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Décisions

Cass. crim., 31 janvier 2018, n° 17-81.876

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 28 févr. 2017

28 février 2017

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 130-1, 132-1 et 132-19 du code pénal, 485 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement, a condamné M. Jean-Hilaire Y... à une peine de trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois assortis du sursis simple, et, le confirmant, a prononcé une amende de 75 000 euros, la privation de tous ses droits civiques, civils et de la famille pour une durée de cinq ans ainsi que la confiscation des biens mobiliers et immobiliers listés au dispositif ;

"aux motifs que les faits commis sont de ceux qui relèvent des atteintes à l'administration publiques commises par des personnes exerçant une fonction publique, discréditent les agents publics et particulièrement les élus, et fragilisent le lien social ; qu'ils ne peuvent qu'avoir un retentissement particulier lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, ils ont procuré sans autre justification que la fraude un tel enrichissement ; que le prévenu a été élu de la République pendant vingt ans ; qu'une peine d'emprisonnement s'impose donc en l'espèce ; que le jugement sera réformé à cet égard et le prévenu condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois assortis du sursis simple ;

"1°) alors qu'en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que faute de s'être expliqué sur la personnalité de M. Y..., jamais condamné, et d'avoir justifié du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, la cour a méconnu le sens et la portée de l'article 132-19 du code pénal ;

"aux motifs que les peines de privation des droits civiques, d'amende et de confiscation prononcées par le tribunal apparaissent pour le reste justifiées et proportionnées compte des éléments développés plus haut, et tiennent compte, pour ce qui est de l'amende, des ressources et charges du prévenu ; que les confiscations prononcées l'ont été sur des biens mobiliers et immobiliers qui sont le produit des infractions, ainsi qu'il résulte de l'enquête ; que c'est ainsi par exemple que M. Y... a réglé le 11 mai 2010 la somme de 143 500 euros à sa soeur pour se voir attribuer la nue-propriété de la maison située [...], paiement rendu possible grâce au versement des sommes de 1 150 000 et 75 026,14 euros par la société Statim Provence le 27 janvier 2010 ; que le jugement sera donc confirmé pour le surplus des sanctions prononcées ;

"et que le gain substantiel de l'opération n'est donc nullement fortuit et que la prise d'intérêt menant à l'opération spéculative s'est étendue sur plusieurs années durant lesquelles M. Y... est demeuré silencieux afin de favoriser la réalisation des ventes ; que ce constat placé en face de la qualité de titulaire d'un mandat électif publique caractérise la particulière gravité de l'infraction reprochée ; (...) qu'en l'espèce les faits sont d'une particulière gravité comme s'inscrivant dans l'action d'un élu dans un but purement spéculatif comme le démontrent la plus-value substantielle et les investissements promptement réalisés dans les semaines et mois suivant la perception du produit des ventes ; que ce profit n'a été rendu possible que par la révision du plan local d'urbanisme dont cet élu fut l'initiateur et l'accompagnateur jusqu'à son adoption ; que s'agissant d'une infraction dont la commission a été causée par un intérêt spéculatif, il convient de sanctionner également ce comportement par le prononcé d'une peine d'amende à hauteur de 75 000 euros ; que faisant application de l'article 432-17 du code pénal et tenant à la qualité du condamné titulaire d'un mandat électif public depuis de nombreuses années, dans les dispositions de texte prévues par les lois en vigueur entre le 1er mars 1994 et le 13 octobre 2013, il convient de prononcer à titre de peine complémentaire l'interdiction des droits civils, civiques et de famille tels que détaillés par l'article 131-26, alinéa, du même code et ce pour une durée de cinq années ; qu'il convient au visa de l'alinéa 3 de l'article 432-17 du code pénal d'ordonner la confiscation suivant les modalités prévues par l'article 131-21 du même code des sommes irrégulièrement reçues par l'auteur de l'infraction M. Y... et ce au visa des ordonnances de saisie pénale immobilière prises en date du 13 février 2014 par le juge d'instruction qui a ordonné à litre provisoire la saisie de différents biens appartenant à M. Y... à savoir : une maison d'habitation située [...] une maison d'habitation située [...] (07) ; une maison d'habitation située [...] ; que la créance figurant sur le contrat d'assurance-vie Predica Floriane N°[...] ouvert au Crédit agricole Alpes-Provence ;

"2°) alors qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que ni l'arrêt, ni le jugement confirmé, ne s'expliquent sur la personnalité de M. Y... avant de prononcer les peines d'amende, d'interdiction des droits civils, civiques et de famille et de confiscation ; que la motivation ne satisfait pas aux exigences légales" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Y... a été cité devant le tribunal correctionnel afin d'y être jugé du chef de prise illégale d'intérêts pour avoir, depuis 2003 et jusqu'en 2013, alors qu'il était investi d'un mandat électif public, en l'espèce en exerçant les fonctions de maire de la commune de [...], participé et assuré la surveillance des opérations de transformation du plan d'occupation des sols (POS) en plan local d'urbanisme (PLU) et d'approbation du nouveau PLU de la commune alors qu'il était concerné à titre personnel en sa qualité de propriétaire foncier ; que les premiers juges l'ont déclaré coupable et condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 75 000 euros d'amende, cinq ans de privation des droits civils, civiques et de famille et la confiscation de trois maisons d'habitation et d'une créance d'assurance-vie ; que le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement sur les peines prononcées à l'exception de la peine d'emprisonnement portée à trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, la partie ferme devant s'exécuter sous le régime du placement sous surveillance électronique, l'arrêt énonce, par motifs propres et partiellement adoptés, que M. Y... a patiemment constitué un patrimoine foncier dans un secteur dont il connaissait le fort potentiel au travers de la révision du PLU initiée par le conseil municipal qu'il présidait et que l'intention manifestement spéculative et la spectaculaire plus-value réalisée, M. Y... ayant perçu lors des ventes en 2010 un montant de près de deux millions et demi d'euros, doivent avoir une incidence sur la peine ; qu'il relève que ce constat doit être placé en face de la qualité de titulaire d'un mandat électif public ;

Que, s'agissant du choix de la peine d'emprisonnement en partie sans sursis, les juges ajoutent que cette peine s'impose en l'espèce compte tenu du retentissement particulier des faits qui ont procuré sans autre justification que la fraude un tel enrichissement et du fait que le prévenu a été élu de la République pendant vingt ans ;

Qu'aux termes de motifs propres et adoptés, les juges retiennent également que la peine d'amende est justifiée par la commission d'une infraction causée par un intérêt spéculatif et qu'elle tient compte des ressources et charges du prévenu ; qu'ils précisent que le prononcé de la peine de privation des droits civils, civiques et de famille tient à la qualité du prévenu, titulaire d'un mandat électif depuis de nombreuses années ; qu'ils concluent que la peine de confiscation porte sur des biens immobiliers et mobiliers qui sont le produit de l'infraction ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations dont il résulte que les juges ont nécessairement apprécié que toute autre sanction que l'emprisonnement sans sursis était inadéquate, et qu'ils se sont expliqués sur les éléments de la personnalité du prévenu, tenant à sa longue qualité d'élu et à son souci d'un enrichissement personnel important, pris en considération pour fonder la condamnation du prévenu à des peines d'emprisonnement partiellement sans sursis, d'amende et de privation des droits civils, civiques et de famille, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales invoquées ;

D'où il suit que le moyen, inopérant s'agissant de la peine de confiscation de biens qui sont le produit de l'infraction, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi DAR.