Cass. com., 9 décembre 2014, n° 13-24.083
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Blondel, SCP Jean-Philippe Caston
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 9 avril 2013), que la société par actions simplifiée LPA (la société LPA) avait pour associés égalitaires M. X... et Mme Y..., celle-ci ayant été désignée comme présidente ; qu'une clause des statuts prévoyait la possibilité pour les associés de sortir de manière forcée de la société ; que M. X... a notifié par lettre recommandée à Mme Y... son intention de se prévaloir de cette clause, sans que la procédure soit menée à son terme ; qu'en raison de leur désaccord, les associés n'ont pu prendre aucune délibération sociale lors des assemblées de l'année 2010 ; que M. X... ne s'est pas présenté à l'assemblée pour l'année 2011 ; qu'il a demandé la dissolution judiciaire de la société, en raison de la mésentente entre les associés, et la désignation d'un liquidateur ;
Attendu que Mme Y... et la société LPA font grief à l'arrêt de faire droit à ces demandes alors, selon le moyen :
1°/ que le droit d'agir en dissolution judiciaire de la société appartient à tout associé qui se prévaut d'un intérêt légitime, sauf s'il est à l'origine du trouble social ; qu'en retenant, pour prononcer la dissolution judiciaire de la société LPA, qu'il ne pouvait être simplement affirmé que le dysfonctionnement allégué résultait du refus de M. X... de participer à la vie sociale, sans rechercher dans quelle mesure, face à l'impossibilité de délibérer lors de l'assemblée générale du 31 mars 2011, M. X... ne s'y étant pas présenté, Mme Y... n'avait pas été contrainte d'adresser au président du tribunal de commerce de Reims une requête aux fins d'obtenir la prorogation de cette assemblée et si, ce délai obtenu et une nouvelle assemblée ayant été convoquée, M. X... n'avait pas, de nouveau, refusé de se rendre à celle-ci, preuve qu'il était à l'origine du trouble social, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1844-7 5° du code civil ;
2°/ que si le droit d'agir en dissolution de la société appartient à l'associé, pour justes motifs, notamment en cas de mésentente entraînant la paralysie du fonctionnement de la société, encore faut-il que cet associé puisse se prévaloir d'un intérêt légitime, et tel n'est pas le cas de l'associé responsable de la mésentente ; que, de même, en ajoutant, pour prononcer la dissolution judiciaire de la société LPA, que les pièces versées aux débats et le nombre de litiges opposant les parties ne permettaient pas d'imputer la situation à l'une ou l'autre des parties, de sorte qu'il n'était pas démontré, comme le soutenait Mme Y..., que M. X... était seul à l'origine du trouble social, sans rechercher si l'intéressé, en sa qualité d'associé des sociétés Etablissements Lallement, Iwh, Alph, n'avait pas, de manière systématique, par des comportements déloyaux et indélicats, privilégié son intérêt personnel au détriment de l'intérêt de la société LPA, en sorte qu'il était effectivement seul à l'origine du trouble social, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1844-7 5° du code civil ;
3°/ que si le droit d'agir en dissolution anticipée de la société appartient à tout associé, encore faut-il qu'il se prévale d'un intérêt légitime, inexistant lorsqu'il est l'auteur du trouble social ; qu'en outre, en ajoutant encore, pour prononcer la dissolution judiciaire de la société LPA, que la manifestation écrite, par une lettre du 9 juin 2008, de M. X... de solliciter la mise en oeuvre de la clause de sortie forcée, prévue par l'article 12 des statuts, n'était pas exclusive de sa demande de dissolution judiciaire de la société LPA, sans rechercher dans quelle mesure ce comportement de M. X..., non seulement ayant souhaité mettre en oeuvre ladite clause puis n'ayant pas donné de suite à cette procédure de sortie, mais encore ayant sollicité la dissolution litigieuse, ne le privait pas d'un intérêt légitime à obtenir ladite dissolution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1844-7 5° du code civil ;
4°/ que le juge ne saurait méconnaître la loi du contrat ; qu'en retenant encore, de surcroît, pour prononcer la dissolution judiciaire de la société LPA, que la mésentente durable des parties n'avait pas permis à M. X... de mener à son terme la procédure de sortie prévue par les statuts qui ne pouvait être qualifiée de clause compromissoire, quand cette clause stipulait que « l'associé prenant l'initiative de cette procédure, ci-après désigné « L'offrant » devra notifier par lettre recommandée avec accusé de réception, à l'autre partie, ci-après désignée « Le bénéficiaire », une offre ferme et irrévocable d'achat de la totalité des actions de la société détenues par le bénéficiaire et une offre alternative ferme et irrévocable de vente de la totalité des actions qu'il détient dans la société », et que M. X..., à l'initiative de cette procédure, avait été seul à l'origine de son échec pour ne pas avoir respecté ces stipulations, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève, d'abord, qu'il est justifié des très nombreuses procédures judiciaires opposant M. X... et Mme Y... ainsi qu'entre les sociétés qu'ils dirigent respectivement, ensuite, que le refus de M. X... de participer à une assemblée des associés était lié au délai de convocation et aux conditions dans lesquelles lui avaient été transmis les documents préparatoires à celle-ci ; qu'il ajoute que si M. X... a manifesté sa volonté d'user de la faculté de sortie prévue par l'article 12 des statuts, celle-ci ouvrait la possibilité à chacun des associés de présenter une offre ferme, d'achat ou de vente, des titres de l'autre associé, et que ni Mme Y... ni M. X... n'ont présenté une telle offre ; qu'il retient que l'existence d'une mésentente durable installée entre les associés était ainsi démontrée, sans qu'il soit possible de l'imputer à l'un ou à l'autre de ceux-ci, et qu'elle n'a pas permis de mener à terme la procédure de sortie prévue par les statuts, compromettant ainsi le fonctionnement normal de la société ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu la loi du contrat, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.