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Décisions

Cass. crim., 12 juin 2003, n° 02-81.122

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Dulin

Avocat général :

Mme Commaret

Avocats :

Me Capron, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit, SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Foussard, Me Luc-Thaler

Versailles, 9e ch., du 19 déc. 2001

19 décembre 2001

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur la recevabilité du pourvoi de Jean-Claude X... ;

Attendu que le pourvoi a été formé par déclaration de Me Halna du Fretay, avocat ; qu'à cette déclaration est annexé un pouvoir spécial délivré à cet effet à Me Baillet, avocat au barreau de Paris ;

Attendu qu'un mandataire, fût-il avocat, ne saurait exercer un tel recours sans justifier personnellement d'un pouvoir spécial, comme l'exige l'article 576 du Code de procédure pénale; que ni les termes de la déclaration de pourvoi ni ceux du mandat, ne font apparaître l'appartenance des deux avocats susnommés à la même société civile professionnelle ;

Que, dès lors, le pourvoi est irrecevable ;

II - Sur les pourvois de James B... et de l'association UFDCAM 1789 ;

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

III - Sur les autres pourvois ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Louise-Yvonne A..., pris de la violation des articles 38 de la loi du 29 juillet 1881, 321-1 du Code pénal, 11, 427, 691, et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de faire droit à la demande de Louise-Yvonne A... tendant au rejet de pièces produites devant la Cour par les conseils de Jean-Claude X..., en l'occurrence les articles du journal "Le Monde" en date du 25 juillet 2001, relatant et résumant le contenu d'une ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris se déclarant incompétent, en application des articles 68 de la Constitution et 113- 2 du Code de procédure pénale, pour procéder dans le cadre de l'information ouverte sur les conditions de passation des marchés publics de la Région Ile-de-France, à l'audition de Jacques D... en qualité de témoin assisté ;

"aux motifs qu'il résulte de l'article 427 du Code de procédure pénale que la preuve est libre en matière répressive hors les cas où la loi en dispose autrement ; que les juges correctionnels peuvent puiser les éléments de leur conviction dans tous les éléments de la cause pourvu qu'ils aient été soumis aux débats et à la libre discussion des parties, et qu'enfin, ceux-ci ne peuvent écarter des moyens de preuve produits par les parties, au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, mais qu'il leur appartient seulement d'en apprécier la valeur probante ; qu'en l'espèce ... le conseil de Louise-Yvonne A... a été en mesure de discuter et de s'expliquer sur le contenu et la valeur de ce document ; il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur les conditions de l'obtention des informations contenues sur ce texte, mais de le considérer comme une pièce parmi d'autres et de ne lui accorder la valeur probante que d'un simple article de journal ;

"alors que doit nécessairement être écarté des débats l'élément de preuve interdit par une disposition légale, ce qui est précisément le cas, aux termes de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, de la publication d'un acte de procédure, notamment correctionnelle, avant qu'il n'ait été lu en audience publique, tel en l'espèce, les extraits de l'ordonnance d'incompétence publiée par l'article du journal Le Monde, que, dès lors, la Cour ne pouvait prétendre retenir comme élément de preuve soumis à son appréciation, sans violer le texte susvisé ;

"que, d'autre part, les exigences tant du respect de l'ordre public et d'une bonne administration de la justice, que du droit à un procès équitable, excluent la recevabilité d'éléments de preuve provenant de la commission d'une infraction, ce qui était précisément le cas en l'espèce du versement aux débats d'un article de presse relatant le contenu de pièces couvertes par le secret de l'instruction, dont la violation est, aux termes de l'article 11 du Code de procédure pénale, constitutive d'une infraction pénalement punissable, de sorte qu'en admettant la recevabilité d'un tel élément de preuve, la Cour a, là encore, entaché sa décision de manque de base légale ;

"qu'enfin, la communication parcellaire devant les juges du fond du contenu d'une pièce d'une autre procédure se trouvant au stade de l'information et paraissant mettre en cause la personne poursuivie devant la juridiction correctionnelle, porte nécessairement atteinte à ses droits, à raison même du caractère fragmentaire de cette communication, et de l'absence de réel débat contradictoire supposant que l'intéressée ait pu s'expliquer dans le cadre de l'information et qu'il soit fait état devant le juge du fond desdites explications" ;

Attendu que, pour rejeter la demande présentée par l'avocat de Louise-Yvonne A... tendant à ce que soit écarté des débats un article de presse produit par un coprévenu et relatant le contenu d'une ordonnance rendue quelques semaines plus tôt par des juges d'instruction se déclarant incompétents pour procéder, dans le cadre d'une information ouverte sur les conditions de passation des marchés publics de la région Ile de France, à l'audition du Président de la République, en qualité de témoin assisté, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors, d'une part, qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, et d'autre part, qu'il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante après débat contradictoire, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Jean Y..., pris de la violation des articles 432-14 du Code pénal, 6, 8 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean Y... coupable du délit de favoritisme, et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs qu'en application de l'article 203 du Code de procédure pénale, il y a lieu de considérer qu'il existe un lien de connexité entre l'ensemble des infractions poursuivies dans la présente procédure, François C... ayant permis ou facilité leur réalisation à travers les différentes sociétés qu'il animait ; qu'il s'ensuit que la Cour retiendra, à l'égard de l'ensemble des prévenus, la date du 2 février 1995 (date du courrier par lequel le procureur de la République de Bourg-en-Bresse a transmis au parquet de Versailles une procédure concernant des fausses factures honorées par la SA Maillard Duclos au bénéfice de la SARL FJM dirigée par M. C...) comme celle du premier acte interruptif de prescription (cf. arrêt attaqué, page 44) ;

"alors qu'il résulte du jugement que les faits reprochés à Jean Y..., antérieurs à l'engagement des procédures d'appel d'offres concernant les marchés du collège de la rue Vitruve, du groupe scolaire Duquesne-Eblée et de la crèche de la rue Jonquière, remontent à mai 1991 (marché Duquesne), décembre 1991 (marché Vitruve) et septembre 1992 (marché Jonquière) ; que, même à supposer que la cour d'appel ait pu retenir à l'égard de l'ensemble des prévenus la date du 2 février 1995 comme celle du premier acte interruptif de la prescription, les faits concernant le marché Duquesne et le marché Vitruve, pour lesquels la cour d'appel ne constate aucune dissimulation étaient prescrits au moment du premier acte interruptif, de sorte que la cour d'appel devait, concernant ces faits, constater la prescription de l'action publique ;

qu'il s'ensuit que la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que Jean Y... est poursuivi pour avoir porté atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats à l'occasion de la passation de marchés publics dont la société Mazzotti a été déclarée adjudicataire ;

Attendu que, pour écarter la prescription de l'action publique invoquée par le prévenu, l'arrêt énonce qu'à l'issue de tractations ayant duré plusieurs mois entre celui-ci, les services qu'il dirigeait et la société Mazzotti les marchés en cause ont été attribués à cette société en juillet 1992 et en juin 1993 et que la prescription a été interrompue le 2 février 1995 à l'égard de tous les faits compris dans la poursuite en raison de leur connexité ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Jean Y..., pris de la violation des articles 432-14 du Code pénal, 7 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 (dans la rédaction antérieure à la loi n° 92-686 du 22 juillet 1992), 26 du décret n° 92-1310 du 15 décembre 1992 modifiant l'article 47 du Code des marchés publics, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean Y... coupable du délit de favoritisme, et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs que l'article 432-14 du Code pénal a repris l'ensemble des dispositions, applicables à l'époque des faits, de l'article 7 de la loi du 3 janvier 1991 ; que par ces textes, le législateur à entendu faire respecter, au moyen de sanctions pénales, les principes généraux de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats aux marchés ; que les faits de favoritisme reprochés à Jean Y... sont incriminés par la loi pénale, qu'ils aient été commis avant ou après l'entrée en vigueur du décret du 15 décembre 1992, lequel a eu seulement pour objet d'expliciter les principes fondateurs de la loi du 3 janvier 1991 ; que l'élément légal de l'infraction est, dès lors, constitué ;

"alors que l'article 7 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, dont les dispositions ont été reprises par l'article 432-14 du Code pénal, définissant le délit de favoritisme, précise que l'avantage injustifié doit avoir été procuré à autrui "par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats" dans les marchés publics ; que ce texte ne vise que les dispositions résultant de la loi ou des règlements, à l'exclusion des principes généraux du droit ; qu'un texte réglementaire garantissant l'égalité de traitement des candidats aux marchés publics n'est intervenu que par l'article 26 du décret n° 92-1310 du 15 décembre 1992 modifiant l'article 47 du Code des marchés publics (ancien) ; qu'il s'ensuit que, les faits reprochés à Jean Y... remontant à mai 1991 (marché Duquesne), décembre 1991 (marché Vitruve) et septembre 1992 (marché Jonquière), la cour d'appel ne pouvait, faute d'élément légal, déclarer le prévenu coupable du délit de favoritisme ; que l'arrêt attaqué a donc violé les textes susvisés" ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Jean Y..., pris de la violation des articles 7 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 92-686 du 22 juillet 1992), 121-1 et 432-14 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean Y... coupable du délit de favoritisme, et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs que Jean Y... exerçait les fonctions de directeur de l'architecture à la mairie de Paris et était à ce titre, dépositaire de l'autorité publique, puisqu'il était responsable de l'attribution des marchés publics de la Ville de Paris ; qu'il n'est pas nécessaire que l'avantage injustifié ait été procuré à une entreprise directement par Jean Y..., puisque l'article 7 de la loi du 3 janvier 1991 prévoit que les faits peuvent être commis par "toute personne intervenant pour le compte d'une personne dépositaire de l'autorité publique" ; que tel est le cas de M. E..., adjoint de Jean Y..., de MM. F... et G..., architectes, et de M. H..., salarié du bureau d'études qui ont déclaré avoir agi sur instructions directes ou indirectes de Jean Y... ; que M. E... a déclaré que Jean Y... lui avait recommandé l'entreprise Mazzotti et lui avait dit de l'adresser au bureau d'études ; que M. H..., salarié du bureau d'études, a déclaré que M. E... lui a demandé de recevoir les représentants de l'entreprise Mazzotti, pour fournir à celle-ci les plans et notes descriptives de l'avant projet sommaire, de l'opération Vitruve ; que M. F... a déclaré avoir remis, à la demande de Jean Y..., à un représentant de l'entreprise Mazzotti des plans, des croquis et des études de prix concernant l'opération Duquesne ; que concernant l'attribution du marché de la crèche de la rue Jonquière, dans le cadre de la procédure du marché négocié, Jean Y... a reconnu avoir indiqué aux représentants de la société Mazzotti qu'elle devait tenter sa chance ; que, selon les représentants de cette société, l'architecte G... (décédé en 1994) lui a remis en octobre 1992 des plans, le cahier des charges et les pièces relatives au marché ; qu'il résulte de ces éléments que les avantages procurés à l'entreprise Mazzotti l'ont été à la demande de Jean Y..., dépositaire de l'autorité publique, ou pour le compte de celui-ci ;

"alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait, étant précisé qu'il ne saurait y avoir de présomption de responsabilité pénale du fait d'autrui en dehors d'un texte spécial la prévoyant ; qu'en se bornant à relever que concernant les trois opérations litigieuses, les plans et notices des avant-projets sommaires avaient été remis aux représentants de l'entreprise Mazzotti par M. H..., salarié du bureau d'études (marché Vitruve), M. F..., architecte (marché Duquesne) et M. G..., architecte (marché Jonquière), agissant "à la demande de Jean Y..., dépositaire de l'autorité publique, ou pour le compte de celui-ci", la cour d'appel n'a pas caractérisé des actes personnellement imputables au prévenu ; qu'en retenant néanmoins sa responsabilité pénale personnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour Jean Y..., pris de la violation des articles 7 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 82-686 du 22 juillet 1992), 432-14 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean Y... coupable du délit de favoritisme, et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs qu'il ne peut être sérieusement constaté que les informations données aux représentants de Ia société Mazzotti étaient privilégiées et lui ont procuré des avantages injustifiés, dès lors qu'elles ont été fournies avant le lancement officiel d'appel d'offres, que les autres candidats n'en ont pas bénéficié et que le principe de l'égalité de traitement des concurrents n'a donc pas été respecté ; que, pour le marché du collège de la rue Vitruve, M. H... a précisé que l'avant-projet sommaire, ainsi que les plans d'APS et la note descriptive fournis pouvaient permettre à l'entreprise Mazzotti d'établir des estimatifs, des quantitatifs et des chiffrages de l'opération ; que, pour le marché du groupe scolaire Duquesne, M. F... a précisé que les informations données à l'entreprise Mazzotti lui permettaient de calculer son prix ; que pour le marché de la Crèche de la rue Jonquière, l'entreprise Mazzotti a été invitée par Jean Y... à participer à la phase négociée du marché, tandis qu'à la même époque, M. G..., architecte, a remis à cette entreprise les plans, cahier des charges et pièces écrites qui lui ont permis de gagner du temps pour la réponse ; que le caractère injustifié des avantages procurés à l'entreprise Mazzotti est donc démontré ;

"alors, d'une part, que le délit de favoritisme suppose que le prévenu ait procuré à l'entreprise concernée un avantage injustifié susceptible de porter atteinte à l'égalité des candidats, ce qui suppose que l'information fournie à l'entreprise candidate à un marché public ait eu un caractère "privilégié" ; qu'en se bornant à retenir le caractère privilégié des informations données aux représentants de la société Mazzotti, au motif que ces informations qui avaient été fournies avant le lancement officiel des appels d'offres, n'avaient pas bénéficié aux autres candidats, sans s'expliquer sur l'argumentation essentielle du prévenu (cf. concl . p. 12 à 17), qui faisait valoir que les plans et notices des avant-projets sommaires n'étaient pas des informations "privilégiées" puisque ces plans étaient affichés au pavillon de l'arsenal, et que les estimations du maître d'ouvrage n'avaient pas davantage un caractère "privilégié", puisqu'il s'agissait d'informations publiques figurant dans les délibérations correspondantes des assemblées municipales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que ne constitue pas l'octroi d'un avantage injustifié le fait pour le directeur de l'architecture à la mairie de Paris, responsable de l'attribution des marchés publics de la ville de Paris, d'inciter une entreprise à participer, à la suite d'une procédure d'appel d'offres restreint infructueuse, à la phase négociée du marché ; qu'en se fondant, pour estimer constitué le délit de favoritisme à l'égard de Jean Y..., sur le fait qu'il avait admis avoir incité l'entreprise Mazzotti à participer à la phase négociée du marché concernant la crèche de la rue Jonquière, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Jean Y... coupable d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, les juges, après avoir relevé que le prévenu, en sa qualité de directeur de l'architecture à la ville de Paris, était responsable de la passation de ces marchés, retiennent qu'à l'occasion de l'attribution de deux marchés soumis à la procédure d'appel d'offres restreint, il a été remis à la société Mazzotti, à la demande de Jean Y..., pour le premier marché, l'avant-projet sommaire et des notices descriptives bien que l'opération n'ait fait l'objet d'aucune publication légale, et, pour le second marché, des plans, des croquis et des études de prix, ces renseignements confidentiels ayant permis à cette société de proposer des prix correspondant à ceux du maître de ouvrage et de se voir attribuer les marchés en tant qu'entreprise moins disante ;

Que les juges ajoutent, par motifs propres et adoptés, que, pour l'attribution du marché portant sur la construction d'une crèche, la procédure d'appel d'offres restreint, qui s'est révélée infructueuse, était totalement fictive, les entreprises ayant proposé, pour s'exclure, des prix anormalement élevés ; qu'après l'échec de cette procédure, le prévenu a sollicité de la société Mazzotti sa participation à la phase négociée du marché, qu'il lui a été remis les plans, les cahiers des charges, des notes écrites et l'enveloppe financière, et qu'après avoir proposé un prix très proche de celui du maître de l'ouvrage, cette société a été déclarée bénéficiaire de ce marché ;

Que les juges retiennent encore que le prévenu, pendant la période préparatoire à l'attribution de ces marchés, a reçu à six reprises des représentants de la société Mazzotti, ce qui n'avait été fait pour aucune entreprise similaire ;

Que les juges déduisent de l'ensemble de ces éléments que le prévenu a fait bénéficier cette société d'avantages injustifiés en lui procurant des renseignements confidentiels qui lui ont permis de soumissionner aux conditions fixées par le maître de l'ouvrage ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations qui caractérisent des actes contraires aux dispositions du Code des marchés publics alors applicable, ayant, notamment, pour objet de garantir l'égalité des candidats dans les marchés publics, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le second moyen de cassation, proposé pour Louise-Yvonne A..., pris de la violation des articles 7, alinéa 1, de la loi du 3 janvier 1991, 437 de la loi du 24 juillet 1966, 460 ancien et 321-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Louise-Yvonne A... coupable de recel d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la société Mazzotti et la condamne à 6 mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs qu'il résulte de l'ensemble des éléments que M. Quentin, sur instructions de Jean-Claude X..., a bien remis à Louise-Yvonne A..., le 20 juillet 1993, une somme d'environ 340 000 francs en espèces pour le RPR en contrepartie de trois marchés publics que la société Mazzotti avait obtenus de la ville de Paris en 1992 et 1996 ; qu'en acceptant de recevoir une telle somme qu'elle savait nécessairement obtenue grâce à la commission du délit de favoritisme et qui était payée par Jean-Claude X... de manière contraire à l'intérêt social de la société Mazzotti puisque de telles pratiques constituaient des infractions pénales et ruinaient la réputation et le crédit de celle-ci, Louise-Yvonne A... s'est rendue coupable du délit de recel d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Mazzotti ;

"alors que, d'une part, les faits objet des présentes poursuites, à les supposer établis, ayant été commis sous l'empire de l'article 460 ancien du Code pénal qui, à la différence de l'actuel article 321-1, ne permettait d'incriminer, au titre de l'élément matériel du recel, que la détention ou encore le profit retiré d'une infraction et non la simple transmission ou le seul fait d'avoir fait office d'intermédiaire, il s'ensuit qu'en l'état des énonciations de l'arrêt, dont il ressort que Louise-Yvonne A... n'aurait reçu des sommes des entreprises que pour les transmettre au RPR et aurait ainsi rempli un simple rôle d'intermédiaire et non de détenteur, sans qu'il ait par ailleurs été allégué qu'elle ait tiré profit desdites sommes, la Cour ne pouvait, sans violer le principe de la non-rétroactivité des lois pénales plus sévères, prétendre retenir à son encontre la prévention de recel pour des faits qui n'entraient pas dans la définition du texte applicable au moment de leur commission ;

"alors que, d'autre part, la Cour, qui a ainsi affirmé que Louise-Yvonne A... savait que les sommes reçues provenaient de la commission d'un délit de favoritisme comme de celle d'un délit d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Mazzotti, tout en constatant par ailleurs, et de manière parfaitement contradictoire, s'agissant du favoritisme, qu'aucun élément du dossier n'établit que Louise-Yvonne A... ait eu un quelconque contact avec les responsables de l'organisation des marchés litigieux (p. 87) et que, s'agissant de l'abus de biens sociaux, ne donne aucun motif permettant d'établir que l'intéressée ait simplement su que les fonds qui lui étaient remis appartenaient à l'entreprise Mazzotti et se trouvaient ainsi utilisés à des fin contraires à l'intérêt de cette dernière, n'a pas, en l'état de ces motifs entachés tout autant de contradiction que d'insuffisance, caractérisé l'élément intentionnel du délit de recel" ;

Attendu que, pour déclarer Louise-Yvonne A... coupable de recel d'abus de biens sociaux, l'arrêt énonce qu'il ressort de plusieurs témoignages et notamment de celui de Jean-Claude X..., président du conseil d'administration de la société Mazzotti, que la prévenue a reçu, le 20 juillet 1993, une somme d'argent, destinée au parti politique dont elle était trésorière adjointe, sachant que cette somme avait été prélevée frauduleusement dans les comptes sociaux de la société et constituait la contrepartie de l'obtention de marchés publics obtenus grâce à des informations privilégiées ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que la prévenue a reçu et transmis à un tiers des sommes dont elle connaissait l'origine frauduleuse, même si elle n'en a pas tiré un profit personnel, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de recel tel que prévu par l'article 460 ancien du Code pénal, alors applicable ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, proposé pour Jean-François C..., pris de la violation des articles 321-1 du Code pénal, 460 de l'ancien Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 3, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-françois C..., solidairement avec Jean-Claude X... et Jean-Jacques I..., à verser à la société Mazzotti, représentée par son liquidateur, Me Ouizille la somme de 8,009 millions de francs à titre de dommages-intérêts, aprés l'avoir déclaré coupable de recel d'abus de biens sociaux au préjudice de cette société ;

"aux motifs qu'en acceptant de faire payer, par la société Mazzotti aux sociétés Mythra et Gaia, des factures pour un montant de 8 009 673 francs dont le caractère fictif n'est contesté ni par Jean-François C..., ni par Jean-Jacques I..., ni par Jean-Claude X..., ce dernier a fait, des biens de cette société dont il était le président, un usage contraire à l'intérêt de celle-ci, puisqu'il l'a appauvrie sans contre partie, qu'il l'a exposée à un risque pénal et à des sanctions fiscales, et qu'il a contribué à ruiner sa réputation et son crédit (...) ; le délit d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Mazzotti est donc établi, et Jean-Claude X..., président de cette société, en sera déclaré coupable ; Jean-François C... qui, en sa qualité de gérant de fait des sociétés Mythra et Gaia, a encaissé les sommes mentionnées sur les factures, sera déclaré coupable de recel d'abus de bien sociaux ; il n'est nullement démontré, par les prévenus, que la somme de 8,009 MF ait été refacturée in fine aux clients de la société Mazzotti, lors de l'obtention des marchés ; qu'en outre, le retour d'espèces à hauteur de 6,446 MF a été versé par Jean-François C... à Jean-Claude X..., à titre personnel pour sa caisse noire, selon ses propres aveux, et non pas à la société Mazzotti ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont condamné solidairement Jean-Claude X..., Jean-François C... et Jean-Jacques I... à payer à la société Mazzotti, représente par Me Ouizille, la somme de 8,009 MF ;

"alors qu'il résultait, d'une part, d'un jugement rendu le 6 septembre 2000 par le tribunal de commerce de Nanterre, régulièrement versé aux débats par Jean-François C..., que ce dernier n'avait jamais eu la qualité de dirigeant ou de gérant de fait de la société Mythra, d'autre part, des propres énonciations de l'arrêt attaqué que les fonds provenant du délit d'abus de biens sociaux commis par Jean-Claude X... au préjudice de la société Mazzotti avaient été encaissés par ladite société Mythra ; qu'il s'en déduisait que Jean-François C..., qui n'avait pas la qualité de dirigeant ou de gérant de fait de la société Mythra, n'avait pu encaisser les fonds détournés par Jean-Claude X..., et ne pouvait en conséquence les avoir recelés ; qu'en le déclarant néanmoins tenu à dommages- intérêts envers la société Mazzotti, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que le demandeur, ayant limité son pourvoi aux dispositions civiles de l'arrêt attaqué, est irrecevable à soulever un moyen qui ne concerne que les dispositions pénales non remises en cause ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Jean-François C..., pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation de l'article 1382 du Code civil ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Jean-François C..., solidairement avec Jean-Claude X... et Jean-Jacques I..., à verser à la société Mazzotti représentée par son liquidateur, Me Ouizille, la somme de 8,009 MF à titre de dommages intérêts, après l'avoir déclaré coupable de recel d'abus de biens sociaux au préjudice cette société ;

"aux motifs qu'il n'est nullement démontré, par les prévenus, que la somme de 8,009 MF ait été refacturée in fine aux clients de la société Mazzotti, lors de l'obtention des marchés ; qu'en outre, le retour d'espèces à hauteur de 6,446 MF a été versé par Jean-François C... à Jean-Claude X..., à titre personnel pour sa caisse noire, selon ses propres voeux, et non pas à la société Mazzotti ; que c'est donc à bon droit que les premier juges ont condamné solidairement Jean-Claude X..., Jean-François C... et Jean-Jacques I... à payer à la société Mazzotti, représentée par Me Ouizille, la somme de 8,009 MF ;

"alors 1 ) que les règles de fond de la responsabilité civile s'imposent au juge répressif saisi par la victime d'une infraction pénale ; qu'il suit de là que le juge pénal ne peut restituer à la société constituée partie civile du chef d'un abus de biens sociaux le montant des sommes détournées par son dirigeant en vue d'obtenir, par l'intermédiaire d'un financement clandestin, en son nom, l'octroi ou le renouvellement de marchés de construction privés ou publics, sans rechercher dans quelle mesure il n'en est pas résulté pour cette société un bénéfice certain de nature à atténuer les conséquences dommageables de l'infraction au jour où il statue sur la demande de réparation ; qu'en s'abstenant en l'espèce de procéder à cette recherche, quand l'ancien dirigeant de la société Mazzotti reconnaissait pourtant que celle-ci avait réalisé, grâce à ces marchés, un chiffre d'affaires d'environ 200 millions de francs, la cour d'appel, qui a méconnu l'incidence financière des opérations accomplies dans l'intérêt de la société Mazzotti, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"alors 2 ) que, s'il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement, dans les limites de la demande de la partie civile, le montant du préjudice subi par celle-ci, la Cour de Cassation doit néanmoins s'assurer qu'ils ont préalablement caractérisé l'existence d'un dommage découlant directement de l'infraction ; qu'en l'espèce, faute d'avoir constaté qu'à la date des faits, les versements litigieux avaient eu des incidences certaines sur la trésorerie de la société Mazzotti, entreprise de construction importante qui employait alors plus de deux cents personnes et qui aurait été privée de disponibilités devant impérieusement être utilisées à d'autres fins, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"qu'il en est d'autant plus ainsi que les difficultés financières ayant conduit à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire contre la société Mazzotti n'étaient apparues qu'une dizaine d'années après les faits, alors que le bénéfice du système de financement dénoncé avait fini de produire ses effets sur l'octroi et le renouvellement à son profit des marchés de construction" ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour la société Mazzotti des faits dont s'est, notamment, rendu coupable Jean-François C..., la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs ;

I - Sur le pourvoi de Jean-Claude X... ;

Le DECLARE IRRECEVABLE ;

II - Sur les autres pourvois :

Les REJETTE.