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Décisions

Cass. com., 18 novembre 1997, n° 95-21.474

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Poullain

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

Me Choucroy, Me Foussard

Paris, 3e ch. A, du 12 sept. 1995

12 septembre 1995

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 1995), que Mmes B... et Y... s'étaient associées à parts égales au sein de la SARL "Parc de loisirs de Sainte-Aulde", Mme B... en assurant la gérance, et que leur mésentente avait conduit à la nomination d'un administrateur judiciaire ; que Mme Y... a assigné Mme B..., la SARL et l'administrateur en demandant la dissolution de la société et, subsidiairement, la condamnation de Mme B... à lui céder ses parts sur la base des propositions qu'elle avait soumises à l'administrateur ; que Mme B... et la SARL se sont opposées à cette demande et faisant valoir que Mme Y... qui était à l'origine de la mésentente entre associés n'était pas recevable à s'en prévaloir pour demander la dissolution de la société ont demandé, outre la condamnation de Mme Y... au paiement de dommages-intérêts, son exclusion de la société, Mme B... étant autorisée à acheter ses parts au prix fixé à dire d'expert et, en outre, la condamnation de Mme Y... ;

Attendu que Mme B... et la SARL reprochent à l'arrêt d'avoir prononcé la dissolution de la société alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'obligation de motivation imposée par l'article 455 du nouveau Code de procédure civile impose aux juges du fond de préciser les pièces sur lesquelles ils fondent leur décision, sans se contenter de viser simplement "les éléments du dossier" ; qu'en se contentant de se référer aux "éléments du dossier" pour dire que les deux seules associées de la société étaient toutes deux responsables de la mésentente existant entre elles et qu'elles avaient entretenue par l'introduction et la poursuite de procédures réciproques, sans même indiquer de quels éléments il s'agissait ni préciser la nature des procédures engagées, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'il résultait des pièces aux débats que les assemblées générales s'étaient régulièrement tenues en 1986, 1987 et 1988, avant que Mme Y... ne demande la désignation d'un administrateur judiciaire aux fins de faire nommer son mari en qualité de co-gérant ; que ce n'est donc qu'au prix de la dénaturation manifeste des pièces versées aux débats et partant de l'article 1134 du Code civil que la cour d'appel a pu énoncer que les assemblées générales n'avaient pu être tenues ; et alors, enfin, que même lorsque l'affectio societatis a disparu l'associé qui se trouve à l'origine de cette disparition ne peut prétendre à la dissolution de la société ; qu'en la présente espèce, il résultait des pièces versées aux débats que lors des assemblées générales convoquées par la gérante, Mme Y..., toujours régulièrement convoquée, avait systématiquement voté contre les propositions qui lui étaient soumises, ce qui démontrait bien sa volonté de perturber le fonctionnement normal de la société ; qu'en prononçant la dissolution de la société sans s'expliquer sur les pièces soumises à son examen ni rechercher si, initialement, la mésentente entre les associées ne provenait pas du seul fait de Mme Y... qui s'était systématiquement opposée aux propositions de la gérante, la cour d'appel a violé les articles 1353 et 1844-7 (5 ) du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que la mésentente des parties avait empêché toute décision collective depuis 1986 et constaté, par la simple relation des demandes, que les deux associées manifestaient leur volonté commune de rompre le lien que les unissait, ce dont elle a déduit que cette mésentente, qu'elle n'estimait pas être imputable plus à Mme Y... qu'à Mme B..., était irrémédiable, la cour d'appel a motivé sa décision ;

Attendu, en second lieu, que, si des assembles générales d'associés se sont tenues depuis les années 1986, il résulte des écritures mêmes de Mme B..., citées par l'arrêt, qu'aucune décision collective n'a pu être prise depuis lors, chacune des associées, détenant la moitié des parts sociales et donc des droits de vote, se déterminant en sens opposé ; qu'ainsi, estimant qu'en dépit de la tenue formelle d'assemblées générales stériles, la vie sociale était paralysée par l'impossibilité pour l'assemblée générale de fonctionner, sans pour autant devoir en déduire qu'en rejetant les résolutions qui lui étaient soumises par Mme Y... aurait commis un abus où se serait rendue responsable de désaccord existant entre elle et la gérante, la cour d'appel, abstraction faite de l'impropriété des termes visés à la deuxième branche, a pu statuer comme elle a fait ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.