Cass. com., 18 février 1997, n° 95-11.248
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Choucroy, Me Ricard
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 5 décembre 1994), que, le 15 octobre 1991, la société Agence Voyages Verdié a assigné la société Voyages Point Bleu et M. X..., son ancien gérant, en paiement de commissions dues en exécution d'une convention annexe à la cession d'un fonds de commerce; qu'en cause d'appel, la société Voyages Point Bleu et M. X... ont conclu à l'irrecevabilité de la demande en raison de la clôture, intervenue le 31 juillet 1990, des opérations de liquidation de la société consécutive à sa dissolution;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Voyages Point Bleu et M. X..., agissant en son nom personnel et en qualité de liquidateur de ladite société, font grief à l'arrêt d'avoir, bien que déclarant irrecevable l'action de la société Agence Voyages Verdié contre eux, condamné M. X... personnellement à payer des dommages-intérêts à la société Agence Voyages Verdié, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, si la société Agence Voyages Verdié avait bien prétendu dans ses écritures signifiées le jour de la clôture qu'ils s'étaient volontairement abstenus de faire état de la dissolution anticipée de la société Voyages Point Bleu et de sa liquidation clôturée antérieurement à l'assignation, elle n'avait toutefois jamais invoqué la violation de l'article 266 du décret du 23 mars 1967 et n'avait non plus jamais versé aux débats des courriers ou actes qui lui auraient été adressés au moment de la liquidation, que la cour d'appel a donc soulevé ce moyen d'office et sans recueillir auparavant les observations des parties pour juger qu'ils avaient commis une faute à l'égard de la société Agence Voyages Verdié, violant ainsi les droits de la défense et le principe du contradictoire édicté par l'article 16 du nouveau Code de procédure civile; alors, d'autre part, qu'il résultait des termes mêmes de l'assignation introductive d'instance que la société Voyages Point Bleu était en liquidation puisque M. X... avait été assigné en sa qualité "d'ex-gérant" en laquelle le Tribunal l'avait condamné, qu'en énonçant que la société Agence Voyages Verdié a été volontairement tenue non informée de la liquidation de la société Voyages Point Bleu alors qu'il résultait des termes mêmes de l'assignation introductive d'instance que société Agence Voyages Verdié considérait M. X..., qu'elle qualifie dans ses écritures d'appel de représentant légal de la société dissoute, n'était que l'ex-gérant de cette société, la cour d'appel a manifestement dénaturé les pièces de la procédure et violé l'article 1134 du Code civil et alors, enfin, que M. X... n'avait été assigné et condamné par le Tribunal qu'en qualité d'ex-gérant et était poursuivi, aux termes mêmes des conclusions d'appel de la société Agence Voyages Verdié, en qualité de représentant légal de la société Voyages Point Bleu ; qu'il ne pouvait dès lors être condamné à titre personnel qu'autant qu'il aurait commis l'une des fautes visées à l'article 52, alinéa 1er, de la loi du 24 juillet 1966 ainsi qu'il le faisait d'ailleurs valoir dans ses écritures d'appel, que ce n'est donc qu'au prix de la violation du texte susvisé que la cour d'appel a pu condamner M. X... à titre personnel;
Mais attendu, d'une part, que dès lors que la société Agence Voyages Verdié reprochait à la société Voyages Point Bleu et à M. X... de s'être volontairement abstenus de faire état de la dissolution anticipée de la société et de sa liquidation clôturée antérieurement à l'assignation, le moyen tiré de la violation de l'article 266 du décret du 23 mars 1967 était dans le débat;
Attendu, d'autre part, que c'est sans dénaturer les pièces de la procédure que la cour d'appel a retenu que la société Voyages Point Bleu et M. X... avaient volontairement laissé se dérouler l'instance en cachant la situation juridique de la société jusqu'au 12 août 1994;
Attendu, enfin, qu'ayant estimé que le comportement dans la procédure de M. X..., appelant en son propre nom, constituait une faute ouvrant droit à réparation, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Voyages Point Bleu et M. X... font encore grief à l'arrêt d'avoir condamné M. X... à payer des dommages-intérêts qu'elle a fixés aux 226 432,11 francs initialement réclamés dans le cadre de l'exécution de la convention liant les parties, alors, selon le pourvoi, d'une part, que tout jugement doit être motivé, les juges du fond ne pouvant fonder leur décision sur un motif d'ordre général ou en se contentant de viser les documents de la cause ou les circonstances de l'espèce, qu'en condamnant M. X... à payer la somme réclamée par la société Agence Voyages Verdié au motif que les circonstances de l'espèce justifiaient l'octroi de cette somme, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile; alors, d'autre part, qu'ils faisaient valoir que, quand bien même la demande n'aurait pas été irrecevable, elle se serait heurtée, s'agissant d'une action s'analysant en une demande en réduction du prix de vente du fonds de commerce, à la forclusion annale résultant de l'article 14 de la loi du 29 juin 1935, qu'il appartenait dés lors à la cour d'appel même si elle estimait que leur prétendue abstention d'aviser la société Agence Voyages Verdié de la liquidation de la société Voyages Point Bleu était fautive, de rechercher si l'action n'était en toute hypothèse pas tardive, auquel cas la faute devenait sans conséquence, qu'en s'abstenant de vérifier si l'action engagée en octobre 1991, soit près de 2 ans après la vente du fonds de commerce, n'était pas frappée de forclusion, la cour d'appel a une fois encore violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile et alors, enfin, qu'ils contestaient au fond devoir quelque somme que ce soit à la société Agence Voyages Verdié en invoquant les commissions consenties par les tours opérateurs ainsi que les créances de loyers dus par leur adversaire, pour en conclure qu'en réalité, toutes compensations opérées, c'était la société Voyages Point Bleu qui se trouvait créancière de la société Agence Voyages Verdié, qu'en accordant à la société Agence Voyages Verdié la somme qu'elle réclamait à titre de dommages-intérêts sans même vérifier si cette somme était bien due dans le cadre des conventions des parties et si ce n'était pas la société Voyages Point Bleu qui était en réalité créancière, la cour d'appel a une fois de plus violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que la société Voyages Point Bleu et M. X... avaient volontairement laissé se dérouler l'instance en cachant la situation juridique de la société jusqu'au 12 août 1994, soit à la veille de l'ordonnance de clôture, date à laquelle ils avaient déposé d'ultimes conclusions complémentaires pour faire état d'exceptions d'irrecevabilité liées à leur inexistence juridique, qu'un tel comportement procédural destiné à tromper l'adversaire et à l'empêcher de mener en temps utile et dans les formes requises toutes diligences nécessaires pour voir aboutir ses prétentions, constituait une faute ouvrant droit à réparation, et apprécié que le montant des dommages-intérêts devait être fixé à la somme réclamée par la société Agence Voyages Verdié, la cour d'appel a motivé sa décision;
Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que la société Voyages Point Bleu et M. X... aient soutenu devant le juge du fond que la faute invoquée par la société Agence Voyages Verdié ne lui avait causé aucun préjudice; qu'en ses deux dernières branches, le moyen est donc nouveau et mélangé de fait et de droit;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.