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Décisions

Cass. 3e civ., 17 décembre 2020, n° 19-15.694

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

Mme Georget

Avocat général :

M. Burgaud

Avocats :

SCP Gadiou et Chevallier, SCP Thouin-Palat et Boucard

Paris, du 12 mars 2019

12 mars 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mars 2019), le 7 janvier 1999, M. J... E... et M. F... ont constitué, à parts égales, la société civile immobilière du [...] (la SCI).

2. Le 27 mai 2005, M. J... E... a cédé la nue-propriété de ses parts à ses deux fils, MM. D... et M... E....

3. M. E... et ses fils ont assigné M. F... et la SCI en dissolution de la SCI.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. F... fait grief à l'arrêt de prononcer la dissolution de la SCI, de désigner un mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur, et de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que l'inexécution de ses obligations par un associé ou la mésentente entre les associés ne justifient la dissolution d'une société qu'à la condition d'entraîner une paralysie du fonctionnement de celle-ci ; qu'en se bornant à relever, pour prononcer la dissolution de la SCI [...], que M. F..., ès-qualités de gérant, s'était abstenu de veiller à la bonne tenue des comptes et à la convocation régulière des assemblées générales, la cour d'appel, qui a statué à la faveur d'une motivation insuffisante à caractériser une paralysie de fonctionnement de la SCI, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1844-7 5° du code civil ;

2°/ que la mésentente entre les associés ne justifie la dissolution d'une société qu'à la condition d'entraîner une paralysie du fonctionnement de celle-ci ; qu'en relevant, pour caractériser une mésentente entre associés, que M. F..., ès qualités, avait désigné seul un cabinet d'expertise-comptable, sans obtenir l'approbation préalable de l'assemblée générale statutairement nécessaire, et que M. H..., expert près la cour d'appel, avait fortement critiqué la comptabilité reconstituée par ce spécialiste, la cour d'appel, qui a statué à la faveur de motifs inopérants à caractériser une mésentente entre associés de nature à paralyser le fonctionnement de la société, a derechef privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1844-7 5° du code civil ;

3°/ qu'en retenant qu'il résulte des pièces versées par les parties, notamment des courriers échangés, que les rapports entre M. F... et M. E... sont très conflictuels depuis 2013, sans caractériser en quoi ils bloquaient le fonctionnement de la SCI [...], la cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1844-7 5° du code civil ;

4°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, d'une part, que M. F... avait pris seul la décision de désigner un expert-comptable sans consulter préalablement l'assemblée générale des associés, soit M. E..., d'autre part, que l'impossibilité de se mettre d'accord avec M. E... sur la désignation d'un expert-comptable illustrait la perte de l'affectio societatis et partant, démontrait le blocage du fonctionnement de la SCI [...], la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que les juges du fond doivent répondre au moyen des parties ; que, dans ses écritures délaissées, M. F..., qui justifiait de ce que M. E... avait une dette fiscale de près de 490 000 euros, faisait valoir que ce dernier poursuivait la dissolution de la SCI [...] sous des prétextes fallacieux de mésentente qu'il avait artificiellement tenté d'organiser, à seule fin d'obtenir la vente des biens immobiliers, dont le prix devait être versé à ses fils, seuls nus-propriétaires, et échapper ainsi à l'administration fiscale ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a retenu que les courriers échangés démontraient que, depuis 2013, les rapports entre M. F... et M. E... étaient devenus très conflictuels, dès lors que M. F..., gérant, n'avait jamais convoqué l'assemblée générale depuis la constitution de la société, avant celle du 30 juin 2017, qui n'avait pas pu se dérouler compte tenu de la mésentente existant entre les deux associés, désormais en procès, et qu'aucune comptabilité n'avait été tenue pendant plus de dix ans jusqu'à ce que les consorts E... reprochent à M. F... d'avoir prélevé sur les comptes de la SCI l'intégralité des loyers correspondant à l'occupation des lots par M. J... E... et sa famille.

6. Elle a relevé, d'une part, que la nécessité de faire reconstituer la comptabilité par un expert-comptable ayant la confiance des deux associés était manifeste mais que M. E... n'avait pas été appelé à donner son accord sur la désignation d'un tel expert qui représentait une dépense supérieure à 1 000 francs (150 euros) alors qu'aux termes des statuts, pour de telles dépenses, le concours et l'approbation de l'assemblée générale étaient nécessaires, d'autre part, que la comptabilité reconstituée par le cabinet choisi par M. F... était critiquée par un expert près la cour d'appel de Paris qui avait notamment relevé qu'aucun bilan ni compte de résultats n'avait été établi et qu'il existait de nombreuses irrégularités.

7. Elle en a déduit que l'impossibilité de trouver un accord pour prendre une décision illustrait la perte de l'affectio societatis et démontrait le blocage du fonctionnement de la SCI qui, eu égard à l'égalité de voix de ses associés et à l'exigence d'une décision de l'assemblée générale pour toute dépense supérieure à 1 000 francs (150 euros), ne pouvait prendre aucune décision.

8. Elle a ainsi, sans se contredire ni être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.