Cass. crim., 30 novembre 2005, n° 05-82.773
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Labrousse
Avocat général :
Mme Commaret
Avocat :
SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-François Y..., président du conseil général de l'Oise, a, de juillet 1994 à mai 1998, ordonnancé les dépenses de communication du département au profit de la société Euro 2C, dirigée par Roland Z..., attributaire du marché depuis 1988 ; que, les 26 juillet et 15 octobre 1995, cette société a octroyé des avances sans contrepartie, d'un montant de 300 000 francs et de 720 000 francs à la société Séduire, ayant pour objet la vente de produits de parfumerie, dont elle possède 26 % du capital et dont Jean-François Y... est lui-même actionnaire ; qu'en outre, la société Euro 2C a subi une perte d'environ un million et demi de francs après avoir consenti, le 17 novembre 1997, à une opération de restructuration du capital de la société Séduire, dont le déficit d'exploitation a été résorbé, toutes ses créances ayant été transférées à la société Alizes Holding, chargée du marketing des magasins de parfumerie, dont Jean-François Y... était administrateur et détenait 36 % du capital ;
En cet état ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par Me X..., pour Jean-François Y..., pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 233-1, L. 233-5 du Code du commerce, L. 3221-3 du Code des collectivités territoriales, 111-4, 121-1 et 432-12 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-François Y... coupable de prise illégale d'intérêts et l'a condamné pénalement ;
"aux motifs que "Jean-François Y... et Roland Z... ont repris, au soutien de leur appel, l'argumentation déjà développée en première instance et n'ont apporté, au terme des débats, aucun élément nouveau de nature à remettre en cause le bien-fondé de la décision des premiers juges qui ont retenu les prévenus dans les liens de la prévention" ;
"que "la Cour constate, comme le tribunal, que tant l'élément matériel que l'élément intentionnel des délits visés par la prévention sont caractérisés" ;
"qu' "il est reproché à Jean-François Y..., président du conseil général de l'Oise, d'avoir ordonnancé, de juillet 1994 à mai 1998, les dépenses de communication du département au profit de la société Euro 2C alors que, dans le même temps, celle-ci apportait son soutien financier aux sociétés Séduire puis Alizés Holding dont il était actionnaire et administrateur" ;
"qu' "il résulte de la procédure que la SARL Euro 2C, société de conseil en communication sise à Paris 8ème et dirigée par Roland Z..., a obtenu le marché de communication du département de l'Oise en septembre 1988 et l'a conservé durant toute la période de prévention ; qu'il est établi que les dépenses de communication ont été multipliées par dix en huit ans et que le département de l'Oise est ainsi devenu rapidement le principal client d'Euro 2C" ;
"que "c'est à partir de 1990 qu'Euro 2C a commencé à aider financièrement la société Séduire, société de négoce d'articles de parfumerie créée en 1985 à Meaux et dirigée par Guy A..., ami personnel de Jean-François Y... ; que, le 6 juillet 1990, Euro 2C a fait un apport en compte courant d'un montant de 810 000 francs qui s'est transformé, à la suite d'un abandon de créance, en participation au capital social de Séduire après l'augmentation de celui-ci le 30 juillet 1991" ;
"qu' "Euro 2C a consenti plusieurs avances à Séduire, la première en février 1992 d'un million de francs puis deux autres les 26 juillet et le 15 octobre 1995 d'un montant respectif de 300 000 et 720 000 francs ; que ces avances ont été accordées sans contrepartie, en l'absence de perception d'intérêts qui n'ont même pas été comptabilisés jusqu'en 1995" ;
"que, "par le biais de ces avances, la société Euro 2C a acquis un actionnariat significatif au sein de Séduire avec 26 % du capital, les autres actionnaires étant Jean-François Y... avec 20 % du capital, Guy A... avec 21 % et la société Alizés Holding avec 24 %" ;
"que, "le 17 novembre 1997, le déficit d'exploitation de Séduire a conduit à une restructuration du capital social de cette société, effectuée au moyen d'un "coup d'accordéon", qui a permis de transférer intégralement les créances de Séduire à la SA Alizés Holding, société chargée du marketing des magasins de parfumerie crée en 1988 à Silly-Tillard (Oise) et dirigée par Annick B..., épouse A... ; qu'à la suite de cette opération, Euro 2C ne possédait plus que 18 % du capital social, les autres actionnaires étant Guy A... avec 43 % et Jean-François Y... avec 36 %" ;
"que "l'information a démontré que, depuis sa création, la société Séduire n'a jamais été rentable et n'avait dégagé aucun bénéfice ; que les difficultés de celle-ci se sont accrues fin 1995 après l'échec de la tentative de développement d'activités nouvelles, telles que la parapharmacie et les produits diététiques, qui a occasionné des pertes d'un montant de 4 à 5 millions de francs, soit la moitié du capital social ;
"que "Séduire n'a pu alors poursuivre ses activités que grâce au concours financier important de la SA Euro 2C qui, d'une part, a consenti, en 1992 et 1995, des apports significatifs en compte courant sans contrepartie dans la mesure où ceux-ci n'ont donné lieu à aucun versement d'intérêts et qui, d'autre part, s'est prêtée, en novembre 1997, à l'opération de restructuration du capital social à l'issue de laquelle elle a enregistré une perte sèche d'environ un million et demi de francs, l'actionnariat d'Euro 2C passant de 26 % dans Séduire à 18 % dans Alizés Holding" ;
"qu' "une véritable communauté d'intérêts s'est ainsi constituée, dès le mois de juillet 1990, entre Jean-François Y... et Roland Z... au sein des sociétés Séduire puis Alizés Holding du fait de la participation financière significative consentie à celles- ci par Euro 2C" ;
"qu' "il ressort de ce qui précède que Jean-François Y... a pris un intérêt indirect dans l'opération dont il avait, au moment de l'acte, la charge d'assurer la surveillance et le paiement, en l'espèce l'exécution du marché de communication dont la société Euro 2C était attributaire ; qu'en sa qualité de président du conseil général, il était bien l'ordonnateur principal des dépenses, l'argument selon lequel il n'avait pas siégé à la commission d'appel d'offres et n'avait pas personnellement signé les engagements de dépenses étant inopérant dans la mesure où le paiement des prestations était opéré par des fonctionnaires territoriaux sur délégation de signature de Jean-François Y... ; qu'il a ordonnancé des dépenses au profit d'une société qui apportait, dans le même temps, un important soutien financier au profit de deux entreprises sur lesquelles il avait un réel pouvoir de contrôle dans la mesure où, selon ses propres déclarations, il était associé dans toutes les décisions importantes" ;
"qu' "ainsi, le concours apporté par Euro 2C a procuré au prévenu un avantage notable en préservant la valeur de ses actions et donc ses intérêts personnels au sein des sociétés Séduire et Alizés Holding" ;
"que "le fait que Jean-François Y... ait effectué, en 1995 et 1997, des avances en comptes courants à hauteur de 3 400 000 francs dans Séduire et Alizés Holding est sans incidence sur la caractérisation du délit ; que celui-ci est en effet constitué dès lors que l'entreprise, dont le président du conseil général assurait le paiement, a assisté financièrement les sociétés contrôlées, à titre privé, par cet élu" ;
"que "c'est donc à bon droit que le tribunal a estimé que le délit de prise illégale d'intérêts était établi, en son élément matériel, à l'encontre du prévenu" ;
"que, sur l'élément intentionnel, "l'intention coupable est caractérisée du seul fait que Jean-François Y... et Roland Z... ont accompli sciemment l'acte constituant l'élément matériel du délit ; qu'il apparaît que c'est en parfaite connaissance de cause que Jean-François Y..., ordonnateur des dépenses de communication du département de l'Oise payées à la société Euro 2C, a accepté le soutien financier accordé par celle-ci aux sociétés Séduire et Alizés Holding dont il était actionnaire et administrateur ;
que c'est délibérément que ledit soutien a été apporté par Roland Z..., dont la société était attributaire du marché de communication et donc bénéficiaire des règlements opérés à son profit par le président du conseil général de l'Oise ; que le délit de prise illégale d'intérêts est dès lors parfaitement constitué en son élément intentionnel à l'égard des deux prévenus" ;
"alors que, pour que la prise illégale d'intérêt soit constituée, encore faut-il que l'agent public ait, au moment de l'acte litigieux, eu ou conservé intérêt dans l'entreprise ou l'opération en cause ; que, lorsque l'acte public est pris en faveur d'une société qui a par le passé "procédé à des avances en comptes courants dans une entreprise dans laquelle le décideur public conserve un intérêt, la concomitance entre l'acte et l'intérêt ne peut être caractérisée qu'à la condition que soit démontrée la certitude qu'avait l'agent du renouvellement de ces avances ; que, faute d'avoir retenu que les prévenus s'étaient entendus pour que les avances faites perdurent pendant toute l'exécution du marché public se bornant à faire référence à la "communauté d'intérêt" du dirigeant et du décideur public, la cour d'appel a manifestement privé sa décision de toute base légale ;
"alors qu'à tout le moins voulait-elle établir la communauté d'intérêts des prévenus, du fait des liens entre les sociétés, que la cour d'appel aurait dû constater que les sociétés Séduire et Alizés étaient, sinon des filiales de la société Euro 2C dans les conditions définies par l'article L. 233-1 du Code de commerce, du moins contrôlées par celle-ci dans les conditions prévues par l'article L. 233-3 du Code de commerce ;
"alors qu'en tout état de cause, la cour d'appel, qui relevait l'existence d'une délégation de signature donnée par le prévenu pour l'ordonnancement des paiements litigieux, ne pouvait retenir sa responsabilité pénale, faute d'avoir caractérisé que, malgré la délégation intervenue, ce dernier avait conservé la surveillance et l'administration du marché public en cause" ;
Attendu que, pour déclarer Jean-François Y... coupable de prise illégale d'intérêts, l'arrêt relève que le prévenu a ordonnancé, de juillet 1994 à mai 1998, des dépenses de communication au profit de la société Euro 2C, qui apportait "dans le même temps" un important soutien financier aux sociétés Séduire et Alizes Holding, sur lesquelles il avait un réel pouvoir de contrôle ; que les juges retiennent que le concours apporté par la société Euro 2C a procuré au prévenu un avantage notable en préservant la valeur de ses actions et donc ses intérêts personnels au sein des deux sociétés précitées ; qu'ils ajoutent qu'il importe peu que Jean-François Y... n'ait pas siégé à la commission d'appel d'offres et n'ait pas personnellement signé les engagements de dépenses dès lors que le paiement des prestations était opéré par des fonctionnaires territoriaux, sur sa délégation de signature ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que Jean-François Y... a pris un intérêt dans l'opération d'ordonnancement des dépenses de communication payées à la société Euro 2C dont il avait, au même moment, la charge d'assurer la surveillance, et dès lors qu'aux termes de l'article L. 3221-3, alinéa 3, du Code général des collectivités territoriales, le président du conseil général conserve la surveillance ou l'administration des opérations, au sens de l'article 432-12 du Code pénal, pour lesquelles il a donné délégation de signature, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Bachellier et Potier de la Varde pour Roland Z..., pris de la violation des articles 121-7 et 432-12 du Code pénal, 8, 388 et 593 du Code de procédure pénale, 6.3.a) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Roland Z... coupable de complicité de prise illégale d'intérêt par un élu public dans une affaire dont il assure l'administration ou la surveillance et l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende ;
"aux motifs que c'est à partir de 1990 qu'Euro 2C a commencé à aider financièrement la SA Séduire, société de négoce d'articles de parfumerie créée en 1985 à Meaux et dirigée par Guy A..., ami personnel de Jean-François Y... ; que, le 6 juillet 1990, Euro 2C a fait un apport en compte courant d'un montant de 810 000 francs qui s'est transformé, à la suite d'un abandon de créance, en participation au capital social de Séduire après l'augmentation de celui-ci le 30 juillet 1991 ; qu'Euro 2C a consenti plusieurs avances à Séduire, la première en février 1992 d'un million de francs, puis deux autres les 26 juillet et 15 octobre 1995 d'un montant respectif de 300 000 et 720 000 francs ; que ces avances ont été accordées sans contrepartie, en l'absence de perception d'intérêts qui n'ont même pas été comptabilisés jusqu'en 1995 ; que, par le biais de ces avances, la société Euro 2C a acquis un actionnariat significatif au sein de Séduire avec 26 % du capital, les autres actionnaires étant Jean-François Y... avec 20 %, Guy A... avec 21 % et la société Alizés Holding avec 24 % ; que, le 17 novembre 1997, le déficit d'exploitation de Séduire a conduit à une restructuration du capital social de cette société, effectuée au moyen d'un "coup d'accordéon",
qui a permis de transférer intégralement les créances de Séduire à la SA Alizés Holding, société chargée du marketing des magasins de parfumerie crée en 1988 à Silly-Tillard (Oise) et dirigée par Annick B..., épouse A... ; qu'à la suite de cette opération, Euro 2C ne possédait plus que 18 % du capital social, les autres actionnaires étant Guy A... avec 43 % et Jean-François Y... avec 36 % ; que l'information a démontré que, depuis sa création, la société Séduire n'avait jamais été rentable et n'avait dégagé aucun bénéfice ; que les difficultés de celle-ci se sont accrues fin 1995 après l'échec de la tentative de développement d'activités nouvelles, telles que la parapharmacie et les produits diététiques, qui a occasionné des pertes d'un montant de 4 à 5 millions de francs, soit la moitié du capital social ; que Séduire n'a pu alors poursuivre ses activités que grâce au concours financier important de la SA Euro 2C qui, d'une part, a consenti, en 1992 et 1995, des apports significatifs en compte courant sans contrepartie dans la mesure où ceux-ci n'ont donné lieu à aucun versement d'intérêts et qui, d'autre part, s'est prêtée, en novembre 1997, à l'opération de restructuration du capital social à l'issue de laquelle elle a enregistré une perte sèche d'environ un
million et demi de francs, l'actionnariat d'Euro 2C passant de 26 % dans Séduire à 18 % dans Alizés Holding ; qu'une véritable communauté d'intérêts s'est ainsi constituée, dès le mois de juillet 1990, entre Jean-François Y... et Roland Z..., au sein des sociétés Séduire puis Alizés Holding du fait de la participation financière significative consentie à celles-ci par Euro 2C ; qu'il ressort de ce qui précède que Jean-François Y... a pris un intérêt indirect dans l'opération dont il avait, au moment de l'acte, la charge d'assurer la surveillance et le paiement, en l'espèce l'exécution du marché de communication dont la société Euro 2C était attributaire ;
qu'en sa qualité de président de conseil général, il était bien l'ordonnateur principal des dépenses, l'argument selon lequel il n'avait pas siégé à la commission d'appel d'offres et n'avait pas personnellement signé les engagements de dépenses étant inopérant dans la mesure où le paiement des prestations était opéré par des fonctionnaires territoriaux sur délégation de signature de Jean-François Y... ; qu'il a ordonnancé des dépenses au profit d'une société qui apportait, dans le même temps, un important soutien financier à deux entreprises sur lesquelles il avait un réel pouvoir de contrôle dans la mesure où, selon ses propres déclarations, il était associé à toutes les décisions importantes ;
qu'ainsi, le concours apporté par Euro 2C a procuré au prévenu un avantage notable en préservant la valeur de ses actions et donc ses intérêts personnels au sein des sociétés Séduire et Alizés Holding ;
"alors que, d'une part, les juridictions correctionnelles ne peuvent statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance de renvoi ; qu'ainsi, la cour d'appel, en s'attachant pour caractériser l'importance du soutien financier apporté par la société Euro 2C à la société Séduire et la complicité de Roland Z... à des apports en compte courant et des avances faites en 1990 et 1992, soit antérieurement aux faits visés par la prévention limitée à la période de juillet 1994 à mai 1998, a violé les textes visés au moyen ;
"alors que, d'autre part, en s'attachant ainsi, pour considérer que le délit principal et la complicité aient constitué à des faits de 1990 et 1992 atteints par la prescription, la cour d'appel a violé l'article 8 du Code de procédure pénale" ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Bachellier et Potier de la Varde pour Roland Z..., pris de la violation des articles 121-7 et 432-12 du Code pénal, 8, 388 et 593 du Code de procédure pénale, 6.3.a) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme sur les libertés fondamentales ;
"en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré Roland Z... coupable de complicité de prise illégale d'intérêt par un élu public dans une affaire dont il assure l'administration ou la surveillance et l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende ;
"aux motifs que c'est à partir de 1990 qu'Euro 2C a commencé à aider financièrement la SA Séduire, société de négoce d'articles de parfumerie créée en 1985 à Meaux et dirigée par Guy A..., ami personnel de Jean-François Y... ; que, le 6 juillet 1990, Euro 2C a fait un apport en compte courant d'un montant de 810 000 francs qui s'est transformé, à la suite d'un abandon de créance, en participation au capital social de Séduire après l'augmentation de celui-ci le 30 juillet 1991 ; qu'Euro 2C a consenti plusieurs avances à Séduire, la première en février 1992 d'un million de francs, puis deux autres les 26 juillet et 15 octobre 1995 d'un montant respectif de 300 000 et 720 000 francs ; que ces avances ont été accordées sans contrepartie, en l'absence de perception d'intérêts qui n'ont même pas été comptabilisés jusqu'en 1995 ; que, par le biais de ces avances, la société Euro 2C a acquis un actionnariat significatif au sein de Séduire avec 26 % du capital, les autres actionnaires étant Jean-François Y... avec 20 %, Guy A... avec 21 % et la société Alizés Holding avec 24 % ; que, le 17 novembre 1997, le déficit d'exploitation de Séduire a conduit à une restructuration du capital social de cette société, effectuée au moyen d'un "coup d'accordéon", qui a permis de transférer intégralement les créances de Séduire à la SA Alizés Holding, société chargée du marketing des magasins de parfumerie crée en 1988 à Silly-Tillard (Oise) et dirigée par Annick
B..., épouse A... ; qu'à la suite de cette opération, Euro 2C ne possédait plus que 18 % du capital social, les autres actionnaires étant Guy A... avec 43 % et Jean-François Y... avec 36 % ; que l'information a démontré que, depuis sa création, la société Séduire n'avait jamais été rentable et n'avait dégagé aucun bénéfice ; que les difficultés de celle-ci se sont accrues fin 1995 après l'échec de la tentative de développement d'activités nouvelles, telles que la parapharmacie et les produits diététiques, qui a occasionné des pertes d'un montant de 4 à 5 millions de francs, soit la moitié du capital social ; que Séduire n'a pu alors poursuivre ses activités que grâce au concours financier important de la SA Euro 2C qui, d'une part, a consenti, en 1992 et 1995, des apports significatifs en compte courant sans contrepartie dans la mesure où ceux-ci n'ont donné lieu
à aucun versement d'intérêts et qui, d'autre part, s'est prêtée, en novembre 1997, à l'opération de restructuration du capital social à l'issue de laquelle elle a enregistré une perte sèche d'environ un million et demi de francs, l'actionnariat d'Euro 2C passant de 26 % dans Séduire à 18 % dans Alizés Holding ; qu'une véritable communauté d'intérêts s'est ainsi constituée, dès le mois de juillet 1990, entre Jean-François Y... et Roland Z..., au sein des sociétés Séduire puis Alizés Holding du fait de la participation financière significative consentie à celles-ci par Euro 2C ; qu'il ressort de ce qui précède que Jean-François Y... a pris un intérêt indirect dans l'opération dont il avait, au moment de l'acte, la charge d'assurer la surveillance et le paiement, en l'espèce l'exécution du marché de communication dont la société Euro 2C était attributaire ;
qu'en sa qualité de président de conseil général, il était bien l'ordonnateur principal des dépenses, l'argument selon lequel il n'avait pas siégé à la commission d'appel d'offres et n'avait pas personnellement signé les engagements de dépenses étant inopérant dans la mesure où le paiement des prestations était opéré par des fonctionnaires territoriaux sur délégation de signature de Jean-François Y... ; qu'il a ordonnancé des dépenses au profit d'une société qui apportait, dans le même temps, un important soutien financier à deux entreprises sur lesquelles il avait un réel pouvoir de contrôle dans la mesure où, selon ses propres déclarations, il était associé à toutes les décisions importantes ;
qu'ainsi, le concours apporté par Euro 2C a procuré au prévenu un avantage notable en préservant la valeur de ses actions et donc ses intérêts personnels au sein des sociétés Séduire et Alizés Holding ;
"alors que l'important soutien financier d'une société à une autre, élément constitutif du délit de prise illégale d'intérêts, s'entend d'avantages allant au-delà de ceux que les actionnaires sont appelés à consentir normalement au profit de la société ; qu'en considérant que caractérisent un tel soutien, d'une part, des apports en compte courant d'Euro 2C à la société Séduire sans versement d'intérêts, qui étaient pourtant ensuite recapitalisés à l'occasion d'augmentations de capital sans avantage particulier pour la société qui demeurait débitrice de leur montant et, d'autre part, la participation de celle-ci à la restructuration du capital de Séduire qui ne s'est toutefois accompagnée d'aucune nouvelle avance de fonds et s'est traduite par l'attribution à Euro 2C d'actions de la société Alizés Holding, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Bachellier et Potier de la Varde pour Roland Z..., pris de la violation des articles 121-7 et 432-12 du Code pénal, 8, 388 et 593 du Code de procédure pénale, 6.3.a) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme sur les libertés fondamentales ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Roland Z... coupable de complicité de prise illégale d'intérêt par un élu public dans une affaire dont il assure l'administration ou la surveillance et l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende ;
"aux motifs que Roland Z... a toujours soutenu que sa prise de participation dans Séduire correspondait à une volonté de diversification de ses investissements ; qu'il a contesté toute corrélation entre le fait d'avoir apporté un soutien financier aux sociétés dans lesquelles Jean-François Y... était actionnaire et le fait d'avoir obtenu le renouvellement du marché de communication à trois reprises, notamment en 1994 et 1997 ; qu'il convient tout d'abord de relever que Roland Z... a investi dans une branche, la parfumerie, sans aucun rapport avec l'objet social de son entreprise, le conseil en communication ; que les investissements qu'il avait réalisés auparavant avaient tous un lien, même indirect, avec son secteur d'activité ; que, d'ailleurs, le commissaire aux comptes de la société Euro 2C, Suzanne C... D..., a dénoncé, dans plusieurs courriers adressés à Roland Z... entre 1991 et 1996, les actes anormaux de gestion que constituaient les investissements réalisés sans lien direct avec l'activité traditionnelle, consentis sans intérêt et sans garantie, au mépris de l'objet social ; que ces libéralités ont de même attiré l'attention des services fiscaux qui ont notifié à Euro 2C, le 11 décembre 1996, un redressement portant sur les exercices 1993 et 1994 ; que l'administration fiscale faisait en effet grief à Roland Z..., d'une part, d'avoir octroyé des avances non justifiées et sans contrepartie qui constituaient des opérations contraires aux intérêts de l'entreprise et, d'autre part, de ne pas avoir comptabilisé les intérêts sur avances ; qu'il apparaît, dès lors, établi que les aides financières consenties par Roland Z... à Séduire, dont le caractère anormal a été souligné tant par le propre commissaire aux comptes d'Euro 2C que par l'administration fiscale, ne peuvent s'expliquer que par la volonté de Roland Z... de venir en aide à une société dont le président du conseil général de l'Oise, qui assurait par ailleurs le paiement des prestations de communication du département à son profit, était actionnaire et administrateur ;
qu'en maintenant à flot des sociétés en grande difficulté par l'apport de sommes importantes et donc en permettant à Jean-François Y... de sauvegarder ses intérêts privés, Roland Z... a bien aidé et assisté celui-ci dans la consommation du délit de prise illégale d'intérêt ;
"alors que la complicité suppose la maîtrise de l'aide ou l'assistance apportée à l'auteur principal ; qu'ainsi, la cour d'appel en s'attachant, pour caractériser la complicité de Roland Z..., à l'assistance financière apportée par la société Euro 2C à la société Séduire en sa qualité d'associée de cette société, sans répondre aux conclusions de celui-ci qui soutenait (page 8) que, ne disposant pas d'une minorité de blocage, il n'avait fait que se conformer aux décisions de restructuration prise par l'assemblée générale, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motif" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer Roland Z... coupable de complicité de prise illégale d'intérêts, l'arrêt relève que les aides financières consenties par celui-ci à la société Séduire, dont le caractère anormal a été souligné par le commissaire aux comptes de la société Euro 2C, ne peuvent s'expliquer que par la volonté du prévenu de venir en aide à une société dont le président du conseil général de l'Oise, qui assurait par ailleurs le paiement des prestations de communication du département à son profit, était actionnaire et administrateur ; que les juges ajoutent qu'en maintenant à flot des sociétés en grande difficulté par l'apport de sommes importantes et donc en permettant à Jean-François Y... de sauvegarder ses intérêts privés, Roland Z... a aidé et assisté ce dernier dans la consommation du délit de prise illégale d'intérêts ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel, qui n'a pas excédé les limites de sa saisine et s'est fondée sur des faits non prescrits, a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.