous et qui s'appuie sur les courriers saisis par les enquêteurs et dont l'existence et la teneur ne sont pas contestées par les prévenus, n'est pas, à la lumière de ce qui précède, une accumulation de coïncidences ; qu'elle met en exergue que M. Y... a bien rémunéré par un chèque de 140 000 euros et par l'octroi d'un moratoire extrêmement avantageux, l'exercice abusif de l'influence que M. X... possède véritablement sur un tiers au cas particulier la communauté de communes de cubzaguais en vue de l'obtention d'une décision favorable aux intérêts de la société CFA-Atlantique à savoir le marché de plusieurs villages de la ZAC Aquitaine. Le trafic d'influence au sens de la loi en vigueur au moment des faits (loi 2007-1598 du 13 novembre 2007) est bien constitué :
-3 septembre 2008 : signature du compromis entre CFA-Atlantique par le truchement de M. Y... et M. X... ; versement d'un acompte de 140 000 euros,
- le 8 septembre 2008 ; lettre de M. X... à M. Y..., ès-qualité, dans laquelle il indique envisager le partenariat avec CFA concernant la ZAC,
-30 mars 2009 : lettre de M. Y... à M. X..., es-qualité de président de la communauté de communes sur l'avancement du dossier ZAC d'Aquitaine, en réponse au partenariat envisagé le 8 septembre,
- juillet 2009 : négociations sur l'avenant par M. X... ; que M. Y... accepte qu'il ne soit pas signé,
-6 août 2009 : M. X..., ès-qualité de président de la communauté mentionne l'accord donné à CFA pour la réalisation de 3 villages et son soutien pour imposer un partenariat avec CFA auprès du futur opérateur du village des marques,
- le 2 septembre 2009 : M. Y... prend acte de l'accord de M. X... au 6 août 2009 pour la réalisation de 3 villages,
- le 4 septembre 2009 : M. Y... prend acte que M. X... réalise lui-même l'opération de lotissement et accepte indépendamment de la vente du dernier lot de reporter le remboursement au 30 avril 2010,
-17 mars 2010 : la Communauté de communes attribue la réalisation des 3 villages à CFA-Atlantique,
-29 avril 2010 : M. Y... accorde un délai supplémentaire d'un an à M. X... jusqu'au 30 avril 2011,
-22 avril 2010 : M. X... écrit à CFA qu'il ne pourra pas rembourser alors qu'il a déjà vendu tous les lots le 9 avril précédent,
-4 juin 2010 : signature de la promesse de vente entre la communauté CFA concernant la ZAC,
-30 avril 2011 : date d'échéance du dernier délai accordé ;
-30 avril 2011 : décision du conseil de la communauté qui choisit un opérateur présenté et épaulé par CFA-Atlantique pour réaliser le " village des marques ",
- la remise des 140 000 euros par M. Y... à M. X... à enclenché un processus favorable à CFA-Atlantique qui est parvenue à réaliser l'opération immobilière qu'elle convoitait, M. X... usant de son influence pour obtenir de la communauté les votes utiles ; qu'une nouvelle équipe dirigeante à CFA-Atlantique ait actionné M. X... devant une juridiction civile pour obtenir parfait paiement de l'acompte dont une partie aurait été réglée par ses soins, n'ôte en rien aux agissements décrits ci-dessus leur caractère délictueux, l'intérêt de cette société étant au surplus de récupérer une somme remise par l'un de ses ex-salariés à un élu dans le cadre d'un pacte frauduleux ; qu'en conséquence, la cour confirme la décision des premiers juges relative à la culpabilité des prévenus des chefs de trafic d'influence passif et actif » ;
" 1°) alors que, la caractérisation du trafic d'influence suppose que soit établie l'existence d'un avantage sollicité ou perçu en vue de permettre l'obtention d'une décision favorable ; que les conclusions régulièrement déposées faisaient valoir que l'acompte versé à M. X... suite à la promesse de vente du 3 septembre 2008, n'était pas un avantage indu qui lui aurait été octroyé en vue de l'obtention d'une décision favorable aux intérêts de la société CFA-Atlantique, mais était intervenu à l'occasion d'une opération économique tombant dans le champ d'activité de cette société à laquelle le prévenu était partie ; qu'en se fondant sur la seule chronologie des événements qui, selon les juges du fond, ne peut être une « succession de coïncidences », pour déclarer le prévenu coupable, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, l'existence d'un lien entre l'acompte versé au prévenu et le marché de la ZAC Aquitaine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors que, en se fondant sur la seule chronologie des événements qui ne pourrait être une « succession de coïncidences », la cour d'appel s'est prononcée par des motifs dubitatifs " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que M. X..., maire et président d'une communauté de communes, a été poursuivi notamment du chef de trafic d'influence pour s'être fait remettre une somme d'argent par la société CFA-Atlantique, sous couvert de la vente fictive d'un terrain, en contrepartie de l'influence par lui exercée sur la communauté de communes afin qu'elle attribue à cette société un marché portant sur l'édification de villages dans une zone d'aménagement concertée ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce délit, l'arrêt énonce que la chronologie des faits et la nature des événements survenus ne résultent pas d'une succession de coïncidences mais mettent en évidence un lien dissimulé entre la rémunération, déguisée en acompte, versée par la société CFA-Atlantique et l'obtention du marché ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations qui caractérisent, en tous ses éléments constitutifs, tant matériel qu'intentionnel, le délit de trafic d'influence dont elle a déclaré le prévenu coupable, notamment quant à l'existence et à l'antériorité de la convention frauduleuse ayant précédé les agissements qu'elle avait pour objet de rémunérer, la cour d'appel, qui a sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-12 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré M. X... coupable de prise illégale d'intérêts ;
" aux motifs qu'il est constant que lors du conseil communautaire présidé par M. X..., le 4 juin 2008, a été autorisé le classement du lieu-dit château de Peujard en zone naturelle destinée à l'urbanisation future à long terme et que M. X... est propriétaire de parcelle dans ce lieu-dit ; que de même, le 22 décembre 2010 M. X... présidait le conseil communautaire de la communauté des communes du cubzaguais, appelé à donner son avis sur le projet de PLU de la commune de Saint-Gervais rendant constructibles des terrains appartenant à FEARL vignobles X...dans lequel il était porteur de parts ; que le prévenu a participé à ces votes ; que, c'est vainement qu'il est soutenu par le prévenu qu'il ne s'est agi, pour le conseil communautaire, que de donner un avis ; qu'en effet, l'audition de la responsable de ce type d'opération à la préfecture met en lumière que ces avis s'inscrivent dans le processus décisionnel de révision d'un plan d'occupation des sols ou de PLU et qu'ils sont en tout état de cause déterminants, ces avis sont bien un acte juridique au sens de l'article 432-12 du code pénal et il est indifférent qu'à chaque fois la décision ait été prise à l'unanimité des votants ; qu'enfin, la seule circonstance que les avis rendus n'aient pas été en contradiction avec l'intérêt de la collectivité ne suffit pas à priver les poursuites de tout fondement, la prise illégale d'intérêts couvrant non seulement le conflit d'intérêts mais aussi la convergence d'intérêts ; qu'à ces deux reprises, M. X... a pris un intérêt quelconque dans une opération dont il avait la charge d'assurer la surveillance ou l'administration ; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a déclaré le prévenu coupable de cette infraction, la décision de culpabilité est confirmée ;
" 1°) alors que, ne constitue pas un intérêt au sens de l'article 432-12 du code pénal le fait de donner un avis sur un projet voté au bénéfice de la commune et commandé par la situation des lieux ; qu'il résulte des termes mêmes de la décision que les avis rendus par la communauté des communes présidé par M. X... n'étaient pas en contradiction avec les intérêts de la commune ; qu'en déclarant que la prise illégale d'intérêt couvre non seulement le conflit mais aussi la convergence d'intérêt, sans apprécier l'intérêt particulier de la personne poursuivie au regard du contexte dans lequel la décision litigieuse a été prise ou si cette décision s'inscrivait dans le cadre d'un projet ayant un caractère d'utilité publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors que, un avis consultatif, qui n'emporte en lui-même aucune conséquence juridique, n'est pas un acte juridique au sens de l'article 432-12 du code pénal ; qu'en déclarant le prévenu coupable, pour avoir donné un avis qui n'avait aucune force obligatoire, seules les décisions subséquentes prises par la commune étant susceptibles d'emporter un effet juridique, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen " ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de prise illégale d'intérêts, la cour relève qu'il a présidé par deux fois, en tant que maire, le conseil communautaire qui a émis deux avis favorables, par des votes auxquels, au surplus, il a pris part, au classement en zone constructible, destinée à l'urbanisation future à terme, de territoires, situés dans la municipalité dont il est maire ou dans la communauté de communes, qui comportent des terrains agricoles lui appartenant ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'il importe peu, au regard de la caractérisation du délit que, d'une part, le prévenu, premier magistrat municipal, qui avait, lorsqu'il a présidé le conseil communautaire, un intérêt propre dans une opération envisagée d'extension de zone constructible dont il assurait, au moment de l'émission des avis y afférents, la surveillance ou l'administration, n'ait contribué qu'à la prise de tels avis consultatifs et préparatoires à des décisions prises par d'autres instances, d'autre part, ces avis ne soient pas en contradiction avec l'intérêt général ou s'inscrivent, le cas échéant, dans un projet d'utilité publique, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions déposées devant elle, et caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Mais sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a condamné M. X... à une peine d'un an d'emprisonnement ;
" aux motifs que, la cour considère que la peine infligée à M. X... par les premiers juges est justifiée et prend en compte de manière adaptée à la fois la gravité des faits s'agissant d'un élu qui doit à ses administrés d'être irréprochable et l'absence de condamnations au casier judiciaire d'une personne jusque là honorablement connue ; que par suite la sanction est confirmée ;
" et aux motifs adoptés qu'il sera statué sur les peines dans les termes du dispositif, le tribunal ne pouvant occulter la gravité des faits reprochés à M. X..., du fait même de l'ensemble de ses fonctions et de son influence qu'il revendique, mais dont il a abusé ;
" alors qu'en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en se bornant, pour condamner M. X... à la peine d'un an d'emprisonnement, à relever la gravité des faits s'agissant d'un élu qui se doit d'être irréprochable, sans indiquer les raisons pour lesquelles toute autre sanction était manifestement inadéquate, la cour d'appel a méconnu l'article 132-19 du code pénal " ;
Vu l'article 132-19 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; que, dans le cas où la peine n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, s'il décide de ne pas l'aménager, doit en outre motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle ;
Attendu que, pour condamner M. X... à la peine d'un an d'emprisonnement, l'arrêt retient que la peine qui lui a été infligée par les premiers juges est justifiée et prend en compte de manière adaptée à la fois la gravité des faits, s'agissant d'un élu qui doit à ses administrés d'être irréprochable et l'absence de condamnation au casier judiciaire d'une personne jusque là honorablement connue ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer ni sur le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ni sur l'aménagement de la peine d'emprisonnement prononcée, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité du prévenu n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en ses seules dispositions relatives à la peine prononcée à l'encontre de M. X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, et le cas échéant, à l'article 132-19 du code pénal ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge de l'arrêt partiellement annulé.