ARCEP, 12 avril 2018, n° 2018-0435-RDPI
ARCEP
se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant, d’une part, la société Orange et, d’autre part, les sociétés Free et Free Mobile
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soriano
Membre :
M. Benghozi, M. Distler, Mme Lombard
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après « l’Autorité » ou « l’Arcep »),
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 modifiée relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 32, L. 32-1, L. 34-8 et L. 36-8 ;
Vu la décision n° 2017-0870 de l’Autorité en date du 26 juillet 2017 portant adoption du règlement intérieur ;
Vu la décision n° 2017-1453 de l’Autorité en date du 12 décembre 2017 portant sur la détermination des marchés pertinents relatifs à la terminaison d’appel vocal sur les réseaux fixes en France et à la terminaison d’appel vocal sur les réseaux mobiles en France, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2017-2020 ;
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée à l’Autorité le 19 octobre 2017, présentée par la société Orange, société anonyme au capital de 10 640 226 396 €, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 380 129 866, dont le siège social se situe 78 rue Olivier de Serres, 75015 Paris, représentée par son directeur de la règlementation ;
La société Orange (ci-après « Orange ») demande à l’Autorité d’enjoindre aux sociétés Free et Free Mobile (ci-après « les sociétés Free » ou « Free ») de :
« (demande 1.1) modifier son offre d’interconnexion IP fixe et mobile afin qu’elle propose de manière optionnelle la compatibilité IPv4 sans majoration tarifaire pour Orange.
(demande 1.2) modifier son offre d’interconnexion IP fixe et mobile afin de rendre l’option sans PRACK disponible et sans majoration tarifaire pour Orange.
(demande 1.3) modifier son offre d’interconnexion IP fixe et mobile afin d’accepter le transport du DTMF en Tel Event only sans majoration tarifaire pour Orange ;
(demande 1.4) modifier son offre d’interconnexion IP fixe et mobile afin de se conformer aux standards et normes énumérés ci-après, et ce sans majoration tarifaire pour Orange :
- l’interdiction de l’usage de multiple early dialog en SIP-I ;
- l’usage de l’entête PRIVACY ne doit pas être rendu obligatoire ;
- les 200 OK à l’INVITE ne doivent pas contenir un SDP conformément à la négociation SDP définie dans les normes IETF : RFC 3262 et RFC 3264 ;
- l’utilisation de la méthode RE-INVITE en lieu et place de la méthode UPDATE.
(demande 1.5) modifier son offre d’interconnexion IP fixe et mobile afin de supprimer le découpage en zones arrières ;
(demande 2) modifier son offre d’interconnexion IP fixe afin de proposer le protocole SIP dans son offre d’interconnexion IP, sans majoration tarifaire pour Orange ;
(demande 3)
- reporter la date d’application de la majoration TDM que doit appliquer Free à compter du 1er décembre 2017 concernant les interconnexions TDM voix fixe et mobile existantes entre Free et Orange. Ce report doit être au minimum de 18 mois à compter de la réception par Orange d’une offre raisonnable d’interconnexion IP voix fixe et mobile, au regard des demandes formulées par Orange dans le présent différend, pour permettre à Orange de déployer l’interconnexion IP voix fixe et mobile avec Free ;
- permettre à Orange de pouvoir commander, le cas échéant, pendant ce report, des capacités TDM supplémentaires nécessaires à l’écoulement du trafic voix fixe et mobile ;
- maintenir ces interconnexions TDM voix fixe et mobile au moins 30 mois à compter de cette réception d’une offre raisonnable. »
Sur la compétence de l’Autorité et la recevabilité des demandes, Orange soutient que :
- l’Autorité est compétente en application des articles L. 34-8, I et L. 36-8, I du CPCE pour trancher le différend qui l’oppose à Free ;
- ses demandes sont recevables en raison de l’échec des négociations entre les parties.
Sur le fond, Orange soutient que ses demandes sont proportionnées et équitables.
Concernant ses demandes 1.1 à 1.4 et 2, Orange estime qu’il est équitable que l’Arcep y fasse droit dans la mesure où elles reposent sur les recommandations du secteur en matière d’interconnexion IP élaborées notamment au sein de la Fédération Française des Télécommunications (ci-après « FFT »). Elle ajoute en outre que lors du « Comité de l’interconnexion et de l’accès » du 17 avril 2015, « l’Arcep » aurait indiqué, notamment, qu’ « une demande d’un opérateur qui s’écarterait des spécifications sectorielles ne saurait a priori être considérée comme raisonnable », position que l’Arcep aurait réitérée en 2017 dans son document de bilan et perspective du cycle IV de régulation de la terminaison d’appel fixe et mobile en France métropolitaine et outremer. Elle estime que Free doit supporter seul les conséquences de son choix de ne pas se conformer aux recommandations sectorielles.
Concernant la demande 1.1, Orange ajoute qu’elle n’est pas en mesure d’utiliser le protocole IPv6 dans son interconnexion avec Free et que l’utilité pour Free d’utiliser exclusivement ce protocole n’est pas démontrée. En outre, le protocole IPv6 ayant été conçu pour assurer une compatibilité descendante avec le protocole IPv4, elle estime que le refus de Free d’activer cette compatibilité, et donc de proposer une interconnexion en IPv4, n’est « ni rationnel ni justifié ». Enfin, elle fait valoir que Free est capable de supporter l’adressage IPv4.
Concernant la demande 1.2, Orange précise que la mise en œuvre de la méthode PRACK sur ses équipements et son réseau entraînerait des surcoûts élevés et injustifiés alors même que le PRACK n’est pas selon elle indispensable.
Concernant la demande 1.3, Orange précise que le mode de transport des DTMF en Tel Event conformément à la RFC 4733 est utilisable sans dégradation du signal transporté, contrairement à la méthode DTMF in band audio. Selon elle, il s’agit également d’une méthode plus fiable et plus pérenne que la méthode G. 711 in band, qui n’est par ailleurs pas supportée par « d’importants acteurs du marché des PABX ». Orange relève enfin que « tous les autres opérateurs nationaux interconnectés à Orange en IP supportent la RFC 4733 ».
Concernant la demande 1.5, Orange soutient qu’aucun élément ne permet à Free de justifier que l’architecture d’interconnexion IP entrante dans son réseau soit fondée sur le découpage du territoire en zones arrières. Cette architecture est, selon Orange « singulière » et « antinomique par nature avec la technologie de l’IP ». En outre, « si elle devait être mise en place, [elle] engendrerait des surcouts injustifiés pour Orange ». Orange ajoute que sa position est confortée par le projet de décision d’analyse des marchés relatifs à la terminaison d’appel vocal fixe et mobile du 7 juillet 2017. Elle conteste enfin les avantages de qualité de service mis en avant par Free pour justifier son découpage du territoire en zones arrières.
Concernant la demande 2, Orange indique que dans le cadre de l’interconnexion mobile, les opérateurs ont fait de choix du protocole SIP-I « pour migrer rapidement leurs interconnexions TDM vers l’IP sans attendre l’aboutissement des travaux sectoriels ». Il s’agit néanmoins selon Orange d’une « solution transitoire ». La situation serait différente dans le cadre de l’interconnexion fixe « dans la mesure où la signalisation du cœur de réseau IP est SIP ». Dès lors, il ne serait pas « raisonnable de mettre en place une solution temporaire sur la base du SIP-I » compte tenu notamment des coûts injustifiés que cela entraînerait pour Orange.
Concernant la demande 3, Orange soutient en substance que l’application d’une majoration tarifaire TDM au 1er décembre 2017, conformément à l’offre d’interconnexion TDM de Free, ne serait ni équitable ni raisonnable compte tenu notamment du « comportement dilatoire de Free [qui] a directement contribué à l’impossibilité pour Orange de substituer l’interconnexion IP voix fixe et mobile de Free à l’interconnexion TDM voix fixe et mobile de Free ».
Vu les courriers du 25 octobre 2017 par lesquels la directrice des affaires juridiques de l’Autorité a transmis aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et désigné les rapporteurs ;
Vu les observations en défense, enregistrées à l’Autorité le 15 novembre 2017, présentées par la société Free, société par actions simplifiées au capital de 3 441 812 €, dont le siège social est situé 8, rue de la Ville L’Evêque, 75008 Paris, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 421 938 861, et par la société Free Mobile, société par actions simplifiées au capital de 365 138 779 €, dont le siège social est situé 16, rue de la Ville L’Evêque, 75008 Paris et immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 499 247 138, représentées par leur directeur de la réglementation ;
Sur la recevabilité, Free ne conteste pas l’existence d’un différend sur les demandes 1.1, 1.4, 1.5 et
2. Elle soutient en revanche, concernant les demandes 1.2 et 1.3, que le différend n’est pas constitué en l’absence d’échec des négociations sur ces demandes.
Sur le fond, Free soutient qu’il serait inéquitable de faire droit aux demandes d’Orange compte tenu de l’absence de recommandations sectorielles en matière d’interconnexion IP en France. En effet selon Free, les recommandations dont Orange fait état dans le cadre du présent différend sont présentées de manière trompeuse comme des normes et ont été établies par les adhérents de la FFT « et non par l’ensemble des opérateurs français » en ne respectant « aucun des principes fondamentaux de la normalisation ou les minima requis par l’Autorité pour l’élaboration de choix sectoriels ». Il serait également inéquitable selon Free que l’Arcep fasse droit aux demandes d’Orange compte tenu des choix de cet opérateur en matière d’interconnexion qui imposeraient « aux opérateurs tiers de s’adapter, à leurs frais et charges, aux contraintes du réseau auquel ils souhaitent s’interconnecter ».
Free soutient également qu’il serait inéquitable de faire droit aux demandes d’Orange au regard des contradictions de cette dernière et que ses demandes ne sont pas raisonnables.
Concernant la demande 1.1, Free estime que la demande d’Orange n’est pas justifiée dans la mesure où elle se fonderait sur des recommandations « obsolètes » de la FFT datant de juillet 2009, qui préconisaient « l’usage ″dans un premier temps″ de l’IPv4 ». Elle ajoute qu’« Orange ne peut par ailleurs pas se prévaloir de prétendues difficultés techniques qui empêcheraient le déploiement de l’IPv6 avant fin 2018, alors qu’aucun autre opérateur n’a fait part à Free d’une telle impossibilité ». En outre, la demande d’Orange ne serait pas raisonnable car elle irait à « rebours du mouvement de progrès, d’innovation et de transition vers l’IPv6 voulu par les pouvoirs publics » et serait également coûteuse pour le secteur. Enfin, il serait selon Free inéquitable de faire droit à cette demande alors que, dans le cadre de l’interconnexion IP de Free Mobile vers Orange, Free Mobile a été contrainte de s’adapter aux spécifications techniques d’Orange.
Concernant la demande 1.2, Free estime qu’Orange reconnaîtrait les bénéfices du PRACK et que les bénéfices du PRACK en termes de qualité de service sont « réels » concernant notamment les services complexes. L’utilisation du PRACK serait en outre cohérente avec les « normes internationales » et rendue obligatoire en Italie. Par ailleurs, et contrairement à ce qu’affirmerait Orange, Free estime que la FFT n’interdit pas l’usage du PRACK mais affirmerait au contraire que « le support du PRACK peut être mis en œuvre sur accord bilatéral ». La demande d’Orange serait ainsi « déraisonnable », l’utilisation du PRACK étant « conforme aux recommandations soutenues par Orange ». Le tarif de l’option sans PRACK proposée par Free ne serait par ailleurs « pas excessif », en comparaison notamment des tarifs pratiqués par Orange pour sa propre option PRACK. Free ajoute qu’il serait inéquitable qu’Orange puisse bénéficier gratuitement de l’option sans PRACK compte tenu du coût lié au développement de cette fonctionnalité, ses équipements étant aujourd’hui configurés pour fonctionner avec le PRACK.
Concernant la demande 1.3 d’Orange, Free soutient qu’elle n’est pas justifiée. Elle estime tout d’abord que cette demande ne se conforme pas aux recommandations internationales, la RFC 4733 autorisant selon elle l’envoi de doubles DTMF (en G. 711 et telephone-event simultanément). Elle estime ensuite que la FFT n’interdit pas l’envoi des DTMF en G. 711 et ne recommande pas non plus leur envoi en mode Tel Event only comme le demande Orange. Enfin, Orange ne démontrerait pas dans sa saisine qu’elle ne serait pas en mesure d’envoyer les DTMF dans la bande G. 711 qui sont « utilisés depuis des années et sont supportés par la quasi-totalité des équipementiers réseaux des opérateurs ». La demande d’Orange ne serait en outre pas raisonnable car l’utilisation du mode Tel Event only entraînerait « des régressions de services utilisant par exemple les fast DTMF » et conduirait Free à devoir « remplacer l’intégralité de son réseau » alors qu’Orange est en mesure de fournir les DTMF dans la bande G. 711. Free estime enfin qu’il serait inéquitable qu’elle supporte l’intégralité des coûts d’adaptation aux demandes d’Orange alors qu’elle a déjà, par le passé, été contrainte de s’adapter, à ses frais, « aux choix techniques, parfois artisanaux, d’Orange ».
Concernant les trois premiers points de la demande 1.4, Free indique qu’il s’agit d’erreurs qui seront corrigées dans ses offres.
Concernant le quatrième point de la demande 1.4, Free soutient qu’elle n’est « pas justifiée ni raisonnable au regard des normes internationales ».
Concernant la demande 1.5, Free estime que la suppression des zones arrières n’est ni justifiée ni raisonnable. Orange n’aurait en effet « jamais démontré l’absence d’avantage de qualité de service lié au découpage en Zones Arrières, ni démontré qu’en métropole, les distances parcourues […] ne jouaient pas sur la qualité des appels vocaux ». Or, selon Free, le découpage du territoire en zones arrières permet une meilleure qualité du service voix en minimisant, notamment, les temps de transport des appels. La demande d’Orange serait en outre inéquitable compte tenu des contraintes déjà subies par les autres opérateurs du fait du maintien de l’interconnexion TDM imposé par Orange.
Concernant la demande 2, Free estime qu’elle n’est pas justifiée. Elle ne reposerait pas, comme le soutient Orange, sur les recommandations du secteur, la FFT n’imposant pas l’utilisation du protocole SIP. Orange ne démontrerait par ailleurs pas les difficultés qu’elle aurait à mettre en œuvre le SIP-I. La demande d’Orange ne serait pas non plus raisonnable, compte tenu des régressions de service qu’engendrerait le protocole SIP qui « rendrait le fonctionnement [des réseaux] non transparent par rapport au client final », contrairement aux objectifs de travail que se serait fixée la FFT. Free ajoute que le protocole SIP ne permettrait pas l’extinction complète de l’interconnexion TDM. Enfin, Free soutient qu’il serait inéquitable que Free supporte intégralement les surcoûts engendrés par l’utilisation du protocole SIP et de lui imposer de maintenir l’interconnexion TDM pour les services résiduels, ce qui serait inefficace.
Concernant la demande 3 d’Orange, Free estime que le calendrier de fermeture de l’interconnexion TDM qu’elle a mis en place a laissé suffisamment de temps à Orange pour s’interconnecter en IP et est conforme aux délais règlementaires.
Vu les observations en réplique présentées par Orange et enregistrées à l’Autorité le 30 novembre 2017, par lesquelles elle persiste dans ses conclusions et moyens ;
Sur la recevabilité, Orange considère que ses demandes 1.2 et 1.3 sont recevables dans la mesure où il y a bien eu, dans chaque cas, « une demande d’Orange adressée à Free et un refus de ce dernier de faire droit à cette demande ». Elle indique en outre ne pas voir de différence entre ses demandes initiales et ses demandes telles qu’elles sont formulées dans sa saisine. Elle précise, concernant la demande 1.3, qu’elle n’a pas évolué comme le soutient Free, mais qu’elle est « simplement explicitée plus clairement. Orange demande toujours le support de la RFC 4733 conformément aux recommandations sectorielles ».
Sur le fond, Orange maintient ses demandes et son argumentation.
En particulier, elle considère que les recommandations du secteur qu’elle invoque au soutien de ses demandes s’inscrivent dans le cadre d’une autorégulation. Sans « revendiquer » leur caractère normatif, Orange considère ainsi qu’il est raisonnable et équitable de se fonder sur ces recommandations compte tenu du « crédit qu’elles ont pour le secteur ». Elle indique en effet que l’association FFT à l’origine des recommandations qu’elle invoque est « bien représentative du secteur » et ne prétend pas élaborer des normes, contrairement aux affirmations de Free. Elle ajoute que plusieurs éléments témoignent de l’« ouverture » de cette association, de son indépendance et du caractère transparent de ses travaux « soumis à consultation régulière de tous les acteurs (y compris Free) » qui « utilise parfois les recommandations de la FFT », tout comme d’autres opérateurs qui n’en seraient pas membres.
Vu la décision n° 2017-1493-RDPI en date du 12 décembre 2017 par laquelle la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité a décidé de proroger le délai dans lequel elle doit se prononcer sur le différend ;
Vu les deuxièmes observations en défense, présentées par les sociétés Free et Free Mobile et enregistrées à l’Autorité le 15 décembre 2017, par lesquelles elles persistent dans leurs conclusions et moyens ;
Sur la recevabilité, Free maintient que les demandes 1.2 et 1.3 formulées par Orange sont irrecevables.
Sur le fond, Free estime qu’Orange ne produit toujours aucun élément susceptible de justifier le caractère raisonnable et proportionné de ses demandes et qu’elle « se contente », notamment, « de communiquer des présentations de la fédération française des télécoms ». Free ajoute que « tous les équipements standard du marché permettent d’utiliser l’IPv6, le PRACK, d’émettre les DTMF en G. 711 etc. » conformément aux spécifications techniques prévues dans les offres d’interconnexion de Free. Sur les travaux de la FFT, Free rappelle que, selon elle, ils n’ont pas de valeur normative et précise que l’Arcep n’a pas adopté de spécifications techniques en matière d’interconnexion sur la base de l’article D. 99-8 du CPCE. Elle ajoute également que les travaux de la FFT n’ont aucune « portée sectorielle » contrairement aux affirmations d’Orange selon lesquelles ils participeraient « à l’autorégulation collective », ce qui, selon Free, « ne repose sur aucun fondement ». Free relève par ailleurs qu’il n’existe pas de norme ou de « pratique internationale uniforme » sur les spécifications techniques de l’interconnexion. En outre, les recommandations de la FFT ne seraient pas appliquées de manière uniforme tant par ses membres que par les autres opérateurs. Free soutient en outre que si l’Autorité était amenée à faire droit aux demandes d’Orange, cela la priverait des « bénéfices de [ses] choix techniques ». Free indique plus particulièrement que « le groupe Iliad […] a maintenu le choix rationnel de n’utiliser qu’un seul type d’interconnexion pour se raccorder à ses réseaux fixe et mobile ». Dès lors, faire droit aux demandes d’Orange serait selon Free inéquitable dans la mesure où elle serait contrainte de renoncer à ses choix techniques.
Vu les courriers en date du 22 décembre 2017 par lesquels la directrice des affaires juridiques a transmis un questionnaire aux parties ;
Vu les réponses au questionnaire des sociétés Orange et Free enregistrées à l’Autorité le 16 janvier 2018 ;
Vu les courriers en date du 14 février 2018 de la directrice des affaires juridiques informant les parties que la décision est susceptible d’être fondée sur deux moyens d'ordre public et sollicitant leurs observations ;
Vu le courrier en date du 14 février 2018 par lequel la directrice des affaires juridiques a transmis un second questionnaire aux sociétés Free et Free Mobile ;
Vu les réponses au second questionnaire des sociétés Free et Free Mobile enregistrées à l’Autorité le 19 février 2018 ;
Vu le courrier de la société Orange transmettant ses observations concernant deux moyens soulevés d’office enregistré le 26 février 2018 ;
Vu le courrier électronique des sociétés Free et Free Mobile indiquant qu’elles n’ont pas d’observations concernant les deux moyens soulevés d’office enregistré le 26 février 2018 ;
Vu les courriers en date du 28 février 2018 par lesquels la directrice des affaires juridiques a informé les parties d’un changement de rapporteur ;
Vu les courriers en date du 6 mars 2018, par lesquels les sociétés Orange et Free ont été invitées à participer à une audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité le 22 mars 2018, et informées que la clôture d’instruction de la présente affaire était fixée au 9 mars 2018 ;
Vu les courriers en date du 19 et du 22 mars 2018, par lesquels les sociétés Orange et Free ont été informées du report de l’audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité au jeudi 29 mars 2018 à 9h15 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu le 29 mars 2018, lors de l'audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité, composée de M. Sébastien Soriano, président, M. Pierre-Jean Benghozi, M. Philippe Distler et Mme Martine Lombard, membres de l’Autorité, et en la présence des agents des services et des représentants des sociétés Free et de la société Orange :
- le rapport de Mme Annabel Gandar, présentant les conclusions des parties ;
- les observations des représentants de la société Orange ;
- les observations des représentants des sociétés Free et Free Mobile ;
Sur la publicité de l’audience
L'article 14 du règlement intérieur susvisé prévoit que « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l'Autorité en délibère ».
Les sociétés Orange et Free ont indiqué par courrier électronique en date du 26 mars 2018 ne pas s’opposer à ce que l’audience soit publique.
En conséquence, l’audience a été publique.
La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité (composée de Mme Martine Lombard, M. Pierre-Jean Benghozi et M. Philippe Distler, membres de l’Autorité), en ayant délibéré le 12 avril 2018 en la seule présence de ses membres, adopte la présente décision.
1 Contexte général
1.1 La terminaison d’appel vocal
L’interconnexion correspond aux liaisons physiques et logiques entre réseaux, notamment afin de permettre aux utilisateurs d'un opérateur de communiquer avec les utilisateurs du même opérateur ou d'un opérateur tiers, ou encore d'accéder aux services fournis par un opérateur tiers. Il existe différentes prestations d’interconnexion, parmi lesquelles le départ d’appel, le transit et la terminaison d’appel.
Ces prestations sont essentielles voire indispensables pour assurer l’interopérabilité des services, c’est-à-dire la connexion téléphonique de bout en bout entre les utilisateurs finals.
L’objet du présent différend concerne la terminaison d’appel vocal, qui correspond, pour un opérateur exploitant des numéros ouverts à l'interconnexion sur son réseau, aux prestations qu'il fournit à d'autres opérateurs pour l'acheminement de leurs appels vocaux vers ces numéros depuis les points d'interconnexion pertinents. Les points d’interconnexion pertinents correspondent à ceux au-delà desquels seul cet opérateur, qui contrôle l'accès aux utilisateurs finals auxquels sont affectés lesdits numéros, peut acheminer de manière efficace les appels vocaux qui leur sont destinés. Par commodité, on dit que l'opérateur vendeur « termine » les appels vocaux vers ces numéros ou utilisateurs finals.
La prestation de terminaison d'appel est payée sur le marché de gros par l'opérateur appelant à l'opérateur appelé (cf. figure 1) et fait l’objet d’un contrat appelé convention d’interconnexion.
1.2 La migration des interconnexions voix vers l’IP
L’opérateur vendeur fixe l’architecture d’interconnexion (nombre et localisation des points d’interconnexion pertinents…) ainsi que les spécifications techniques associées (protocoles aux interfaces d’interconnexion…).
À partir de la fin des années 1990 et de la libéralisation du marché des télécommunications en France, les différents opérateurs de télécommunication ont commencé à s’interconnecter entre eux en utilisant des protocoles de type « signalisation par canal sémaphore CCITT n° 7 » dit « SS7 », i.e. selon la technologie TDM (Time Division Multiplexing). À cet effet, l’Autorité avait été amenée dès l’année 1999 à publier une décision1 permettant aux différents opérateurs d’avoir une spécification technique relative aux interfaces d’interconnexion qui soit commune.
À partir de la fin des années 2000 et du début des années 2010, les principaux opérateurs ont initié un mouvement de transition de leurs interconnexions en mode TDM vers des interconnexions en mode IP.
En particulier, dans ce cadre, la FFT, association régie par la loi de 1901 créée en 2007 et regroupant actuellement 14 opérateurs membres2, a mis en place un groupe de travail à partir de juillet 2008 afin de définir des recommandations portant sur les spécifications techniques d’interconnexion en IP en France. Ces travaux ont abouti à l’élaboration de divers documents, notamment un document relatif aux principes d’architecture publié dès juillet 2009, dont la dernière mise à jour date de 20143, et des spécifications détaillées relatives au profil SIP publié dès juin 20104 et relatives au profil SIP-I dès mai 20115, dont la dernière version a été publiée en mai 20146.
L’Autorité a dressé, dans son analyse de marché de la terminaison d’appel vocal fixe et mobile pour la période 2014-2017 (décision n° 2014-1485), un premier état des lieux de la transition des interconnexions en mode TDM vers le mode IP :
« l’Autorité note qu’un mouvement de transition des interconnexions en mode TDM vers les interconnexions en mode IP est initié chez les principaux acteurs sur le marché métropolitain pour les communications vocales. S’il apparait légitime que l’interconnexion en mode IP devienne à terme la modalité d’interconnexion principale, car la plus efficace, il est néanmoins nécessaire que cette transition ne fausse pas le jeu concurrentiel et prévoie les délais de mise en œuvre et de préavis suffisants, permettant aux opérateurs interconnectés de s’adapter.
En particulier il parait nécessaire de prévoir une période de recouvrement minimale de 18 mois des deux modalités d’interconnexion, TDM et IP, assurant notamment une fourniture dans des conditions tarifaires équivalentes entre les deux modalités durant cette période. A l’issue de cette période, la modalité d’interconnexion IP pourra devenir, pour le trafic de terminaison compatible, l’offre de référence unique.
Une fois ce mouvement enclenché, l’opérateur fournisseur de terminaison d’appel pourra engager le processus de fermeture commerciale puis technique de son offre d’interconnexion TDM. Ce processus pourra s’accompagner d’une évolution raisonnable des tarifs de l’interconnexion TDM, dès lors qu’elle ne sera plus considérée, pour les trafics de terminaison compatibles avec une interconnexion IP, comme une modalité d’acheminement efficace du trafic depuis les points d’interconnexion pertinents, afin d’accompagner au mieux la fermeture de l’offre, selon des modalités transparentes, prévisibles et loyales. En tout état de cause, les évolutions apportées à la modalité d’interconnexion TDM devront respecter des délais de préavis suffisants ».
Cette même analyse de marché de la période 2014-2017 prévoyait par ailleurs « qu’à partir du 1er juillet 2015, une demande d’interconnexion en mode IP de la part d’un opérateur acheteur serait nécessairement considérée comme raisonnable. »
L’Autorité constate aujourd’hui que la transition des interconnexions en mode TDM vers le mode IP est en cours de finalisation, comme indiqué dans la décision d’analyse de marché de la période 2017- 2020 susvisée.
1.3 Présentation des parties et des interconnexions voix d’Orange aux réseaux des sociétés Free
La société Orange est un opérateur présent sur les marchés mobiles et du haut et du très haut débit fixe. Au 31 décembre 2017, elle disposait d’un parc de clients mobiles de 31,8 millions de clients, ainsi que d’un parc d’abonnés fixes de 11,5 millions de clients, dont 2 millions d’abonnés au très haut débit7.
La société Free est une filiale du groupe Iliad. Elle est un opérateur présent sur les marchés du haut et du très haut débit fixe. Au 31 décembre 2017, la société Free comptait 6,5 millions d’abonnés haut et très haut débit fixe, dont plus de 0,6 millions d’abonnés au très haut débit8. La société Free Mobile est également une filiale du groupe Iliad. Elle est active sur les marchés mobiles. Au 31 décembre 2017, elle comptait 13,7 millions d’abonnés mobiles9.
Concernant la terminaison d’appel sur les réseaux des sociétés Free, Orange a conclu en […] une convention d’interconnexion au réseau de Free en mode TDM pour la terminaison des appels de ses clients (fixes et mobiles) vers les abonnés de Free.
Par la suite, Orange a déployé deux interconnexions au réseau de Free Mobile en mode TDM pour la terminaison respectivement des appels de ses clients fixes et des appels de ses clients mobiles, vers les abonnés de Free Mobile.
Ainsi, la société Orange a indiqué dans sa saisine10 disposer à la fin juillet 2017 avec les sociétés Free :
- d’une interconnexion en mode TDM entre son réseau fixe et le réseau de Free, représentant une volumétrie au troisième trimestre 2017 hors transit de […]11;
- d’une interconnexion en mode TDM entre son réseau fixe et le réseau de Free Mobile, représentant une volumétrie au troisième trimestre 2017 hors transit de […] ;
- d’une interconnexion en mode TDM entre son réseau mobile et le réseau de Free Mobile, représentant une volumétrie au troisième trimestre 2017 hors transit de […].
En […] Orange a demandé aux sociétés Free de lui communiquer ses offres d’interconnexion afin de s’interconnecter en mode IP aux réseaux de Free pour bénéficier de la prestation de terminaison d’appel vocal vers les clients fixes et mobiles de Free.
En mai 2016, Free et Free Mobile ont publié leurs offres respectives d’interconnexion voix IP et les ont transmises à Orange. Ces offres sont disponibles sur le site internet du groupe Iliad12, maison mère des sociétés Free.
Par ailleurs, en […]13, puis en […]14, les sociétés Free ont informé Orange de la mise en place d’une majoration des tarifs de leurs interconnexions TDM à compter du 1er décembre 2017, ainsi que leur intention de fermer définitivement leurs interconnexions TDM à compter du 1er décembre 2018.
Enfin, concernant la terminaison d’appel de Free vers Orange, la société Free a conclu une convention d’interconnexion TDM vers le réseau fixe d’Orange en […] et une convention d’interconnexion TDM vers son réseau mobile en […]. La société Free Mobile est quant à elle interconnectée en IP avec les entités fixe et mobile d’Orange depuis, respectivement, […].
2 Sur la compétence de l’Autorité
Les demandes de la société Orange portent sur les conditions techniques et financières des offres d’interconnexion voix fixe et mobile en IP (demandes 1) et en TDM (demande 3) des sociétés Free ainsi que sur l’offre d’interconnexion voix fixe IP de la société Free (demande 2).
En application du b) du I de l’article L. 34-8 et du I de l’article L. 36-8 du CPCE, l’Autorité est compétente pour régler les différends relatifs à la conclusion ou à l’exécution d’une convention d’interconnexion.
Par conséquent, l’Autorité est compétente pour connaître de la présente procédure de règlement de différend, ce que ne contestent pas les sociétés Free.
3 Analyse des demandes
3.1 Cadre réglementaire applicable
Les demandes d’Orange concernent les prestations d’interconnexion fournies par Free pour la terminaison des appels vocaux à destination de ses numéros ouverts à l’interconnexion sur ses réseaux fixes et mobiles. Elles sont à analyser au regard des dispositions générales du CPCE relatives aux obligations des opérateurs en matière d’interconnexion ainsi que de la régulation ex ante de l’Arcep portant spécifiquement sur la prestation de terminaison d’appel vocal fixe et mobile adoptée en application des dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE.
S’agissant des dispositions générales du CPCE, tout d’abord, l’article L. 34-8 du code prévoit que
« l’interconnexion ou l’accès font l’objet de convention de droit privé entre les parties » et impose aux opérateurs une obligation de « faire droit aux demandes d’interconnexion des autres exploitants de réseaux ouverts au public […] présentées en vue de fournir au public des services de communications électroniques ». Cet article dispose également que « la demande d'interconnexion ne peut être refusée si elle est justifiée au regard, d'une part, des besoins du demandeur, d'autre part, des capacités de l'exploitant à la satisfaire ».
S’agissant spécifiquement de la prestation de terminaison d’appel vocal, ensuite, Free et Free Mobile ont été désignées, par la décision d’analyse de marché n° 2017-1453 susvisée opérateurs exerçant une puissance significative sur, respectivement, le marché de la terminaison d’appel vocal sur son réseau fixe et sur le marché de la terminaison d’appel vocal sur son réseau mobile. Elles sont soumises aux obligations imposées, à ce titre, pour la période 2017-2020 par cette même décision. Pour cette période, Free et Free Mobile sont en particulier tenues, en application des articles 4 et 7 de la décision n° 2017-1453 de faire droit à toute demande raisonnable d’accès aux prestations de gros de terminaison d’appel vocal fixe et mobile et de respecter des obligations en matière de transparence, en particulier des délais de préavis raisonnables en cas d’évolution de leurs prestations.
Concernant l’obligation de faire droit aux demandes raisonnables d’accès, les motifs de cette décision apportent des précisions sur la question du découpage du territoire en zones arrières dans le cadre de l’interconnexion en mode IP (cf. partie 3.6 infra).
Ils précisent également que « L’Autorité souligne […] que les choix d’architecture d’interconnexion des opérateurs génèrent des externalités pour les autres opérateurs. En effet, les autres opérateurs sont amenés à investir en fonction de ces choix, notamment […] pour utiliser les protocoles et codecs appropriés aux interfaces. Par conséquent, l’Autorité étudie attentivement le caractère raisonnable des choix d’architecture d’interconnexion effectués par les différents opérateurs : notamment le nombre et la localisation des points d’interconnexion pertinents au sein du territoire concerné ainsi que les spécifications techniques associées » (soulignements ajoutés).
S’agissant plus précisément des spécifications techniques associées aux offres d’interconnexion, les motifs de la décision d’analyse de marché n° 2017-1453 susvisée ajoutent que : « À cet égard, l’Autorité considère que, dans la mesure où des choix sectoriels sont adoptés à l’issue d’un processus de concertation transparent et ouvert à la participation de tous, il apparait raisonnable que les opérateurs vendeurs respectent ces choix dans les spécifications techniques de leur offre de terminaison d’appel ou, s’ils décident de ne pas respecter ces choix, assument le coût des adaptations technologiques nécessaires pour les opérateurs acheteurs ».
L’Arcep peut, en application des articles L. 36-6 et D. 99-8 du CPCE, « adopte[r] et publie[r] des spécifications techniques auxquelles les interfaces d'interconnexion doivent être conformes en vue de garantir le respect des exigences essentielles et la qualité de service de bout en bout ». Elle a fait le choix, en l’espèce, de ne pas adopter de telles spécifications techniques s’agissant de l’interconnexion entre réseaux en mode IP pour la terminaison d’appel, souhaitant favoriser une logique d’autorégulation.
En outre, comme l’a jugé la Cour d’appel de Paris, l’Autorité doit « exercer sa mission au regard des objectifs de la régulation [...] définis à l’article L. 32-1 du CPCE, en se fondant, au-delà de la situation particulière d’un opérateur, […] sur des conditions touchant à l’ordre public économique »15. Le caractère équitable d’une demande doit ainsi être apprécié par l’Autorité en prenant en compte la situation et les arguments des parties, dont notamment, en l’espèce, les recommandations sectorielles invoquées par Orange, ainsi que les objectifs de régulation prévus à l’article L. 32-1 du CPCE, tels que :
« II. – […]
3° Le développement de l'investissement, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ; […]
III. – […]
1° L'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, en particulier lorsqu'ils bénéficient de subventions publiques conformément aux articles 106 et 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
2° La définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ; […]
IV. – […]
2° A la promotion des investissements et de l'innovation dans les infrastructures améliorées et de nouvelle génération […] ; ».
3.2 Sur la demande 1.1 portant sur le protocole IPv4
Orange demande à l’Arcep d’enjoindre à Free de « modifier son offre d’interconnexion IP fixe et mobile afin qu’elle propose de manière optionnelle la compatibilité IPv4 sans majoration tarifaire pour Orange ».
3.2.1 Contexte
La mise en place d’une interconnexion IP pour la terminaison d’appel vocal nécessite de préciser la version du protocole IP que les deux opérateurs devront communément utiliser pour cette interconnexion.
Pour les raisons décrites ci-après, il existe actuellement deux versions du protocole IP, dites IPv4 et IPv6, incompatibles entre elles16, qui se différencient notamment par la longueur des adresses et le format des métadonnées.
La démocratisation d’Internet engagée au cours des années 1990 s’est traduite par la multiplication des terminaux connectés et une augmentation du besoin en adresses IP susceptible d’entraîner à terme l’épuisement du stock d’adresses IPv4 disponibles.
Afin d’anticiper ce risque de pénurie, l’IETF17 a publié en 199518 et en 199819 la spécification d’une nouvelle version (v6) du protocole IP. En multipliant par 4 la taille des adresses IP20, le protocole IPv6 dispose d’un espace d’adressage, beaucoup plus important que le protocole IPv421, susceptible de répondre aux besoins actuels et futurs.
Au regard des informations actuellement disponibles, l’épuisement des adresses IPv4 pourrait intervenir début 2021 si le rythme d’attribution des deux dernières années se poursuit. En effet, il ne restait que 10 millions d’adresses IPv4 disponibles début 2018 alors que 3 millions d’adresses ont été attribuées en 2016 et en 201722.
3.2.2 Sur la recevabilité
Les parties ne contestent pas la recevabilité de cette demande, qui a bien fait l’objet d’un échec des négociations. La demande d’Orange est donc recevable.
3.2.3 Sur le fond
En premier lieu, il apparaît, au regard des écritures des parties, que les sociétés Free sont à ce jour les seules à proposer en France métropolitaine des offres d’interconnexion IP pour la terminaison d’appel vocal uniquement compatibles avec le protocole IPv6 ou, autrement dit, incompatibles avec le protocole IPv4.
À cet égard, il ressort des pièces du dossier que tous les opérateurs cités par les parties, exception faite des sociétés Free, proposent dans leurs conventions d’interconnexion IP une compatibilité avec le protocole IPv4. Ainsi, Bouygues Telecom23 indique dans ses conditions spécifiques d’interconnexion IP que « l’interconnexion entre l’Opérateur et Bouygues Telecom se fait par le protocole de niveau 3 IPv4 » et SFR24 précise dans ses spécifications techniques d’accès au service que « le protocole de niveau 3 utilisé est IPv4 ». Pour sa part, Orange25 indique dans ses spécifications techniques d’accès au service que « le protocole de niveau 3 utilisé est IPv4 ».
En outre, la société Orange a indiqué que les « deux opérateurs [qui] proposent aujourd’hui dans leur offre d’interconnexion l’option d’utiliser l’IPv6 »26 sont les sociétés […] 27 et qu’« avec ces deux opérateurs, c’est bien l’IPv4 (en SIP) qui a été finalement choisi pour l’interconnexion avec Orange, l’option IPv6 n’ayant pas été retenue ». Ainsi, si ces deux opérateurs proposent dès à présent une compatibilité IPv6 dans leurs offres d’interconnexion, ils n’ont pas retiré la compatibilité IPv4.
L’Autorité note qu’en ce qui concerne la compatibilité IPv4 dans le cadre de l’interconnexion IP, la pratique des opérateurs métropolitains, à l’exception de Free, suit les « principes et recommandations » d’architecture IP élaborés par la FFT28. Cette dernière préconise en effet que « dans un premier temps, la version du protocole IP utilisé sera IPv4 »29.
À cet égard, Free indique dans ses premières observations en défense30 que « ces préconisations datent d’une époque où l’usage de l’IPv4 était ultra majoritaire » et qu’« elles sont aujourd’hui obsolètes ».
Néanmoins, contrairement à ce qu’indique Free mais comme le soutient Orange31, il apparaît que l’IPv4 est encore majoritaire à ce jour. En particulier, comme l’Arcep l’indiquait dans son rapport au Gouvernement sur l’état de déploiement du protocole IPv6 en France32, en 2016, même chez les utilisateurs finaux en dual stack33, l’usage IPv4 restait encore majoritaire. Dans ces conditions, considérer comme obsolète une préconisation de compatibilité IPv4 semble prématuré.
À l’international, Free donne l’exemple de l’Espagne34. Or, le régulateur espagnol a accepté l’offre de référence de l’opérateur historique Telefónica qui mentionne que « le transport et l’adressage de réseau utilisé à l’interface NNI doit se faire en IPv4 » même si Telefónica peut déroger à cette obligation sur une base volontaire : « de manière optionnelle, IPv6 ou IPsec peuvent être utilisés sur base d’accords bilatéraux »35.
En second lieu, l’Autorité constate que les sociétés Free ne rencontrent ni d’obstacle technique, ni de problème de disponibilité d’adresses IPv4 les empêchant de proposer une interconnexion en IPv4 à Orange.
Au préalable, il convient de rappeler, comme le fait Orange36, que le protocole IPv6 « a été conçu dès le départ pour assurer une compatibilité descendante aussi simple que possible avec le protocole IPv4. Ainsi, moyennant paramétrages et ajustements, des équipements travaillant en IPv6 peuvent normalement travailler en IPv4 sans difficultés ». Autrement dit, un équipement compatible IPv6 peut facilement être paramétré afin d’utiliser IPv4.
À cet égard, l’Autorité note que les sociétés Free ont confirmé, à l’instar de ce qu’a indiqué Orange, être en mesure de « mettre en place l’interconnexion voix en IPv4 »37 et que, pour ce faire, elles « devraient activer les fonctionnalités de conversion de protocole IPv4 to IPv6 au niveau de ses SBC »38. Ainsi, les sociétés Free n’ont fait part à l’Autorité d’aucune contrainte majeure au niveau de leurs équipements utilisés dans le cadre de l’interconnexion avec Orange leur empêchant d’accepter des adresses IP au format IPv4.
L’Autorité relève également que Free Mobile a conclu avec Orange deux conventions d’interconnexion IP afin de terminer les appels de ses clients sur les réseaux fixe et mobile d’Orange, lesquelles prévoient l’utilisation du protocole IPv4. Orange indique39 en effet que : « Free Mobile est également interconnecté en IP avec l’entité fixe d’Orange depuis […] et l’entité mobile d’Orange depuis […] » et que cette interconnexion « a été déployée selon les spécifications de l’offre d’interconnexion IP voix d’Orange […] en interface IPv4 […] », ce que Free ne conteste pas. Il apparaît ainsi que Free ne rencontre aucun obstacle technique dans la mise en œuvre d’IPv4 au niveau de ses équipements utilisés pour l’interconnexion.
S’agissant de l’impact de la prochaine pénurie d’adresses IPv4 sur la capacité des sociétés Free à établir une interconnexion IPv4 avec Orange, il convient d’apprécier la quantité d’adresses IPv4 nécessaire au bon fonctionnement de l’interconnexion IP par rapport au nombre d’adresses IPv4 dont disposent les sociétés Free.
D’une part, Free a indiqué40 que « concernant le nombre d’adresses IPv4, il dépend du nombre d’équipements d’interconnexion utilisés. Une estimation de quelques dizaines d’adresses IP pourrait convenir », cet ordre de grandeur étant le même que celui qui a été communiqué par Orange dans ses écritures41.
D’autre part, l’Autorité note que les sociétés Free se sont vu attribuer par le RIPE NCC42, l’organisme distribuant les adresses IP IPv4, près de 10 millions d’adresses IPv4 : 8,9 millions pour Free et 1 million pour Free Mobile et relève qu’elles n’ont pas indiqué se heurter à un problème de disponibilité d’adresses IPv4 pour la mise en œuvre de l’interconnexion IP.
Dans ces conditions, au regard des pièces du dossier, l’Autorité estime que Free dispose d’un nombre d’adresses IPv4 suffisant pour s’interconnecter en IPv4 avec Orange.
En conclusion, l’Autorité considère que les sociétés Free disposent des capacités techniques et de la quantité de ressources IPv4 nécessaires pour proposer à Orange des offres d’interconnexion voix IP fixe et mobile compatibles avec le protocole IPv4. À cet égard, l’Autorité relève que lors de l’audience qui s’est tenue le 29 mars 2018, les sociétés Free ont indiqué qu’elles étaient disposées à proposer à Orange de telles offres pendant une période de 18 mois, le temps qu’Orange procède aux adaptations nécessaires pour implémenter l’interconnexion en utilisant le protocole IPv6 dans son réseau.
À cet égard, l’Autorité relève qu’Orange fait valoir que des difficultés techniques, notamment liées à des raisons de sécurité, l’empêchent à court terme d’implémenter de manière sécurisée l’interconnexion en utilisant le protocole IPv6 dans son réseau.
Orange a reconnu, comme l’a indiqué Free dans ses premières observations en défense43, que ses SBC utilisés dans le cadre de ces interconnexions « supportent l’utilisation d’IPv6 et la conversion entre IPv4 et IPv6 »44. Toutefois, elle a précisé que […]45.
Dans sa réponse au questionnaire, Orange indique en particulier que ces équipements présentent […]46.
Cette précision explique les raisons pour lesquelles, suite au mémoire en défense des sociétés Free mettant en doute les difficultés techniques évoquées par Orange47, Orange considère que, dans son cas, « l’interconnexion IP ne serait pas opératoire dans la mesure où les équipements d’Orange ne supportent pas l’IPv6 aujourd’hui. Orange n’a aucune garantie de son équipementier que cela puisse être mis en œuvre avant […]. Le délai de 30 mois qu’évoque Free [pour activer une fonctionnalité déjà disponible dans un produit] n’est pas pertinent dans ce contexte IPv4/v6 »48.
Lors de l’audience qui s’est tenue le 29 mars 2018, Orange a indiqué qu’elle serait a priori capable de s’interconnecter en utilisant le protocole IPv6 d’ici 18 mois. Elle a également souligné que la demande qu’elle formule dans le cadre du présent règlement de différend est justifiée par son incapacité technique à mettre en œuvre à ce jour le protocole IPv6 dans le cadre de l’interconnexion mais qu’elle a pour objectif de migrer à moyen terme son réseau vers l’IPv6.
3.2.4 Conclusion
Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, et au regard des objectifs de l’article L. 32-1 du CPCE, notamment ceux mentionnés aux 1° et 2° du III, comme des obligations réglementaires qui s’imposent aux sociétés Free, notamment l’obligation de faire droit aux demandes raisonnables d’accès aux prestations de gros de terminaison d’appel vocal sur leurs réseaux respectifs, l’Autorité estime que, dans les circonstances de l’espèce, la demande d’Orange est justifiée et raisonnable et qu’il est équitable d’enjoindre aux sociétés Free de proposer à Orange des conventions d’interconnexion voix IP fixe et mobile permettant de s’interconnecter avec le protocole IPv4 en sus de la possibilité de s’interconnecter avec le protocole IPv6. En outre, dans la mesure où la mise en œuvre du protocole IPv4 constitue une caractéristique raisonnable des spécifications techniques d’interconnexion IP associées au service de terminaison d’appel, dont les coûts sont recouverts au travers du tarif facturé par les sociétés Free à Orange, l’Autorité estime qu’il est équitable que les sociétés Free proposent à Orange de telles conventions sans majoration tarifaire dans le cas de la mise en œuvre du protocole IPv4.
À cet égard, l’Autorité relève avec satisfaction que, lors de l’audience du 29 mars 2018, les sociétés Free ont indiqué qu’elles étaient disposées à proposer à Orange une offre d’interconnexion voix IP fixe et mobile compatible avec le protocole IPv4 pendant 18 mois, correspondant au délai au terme duquel la société Orange a indiqué que l’interconnexion avec le protocole IPv6 devrait être possible.
De façon générale, l’Arcep souligne l’importance qu’elle accorde à la transition vers le protocole IPv6. En effet, l’IPv6 est appelé à se généraliser dans les réseaux.
L’Autorité relève qu’en proposant le protocole IPv6 dans leurs offres de référence d’interconnexion IP de terminaison d’appel, les sociétés Free semblent en avance par rapport aux autres opérateurs de téléphonie sur le marché français. Elle invite, par conséquent, l’ensemble des opérateurs de téléphonie à ajouter le support du protocole IPv6 à leurs offres d’interconnexion de terminaison d’appel afin de pouvoir répondre, le cas échéant, aux demandes raisonnables d’opérateurs tiers souhaitant disposer d’interconnexions IPv6 opérationnelles. Dans ce contexte, l’Autorité invite en particulier l’ensemble des parties prenantes à travailler à la modernisation des recommandations sectorielles afin notamment de favoriser la généralisation d’offres d’interconnexion IP en dual stack.
S’agissant de la transition vers IPv6 sur l’intégralité des réseaux, l’Autorité considère que des conditions de migration raisonnables devraient être définies par le secteur.
3.3 Sur la demande 1.2 portant sur la méthode PRACK
Orange demande à l’Arcep d’enjoindre à Free de « modifier son offre d’interconnexion IP fixe et mobile afin de rendre l’option sans PRACK disponible et sans majoration tarifaire pour Orange ».
3.3.1 Contexte
Afin d’être le plus efficace et générique possible, le protocole IP (v4 ou v6) est un protocole, dit « de couche réseau (3) », qui n’intègre pas de mécanisme de protection contre les pertes de paquet susceptibles d’intervenir lors de leur transmission entre l’émetteur et le destinataire. La mise en place de tels mécanismes, si nécessaires pour l’usage considéré, est confiée à des protocoles de plus haut niveau, transportés en IP, conformément au modèle en couche de l’IP rappelé dans le schéma ci-après.
Ainsi, la transmission de messages de signalisation, dans le cas d’un service VoIP, peut être sujette à des pertes lors de leur acheminement entre les différents utilisateurs. Afin de limiter les impacts que pourraient avoir ces erreurs, le protocole de signalisation utilisé pour le service VoIP permet de fiabiliser la transmission de ces messages en détectant les pertes éventuelles et, le cas échéant, en les retransmettant. Cette fiabilisation se fait via l’envoi d’un message d’acquittement à la réception du message, par le destinataire à l’expéditeur. Ainsi, l’expéditeur retransmet son message à l’expiration d’un délai prédéfini tant qu’il n’a pas reçu le message d’acquittement. Cependant, cette fiabilisation n’a été prévue que pour une partie des messages transmis et ne s’applique pas aux messages de type « réponse provisoire ».
Ainsi, une méthode50 appelée « PRACK » (Provisional Response ACknowledgement) a été définie par la RFC 326251 pour compléter la RFC 326152 et a été présentée comme optionnelle par cette dernière. Elle a pour fonction de fiabiliser l‘envoi des messages de type « réponse provisoire » en imposant au destinataire de ces messages de les acquitter explicitement par l’envoi de messages « PRACK ».
À titre d’illustration, le schéma ci-après compare l’effet de la fonctionnalité PRACK en cas de perte du message transportant la réponse « 180 Ringing » informant l’appelant du déclenchement de la sonnerie sur le terminal de l’appelé, également appelé tonalité de retour d’appel. Cette réponse est utilisée par le terminal de l’appelant pour diffuser à l’appelant une tonalité de retour d’appel53.
Sans la méthode PRACK, la perte du message « 180 Ringing » empêchera l’appelant d’entendre la tonalité de retour d’appel. Ainsi, l’appelant n’entendra qu’un silence entre le moment où il a composé le numéro de téléphone de son correspondant et le moment où ce dernier lui répondra, un délai qui peut atteindre plusieurs dizaines de secondes.
Avec la méthode PRACK, le message « 180 Ringing » perdu ne fera l’objet d’aucun acquittement, (envoi d’un message « PRACK ») de l’appelant à l’appelé. Par conséquent, à l’expiration du délai prédéfini, en l’absence de cet acquittement, l’appelé retransmettra le message « 180 Ringing » perdu54. Une fois cette retransmission reçue par le terminal appelant, l’appelant entendra dès lors une tonalité de retour d’appel.
3.3.2 Recevabilité
Les sociétés Free soutiennent que la demande de la société Orange relative au PRACK est irrecevable en raison de la différence d’objet alléguée entre la demande de cette société formulée dans le cadre des négociations préalables à la saisine de l’Autorité et sa demande telle qu’elle est exposée dans cette saisine. Elles demandent par conséquent à l’Autorité de constater l’absence d’échec des négociations sur cette demande.
Plus précisément, selon les sociétés Free, la société Orange aurait demandé « à compter du mois de novembre 2016 et jusqu’au dernier courrier du 13 juillet 2017 […], une évolution structurelle de l’offre d’interconnexion de Free et Free Mobile en les contraignant sur le fonctionnement par défaut »55 tandis que, dans sa saisine de l’Autorité en date du 19 octobre 2017, elle demanderait que les sociétés « Free et Free Mobile proposent une option gratuite sans PRACK »56.
Elles soutiennent également que « rendre le PRACK optionnel signifie interdire à Free de proposer une offre demandant aux opérateurs d’utiliser le PRACK » et que « l’objet débattu entre Free et Orange était le droit pour Free de proposer une offre d’interconnexion exigeant l’utilisation du PRACK et non la tarification d’une option permettant de ne pas utiliser le PRACK. » 57.
La société Orange soutient au contraire que sa demande est recevable, au motif notamment que « l’échec des négociations commerciales sur l’ensemble des demandes formulées par Orange conduit à un désaccord concernant la conclusion de la convention d’interconnexion voix IP fixe et mobile de Free et la convention d’interconnexion voix TDM fixe et mobile de Free »58. Dans son mémoire en réplique, elle précise ne pas voir de « différence entre la rédaction de la demande 1.2 d’Orange du 20 juillet 2017 sur laquelle le différend s’est définitivement cristallisé entre Orange et Free et celle de sa saisine concernant la demande 1.2 »59. Elle demande en conséquence à l’Arcep de rejeter le moyen de Free tiré de l’irrecevabilité de cette demande.
Dans le cadre de l’appréciation de la recevabilité du différend dont elle est saisie, il revient à l’Autorité de s’assurer que la condition, prévue à l’article L. 36-8 du CPCE, tenant à l’échec des négociations sur les demandes dont elle est saisie est remplie, et ce, au regard des échanges intervenus entre les parties avant sa saisine.
En l’espèce, l’Autorité relève que, dans un premier courrier électronique adressé aux sociétés Free en date du 2 juin 2016, la société Orange indiquait notamment vouloir discuter « de points problématiques » dans l’offre d’interconnexion voix IP de Free Mobile, dont notamment de la
« nécessité d’un PRACK natif », tout en indiquant qu’un « courrier plus formel qui précisera en quoi les points listés ci-dessous sont problématiques pour Orange » leur sera adressé60.
Ainsi, dès le 16 juin 2016, elle reformulait et précisait sa demande dans un courrier électronique adressé aux sociétés Free, en lui demandant « de permettre l'adressage sans PRACK sans majoration tarifaire » dans son offre d’interconnexion en mode IP mobile61. Puis, dans un courrier daté du 24 novembre 2016 adressé à Free Mobile, elle réitérait sa demande dans des termes similaires : « nous vous demandons de modifier votre offre d'interconnexion afin de rendre le PRACK optionnel, et ainsi de supprimer toute majoration tarifaire relative à l'utilisation de sessions sans PRACK ». Elle mettait également en demeure Free Mobile de lui communiquer une nouvelle offre avant le 31 décembre 201662.
Par un courrier en date du 5 décembre 2016 relatif à leurs offres d’interconnexion en mode IP fixe et mobile, les sociétés Free répondaient à ce dernier courrier en indiquant notamment que le PRACK permet, selon elles, de garantir une meilleure qualité de service, et que, de ce fait, la demande d’Orange relative au « PRACK obligatoire » est « sans fondement » et n’est par ailleurs étayée d’aucune explication technique63.
En réponse, la société Orange relevait notamment, dans son courrier en date du 29 mai 2017, que
« vous avez répondu [à nos demandes] qu’aucun point structurant de votre offre et notamment […] le PRACK […] ne ferait l’objet d’évolutions de la part de Free ». Par un courrier en date du 13 juillet 2017 portant sur les offres d’interconnexion IP fixe et mobile des sociétés Free, la société Orange rappelait sa demande relative au PRACK formulée dans son courrier du 24 novembre 2016 précité ainsi que le refus de Free exprimé dans son courrier du 5 décembre 2016. Elle expliquait avoir continué de négocier de bonne foi au cours du mois de juin 2017 mais s’être vue opposer un refus à ses demandes lors d’une réunion le 28 juin 2017. En conséquence, elle « constat[ait] formellement l’échec des négociations concernant [ses] demandes 1, 2 et 3 »64.
Le 20 juillet 2017, les sociétés Free répondaient à la société Orange en indiquant prendre acte de son courrier du 13 juillet 2017 les « informant d’un échec des négociations concernant [ses] demandes d’évolution des conditions d’interconnexion en mode IP aux réseaux de Free et Free Mobile […] » et ajoutait notamment qu’il n’avait « pas été possible de parvenir à un accord »65.
Il ressort de ce qui précède que la société Orange a, de façon constante depuis le 16 juin 2016, demandé à Free Mobile puis aux deux sociétés Free de pouvoir s’interconnecter avec elles sans PRACK sans « majoration tarifaire ».
En outre, il convient de relever que les offres de référence d’interconnexion en mode IP fixe et mobile du 20 mai 2016 de Free66 proposent une prestation payante permettant de s’interconnecter sans PRACK. Ainsi, Orange disposait dès le 20 mai 2016 de la faculté de s’interconnecter avec Free sans PRACK, moyennant le paiement de cette prestation.
Compte-tenu de ces éléments, il apparaît que, préalablement à la saisine, les demandes d’Orange ont tendu à ce que les sociétés Free lui proposent une convention d’interconnexion prévoyant des conditions tarifaires différentes de celles proposées dans leurs offres de référence d’interconnexion du 20 mai 2016 pour s’interconnecter avec elles sans PRACK. Le différend entre les parties était donc de nature tarifaire ; l’Autorité considère que la circonstance que la prestation d’interconnexion sans PRACK proposée dans les offres de référence de Free corresponde au fonctionnement par défaut ou soit proposée en option est à cet égard indifférente.
Or, dans sa saisine enregistrée à l’Autorité le 19 octobre 2017, la société Orange demande à l'Arcep « d'imposer à Free de modifier son offre d'interconnexion IP fixe et mobile afin de rendre l'option sans PRACK disponible, sans majoration tarifaire pour Orange »67. Cette demande caractérise de la même manière un différend tarifaire entre les parties, compte-tenu de l’existence d’une option « sans PRACK » payante dans les offres d’interconnexion en mode IP de Free du 20 mai 2016.
En outre, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient Free, Orange ne lui a pas demandé qu’il soit interdit pour ces sociétés de proposer une offre demandant d’utiliser le PRACK.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’Autorité considère que la demande formulée par la société Orange dans le cadre des négociations préalables à la saisine ne diffère pas de celle dont elle est saisie dans le cadre du présent règlement de différend et que l’échec des négociations sur la demande de la société Orange relative au PRACK est avéré.
Le moyen de Free tiré de ce que la saisine de la société Orange serait irrecevable en raison de l’absence d’échec des négociations sur la demande formulée par Orange dans sa saisine de l’Autorité doit ainsi être écarté.
3.3.3 Sur le fond
À titre liminaire, Free fait valoir que la méthode PRACK est nécessaire au fonctionnement du réseau de Free. Free indique en effet que « les équipements de Free sont aujourd’hui configurés pour fonctionner avec le PRACK. Des développements sont nécessaires pour disposer de la fonctionnalité sans PRACK pour les appels entrants. En l’absence de PRACK reçu du réseau d'Orange, les équipements de Free devront créer ces messages correspondants vers le réseau de Free et supprimer les messages vers le réseau d'Orange, ce qui consomme de la ressource dans les SBC de Free. L’option sans PRACK est donc coûteuse pour Free »68. Plus précisément, la mise en œuvre d’une interconnexion avec Orange sans PRACK entraînerait selon Free une surcharge de ses équipements qu’elle estime entre […] et un surcoût du même ordre69.
A l’inverse, l’Autorité constate que le réseau d’Orange fonctionne sans la méthode PRACK, et qu’en pratique Orange ne génère pas par défaut les messages PRACK.
Dans le cadre de ses offres d’interconnexion faites à Orange, Free demande donc à ce dernier, en tant qu’acheteur, de s’adapter, à ses frais, afin que la fonctionnalité PRACK soit utilisée in fine pour la terminaison des appels sur les réseaux de Free. Ainsi, Orange a le choix entre deux options : soit choisir l’option « avec PRACK » incluse dans le tarif d’acheminement des appels de l’offre d’interconnexion, ce qui implique pour Orange de générer lui-même les messages PRACK sur son réseau, soit choisir l’option payante « sans PRACK », auquel cas c’est Free qui générera les messages PRACK sur son réseau. Dans le premier cas, Orange supporte un coût d’adaptation sur son réseau, dont Orange n’a pas fourni d’estimation70. Ce dernier indique toutefois que l’introduction du PRACK induirait des évolutions de ses équipements installés chez ses utilisateurs finaux ainsi que de certains équipements de cœur de réseau, tels que ses SBC, dont la charge serait augmentée de […]%71. Dans le second cas, Orange doit rémunérer Free à hauteur de 250€ par tranche de 100 sessions72 par trimestre. Compte tenu du nombre de sessions IP nécessaire à l’interconnexion avec Free pour 2018/201973 environ […] sessions, l’Autorité estime que le coût de souscription à l’option « sans PRACK » pour Orange serait de l’ordre de […]par an.
Dans un premier temps, l’Autorité constate que les recommandations élaborées par la FFT et l’Union Internationale des Télécommunications (ci-après « UIT ») appréhendent le PRACK comme une méthode optionnelle possible, sans pour autant l’imposer.
Ainsi, la FFT, dans son document « Interface Specification based on SIP-I, Doc 11.001 v1.2 », recommande par défaut la non mise en œuvre du PRACK et indique que le choix de la méthode PRACK est possible, sous réserve d’un accord bilatéral entre l’acheteur et le vendeur de terminaison d’appel : « les règles supplémentaires d’offres et de réponses définies dans les [RFC 3262] et [RFC 3311] peuvent être utilisées par accord bilatéral mais sont hors du domaine d’application du présent document »74.
À l’échelle internationale, il convient de noter, comme le fait Orange75, que la recommandation Q. 1912.5 de l’UIT76 considère le PRACK comme optionnel dans le cadre d’une interconnexion en SIP-I.
Si Free indique77 que la méthode PRACK est obligatoire dans certains pays (Italie, Suisse et Nouvelle Zélande), l’Autorité remarque qu’à l’inverse, elle n’est pas imposée dans d’autres pays européens dans lesquels des spécifications techniques ont été rendues obligatoires ou ont fait l’objet de recommandations du régulateur. À titre d’exemple, la méthode PRACK est optionnelle (c’est-à-dire mise en œuvre sur accord bilatéral) en Espagne suite aux travaux de normalisation du SIP-I menés par le régulateur espagnol78 et n’est pas mentionnée dans les recommandations sectorielles en Autriche79 ou au Luxembourg80.
Dans un deuxième temps, il apparaît que les sociétés Free sont à ce jour les seules à proposer en France métropolitaine des offres d’interconnexion IP pour la terminaison d’appel vocal imposant aux acheteurs la mise en œuvre de la fonctionnalité PRACK ou le paiement de frais supplémentaires dans le cas où l’option « sans PRACK » est souscrite.
À cet égard, l’Autorité relève en particulier que les principaux opérateurs de France métropolitaine, exception faite des sociétés Free, ne prévoient pas dans leurs offres d’interconnexion IP la mise en œuvre de la méthode PRACK. Ainsi, ni Orange ni Bouygues Telecom n’évoquent la méthode PRACK dans les spécifications techniques de leurs offres d’interconnexion respectives à leurs réseaux fixes et mobiles81. SFR indique quant à elle explicitement dans les spécifications techniques de son offre d’interconnexion à ses réseaux fixe et mobile ne pas supporter la méthode PRACK82.
Dans un troisième temps, l’Autorité constate que la mise en œuvre de la méthode PRACK relève d’un choix technique de Free, dont elle indique pouvoir retirer un avantage commercial.
Comme indiqué précédemment, la méthode PRACK est une méthode définie dans les recommandations de l’UIT (Q. 1912.5) comme optionnelle pour les opérateurs, afin de fiabiliser l’envoi des messages de type « réponse provisoire » en palliant la perte de paquets.
Free indique que le choix de la méthode PRACK lui permet de ne pas avoir de régression de fonctionnalités sur ses interconnexions IP par rapport au mode TDM, c’est-à-dire de pouvoir proposer les mêmes services en TDM et en IP. Free fait valoir que cela lui permet in fine de se différencier sur le marché de détail en proposant une meilleure qualité de service et des services complexes. Plus précisément, Free indique que la méthode PRACK lui permet de proposer des services tels que « la mise en attente d’un numéro correspondant », « les renvois vers un numéro de l’opérateur d’interconnexion » et « la tonalité de retour d’appel personnalisée »83. Selon Free, le service de retour d’appel personnalisé nécessite la méthode PRACK : sans celle-ci « les services de retour d’appel personnalisés (avant que l’appel soit établi) ne pourront plus fonctionner car la tonalité de retour d’appel est jouée par le réseau appelant et non plus par le réseau appelé comme c’était le cas en TDM »84. Free indique que le service de retour d’appel personnalisé « peut pourtant constituer un élément différenciant sur le marché de détail »85.
Cependant, l’Autorité constate que la nécessité du PRACK pour la mise en œuvre de ces services est contestée par Orange, qui n’a pas mis en œuvre cette fonctionnalité sur son réseau propre. Cette dernière indique, d’une part, que « le service de mise en attente d’un numéro correspondant ou que le service de renvois vers un numéro de l’opérateur d’interconnexion, ne nécessitent en aucun cas l’usage du PRACK », et d’autre part, que le service de tonalité de retour d’appel peut être mis en œuvre sans le PRACK86. En effet, Orange affirme que pour ces services « les standards 3GPP n’imposent pas l’usage du PRACK et définissent des mises en œuvre sans le PRACK »87.
Enfin, l’Autorité constate que Free peut remédier aux éventuelles régressions fonctionnelles générées par l’absence de PRACK pour les appels entrants d’Orange en IP en générant elle-même les messages PRACK correspondants vers son réseau. En effet, Free accepte déjà la livraison des appels sans la surcouche fonctionnelle PRACK mais facture néanmoins dans ce cas à Orange des frais supplémentaires, qui font l’objet du présent différend.
Or, comme indiqué précédemment, Free et Free Mobile sont soumises, au titre de leur puissance significative sur, respectivement, le marché de la terminaison d’appel vocal sur son réseau fixe et sur le marché de la terminaison d’appel vocal sur son réseau mobile, à l’obligation de faire droit à toute demande raisonnable d’accès aux prestations de gros de terminaison d’appel vocal fixe et mobile sur leurs réseaux. Cette obligation porte notamment sur les modalités d’architecture d’interconnexion et les spécifications techniques associées aux prestations offertes, dans la mesure où les choix des sociétés Free en tant qu’opérateurs vendeurs génèrent des externalités pour les opérateurs acheteurs comme Orange, qui sont amenés à investir en fonction de ces choix.
En l’espèce, il n’apparaît pas raisonnable que Free impose une majoration tarifaire à Orange pour la fourniture d’une prestation d’interconnexion sans PRACK. En effet, s’il est loisible à Free de faire le choix technique du PRACK et de le valoriser du point de vue commercial en proposant une qualité de service améliorée et des services complexes à ses clients de détail, ce choix librement effectué par Free ne saurait justifier la facturation d’une prestation spécifique d’interconnexion « sans PRACK » à Orange, alors que Free, qui est en situation de monopole sur le marché des prestations de terminaison d’appel sur son réseau, peut en tirer un avantage concurrentiel.
3.3.4 Conclusion
Compte tenu de ce qui précède, et au regard des objectifs de l’article L. 32-1 du CPCE, notamment ceux mentionnés aux 1° et 2° du III, comme des obligations réglementaires qui s’imposent à Free, notamment l’obligation de faire droit à toute demande raisonnable d’accès aux prestations de gros de terminaison d’appel sur leurs réseaux respectifs, l’Autorité estime que la demande d’Orange est justifiée et raisonnable et qu’il est équitable d’enjoindre aux sociétés Free de proposer à Orange des conventions d’interconnexion IP pour la terminaison de ses appels vocaux sur leurs réseaux fixe et mobile lui permettant de s’interconnecter avec elles sans PRACK sans majoration tarifaire.
3.4 Sur la demande 1.3 portant sur le mode de transport du DTMF
Orange demande à l’Arcep d’enjoindre à Free de modifier « son offre d’interconnexion IP fixe et mobile afin d’accepter le transport du DTMF en Tel Event only sans majoration tarifaire pour Orange ».
3.4.1 Contexte
À titre liminaire, l’Autorité tient à rappeler l’origine des « Dual Tone MultiFrequency » (ci-après « DTMF ») et les problématiques que soulève leur transmission avec le développement de différents formats de codage de la voix.
a) Formats de codages de la voix
Ainsi que l’évoque sa recommandation G. 71188 du 25 novembre 1988, l’UIT a défini les caractéristiques d’un format de codage précisant la manière de numériser la voix afin de la transporter à travers les réseaux téléphoniques commutés (ou « RTC »).
Afin d’assurer l’interopérabilité et d’éviter les coûts liés aux plates-formes de transcodage, tous les réseaux téléphoniques de technologie RTC (antérieurs aux années 2000) utilisaient le format de codage G. 711 pour la voix.
Avec le développement de la technologie VoIP (Voice over IP ou voix sur IP) à partir des années 2000, tout d’abord dans des solutions de voix sur Internet (c’est-à-dire via l’utilisation d’un logiciel ou d’une application) puis dans les réseaux des opérateurs téléphoniques, a été introduite la possibilité pour l’opérateur de l’appelant et l’opérateur de l’appelé de déterminer au début de chaque appel, lors d’une phase appelée « négociation SDP » durant quelques millisecondes, les paramètres de cet appel. Les paramètres résultant de cette négociation dépendent des capacités des terminaux appelant et appelé mais également de celles des réseaux. Cette négociation permet notamment de choisir conjointement un format de codage voix qui peut être différent du format G. 711. Parmi les codages alternatifs au G. 711, peuvent être cités :
- le codage G. 72289 qui permet d’améliorer la qualité de la voix numérisée ;
- le codage G. 72990 qui permet de compresser le flux voix pour en réduire le débit.
b) Transmission des DTMF
Avec l’apparition des téléphones à clavier à la fin des années 1980, est apparu le besoin de transmettre, à travers les réseaux téléphoniques, l’information concernant les appuis éventuels de l’utilisateur final sur les touches de son clavier téléphonique. Répondre à ce besoin fut déterminant pour le développement des serveurs vocaux interactifs dont le fonctionnement est déterminé en fonction des touches choisies par l’appelant en cours de communication téléphonique91.
Afin d’y répondre, l’UIT a défini, dans sa recommandation Q. 2392 du 25 novembre 1988, un système de signalisation à fréquences vocales pour appareils téléphoniques à clavier afin de transmettre, à travers les réseaux téléphoniques, l’information concernant les appuis éventuels de l’utilisateur final sur les touches de son clavier téléphonique.
En pratique, il s’agit pour le téléphone à clavier d’émettre pour chaque touche appuyée « un code multifréquences dans lequel le signal de numérotation se compose de deux fréquences [ou tonalités] émises simultanément »93 choisies conformément au schéma ci-dessous. Ce codage multifréquences correspond au DTMF (acronyme anglais de Dual Tone MultiFrequency).
À titre d’exemple, l’appui sur la touche « 1 » se traduit par un signal sonore, audible par l’utilisateur, composé de 2 tonalités ayant pour fréquences respectives 697 Hz et 1209 Hz.
Les tonalités choisies pour le codage DTMF dans la recommandation Q. 23 de l’UIT ont été définies pour fonctionner dans la bande de fréquences prévue par le format de codage de la voix décrit dans la recommandation G. 711 de l’UIT datant de 1988 définissant la manière de numériser la voix afin de la transporter à travers les réseaux téléphoniques commutés.
Les tonalités représentant les DTMF étant transportées de la même manière, c’est-à-dire dans le même canal, que la parole des utilisateurs, elle-même encodée grâce au format de codage G. 711, la recommandation Q. 23 prévoit donc une transmission des DTMF dans la bande de fréquences correspondant au format de codage G. 711 ou, autrement dit, un transport des DTMF « dans la bande G. 711 ».
Toutefois, avec le développement de la technologie VoIP à partir des années 2000 offrant la possibilité d’utiliser des formats de codage de la voix différents du G. 711 (cf. 3.4.1a) ), l’utilisation de la recommandation Q. 23 comme canal de transmission des DTMF a pu générer des problèmes, en particulier en cas d’utilisation d’un format de codage bas débit tel que le G. 729.
Pour cette raison, l’IETF94 a spécifié dans le document RFC 473395 des solutions alternatives permettant de pallier ces problèmes en transmettant l’information des DTMF relative à l’appui des touches dans un canal de transmission IP distinct de celui utilisé pour la parole.
En effet, ainsi que l’indique la RFC 4733, l’utilisation d’un « codage bas débit de la voix ne permet pas de garantir que les tonalités seront reproduites de manière suffisamment fidèle pour permettre une reconnaissance automatique »96. Autrement dit, il ressort de la RFC 4733 que les codages ayant un fort niveau de compression peuvent dégrader le signal de manière trop importante et ne permettent plus d’utiliser le système de signalisation à fréquences vocales défini par la recommandation Q. 23 de l’UIT précitée.
En cas d’utilisation d’un format de codage de la voix à fort niveau de compression, c’est-à-dire un format de codage de la voix différent du G. 711, la RFC 4733 présente97 ainsi trois méthodes permettant de transporter les tonalités, et donc les DTMF puisque ces derniers sont constitués de deux tonalités :
- bascule vers un format de codage de la voix de débit supérieur tel que le G. 711 quand il est nécessaire de transmettre des tonalités. Ce changement de codage peut s’effectuer au niveau des terminaux ou au sein d’une passerelle de transcodage située dans le réseau ;
- mode Tone Event : transmission des caractéristiques des tonalités, fréquences et durées, dans un flux de messages dits « RTP98 » dont le format est décrit dans la section 4 de la RFC 4733 ;
- mode Tel Event : transmission de la signification des tonalités (par exemple : appui sur la touche « 0 ») dans un flux de messages dits « RTP » dont le format est décrit dans la section 2 de la RFC 4733.
L’utilisation de la première méthode supprime la cause du problème de transmission des DTMF lié à la compression en basculant vers un codage à débit supérieur compatible avec la recommandation Q. 23 de l’UIT. Les deux autres méthodes, décrites par la RFC 4733, prévoient la mise en place pour les DTMF d’un canal de transmission distinct de celui utilisé par la voix afin de ne pas subir les déformations induites par le codage de la voix à fort niveau de compression.
c) Synthèse
Alors que la méthode Q. 23 pour transmettre les DTMF dépend fortement du format du codage choisi pour la voix puisque voix et DTMF sont transmis dans le même canal, la méthode RFC 4733 est indifférente au choix du format de codage utilisé pour la voix puisqu’elle permet de séparer les canaux de transmission de la voix et de la DTMF.
Le tableau ci-après récapitule les compatibilités entre format de codage voix et modalités de transmission des DTMF.
3.4.2 Recevabilité
Les sociétés Free soutiennent que la demande de la société Orange relative au DTMF est irrecevable en raison de la différence d’objet alléguée entre la demande de cette société formulée dans le cadre des négociations préalables à la saisine de l’Autorité et la demande formulée par cette dernière dans cette saisine. Elles demandent par conséquent à l’Autorité de constater l’absence d’échec des négociations sur cette demande.
Elles soutiennent en particulier que « la demande initiale formulée par la société Orange ″de ne pas déroger aux principes de la RFC 4733″ et la demande de la saisine ″d’accepter le transport des DTMF en Tel Event only sans majoration tarifaire pour Orange″ »99 sont substantiellement différentes. Ainsi, selon elles, la demande formulée par Orange serait nouvelle car, « d’une part, il ne s’agit plus pour Free et Free Mobile de proposer une option supplémentaire gratuite, mais de modifier les caractéristiques fondamentales de leur offre d’interconnexion IP. D’autre part, et d’un point de vue technique, il ne s’agit plus de demander à Free et Free Mobile de recevoir les DTMF en telephone- event mais de ne recevoir que les DTMF en telephone-event (« Tel Event only ») ».100 La demande d’Orange telle qu’elle est formulée dans sa saisine ajouterait donc, selon elles, une « condition supplémentaire » à sa demande initiale : « Free ne doit plus demander en parallèle l’envoi des DTMF en G. 711 […] Orange demande en plus qu’il soit interdit à Free de demander l’envoi en parallèle des DTMF en G. 711 […] » 101.
Orange soutient au contraire que sa demande est recevable, au motif notamment que « l’échec des négociations commerciales sur l’ensemble des demandes formulées par Orange conduit à un désaccord concernant la conclusion de la convention d’interconnexion voix IP fixe et mobile de Free et la convention d’interconnexion voix TDM fixe et mobile de Free »102. Dans son mémoire en réplique, elle ajoute que sa « demande initiale n’a pas évolué : elle est simplement explicitée plus clairement. Orange demande toujours le support de la RFC 4733 par Free conformément aux recommandations sectorielles […]»103.
En premier lieu, il convient de relever que les offres d’interconnexion fixe et mobile du 20 mai 2016 de Free104 prévoient que « le transport des DTMF se fera dans la bande dans le codec G. 711 [c’est-à- dire selon la recommandation Q. 23]. La [RFC 4733] n’est pas supportée ».
Les négociations entre les parties se sont engagées au regard des caractéristiques de ces offres, et plus particulièrement de la non-application de la RFC 4733.
Dans son courrier électronique du 2 juin 2016, Orange indiquait vouloir discuter de « points qui nous paraissent d’ores et déjà problématiques », concernant notamment les « aspects protocolaires non RFC 4733 (DTMF in band, […]) ». Dans ses courriers en date du 16 juin 2016105 et du 24 novembre 2016 adressés à Free Mobile, Orange indiquait vouloir s’en tenir aux recommandations de la FFT et indiquait dans ce dernier courrier « qu’à ce titre, elle refus[ait] de déroger aux principes de la RFC 4733 ». Elle demandait en conséquence à Free Mobile de modifier son offre d’interconnexion « afin de ne faire figurer cette dérogation que de façon optionnelle, et sans surcoût pour Orange » 106. Elle mettait également en demeure Free Mobile de lui communiquer une nouvelle offre avant le 31 décembre 2016.
En réponse à cette demande, les sociétés Free indiquaient dans leur courrier en date du 5 décembre 2016, concernant leurs offres d’interconnexion en mode IP fixe et mobile, ne pas voir de « difficultés pour Orange à gérer les DTMF in band », puisque « sur les interconnexions TDM existantes, les DTMF in band G. 711 sont utilisées »107.
Dans son courrier du 13 juillet 2017 portant sur les offres d’interconnexion IP fixe et mobile des sociétés Free, Orange rappelait sa demande relative au DTMF formulée dans son courrier du 24 novembre 2016 précité ainsi que le refus de Free exprimé dans son courrier du 5 décembre 2016. Elle expliquait avoir continué de négocier de bonne foi au cours du mois de juin 2017 mais s’être vu opposer un refus à ses demandes lors d’une réunion le 28 juin 2017. En conséquence, elle « constat[ait] formellement l’échec des négociations concernant [ses] demandes 1, 2 et 3 »108.
Le 20 juillet 2017, les sociétés Free répondaient à la société Orange en indiquant prendre acte de son courrier du 13 juillet 2017 les « informant d’un échec des négociations concernant [ses] demandes d’évolution des conditions d’interconnexion en mode IP aux réseaux de Free et Free Mobile […] » et ajoutait notamment qu’il n’avait « pas été possible de parvenir à un accord »109.
Compte-tenu de ces éléments, il apparaît que, préalablement à la saisine de l’Autorité, les demandes d’Orange ont tendu à ce que, dans le cadre de son interconnexion en mode IP avec les sociétés Free, ces dernières mettent en œuvre la RFC 4733 sans surcoût. L’Autorité considère que la circonstance que cette spécification technique corresponde au fonctionnement par défaut ou soit proposée en option dans les offres de référence des sociétés Free est à cet égard indifférente.
En second lieu, il convient de relever que la RFC 4733 définit et décrit deux modes de transmission possibles des DTMF pour pallier les problèmes rencontrés avec l’utilisation de formats de codage bas débit pour la voix – le mode « Telephone-Event » et le mode « Tone-Event » – et n’exige pas l’envoi en double des DTMF. La RFC 4733 permet ainsi l’envoi des DTMF dans le seul mode « Tel Event » ou dans le seul mode « Tone Event ».
Or, dans sa saisine enregistrée à l’Autorité le 19 octobre 2017, la société Orange demande à l’Arcep d’enjoindre à Free de modifier ses offres d’interconnexion IP fixe et mobile « afin d’accepter le transport des DTMF en Tel Event only sans majoration tarifaire pour Orange »110, c’est-à-dire dans le seul mode Tel Event et sans devoir envoyer les DTMF simultanément dans la bande G. 711 (c’est-à- dire selon la recommandation Q. 23), ce que permet la RFC 4733.
Compte tenu, d’une part, de la teneur des offres d’interconnexion de Free, qui ne prévoient que le mode de transmission des DTMF dans la bande G. 711 et excluent l’application de la RFC 4733, d’autre part, du contenu même de la RFC 4733 et, enfin, des échanges préalables à la saisine rappelés ci-dessus, l’Autorité considère que la demande formulée par Orange dans sa saisine et portant sur l’utilisation du seul mode Tel Event est comprise dans le périmètre des négociations ayant échoué111, qui ont porté sur la mise en œuvre de la RFC 4733, laquelle décrit le mode Tel Event et le mode Tone Event. Ainsi, elle considère que l’échec des négociations entre les parties est avéré.
Le moyen des sociétés Free tiré de ce que la saisine d’Orange serait irrecevable en raison de l’absence d’échec des négociations sur la demande formulée par Orange dans sa saisine de l’Autorité doit ainsi être écarté.
3.4.3 Sur le fond
À titre liminaire, l’Autorité rappelle que les offres d’interconnexion des sociétés Free112 indiquent que :
- en ce qui concerne les codecs voix, « le codec utilisé à l’interconnexion est G. 711 loi A avec un temps de paquétisation de 20 ms » ;
- en ce qui concerne les DTMF, « le transport des DTMF se fera dans la bande dans le codec G. 711. La [RFC 4733] n’est pas supportée ».
L’Autorité rappelle également que la demande d’Orange ne porte que sur les modalités de transmission des DTMF, et non sur le format de codage de la voix utilisé pour l’interconnexion avec les sociétés Free.
En premier lieu, il ressort des éléments développés ci-après que l’argument d’Orange relatif à son incapacité dans certains cas à transmettre à l’interconnexion avec Free les DTMF dans la bande
G. 711, c’est-à-dire conformément à la recommandation Q. 23 de l’UIT, n’est pas fondé.
D’une part, l’Autorité relève que le choix, non contesté par Orange, des sociétés Free de ne proposer à l’interconnexion que le format de codage G. 711 pour la voix ne présente pas d’incompatibilité avec le mode de transmission des DTMF défini dans la recommandation Q. 23 (dans la bande G. 711).
D’autre part, l’Autorité relève que, dans sa saisine113 et dans sa réponse au questionnaire114, Orange n’indique que deux cas pour lesquels « Orange ne sait pas fournir les DTMF dans la bande en G. 711 :
1. Cas de clients ayant des faibles débits et utilisant le codec G. 729 pour la communication (…).
2. Cas des multiples PBX entreprise qui ne supportent que les DTMF en mode Tel Event. Orange a notamment identifié les industriels de PBX suivants : […] mais la liste n’est peut-être pas exhaustive (…) ».
Cette affirmation est contestée par Free115, puisqu’il considère qu’aucune contrainte technique n’empêche Orange d’envoyer les DTMF en mode G. 711 : « Orange est tout à fait en mesure d’envoyer les DTMF en G. 711 ».
Sur la possibilité pour Orange d’envoyer les DTMF en mode G. 711, l’Autorité considère que le livre blanc de 2017 intitulé « Transition du RTC vers la voix sur IP »116 publié par la FFT, dont Orange est membre, permet d’apporter un éclairage utile.
En effet, ce document indique, en particulier117, que « les impulsions DTMF sont codées d’une façon différente de la voix sur IP : ces signaux sont détectés, extraits, envoyés sous une forme numérique sur le réseau IP dans un canal distinct de la voix, et reconvertis en signal analogique en sortie ». Il décrit en outre un mécanisme de conversion, qui « consiste donc à détecter automatiquement les fréquences DTMF à l’émission [c’est-à-dire les DTMF transmis dans la bande selon la recommandation Q. 23] et à recoder les valeurs correspondantes (chiffres 0 à 9, capitales A, B, C, D et les caractères spéciaux * et #) dans un canal de données distinct de la voix, puis effectuer la procédure inverse à la réception » [soulignement ajouté] (cf. schéma ci-après). Il y est précisé que « ce mécanisme de codage dénommé « Telephone Event » est défini dans le standard RFC 4733 ».
Ainsi, il ressort de ces éléments qu’il existe des solutions techniques permettant aux opérateurs de convertir des DTMF reçues dans la bande G. 711 (c’est-à-dire selon la recommandation Q. 23) pour les retransmettre en mode Tel Event tel que défini par la RFC 4733 et réciproquement. En outre, ce livre blanc indique que le mécanisme de conversion susmentionné est le « standard actuel du marché français, mis en œuvre par les opérateurs de réseaux de voix sur IP adhérents à la FFTelecoms », dont l’opérateur Orange fait partie.
Dans ces conditions, l’Autorité considère que, si certains clients d’Orange (« clients ayant des faibles débits » et « multiples PBX entreprise » (cf. supra)) ne peuvent d’après elle pas émettre par eux- mêmes des DTMF dans la bande G. 711 (selon la recommandation Q. 23) et peuvent uniquement émettre en mode Tel Event, les mécanismes de conversion technique évoqués dans le livre blanc suscité permettent à Orange d’effectuer la conversion nécessaire pour transmettre ces DTMF dans la bande G. 711 à Free. Autrement dit, il existe des solutions techniques permettant à Orange de livrer à l’interconnexion avec Free des DTMF dans la bande G. 711 pour ses clients ne pouvant produire des DTMF qu’en mode Tel Event.
Au regard des éléments précédemment exposés, l’Autorité considère que la justification apportée par Orange au soutien de sa demande consistant dans son incapacité dans certains cas à transmettre à l’interconnexion des DTMF dans la bande G. 711 n’est pas fondée. En conséquence, l’argument évoqué par Orange lors de l’audience qui s’est tenue le 29 mars 2018, selon lequel refuser de faire droit à sa demande pourrait conduire à la placer en situation de méconnaître ses obligations en tant qu’opérateur chargé du service universel118, n’est pas non plus fondé.
En deuxième lieu, concernant l’évaluation du coût nécessaire pour transmettre les DTMF uniquement dans la bande G. 711, l’Autorité relève que, selon Orange, « la question principale n’est pas une question de coûts mais de faisabilité pour un certain nombre de clients »119. La société Orange n’a donc pas fait état d’un coût de mise en œuvre important, contrairement aux sociétés Free, selon lesquelles la mise en œuvre du mode Tel Event nécessiterait de « remplacer l’intégralité de son réseau »120 (équipements de cœur de réseau et équipements installés chez ses utilisateurs finaux). Elles estiment que sur le seul périmètre de leur cœur de réseau, cela représenterait un coût de mise en œuvre du mode Tel Event évalué à […] d’euros.
En dernier lieu, l’Autorité constate que, depuis sa publication de 2014 recommandant le recours exclusif au mécanisme « Tel Event » pour transmettre les DTMF121, la FFT a fait évoluer sa position.
En effet, le livre blanc de la FFT précité, relatif à la transition RTC vers IP, publié 3 ans plus tard en 2017, indique que le mécanisme Tel Event est « incompatible » avec certains usages et préconise la solution suivante122 :
« Les impulsions DTMF sont transmises comme tout signal audio sans traitement particulier.
- le codeur G. 711 doit être sélectionné (l’établissement d’une session de VoIP au moyen du protocole SIP permet en standard la négociation du codeur)
- le codage spécifique des DTMF, appelé « Telephone Event », n’est pas activé. »
Compte tenu de la diversité des situations possibles, ce livre blanc identifie une « piste de solution par négociation dynamique » du mode de transmission des DTMF : « À l’établissement d’une session de voix sur IP entre un émetteur [Orange, en l’espèce] et un récepteur [Free, en l’espèce] via un réseau IP, le protocole SIP123 invite chaque élément de la chaine à signaler s’il supporte ou non le codeur « Telephone Event », dont il est précisé que « ce codeur a été conçu pour les cas d’usage avec des serveurs vocaux interactifs ».
Cette proposition du livre blanc est cohérente avec la réponse du Groupe de Travail Interco IP de la FFT en date du 21 décembre 2017 faisant suite à la réponse du groupe Iliad à la consultation publique de la FFT sur une nouvelle version du profil SIP (version 2.0.1.8), dans laquelle il est mentionné que « comme suggéré par Iliad, l’opérateur d’arrivée [Free, en l’espèce] peut choisir le mode de transport de DTMF en fonction du besoin, mais il doit le faire le plus tôt possible lors de la négociation SDP »124. Autrement dit, selon cette réponse, l’opérateur d’arrivée a la possibilité d’utiliser la méthode de son choix pour le transport des DTMF.
En outre, cette réponse est cohérente avec la RFC 4733, laquelle préconise que, durant la phase de sélection des paramètres de l’appel entre l’expéditeur (Orange, en l’espèce) et le destinataire (Free, en l’espèce), le premier doit se restreindre aux choix proposés par le second : « l’expéditeur DEVRAIT indiquer les types d’évènements supportés, en utilisant le paramètre optionnel « event » associé au type de media telephone-event. Si l’expéditeur reçoit un paramètre « events » de la part du destinataire, il DOIT restreindre la liste des évènements qu’il envoie à ceux listés dans le paramètre « events » reçu125 ».
3.4.4 Conclusion
Compte tenu de ce qui précède et au regard des objectifs de l’article L. 32-1 du CPCE, notamment ceux mentionnés aux 1° et 2° du III, comme des obligations réglementaires qui s’imposent à Free et Free Mobile, l’Autorité estime que la demande d’Orange n’est pas justifiée. Elle sera ainsi rejetée.
3.5 Sur la demande 1.4 portant sur la mise en conformité à certains standards et normes
Orange demande à Free de modifier son offre d’interconnexion IP fixe et mobile afin de se conformer aux standards et normes énumérés ci-après, et ce sans majoration tarifaire pour Orange :
1. l’interdiction de l’usage de multiple early dialog en SIP-I ;
2. l’usage de l’entête PRIVACY ne doit pas être rendu obligatoire ;
3. les 200 OK à l’INVITE ne doivent pas contenir un SDP conformément à la négociation SDP définie dans les normes IETF : RFC 3262 et RFC 3264 ;
4. l’utilisation de la méthode RE-INVITE en lieu et place de la méthode UPDATE.
3.5.1 Contexte
’ensemble des demandes composantes la demande 1.4 d’Orange porte sur des aspects protocolaires de l’offre d’interconnexion des sociétés Free.
La première demande porte sur l’interdiction de l’usage de multiple early dialog en SIP-I. Un dialogue représente une relation SIP établie entre deux utilisateurs et persistante dans le temps, permettant de faciliter le séquençage des messages et le routage correct des requêtes entre les utilisateurs. Un dialogue établi par une réponse dite non-finale à une requête est alors dans l’état « précoce » et est appelé « early dialog ». Ces notions sont définies dans la RFC 3261126.
La deuxième demande porte sur l’usage de l’entête PRIVACY. L’entête PRIVACY permet notamment, selon les valeurs de ce paramètre, la présentation ou le masquage du numéro de téléphone de l’appelant. Le différend soulevé entre les parties ne concerne que le service CLIR. Ce service, défini par l’UIT dans sa recommandation Q. 731.3, est un service supplémentaire offert à l’utilisateur appelant pour restreindre la présentation de son numéro à l’utilisateur appelé127. En ISUP128, cette information est transmise dans le message initial d’adresse via le sous-champ PRESENTATION INDICATOR, alors qu’en SIP, cette information est transmise via l’entête PRIVACY, définie dans la RFC 3323.
La troisième demande porte sur la négociation SDP. Comme défini dans la RFC 4566129, lors de l’initiation d’appels voix sur IP, il est nécessaire que les opérateurs s’échangent les informations sur les médias, les adresses de transport et les autres métadonnées de description de sessions. SDP correspond à un format d’échange de ces informations, indépendamment du mode de transport. Concernant l’initiation d’appels voix sur IP, l’opérateur appelant envoie un INVITE à l’opérateur appelé pour lui indiquer son intention d’effectuer un appel ; l’opérateur appelé lui envoie alors ensuite une réponse 200 OK pour lui indiquer que sa requête a abouti et a réussi.
La dernière demande porte sur l’utilisation de la méthode RE-INVITE en lieu et place de la méthode UPDATE. Ces méthodes servent à modifier des paramètres d’une session, comme l’utilisation de codecs particuliers. À titre d’exemple, cela peut être le cas lorsqu’un utilisateur souhaite ajouter de la vidéo à une session qui n’a été établie initialement que pour de l’audio. Il existe alors deux cas distincts : le premier a lieu lorsque la session n’a pas encore été établie tandis que le second a lieu lorsque la session a déjà été établie, pour lesquels il est possible d’utiliser soit la méthode UPDATE définie dans la RFC 3311, soit de générer un nouvel INVITE défini dans la RFC 3261.
3.5.2 Sur la recevabilité
a) Sur les points 1, 2 et 3 de la demande 1.4
Concernant les points 1, 2 et 3 de la demande 1.4, les parties ne contestent pas la recevabilité de ces demandes, qui ont bien fait l’objet d’un échec des négociations.
L’Autorité note en particulier que, même si la société Orange a relevé130 que lors des négociations préalables à la saisine de l’Autorité, les sociétés Free avaient indiqué au sujet de certains aspects protocolaires, dont les points précités, « que [c’étaient] des erreurs de leurs profils qui [devraient] être corrigées », les sociétés Free n’avaient pas modifié leurs offres sur ces points à la date de la saisine de l’Autorité.
Le différend entre les parties étant ainsi constitué à la date d’introduction de la saisine, les demandes d’Orange sont recevables.
b) Sur le point 4 de la demande 1.4
Par un courrier en date du 14 février 2018, les parties ont été informées que la présente décision était susceptible d'être fondée sur deux moyens, tirés de l'éventuelle irrecevabilité de deux demandes d’Orange, dont la demande formulée au point 4 de la demande 1.4.
Dans ses observations enregistrées à l’Autorité le 26 février 2018, la société Orange soutient que ni les services de l’Arcep ni l’Arcep ne peuvent soulever de moyen d’office. En effet, selon Orange, cette faculté n’est prévue par aucun texte et seules les parties peuvent soulever une irrecevabilité. Elle affirme également que le courrier de l’Arcep « porte atteinte au droit à un procès équitable et à l’impartialité des débats ». Enfin, s’agissant de la demande formulée au point 4 de la demande 1.4, elle maintient que cette demande a bien fait l’objet d’un échec des négociations et cite notamment, à l’appui de ses affirmations, les échanges de courrier entre Orange et Free en date des 13 et 20 juillet 2017131. Elle considère ainsi que sa demande est recevable.
L’Autorité rappelle, au préalable, que, conformément à l’article L. 36-8 du CPCE, elle ne peut se prononcer sur des règlements de différend que si la condition de recevabilité qui y est énoncée est remplie, à savoir qu’ « en cas de refus d'accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques ». En outre, l’article 12 du règlement intérieur de l’Arcep prévoit que le rapporteur « peut procéder en respectant le principe du contradictoire à toute mesure d’instruction qui lui paraîtrait utile ».
Ainsi, dans le cadre de l’instruction, les rapporteurs examinent si la condition de recevabilité prévue à l’article L. 36-8 est remplie. Conformément au règlement intérieur, ils peuvent, s’ils l’estiment utile, et dans le respect du contradictoire, procéder à toute mesure d’instruction à cet égard.
En l’espèce, les parties ont été informées dans le cadre de l’instruction que deux moyens, non relevés par les parties et portant notamment sur l’irrecevabilité de la demande formulée au point 4 de la demande 1.4 pour cause d’absence d’échec des négociations, étaient susceptibles de fonder la présente décision. Elles ont ainsi été mises en mesure de présenter leurs observations en réponse, dans le respect du contradictoire.
De plus, concernant la prétendue atteinte au droit à un procès équitable et à l’impartialité des débats, Orange soutient que ces moyens relevés d’office constitueraient un pré-jugement « en faveur de l’une des parties au différend dans la mesure où il expose avant dire droit qu’un moyen d’irrecevabilité pourrait être soulevé alors même que la partie défenderesse ne l’a jamais évoqué ».
Il convient cependant de relever que le courrier adressé aux sociétés Orange et Free, qui constitue une mesure d’instruction des rapporteurs, mentionnait que « la décision est susceptible d’être fondée sur deux moyens […] d’ordre public » [soulignement ajouté]. Ainsi, Orange n’est pas fondée à invoquer un préjugement de la part de l’Autorité.
Quant à l’argument d’Orange selon lequel les services de l’Arcep auraient, en relevant d’office une éventuelle irrecevabilité, pris « part au contentieux » alors que seules les parties pourraient, selon elle, soulever un tel moyen, l’Autorité rappelle, comme elle l’a fait ci-dessus, qu’il revient aux rapporteurs d’instruire la recevabilité du dossier et, s’ils l’estiment utile, de procéder à une mesure d’instruction à cet égard, que les parties aient ou non soulevé l’irrecevabilité d’une des demandes.
En l’espèce, l’Autorité constate que, dans sa saisine, Orange demande d’enjoindre à Free de modifier ses offres d’interconnexion en mode IP fixe et mobile afin de permettre « l’utilisation [sans majoration tarifaire] de la méthode RE-INVITE en lieu et place de la méthode UPDATE […] ».
Dans sa réponse en date du 16 janvier 2018 au premier questionnaire des rapporteurs, Orange a précisé que sa demande avait pour objet l’utilisation de la méthode RE-INVITE « APRES établissement d’appel », et que l’utilisation de cette méthode « AVANT établissement d’appel (ne fait pas partie du périmètre de la demande 1.4 d’Orange qui ne concerne qu’après établissement d’appel) ». Orange en conclut donc « qu’il pourra utiliser RE-INVITE au lieu d’UPDATE, conformément à sa demande 1.4 »132.
Mais il apparaît qu’aucune pièce du dossier portant sur la période antérieure à la saisine ne fait expressément référence à une demande d’Orange portant sur l’utilisation de la méthode RE-INVITE « après établissement d’appel »133, Orange ayant seulement demandé que Free se conforme aux recommandations de la FFT concernant la « Method UPDATE ».
Or Free a indiqué dans ses secondes observations en défense en date du 15 décembre 2017134 que « l’offre de Free et Free Mobile autorise bien l’utilisation du RE-INVITE après l’établissement de l’appel conformément à la RFC 3311 ».
Lors de l’audience qui s’est tenue le 29 mars 2018, les sociétés Free Mobile ont confirmé que RE- INVITE sera bien utilisée par Free après établissement d’appel.
En conséquence, l’Autorité constate l’accord des parties et estime que le différend n’a pas d’objet s’agissant de la demande d’Orange relative à la modification de l’offre d’interconnexion voix IP fixe et mobile de Free concernant l’utilisation de la méthode RE-INVITE. Il n’y a donc pas lieu de se prononcer sur cette demande.
3.5.3 Sur le fond
Concernant chacun des points 1 à 3 de la demande 1.4 d’Orange, les sociétés Free ont indiqué dans leurs premières observations en défense135 qu’ « il s’agi[ssait] d’une erreur, qui sera corrigée dans les offres de Free et Free Mobile ». Cependant, la société Orange a indiqué à l’Autorité136 dans son mémoire en réplique qu’« aucune mise à jour de [l’]offre [des sociétés Free] n’a été proposée à Orange ».
Suite à une question posée à ce sujet par les rapporteurs, les sociétés Free ont indiqué dans leur réponse au premier questionnaire137 que « les erreurs [seraient] corrigées dans la prochaine version des offres de référence ».
L’Autorité prend acte du fait que les sociétés Free ont reconnu des erreurs de leur part mais note qu’elles n’ont pas proposé de nouvelles conventions à Orange corrigeant celles-ci.
Ainsi, compte tenu de ce qui précède et au regard des objectifs de l’article L. 32-1 du CPCE, l’Autorité estime qu’il est équitable de faire droit aux demandes d’Orange et, par conséquent, d’enjoindre à Free et Free Mobile de proposer à Orange des conventions d’interconnexion conformes à celles-ci.
3.6 Sur la demande 1.5 portant sur les zones arrières
Orange demande à l’Arcep d’enjoindre à Free de « modifier son offre d’interconnexion IP fixe et mobile afin de supprimer le découpage en zones arrières ».
3.6.1 Contexte
Historiquement, avec les architectures réseaux dites « TDM », c’est-à-dire avant l’émergence des architectures réseaux dites « NGN » (next generation networks) et les interconnexions IP, les opérateurs fixes et mobiles favorisaient le routage local du trafic voix afin d’en limiter les coûts d’acheminement à travers leur réseau. Ils conditionnaient alors l’application des tarifs régulés de terminaison d’appel à la livraison par les opérateurs acheteurs de leur trafic de terminaison d’appel au plus près des appelés, quand leur localisation était identifiable grâce à leur numéro géographique, ou au plus près de l’appelant, quand l’appelé disposait d’un numéro mobile ou non géographique. Pour cela, chacun des principaux opérateurs avait établi de nombreux points d’interconnexion à travers le territoire métropolitain et rattaché à chacun d’eux une partie spécifique du territoire appelée « zone arrière ». Lorsque les opérateurs acheteurs de terminaison d’appel n’étaient pas connectés à l’ensemble des points d’interconnexion ou ne livraient pas le trafic au bon point d’interconnexion au regard de sa zone arrière, ils se voyaient appliquer une majoration du tarif de terminaison d’appel qui, s’agissant de la terminaison d’appel mobile, était appelée « tarification EZA » (Extra Zone Arrière) par opposition à la « tarification IZA » (Intra Zone Arrière) applicable lorsque le trafic était remis au bon point d’interconnexion.
Les conventions d’interconnexion IP fixe et mobile des sociétés Free proposées à Orange prévoient un découpage du territoire métropolitain en trois zones arrières avec, pour chacune, son propre point d’interconnexion. Ainsi, selon ces offres, pour bénéficier des conditions régulées des prestations de terminaison d’appel fixe et mobile pour les appels fixes et mobiles à destination des clients des société Free, Orange doit, d’une part, s’interconnecter à chaque point d’interconnexion et, d’autre part, acheminer le trafic via le point d’interconnexion correspondant à la localisation de l’appelant ou de l’appelé, selon le cas.
Dans le cadre du présent différend, Orange demande à l’Autorité d’enjoindre aux sociétés Free de supprimer ce découpage du territoire en zones arrières dans le cadre de l’interconnexion IP avec ces sociétés.
3.6.2 Recevabilité
Les parties ne contestent pas la recevabilité de cette demande, qui a bien fait l’objet d’un échec des négociations. La demande d’Orange est donc recevable.
3.6.3 Sur le fond
L’Autorité rappelle qu’elle a estimé, dans sa décision d’analyse de marché n° 2017-1453 en date du 12 décembre 2017 susvisée, que « dans le cadre de l’obligation générale de faire droit aux demandes raisonnables d’accès aux prestations de terminaison d’appel vocal fixe et mobile [imposée par l’article 4 de la décision], découper le territoire métropolitain en zones arrières et conditionner l’application du plafond tarifaire régulé de terminaison d’appel pour l’interconnexion IP à la livraison du trafic en un point d’interconnexion situé dans chacune des zones arrières n’est pas raisonnable, puisque cela conduit l’opérateur vendeur à accroître sans nécessité ou justification objective la complexité de l’architecture d’interconnexion et à faire supporter aux opérateurs acheteurs les conséquences de ses propres choix ou inefficacités techniques ».
En effet, les motifs de la décision d’analyse de marché précisent que « les raisons historiques ayant conduit les opérateurs vendeurs de terminaison d’appel à conditionner le bénéfice du tarif régulé de terminaison d’appel à la livraison du trafic en plusieurs points d’interconnexion selon un découpage du territoire métropolitain en zones arrières ne sont plus pertinentes pour l’interconnexion IP ». Ils soulignent à cet égard que « dans les offres d’interconnexion IP actuellement proposées par les opérateurs, le découpage en zones arrières a disparu, à l’exception de deux opérateurs, l’un fixe et l’autre mobile, appartenant au même groupe».
Les motifs de cette décision indiquent également que cette dernière « peut impliquer des modifications des offres de référence et des conventions en cours d’exécution, afin d’assurer leur conformité aux obligations imposées aux sociétés concernées au titre de la présente décision d’analyse de marché. Il appartient ainsi aux opérateurs de mettre à jour leurs offres d’interconnexion IP en conséquence, à compter du 1er janvier 2018 et, dès lors qu’ils seraient saisis d’une demande en ce sens, de mettre à jour leurs conventions d’interconnexion ».
En l’espèce, l’Autorité constate que les sociétés Free sont toujours les seuls opérateurs en France prévoyant un découpage du territoire en zones arrières dans le cadre de l’interconnexion IP pour la terminaison d’appel vocal et qu’elles n’ont pas mis à jour leurs offres de référence d’interconnexion IP à compter du 1er janvier 2018. L’Autorité relève en outre qu’elles n’ont pas fait droit à la demande raisonnable d’Orange de supprimer le découpage du territoire en zones arrières prévu par leurs offres.
Or, les raisons invoquées par les sociétés Free pour justifier ce refus, qu’elles avaient pour la plupart déjà évoquées dans leur réponse à la consultation publique portant sur le projet de décision d’analyse de marché de la terminaison d’appel vocal fixe et mobile138, ne sont pas de nature à remettre en cause l’analyse de l’Autorité s’agissant de l’obligation imposée par sa décision d’analyse de marché n° 2017-1453 précitée concernant en particulier les avantages, du point de vue l’efficacité économique et au regard des objectifs mentionnés au 3° du II, aux 1 et 2° du III et au 2° du IV de l’article L. 32-1, de la livraison du trafic IP au niveau national139.
3.6.4 Conclusion
Compte tenu de ce qui précède, et au regard des objectifs de l’article L. 32-1 du CPCE, notamment ceux mentionnés aux 1° et 2° du III comme des obligations réglementaires qui s’imposent à Free et Free Mobile, notamment l’obligation de faire droit à toute demande raisonnable d’accès aux prestations de gros de terminaison d’appel vocal sur leurs réseaux respectifs, l’Autorité estime que la demande d’Orange est justifiée et raisonnable et qu’il est équitable d’enjoindre aux sociétés Free de proposer à Orange des conventions d’interconnexion voix IP fixe et mobile ne comprenant pas de découpage du territoire métropolitain en zones arrières.
3.7 Sur la demande 2 portant sur le protocole SIP
Orange demande à l’Arcep d’enjoindre à la société Free de « modifier son offre d’interconnexion IP fixe afin de proposer le protocole SIP dans son offre d’interconnexion IP, sans majoration tarifaire pour Orange ».
3.7.1 Contexte
À titre liminaire, l’Autorité rappelle que le protocole SIP (Session Initial Protocol) est un protocole standard de signalisation utilisé pour l’établissement de communications électroniques, notamment pour la voix sur large bande. Ce protocole a été normalisé et standardisé par l’IETF, et ce notamment par la RFC 3261. Le protocole SIP-I, défini par l’UIT, est une extension du protocole SIP avec une encapsulation ISUP (protocole de signalisation utilisé en TDM). Il permet de s’interconnecter avec des réseaux de téléphonie n’ayant pas implémenté le protocole SIP (réseaux de téléphonie mobile, réseaux RTC ou réseaux de VoIP non SIP). Le SIP-I permet de conserver tous les détails présents dans l’en-tête ISUP.
Les sociétés Free et Free Mobile proposent toutes deux une offre d’interconnexion en SIP-I. La demande d’Orange ne porte que sur l’offre de la société Free.
3.7.2 Recevabilité
Les parties ne contestent pas la recevabilité de cette demande, qui a bien fait l’objet d’un échec des négociations. La demande d’Orange est donc recevable.
3.7.3 Sur le fond
En premier lieu, l’Autorité relève que les recommandations élaborées par la FFT et invoquées par Orange au soutien de ses demandes permettent l’utilisation du protocole SIP-I aussi bien pour l’interconnexion entre réseaux fixes qu’entre réseaux mobiles.
En effet, les spécifications d’interconnexion du protocole SIP-I publiées par la FFT en mai 2014 mentionnent explicitement que : « l’interconnexion entre deux réseaux fixes utilisant le protocole SIP- I doit être conforme au profil C [UIT-T Q. 1912.5], avec les clarifications et les exceptions détaillées dans la présente spécification » 140.
Ainsi, l’utilisation du protocole SIP-I pour l’interconnexion IP vers le réseau fixe de la société Free n’est pas exclue par les recommandations de la FFT invoquées par Orange au soutien de ses demandes.
En deuxième lieu, l’Autorité relève que les raisons justifiant l’utilisation du protocole SIP-I par la société Free pour l’interconnexion vers son réseau fixe sont les mêmes que celles justifiant, selon Orange, l’utilisation du protocole SIP-I pour l’interconnexion vers les réseaux mobiles des opérateurs.
Selon Orange141, « les opérateurs mobiles ont fait le choix temporaire du protocole SIP-I pour migrer rapidement leurs interconnexions TDM vers l’IP sans attendre l’aboutissement des travaux sectoriels sur l’interconnexion voix en IP. La raison principale de ce choix est qu’ils utilisent dans leur cœur de réseau sur un transport IP une signalisation IP basée sur l’ISUP (le BICC) ». Orange estime cependant que « la situation [concernant l’interconnexion IP avec un réseau fixe] est différente [de celle de l’interconnexion IP avec un réseau mobile] dans la mesure où la signalisation de cœur de réseau IP est SIP (utilisation de SIP de bout en bout entre box) ».
Or, comme l’indique Free142, la différence mentionnée par Orange ne s’applique pas à son réseau fixe puisque « le choix du SIP-I en cohérence avec les caractéristiques du réseau de Free suit la même logique que celui des opérateurs mobiles d’avoir retenu le SIP-I », notamment car son réseau « émule une boucle locale RTC et a un équipement natif ISUP ».
En troisième lieu, l’Autorité constate qu’Orange est techniquement en mesure de s’interconnecter avec la société Free en utilisant le protocole SIP-I.
D’une part, outre les interconnexions déployées depuis le réseau fixe d’Orange avec les réseaux mobiles de […] en utilisant le protocole SIP-I, Orange a indiqué143 avoir déployé une interconnexion avec les réseaux fixes de deux opérateurs, […], en utilisant ce même protocole.
D’autre part, Orange a décrit144 les adaptations nécessaires afin d’utiliser SIP-I à l’interface d’interconnexion avec la société Free :
- « utilisation de Call Serveurs Class 4 (CS Cl4), passerelles fournies par Italtel » ;
- construction « de faisceaux exploités en SIP-I en nombre suffisant » ;
- utilisation de « la fonction MGCF du CS Cl4 Italtel pour effectuer les interfonctionnements SIP vers SIP-I »
En outre, Orange a indiqué145 à propos des équipements nécessaires qu’ils « seront les mêmes » que ceux utilisés pour les interconnexions en SIP-I vers les opérateurs mobiles depuis le réseau fixe d’Orange. Orange précise146 que l’utilisation du SIP-I dans le cadre de son interconnexion avec la société Free aurait pour conséquence sur ces équipements passerelles « une augmentation des ressources et licences consommées et potentiellement des investissements pour l’achat de nouveaux équipements si les capacités disponibles ne sont pas suffisantes ». Un tel investissement a été chiffré par Orange à […] euros.
Dans ces conditions, l’Autorité considère qu’Orange ne justifie pas que sa demande de bénéficier d’une interconnexion en SIP vers le réseau de la société Free résulterait d’obstacles techniques empêchant Orange de mettre en place une interconnexion en SIP-I et répondrait à ses besoins. À cet égard, l’Autorité souligne que la circonstance que la mise en place d’une telle interconnexion engendrait des coûts pour Orange n’est pas à elle seule de nature à établir que sa demande est justifiée.
Enfin, s'agissant de l’argument d’Orange tiré de l’absence de « pérennité » du protocole SIP-I, en ce qu’« il ne fait qu’encapsuler de l’ISUP dans du SIP »147, l’Autorité constate qu’Orange n’a pas indiqué les problèmes fonctionnels du protocole SIP-I qui nécessiteraient son évolution. Ainsi, contrairement au protocole SIP, qui fait encore l’objet de travaux menés au niveau sectoriel, le protocole SIP-I, en ce qu’il repose sur un protocole mature tel que l’ISUP, n’a pas nécessairement besoin d’évoluer pour fournir une interconnexion voix fonctionnelle et pérenne.
3.7.4 Conclusion
II résulte de ce qui précède et au regard objectifs mentionnés à l’article L. 32-1 du CPCE, notamment ceux mentionnés aux 1° et 2° du III ainsi qu’au 2° du IV, ainsi que des obligations réglementaires qui s’imposent à Free et des justifications apportées par Orange que cette dernière n’établit pas le bien- fondé de sa demande. En conséquence, elle sera rejetée.
3.8 Sur la demande 3 portant sur les interconnexions TDM
Orange demande à l’Arcep d’enjoindre à Free de :
· « reporter la date d’application de la majoration TDM que doit appliquer Free à compter du 1er décembre 2017 concernant les interconnexions TDM voix fixe et mobile existantes entre Free et Orange. Ce report doit être au minimum de 18 mois à compter de la réception par Orange d’une offre raisonnable d’interconnexion IP voix fixe et mobile, au regard des demandes formulées par Orange dans le présent différend, pour permettre à Orange de déployer l’interconnexion IP voix fixe et mobile avec Free
· permettre à Orange de pouvoir commander, pendant ce report des capacités TDM supplémentaires nécessaires à l’écoulement du trafic voix fixe et mobile
· maintenir ces interconnexions TDM voix fixe et mobile au moins 30 mois à compter de cette réception d’une offre raisonnable. »
3.8.1 Recevabilité
a) Sur le point 1 de la demande 3
Les parties ne contestent pas la recevabilité de cette demande, qui a bien fait l’objet d’un échec des négociations. La demande d’Orange est donc recevable.
b) Sur le point 2 de la demande 3 relative à la possibilité de commander des capacités TDM supplémentaires et le point 3 de la demande 3 portant sur le maintien de l’interconnexion TDM
Par courrier en date du 14 février 2018, les parties ont été informées que la présente décision était susceptible d'être fondée sur un moyen, non relevé par les parties, tiré de l'éventuelle irrecevabilité de la demande d’Orange relative à la possibilité de commander des capacités TDM supplémentaires.
Dans ses observations enregistrées à l’Autorité le 26 février 2018, la société Orange soutient que ni les services de l’Arcep ni l’Arcep ne peuvent soulever de moyen d’office et que le courrier de l’Arcep « porte atteinte au droit à un procès équitable et à l’impartialité des débats ». Enfin, elle maintient que cette demande a bien fait l’objet d’un échec des négociations.
Concernant la faculté de procéder à toute mesure d’instruction utile pour vérifier la recevabilité d’une demande ainsi que la prétendue atteinte au droit à un procès équitable et à l’impartialité des débats, l’Autorité renvoie au point 3.5.2 de la présente décision.
En tout état de cause, et comme le soutient Orange dans ses observations enregistrées le 26 février 2018, il apparaît que « la demande d’Orange de maintenir l’interconnexion TDM existante [demande formulée au point 3 de la demande 3] inclut […] la possibilité d’augmenter et/ou de diminuer les capacités de l’interconnexion TDM [demande formulée au point 2 de la demande 3] ». En effet, le « maintien de l’interconnexion TDM » suppose le maintien des contrats d’interconnexion TDM existants, lesquels permettent de telles commandes. Ainsi, et même s’il ressort des pièces du dossier que les parties n’ont pas expressément abordé dans leurs échanges préalables à la saisine la possibilité de commander des capacités TDM supplémentaires, il apparaît que cette demande est incluse dans la demande concernant le maintien de l’interconnexion. Or, au regard des pièces du dossier, il apparaît que cette dernière a bien fait l’objet d’un échec des négociations, ce que ne contestent pas les parties.
Par suite, l’Autorité considère que la demande d’Orange portant sur le maintien de l’interconnexion TDM, qui comprend nécessairement la possibilité de commander des capacités TDM supplémentaires, est recevable.
3.8.2 Contexte
L’Autorité souhaite rappeler les précisions qu’elles a apportées dans les motifs de la décision d’analyse de marché n° 2014-1485 en date du 9 décembre 2014 et rappelées dans les motifs de la décision d’analyse de marché n°2017-1453 en date du 12 décembre 2017, concernant la transition des interconnexions du mode TDM vers le mode IP, dans le cadre de l’obligation, pour les opérateurs désignés puissants, de faire droit à toute demande raisonnable d’accès aux prestations de gros nécessaires à la terminaison d’appel sur leurs réseaux et de l’obligation de transparence.
Afin que cette transition ne fausse pas le jeu concurrentiel et prévoie les délais de mise en œuvre et de préavis suffisants, permettant aux opérateurs interconnectés de s’adapter, l’Autorité a considéré148 qu’il lui paraissait « nécessaire de prévoir, pour les opérateurs qui ne l’auraient pas déjà annoncée, une période de recouvrement minimale de 18 mois des deux modalités d’interconnexion, TDM et IP, assurant notamment une fourniture dans des conditions tarifaires équivalentes entre les deux modalités durant cette période. A l’issue de cette période, la modalité d’interconnexion IP pourr[ait] devenir, pour le trafic de terminaison compatible, l’offre de référence unique. ». Ce délai minimal de 18 mois vise ainsi à permettre aux opérateurs interconnectés en TDM de prendre connaissance des modalités de l’offre d’interconnexion voix en mode IP, de conclure la convention d’interconnexion associée avec l’opérateur vendeur et de mener le projet technique de mise en œuvre de l’interconnexion, avant d’être éventuellement soumis à une hausse tarifaire de l’interconnexion TDM.
L’Autorité a également précisé qu’une fois l’offre d’interconnexion voix IP devenue l’offre de référence, « l’opérateur fournisseur de terminaison d’appel pourr[ait] engager le processus de fermeture commerciale puis technique de son offre d’interconnexion TDM. Ce processus pourra s’accompagner d’une évolution raisonnable des tarifs de l’interconnexion TDM, dès lors qu’elle ne sera plus considérée, pour les trafics de terminaison compatibles avec une interconnexion IP, comme une modalité d’acheminement efficace du trafic depuis les points d’interconnexion pertinents, afin d’accompagner au mieux la fermeture de l’offre, selon des modalités transparentes, prévisibles et loyales. En tout état de cause, les évolutions apportées à la modalité d’interconnexion TDM devront respecter des délais de préavis suffisants ».
Sur ce dernier point, l’Autorité a précisé149 que « les opérateurs devront respecter un préavis de 12 mois pour tout mouvement tarifaire éventuel sur les prestations de terminaison d’appel fournies en mode TDM, un préavis de 12 mois pour toute évolution d’architecture de nature à engendrer une fermeture commerciale et un préavis de 24 mois pour toute évolution d’architecture de nature à engendrer une fermeture technique de ces prestations ».
L’article 7 de la décision d’analyse de marché n° 2017-1453 actuellement en vigueur dispose ainsi que :
« […] Dans le cadre de la transition des interconnexions du mode TDM au mode IP, [chaque opérateur désigné puissant] informe ses clients de terminaison d’appel des évolutions en respectant des délais de préavis raisonnables. Le délai de préavis ne saurait être inférieur à douze mois en cas de modification tarifaire relative à une prestation de terminaison d’appel fournie en mode TDM ainsi que dans le cas d’une évolution d’architecture de nature à engendrer une fermeture commerciale. Le délai de préavis ne saurait être inférieur à vingt-quatre mois pour toute évolution d’architecture de nature à engendrer une fermeture technique de ces prestations ».
Dans le cas présent, Free et Free Mobile ont publié leurs offres d’interconnexion voix IP respectives le 20 mai 2016 et informé par la suite les opérateurs, dont Orange150, de leur calendrier de migration de l’interconnexion TDM vers l’interconnexion IP. Ainsi, par courriers du 27 septembre 2016151 et du 22 novembre 2016152, Free a informé Orange de :
- l’application de tarifs de terminaison d’appel en TDM majorés de 0,0032 €HT/min à compter du 1er décembre 2017, soit 18 mois après la publication de leurs offres de référence d’interconnexion voix IP et à l’expiration d’un préavis supérieur à 12 mois ;
- la fermeture commerciale des offres d’interconnexion TDM le 1er décembre 2017 (soit à l’expiration d’un délai de préavis supérieur à 12 mois) autrement dit l’impossibilité à compter du 1er décembre 2017 pour de nouveaux acheteurs de déployer de nouvelles interconnexions voix en TDM et l’impossibilité pour les clients opérateurs existants de commander des capacités supplémentaires sur les interconnexions TDM existantes, soit 18 mois après la publication de leurs offres de référence d’interconnexion voix IP et à l’expiration d’un préavis supérieur à 12 mois ;
- la fermeture technique des interconnexions TDM à compter du 1er décembre 2018, soit à l’expiration d’un délai de préavis supérieur à 24 mois, impliquant que seule l’interconnexion en mode IP sera disponible à cette date.
3.8.3 Sur le fond
Il résulte des observations et conclusions de l’Autorité concernant les demandes 1.1, 1.2, 1.5 et les points 1, 2 et 3 de la demande 1.4, auxquelles l’Arcep a estimé équitable de faire droit, que les offres d’interconnexion voix IP fixe et mobile transmises par Free à Orange le 20 mai 2016 ne permettaient pas de répondre aux demandes raisonnables d’Orange.
Aussi, l’Autorité considère qu’il ne serait pas équitable que ces offres constituent, vis-à-vis d’Orange, le point de départ pour les sociétés Free de la « période de recouvrement minimale de 18 mois des deux modalités d’interconnexion, TDM et IP » qui doit notamment permettre d’assurer « une fourniture dans des conditions tarifaires équivalentes entre les deux modalités durant cette période », comme le prévoyait la décision d’analyse de marché n°2014-1485 et comme le prévoit la décision d’analyse de n° 2017-1453 actuellement en vigueur dans le passage précité en partie 3.8.2.
Ainsi, d’une part, l’Autorité estime qu’il ne peut y avoir de fermeture commerciale des offres d’interconnexion en mode TDM qu’avant l’écoulement d’un délai minimal de dix-huit mois faisant suite à la transmission par Free à Orange d’offres d’interconnexion voix IP fixe et mobile conformes à la présente décision et sous réserve du respect d’un préavis minimal de 12 mois. Pendant ce délai de recouvrement entre les deux modes d’interconnexion de 18 mois au minimum, Orange doit ainsi être en mesure de commander les capacités TDM supplémentaires nécessaires à l’écoulement du trafic voix fixe et mobile.
D’autre part, l’Autorité estime que dans ces circonstances l’application par Free à Orange d’une majoration tarifaire de 0,0032 € HT/min depuis le 1er décembre 2017 n’est pas justifiée et doit en conséquence être supprimée. Comme le prévoit la décision d’analyse de marché n° 2017-1453 précitée, les conditions tarifaires de l’interconnexion TDM devront être équivalentes à celles de l’interconnexion IP pendant un délai minimal de 18 mois suite à la transmission par Free à Orange d’offres d’interconnexion voix IP fixe et mobile conformes à la présente décision et une modification des tarifs de l’interconnexion TDM ne pourra intervenir que sous réserve du respect d’un préavis minimal de 12 mois.
Enfin, l’Autorité rappelle que Free ne pourra fermer les interconnexions TDM fixe et mobile mises en place avec Orange que sous réserve du respect d’un préavis de 24 mois, pouvant courir au plus tôt à compter de la transmission par Free à Orange d’offres d’interconnexion voix IP fixe et mobile conformes à la présente décision. En revanche, à l’expiration de ce délai de préavis, les sociétés Free, tout comme les autres opérateurs vendeurs de terminaison d’appel, ne sont pas soumises à une obligation de maintien technique des interconnexions en mode TDM. En conséquence, la demande d’Orange de maintien des interconnexions TDM pendant une durée d’au moins 30 mois à compter de la réception d’offres d’interconnexion IP raisonnables de Free, dont Orange ne démontre pas le bien-fondé, n’est pas justifiée. En revanche, un délai de 24 mois est justifié.
3.8.4 Conclusion
Ainsi, compte tenu de ce qui précède, et au regard des objectifs de l’article L. 32-1 du CPCE, notamment ceux mentionnés au 3° du II, aux 1° et 2° du III ainsi qu’au 2° du IV, comme des obligations réglementaires qui s’imposent à Free et Free Mobile, l’Autorité estime qu’il est équitable d’enjoindre à ces sociétés de proposer à Orange des avenants à leurs conventions d’interconnexion voix fixe et mobile en TDM :
· ne prévoyant aucune majoration tarifaire de la terminaison d’appel à compter du 1er décembre 2017 et jusqu’au terme d’un délai minimal de 18 mois à compter de la réception par Orange d’offres d’interconnexion voix IP fixe et mobile conformes à la présente décision ;
· prévoyant la capacité pour Orange de commander des capacités TDM supplémentaires pendant un délai minimal de 18 mois à compter la réception par Orange d’offres d’interconnexion voix IP fixe et mobile conformes à la présente décision ;
· prévoyant des délais de préavis conformes à la décision n° 2017-1453 en cas d’évolution des tarifs, de fermeture commerciale ou de fermeture technique. En particulier, s’agissant de la fermeture technique des prestations d’interconnexion TDM, les sociétés Free devront prévoir un délai minimal de 24 mois de préavis, pouvant courir au plus tôt à compter de la réception par Orange d’offres d’interconnexion voix IP fixe et mobile conformes à la présente décision.
3.9 Conclusion générale
Au regard de l’ensemble de ce qui précède, et au vu en particulier des objectifs de régulation mentionnés à l’article L. 32-1 du CPCE, l’Autorité estime qu’il est équitable d’enjoindre aux sociétés Free de proposer à la société Orange, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, des conventions d’interconnexion IP voix fixe et mobile prévoyant :
· La possibilité de s’interconnecter, sans majoration tarifaire, avec le protocole IPv4 en sus de la possibilité de s’interconnecter avec le protocole IPv6 ;
· la possibilité pour Orange, sans majoration tarifaire, de ne pas utiliser la méthode PRACK à l’interconnexion ;
· La conformité aux normes et standards suivants :
- l’interdiction de l’usage de multiple early dialog en SIP-I ;
- l’usage de l’entête PRIVACY ne doit pas être rendu obligatoire ;
- les 200 OK à l’INVITE ne doivent pas contenir un SDP conformément à la négociation SDP définie dans les normes IETF : RFC 3262 et RFC 3264.
· la suppression des zones arrières.
Enfin, l’Autorité estime qu’il est équitable d’enjoindre aux sociétés Free de proposer à Orange des avenants à leurs conventions TDM voix fixe et mobile conformes au point 3.8.3 de la présente décision.
Décide :
Article 1. Les sociétés Free et Free Mobile doivent proposer à la société Orange des conventions d’interconnexion en mode IP pour la terminaison des appels vocaux sur, respectivement, leurs réseaux fixe et mobile :
- Prévoyant la possibilité de s’interconnecter, sans majoration tarifaire, avec le protocole IPv4 en sus de la possibilité de s’interconnecter avec le protocole IPv6 ;
- Prévoyant la possibilité, sans majoration tarifaire, de ne pas utiliser la méthode PRACK à l’interconnexion ;
- Prévoyant l’interdiction de l’usage de multiple early dialog en SIP-I ;
- Prévoyant l’usage facultatif de l’entête PRIVACY ;
- Prévoyant l’absence de SDP dans les 200 OK à l’INVITE conformément à la négociation SDP définie dans les normes IETF : RFC 3262 et RFC 3264 ;
- Ne prévoyant pas de découpage du territoire métropolitain en zones arrières.
Article 2. Les sociétés Free et Free Mobile doivent proposer à la société Orange des avenants à leurs conventions d’interconnexion en mode TDM pour la terminaison des appels vocaux sur, respectivement, leurs réseaux fixe et mobile :
- Ne prévoyant aucune majoration tarifaire de la terminaison d’appel à compter du 1er décembre 2017 et jusqu’au terme d'un délai minimal de 18 mois à compter de la réception par Orange d’offres d’interconnexion conformes à l’article 1 de la présente décision ;
- Prévoyant la capacité pour Orange de commander des capacités TDM supplémentaires pendant un délai minimal de 18 mois à compter de la réception par Orange d’offres d’interconnexion conformes à l’article 1 de la présente décision ;
- Prévoyant des délais de préavis conformes à l’article 7 de la décision n° 2017-1453 susvisée en cas d’évolution des tarifs, de fermeture commerciale ou de fermeture technique des prestations d’interconnexion TDM. En particulier, s’agissant de la fermeture technique des prestations d’interconnexion TDM, les sociétés Free et Free Mobile devront prévoir un délai minimal de 24 mois de préavis, pouvant courir au plus tôt à compter de la réception par Orange d’offres d’interconnexion voix IP fixe et mobile conformes à la présente décision.
Article 3. Les sociétés Free et Free Mobile appliquent la présente décision dans un délai d’un mois à compter de sa notification.
Article 4. Le surplus des demandes de la société Orange est rejeté.
Article 5. La directrice des affaires juridiques de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargée de notifier la présente décision aux sociétés Orange, Free et Free Mobile. Elle sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.
Notes :
1 Décision de l’ART (devenue Arcep) n° 99-1143 du 22 décembre 1999
2 Arteria, Bouygues Telecom, Colt Technology Services, Euro-Information Telecom, Hub One, Kosc Telecom, La Poste Mobile, Legos, Naxos, Orange, Prosodie, Altice-SFR, Verizon France, Worldline (https://www.fftelecoms.org/qui-sommes- nous/)
3 Saisine d’Orange, pièce n°21
4 FFT Doc 10.001, v1.0 (June 2010), IP Interconnection Interface based on SIP/SDP, https://web.archive.org/web/20140124175254/http://www.fftelecoms.org:80/sites/fftelecoms.org/files/contenus_lies/fft_interco_ip_-_sip_interface_specification_v1_0.pdf
5 FFT Doc 11.001, v1.0 (Mai 2011), IP interconnection Interface specification based on SIP-I, https://web.archive.org/web/20151211080848/http://www.fftelecoms.org:80/sites/default/files/contenus_lies/fft_interco_ip_-_sip-i_interface_specification_v1_0.pdf
6 FFT Doc 11.001 v1.2, Interface Specification based on SIP-I, https://web.archive.org/web/20171101070550/https://www.fftelecoms.org/sites/fftelecoms.org/files/FFT%20interco%20I P%20-%20SIP-I%20Profile%20v1_2_.pdf
7 Présentation des résultats financiers d’Orange 2017, 21 février 2018, page 28 : https://www.orange.com/fr/content/download/46099/1357466/version/2/file/FY17%20Presentation%20-%20FR%20-%20vDef.pdf
8 Iliad, Rapport de Gestion 2017, 13 mars 2018, page 19, http://www.iliad.fr/finances/2018/Rapport_Gestion_2017_130318.pdf
9 Iliad, Rapport de Gestion 2017, 13 mars 2018, page 19, http://www.iliad.fr/finances/2018/Rapport_Gestion_2017_130318.pdf
10 Saisine d’Orange, page 10
11 En TDM, les BPN sont des supports de transmission permettant le transport du trafic depuis les points de raccordement jusqu’aux commutateurs de l’opérateur d’arrivée. Dans sa décision n° 2014-1485, l’Autorité « fixe la valeur de Vref [valeur de remplissage moyen de référence d’un BPN] à 3,3 millions de minutes par BPN par an pour le mobile et à 2,5 millions de minutes par BPN par an pour le fixe ».
12 https://www.iliad.fr/fr/documentation.html
13 Saisine d’Orange, pièces n° 13 et n° 13bis
14 Saisine d’Orange, pièce n° 14
15 CA Paris, 24 février 2011, Mobius contre LRN, RG n° 2010/16143.
16 Il convient de noter que le fait que ces versions soient incompatibles entre elles n’empêchent pas un opérateur de les proposer toutes les deux dans son offre d’interconnexion, mais seule l’une d’elles pourra être effectivement mise en œuvre dans le cadre de l’interconnexion. En revanche, proposer seulement l’une de ces versions implique que l’autre version ne peut pas être utilisée.
17 Internet Engineering Task Force, regroupement international d’architectes réseau, d’opérateurs, de vendeurs et de chercheurs, ayant pour objectif d’élaborer lors de groupes de travail des recommandations, voire des spécifications relatives à Internet, sous la forme de documents appelés RFC (Request For Comments)
18 RFC 1883, Internet Protocol Version 6 (IPv6) Specification, décembre 1995, https://www.ietf.org/rfc/rfc1883.txt
19 RFC 2460, Internet Protocol Version 6 (IPv6) Specification, décembre 1998, https://www.ietf.org/rfc/rfc2460.txt
20 16 octets pour une adresse IPv6 ; 4 octets pour une adresse IPv4
21 IPv6 : 3,4 x 1038 adresses uniques ; IPv4 : 4,3 x 109 adresses uniques
22 RIPE NCC IPv4 Available Pool, Graph, https://www.ripe.net/publications/ipv6-info-centre/about-ipv6/ipv4- exhaustion/ipv4-available-pool-graph
23 Conditions Spécifiques Interconnexion IP des Services Voix de Janvier 2017, partie 4.3.3 Configuration de l’interface logique, pièce n°7 des premières observations en défense de Free, page 12
24 Spécifications techniques d’accès au service connexion voix en IP de SFR, version 3.1 applicable à compter du 1er Octobre 2016, partie 3.8 Protocole IP, pièce n°5 des premières observations en défense de Free, page 9
25 Spécifications techniques d’accès au service IP Connexion Voix d’Orange, version applicable à compter du 1er Mars 2018, partie 3.10 Protocole IP, page 10
26 Saisine d’Orange, page 33
27 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 8
28 Architecture Principes et recommandations, version 1.1.2 (juin 2014), FFT, partie 4.1.2, pièce n° 21 de la saisine d’Orange, page 6
29 Cette position de la FFT a été exposée à l’Autorité dans le cadre d’une réunion bilatérale en 2012. Cf. saisine d’Orange, pièce n° 25, compte-rendu de la bilatérale Arcep-FFT du 2 juillet 2012
30 Premières observations en défense de Free, page 20
31 Saisine d’Orange page 33 : « la majorité des clients utilisent aujourd’hui l’IPv4 »
32 Rapport au gouvernement sur l’état de déploiement du protocole IPv6 en France, partie 3.3 Comparatif des niveaux de déploiement d’IPv6, page 17, https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/rapport-gvt-transition-IPv6-sept2016.pdf
33 Disposant à la fois des compatibilités IPv4 et IPv6
34 Secondes observations en défense de Free, page 13
35 Traduction de courtoisie du document de la CNMC, “Oferta de interconexión de referencia de servicios de terminación de llamadas sobre la red de comunicaciones voip de Telefónica de España S.A.U. para operadores de redes públicas de comunicaciones electrónicas”, partie 1.6.2.1 Nivel de Red, page 52, https://www.cnmc.es/file/169011/download, “El transporte y direccionamiento de red utilizado sobre el interfaz NNI debe ser IPv4. Opcionalmente, IPv6 o IPsec se pueden usar en base a acuerdos bilaterales”
36 Saisine d’Orange, page 33
37 Réponse de Free au premier questionnaire des rapporteurs, question 3 38 Réponse de Free au premier questionnaire des rapporteurs, question 4 39 Saisine d’Orange, page 12
40 Réponse de Free au premier questionnaire des rapporteurs, question 7
41 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 8
42 Liste des adresses allouées par le RIPE NCC, ftp://ftp.ripe.net/pub/stats/ripencc/membership/alloclist.txt
43 Premières observations en défense de Free, page 21, « En 2017, soit 8 années plus tard, les SBC de tous les principaux équipementiers (Oracle, Nokia, Sonus, Cirpack) assurent la translation IPv4/IPv6 comme en attestent leurs fiches techniques »
44 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 7
45 Saisine d’Orange, page 33
46 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 7
47 Premières observations en défense de Free, page 21, « Orange ne peut par ailleurs pas se prévaloir de prétendues difficultés techniques qui empêcheraient le déploiement de l’IPv6 avant […], alors qu’un autre opérateur n’a fait part à Free d’une telle impossibilité. En 2017, […] les SBC de tous les principaux équipementiers (Oracle, Nokia, Sonus, Cirpack) assurent la translation IPv4/ IPv6 comme en attestent leurs fiches techniques »
48 Observations en réplique d’Orange, page 18
49 Wikipedia, Suite des protocoles Internet, https://fr.wikipedia.org/wiki/Suite_des_protocoles_Internet
50 Dans ce contexte, une méthode correspond à une fonctionnalité.
51 RFC 3262, Reliability of Provisional Responses in the Session Initiation Protocol (SIP), juin 2002, https://www.ietf.org/rfc/rfc3262.txt
52 RFC 3261, SIP: Session Initiation Protocol, juin 2002, https://www.ietf.org/rfc/rfc3261.txt
53 RFC 3261, SIP : Session Initiation Protocol, juin 2002, https://tools.ietf.org/html/rfc3261, section 21.1.2
54 RFC 3262, Reliability of Provisional Responses in the Session Initiation Protocol (SIP), juin 2002, https://tools.ietf.org/html/rfc3262 , section 3
55 Premières observations en défense de Free, page 6
56 Premières observations en défense de Free, page 6
57 Secondes observations en défense de Free, page 6
58 Saisine d’Orange, page 25
59 Observations en réplique d’Orange, page 6
60 Saisine d’Orange, pièce 9
61 Saisine d’Orange, pièce 10
62 Saisine d’Orange, pièce 15 : « nous vous demandons de modifier votre offre d'interconnexion afin de rendre le PRACK optionnel, et ainsi de supprimer toute majoration tarifaire relative à l'utilisation de sessions sans PRACK »
63 Saisine d’Orange, pièce 16
64 Saisine d’Orange, pièce 19
65 Saisine d’Orange, pièce 20
66 Saisine d’Orange, pièces 8-2 pour le fixe et 8-4 pour le mobile
67 Saisine d’Orange, page 41
68 Premières observations en défense de Free, page 25
69 Réponse au premier questionnaire des rapporteurs, question 13 : « La consommation supplémentaire est évaluée à […] des ressources SBC de l’équipementier de Free et Free Mobile. Soit un surcoût en termes d’équipement correspondant au même pourcentage »
70 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 13 : « Le cout d’évolution qui devra donc intégrer notamment les évolutions de liveboxes n’est pas mesurable sans réaliser des études, tests et validations importants. »
71 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 12
72 RFC 2327, page 2, une session est un ensemble composé d’expéditeurs et de destinataires ainsi que des flux de données circulant entre ces mêmes expéditeurs et destinataires. Un appel téléphonique est un exemple de session. Le nombre de sessions commandées au titre d’une interconnexion correspond à la quantité d’appels simultanés pouvant être écoulés au travers de cette interconnexion.
73 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 2
74 Traduction de courtoisie du document de la FFT, “Interface Specification based on SIP-I, Doc 11.001 v1.2, partie 10.1.1 Initial INVITE message”, 2014, page 23, https://web.archive.org/web/20171101070550/https://www.fftelecoms.org/sites/fftelecoms.org/files/FFT%20interco%20I P%20-%20SIP-I%20Profile%20v1_2.pdf, Erreur ! Référence de lien hypertexte non valide.« additional offer/answer rules defined in [RFC 3262] and [RFC 3311] may be used by bilateral agreement but are out of the scope of this document »
75 Mémoire en duplique d’Orange, page 19
76 UIT-T Q. 1912.5 section C1.1.2 « Profils relatifs à la signalisation SIP/SIP-I », profil C, page 74 https://www.itu.int/rec/T- REC-Q.1912.5-200403-S/en
77 Premières observations en défense de Free, pages 17 et 18
78 Ce qui se reflète dans l’offre de référence de Telefónica - seul opérateur soumis à l’obligation de publier une offre de référence en Espagne – dans laquelle la méthode PRACK ne fait pas partie des méthodes SIP obligatoires : Telefónica, offre de reference IP, 2016, page 55 https://www.cnmc.es/file/169011/download
79 RTR, Technische Basisanforderungen für die IPbasierte nationale Netzzusammenschaltung für Voice-Dienste, 17 mars 2016, https://www.rtr.at/de/tk/NGNNGAInfrastruktur/EP022_Ausg_1.pdf
80 Institut Luxembourgeois de Régulation, Règlement ILR/T17/9 du 9 août 2017 relatif aux exigences techniques et opérationnelles minimales requises pour l’interconnexion en mode IP pour la voix sur les réseaux téléphoniques publics individuels en position déterminée, secteur communications électroniques, http://legilux.public.lu/eli/etat/leg/rilr/2017/08/09/a759/jo
81 Secondes observations en défense de Free, pièces 3 et 7
82 Secondes observations en défense de Free, pièce 5, page 8
83 Premières observations en défense de Free, page. 23
84 Réponse de Free au premier questionnaire des rapporteurs, page 5
85 Réponse de Free au premier questionnaire des rapporteurs, question 11
86 Questionnaire Orange, question 17, page 13
87 Questionnaire Orange, question 17 page 14
88 G. 711 : Modulation par impulsions et codage (MIC) des fréquences vocales, 25/11/1988, https://www.itu.int/rec/T-REC- G.711-198811-I/fr
89 UIT, G.722 : Codage audiofréquence à 7 kHz à un débit inférieur ou égal à 64 kbit/s, https://www.itu.int/rec/T-REC- G.722/fr
90 UIT, G. 729 : Codage de la parole à 8 kbit/s par prédiction linéaire avec excitation par séquences codées à structure algébrique conjuguée, https://www.itu.int/rec/T-REC-G.729/fr
91 Par exemple : « pour joindre le service client, appuyez sur la touche 1 ».
92 Q. 23 : Caractéristiques techniques des appareils téléphoniques à clavier, 25/11/1988, https://www.itu.int/rec/T-REC- Q.23-198811-I/fr
93 Recommandation Q. 23, page 2
94 IETF : Internet Engineering Task Force
95 RFC 4733, paragraphe 1.2, https://tools.ietf.org/html/rfc4733
96 Traduction de courtoisie , RFC 4733, introduction paragraphe 1.2 : « low-rate voice codecs cannot be guaranteed to reproduce these tone signals accurately enough for automatic recognition».
97 RFC 4733, paragraphe 1.4
98 RTP : Real-time Transport Protocol est un protocole de transport pour les données ayant des contraintes de temps réel, comme les flux media audio ou vidéo
99 Premières observations en défense de Free, page 7 100 Premières observations en défense de Free, page 7 101 Secondes observations en défense de Free, page 6 102 Saisine d’Orange, page 25
103 Mémoire en réplique d’Orange, page 8
104 Saisine d’Orange, pièces 8-2 pour le fixe et 8-4 pour le mobile
105 Saisine d’Orange, pièce 10
106 Saisine d’Orange, pièce 15
107 Saisine d’Orange, pièce 16
108 Saisine d’Orange, pièce 19
109 Saisine d’Orange, pièce 20
110 Saisine d’Orange, page 41
111 V. Cour d’appel de Paris, 19 janvier 2012, France Télécom c/ Bouygues Telecom, n° 2010/24694.
112 Contrat cadre d’Interconnexion Fixe, Annexe 3, page 18, http://www.iliad.fr/documentation/Free-Interco%20IP- Contrat%20Cadre%20et%20Contrat%20Application-170401.pdf ; Contrat cadre d’Interconnexion Mobile, Annexe 3, page 17, https://www.iliad.fr/documentation/Free%20Mobile-Interco%20IP-Contrat%20Cadre%20et%20Contrat%20Application- 170401.pdf
113 Saisine d’Orange, page 36
114 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 20
115 Secondes observations en défense de Free, pages 4 et 22
116 https://www.fftelecoms.org/app/uploads/2017/05/Livre-blanc-FFTelecoms-Fin-du-RTC.pdf
117 Livre blanc 2017 « Transition du RTC vers la voix sur IP », page 6
118 Conformément au cahier des charges annexé à l’arrêté du 27 novembre 2017118, Orange est soumise à l’obligation de fournir un service complémentaire au service universel consistant en « une offre de services avancés de téléphonie vocale qui comprend les services suivants : numérotation au clavier ou DTMF (signalisation en fréquences vocales), identification de la ligne d’appel, renvoi automatique d’appel ». Ainsi, le cahier des charges ne précise pas le protocole à utiliser pour gérer le transport des DTMF.
119 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 24
120 Premières observations en défense de Free, page 27 : « […]»
121 Saisine d’Orange, pièce n° 21. Pour rappel, le document « Architecture - Principes et recommandations » publié en juin 2014 par la FFT prévoit au paragraphe 4.2.3.4 que « dans le cas des appels voix bande étroite ou large bande, l’indication du support de « telephone-event » durant l’échange offre/réponse SDP est obligatoire pour le transport des DTMF ».
122 Page 7 du livre blanc 2017 « Transition du RTC Vers la voix sur IP »
123 SIP-I étant une extension du SIP permettant de conserver tous les détails présents dans l’en-tête ISUP (cf. 3.7.1), le mécanisme de négociation invitant, à l’établissement d’appel VoIP, chaque élément de la chaîne à signaler s’il supporte le codeur Tel Event, est également présent en SIP-I.
124 Réponse des sociétés Free au second questionnaire des rapporteurs, page 7
125 Paragraphe 2.5.1.1 ; traduction de courtoisie par l’Arcep : « The sender SHOULD indicate what events it supports, using the optional "events" parameter associated with the telephone-event media type. If the sender receives an "events" parameter from the receiver, it MUST restrict the set of events it sends to those listed in the received "events" parameter».
126 RFC 3261, partie 12 et 12.1, https://tools.ietf.org/html/rfc3261, “A dialogue represents a peer-to-peer SIP relationship between two user agents it persists for a while. The dialogue facilitates the sequencing of messages between user agents and correct routing of requests between the two. […] A dialogue established by a non-final response to a request is in the "early" state and it is called an early dialogue”
127 UIT, recommandation Q. 731.3, https://www.itu.int/rec/dologin_pub.asp?lang=e&id=T-REC-Q.731.3-199303-I!!PDF- F&type=items , page 9, “calling line identification restriction is a supplementary service offered to the calling user to restrict presentation of the calling user’s number, with additional address information (e.g. calling party sub-address) if any, to the called user”
128 ISDN User Part, soit la partie utilisateur RNIS (réseau numérique à intégration de service), un élément du système de signalisation n°7 (SS7) utilisé pour établir des appels téléphoniques dans le réseau téléphonique commuté (RTC)
129 RFC 4566, partie 1, https://tools.ietf.org/html/rfc4566, “When initiating multimedia teleconferences, voice-over-IP calls, streaming video, or other sessions, there is a requirement to convey media details, transport addresses, and other session description metadata to the participants. SDP provides a standard representation for such information, irrespective of how that information is transported. SDP is purely a format for session description -- it does not incorporate a transport protocol, and it is intended to use different transport protocols as appropriate, including the Session Announcement Protocol, Session Initiation Protocol, Real Time Streaming Protocol, electronic mail using the MIME extensions, and the Hypertext Transport Protocol. SDP is intended to be general purpose so that it can be used in a wide range of network environments and applications. However, it is not intended to support negotiation of session content or media encodings: this is viewed as outside the scope of session description”
130 Saisine d’Orange, pièce 11
131 Saisine d’Orange, pièces 19 et 20
132 Réponse d’Orange au questionnaire des rapporteurs aux parties, question 25, page 17
133 En réponse au courrier électronique d’Orange en date du 22 juillet 2016 transmettant le compte-rendu de la réunion qui s’est tenue le 22 juin 2016 entre les parties, lequel indique « Renégociation après établissement d’appel : Free indique que la renégociation d’appel se fait via la méthode UPDATE, car c’est une méthode moins coûteuse en ressource et qu’elle considère plus adaptée » (saisine d’Orange, pièce n°11), Free a, par courrier électronique du 23 septembre 2016, simplement invité Orange à lui transmettre un projet de contrat commenté, sans valider explicitement le compte-rendu et sans le commenter.
134 Secondes observations en défense de Free, page 23
135 Premières observations en défense de Free, page 28
136 Mémoire en réplique d’Orange, page 20
137 Réponse des sociétés Free au questionnaire des rapporteurs, question 27
138 V. la contribution du gorupe Iliad, maison mère des sociétés Free, à la consultation publique du 25 avril 2017, notamment sur le fait que le découpage du territoire en zones arrières améliorerait la qualité du service voix : https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/contribs-consult-ADM-TAF-TAM-cycleV-juin17.rar
139 Cf. décision n° 2017-1453 susvisée, pp. 25-26.
140 Traduction de courtoisie de la FFT, Interface Specification based on SIP-I, Doc 11.001 v1.2, partie 1.2 Standards, page 5, https://web.archive.org/web/20171101070550/https://www.fftelecoms.org/sites/fftelecoms.org/files/FFT%20interco%20I P%20-%20SIP-I%20Profile%20v1_2_.pdf : « the interconnection between two fixed networks using SIP-I shall comply with [ITU-T Q. 1912.5] Profile C with the clarifications and exceptions detailed in the present specification »
141 Saisine d’Orange, page 39
142 Premières observations en défense de Free, page 31
143 Réponses au questionnaire d’Orange, question 1
144 Réponses au questionnaire d’Orange, question 27
145 Réponses au questionnaire d’Orange, question 30
146 Réponses au questionnaire d’Orange, question 29
147 Saisine d’Orange, page 38
148 ARCEP, décision n° 2017-1453, page 33 et décision n°2014-1485, page 36
149 ARCEP, décision n° 2017-1453, page 37 et décision n°2014-1453, page 37
150 Saisine d’Orange, pièces n° 13 et 13 bis et premières observations en défense de Free, page 4
151 Saisine d’Orange, pièces n° 13 et 13 bis
152 Saisine d’Orange, pièce n° 14