Cass. 3e civ., 21 octobre 2014, n° 13-24.197
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Avocats :
Me Le Prado, SCP Fabiani et Luc-Thaler
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2013), que suivant acte authentique du 25 mai 2010, la société MPB a promis de vendre à la société JSW Palmers un ensemble immobilier sis rue Lauriston à Paris, au prix de vingt trois millions d'euros, la durée de la promesse expirant le 16 septembre 2010 ; qu'à cette date, les parties ont constaté la réalisation des conditions suspensives et sont convenues de reporter la durée de réalisation de la promesse au 22 octobre 2010 ; que la vente ne s'étant pas réalisée, la société JSW Palmers a assigné la société MPB en vente forcée et fait publier l'assignation à la conservation des hypothèques ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société JSW Palmers fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges ont l'interdiction de dénaturer les termes clairs et précis des contrats qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, par acte sous seing privé du 16 septembre 2010 conclu entre la société MPB et la société JSW Palmers, la société JSW Palmers a « déclar é et reconn u que l'accord conclu aux termes de la Promesse du 25 mai 2010 était définitif » ; qu'il résultait de ces termes clairs et précis que la société JSW Palmers avait accepté l'offre de la société MPB et que la vente était parfaite ; que dès lors, en jugeant que l'acte du 16 septembre 2010 ne renfermait aucune manifestation de la volonté d'acquérir de la part de la société JSW Palmers, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la convention du 16 septembre 2010 et a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel a elle-même constaté que le 22 octobre 2010 était la « date ultime fixée pour la réalisation de la vente » ; qu'elle a encore constaté que par acte d'huissier du 22 octobre 2010, la société JSW Palmers avait « sommé la société MPB de régulariser l'acte de vente le 10 janvier 2011 » ; qu'il s'ensuivait que par cette sommation, la société JSW Palmers avait levé l'option qui lui était consentie dans le délai imparti ; que dès lors, en jugeant que la société JSW Palmers n'avait pas levé l'option dans les temps impartis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134 et 1589 du code civil ;
3°/ que dans ses conclusions d'appel, la société JSW Palmers faisait valoir qu'à la suite de la sommation qu'elle avait fait délivrer le 22 octobre 2010 à la société MPB, elle ne s'était elle-même pas présentée pour signer l'acte authentique de vente le 10 janvier 2011 dans la mesure où la société MPB lui avait signifié qu'elle refusait de déférer à sa sommation ; qu'à l'appui de ce moyen, elle produisait une protestation à sommation du 29 octobre 2013 par laquelle la société MPB considérait la sommation « non avenue », prétendait que la promesse de vente était « désormais caduque », et indiquait qu'elle « entend ait , en conséquence, retrouver son entière liberté de disposer du bien originairement promis à la vente » ; qu'elle en déduisait la mauvaise foi de la société MPB ; que dès lors, en reprochant à la société JSW Palmers de ne pas avoir comparu ni payé le prix le 10 janvier 2011 alors que la société MPB avait déféré à sa sommation, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la promesse du 25 mai 2010 prévoyait que seul le « transfert de propriété était reporté au jour de la constatation de la vente en la forme authentique accompagné du paiement du prix » (article 3.1.3), et que « toute rétractation unilatérale de la volonté du Promettant sera de plein droit inefficace du fait de l'acceptation de la présente promesse en tant que telle par le Bénéficiaire » (article 3.1.5) ; qu'aucune stipulation de la promesse, ni de l'acte du 16 septembre 2010, ne faisaient du versement du prix de vente et de la signature de l'acte authentique des conditions à la formation du contrat de vente ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a méconnu la loi des parties, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
5°/ que dans ses conclusions d'appel, la société JSW Palmers faisait valoir de manière détaillée, preuves à l'appui, qu'elle avait averti la société MPB dès la fin du mois de septembre 2010 de la substitution de la société Sogeros dans ses droits issus de la promesse de vente, que la société Sogeros avait organisé des rendez-vous avec Mme X..., animatrice de la société MPB, pour visiter les lieux début octobre 2010, et que la société MPB n'avait manifesté aucune opposition à la substitution jusqu'au 22 octobre 2010, date ultime pour la réalisation de la promesse ; qu'elle soulignait que ce comportement caractérisait la mauvaise foi de la société MPB, qui avait laissé croire par son silence qu'elle acceptait la substitution, avant de s'y opposer en dernière extrémité afin de faire échouer la vente tout en conservant l'indemnité d'immobilisation ; que dès lors, en se bornant à affirmer que la mauvaise foi de la promettante n'était « pas établie », sans répondre au moyen précité, la cour d'appel, qui a statué par voie d'affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation , que l'ambiguïté des termes de l'acte sous seing privé du 16 septembre 2010 rendait nécessaire, que cet acte ne comportait pas la manifestation de la volonté de la société JSW Palmers d'acquérir le bien et relevé qu'à la date du 22 octobre 2010, à laquelle expirait le délai fixé pour la signature de l'acte authentique de vente, le bénéficiaire n'avait pas levé l'option avec le versement effectif du prix, conformément aux stipulations de la promesse du 25 mai 2010, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire qu'à l'expiration de la durée conventionnelle de l'engagement de la société MPB, la promesse était devenue caduque du fait de la carence de son bénéficiaire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1382 du code civil et l'article 37 alinéa 2 1° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
Attendu que pour condamner la société JSW Palmers à payer à la société MBP des dommages-intérêts en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance de trouver rapidement un autre acquéreur et de la perte financière, l'arrêt retient qu'en publiant l'assignation en vente forcée, la société JSW Palmers a délibérément choisi d'empêcher la vente de l'immeuble causant un préjudice certain à la société MPB ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser un abus, par la société JSW Palmers, du droit de publier l'assignation à la publicité foncière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société JSW Palmers à payer à la société MPB la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que la somme de 201 249 euros en indemnisation de sa perte financière, l'arrêt rendu le 4 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.