Cass. com., 7 décembre 1993, n° 91-15.605
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Loreau
Avocat général :
Mme Piniot
Avocat :
Me Barbey
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que la société à responsabilité limitée Electron services, dont M. X... était le gérant, a été condamnée par un tribunal de Copenhague le 2 juin 1982 à payer à la société de droit danois Oerskov Maskinfabrik une certaine somme ; que par jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 14 novembre 1985, le jugement précité a été rendu exécutoire ; qu'entre temps, le 20 janvier 1983, la société Electron services a fait l'objet d'une dissolution anticipée et M. X... a été nommé en qualité de liquidateur ; que celui-ci a clôturé les opérations de liquidation le 15 mars 1983 sans régler la créance de la société Oerskov Maskinfabrik ; que cette dernière a assigné M. X... le 22 mai 1987 en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné personnellement à payer les sommes demandées, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt, que M. X..., poursuivi en sa qualité de liquidateur de la société Electron services, ne pouvait être condamné à titre personnel sans méconnaissance des termes du litige ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, que la responsabilité de M. X... était recherchée pour faute de gestion dans l'accomplissement de sa mission de liquidateur, et exactement énoncé qu'aux termes de l'article 400 de la loi du 24 juillet 1966, " le liquidateur est responsable...des conséquences dommageables des fautes commises par lui dans l'exercice de ses fonctions ", l'arrêt retient que M. X... avait, en sa qualité de liquidateur, commis une faute engageant sa responsabilité personnelle ; que la cour d'appel n'a donc pas méconnu l'objet du litige ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir écarté la prescription de 3 ans opposée à l'action en responsabilité engagée à son encontre au motif, que la publication de la décision de dissolution le 15 mars 1983 ne saurait être opposable à la société Oerskov Maskinfabrik dont le siège social se trouve au Danemark, alors, selon le pourvoi, que l'action en responsabilité se prescrit par 3 ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; que le fait dommageable, consistant dans la liquidation de la société, n'avait pas été dissimulé, dès lors, que les formalités de publication avaient été régulièrement effectuées ; que lesdites formalités sont tout aussi opposables à un créancier demeurant à l'étranger qu'à un créancier demeurant en France ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a donc violé les articles 247 et 400 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité engagée à l'encontre du liquidateur de la société Electron services n'a pu commencer à courir qu'au jour où les droits des victimes du fait dommageable imputé à ce liquidateur ont été définitivement reconnus par une décision de justice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le jugement rendu par le tribunal de Copenhague a été rendu exécutoire par un jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en date du 14 novembre 1985, de sorte que l'action engagée à l'encontre de M. X... le 22 mai 1987 par la société Oerskov Maskinfabrik n'était pas prescrite ; que par ce motif de droit la décision de la cour d'appel se trouve justifiée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que la cour d'appel a fait droit à la demande de la société Oerskov Maskinfabrik en condamnant M. X... à lui payer l'intégralité des sommes qui lui avaient été allouées par le tribunal de Copenhague ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que le préjudice de la société Oerskov Maskinfabrik était caractérisé par la perte d'une chance, ce qui implique l'existence d'un aléa, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer à la société Oerskov Maskinfabric l'équivalent de la somme de 27 236 Deutschemarks, outre intérêts, et l'équivalent de la somme de 7 500 couronnes danoises, l'arrêt rendu le 14 mars 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.