Cass. com., 26 février 2002, n° 00-15.495
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. DUMAS
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 6 mars 2000) que M. X... ayant consenti à la société X..., devenue société Bugnot, une licence d'exploitation d'un brevet couvrant un broyeur de pierres, il a mis cette société en demeure de lui régler les redevances convenues, en se prévalant de la clause résolutoire stipulée au contrat en pareil cas, puis l'a assignée en paiement de ces sommes ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, et sur le second moyen, pris en sa dernière branche :
Attendu que la société Bugnot fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résolution du contrat de licence exclusive, à la demande du breveté et aux torts exclusifs du concessionnaire, en application de la clause résolutoire stipulée par l'article 13 du contrat, alors, selon le moyen :
1 / que l'obligation d'exécuter, de bonne foi, le contrat de licence exclusive d'exploitation d'un brevet d'invention interdit à son titulaire de démarcher la clientèle du concessionnaire en fabriquant des modèle identiques ou similaires à ceux dont celui-ci a concédé l'exploitation ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt (cf.p.9, al.2) que les modèles fabriqués par M. X... étaient de nature à concurrencer ceux qui avaient été concédés à la société Bugnot ; qu'en prononçant la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société Bugnot pour non-paiement des redevances d'exploitation du brevet en application de la clause résolutoire stipulée par l'article 13 du contrat, quand le manquement de M. X... à son obligation d'exécuter de bonne foi ledit contrat de licence exclusive lui interdisait de se prévaloir de la clause résolutoire stipulée par cet article 13, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 1184 du même Code et l'article L. 613-8 du Code de la propriété intellectuelle ;
2 / qu'en se bornant à affirmer que la société Bugnot ne rapportait pas la preuve de la contrefaçon, par la société Kirpy, du brevet déposé par M. X..., quand il appartenait à la juridiction du second degré de rechercher si cette société avait reproduit les éléments caractéristiques du brevet déposé par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
3 / que dans un courrier du 24 mars 1992, le cabinet Robert Gerardin, conseil en propriété industrielle, avait indiqué à M. X... qu'il y aurait certainement matière à intenter à l'encontre de Kirpy une action en contrefaçon ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le contenu de cette lettre qui était visée dans l'arrêt attaqué, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / que l'inexécution par l'une des parties de ses obligations contractuelles interdit aux juges du fond de prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de son cocontractant ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que M. X... avait distribué des modèles concurrents de ceux dont il avait concédé l'exploitation à la société Bugnot et ce faisant manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de licence exclusive ; qu'en prononçant néanmoins la résolution de ce contrat aux torts exclusifs de ladite société concessionnaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et ainsi violé les articles 1134, alinéa 3 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'il n'est pas prétendu que la convention des parties ait expressément stipulé l'interdiction générale pour le concédant de se livrer à une activité concurrente, ni que ce dernier ait mis en oeuvre à cette occasion la technique couverte par le brevet faisant l'objet du contrat de licence ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a, hors toute dénaturation, apprécié les termes d'un courrier se référant à un autre brevet que celui en cause, et examiné la valeur des éléments produits par la société Bugnot, à laquelle il incombait de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions, sans être tenue de se livrer d'office à la recherche visée à la deuxième branche du moyen ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société Bugnot fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résolution d'un contrat de licence exclusive, à la demande du breveté et aux torts exclusifs du concessionnaire, en application de la clause résolutoire stipulée par l'article 13 du contrat de licence, et d'avoir décidé, en conséquence, que le préjudice subi par M. X... à la suite de la résolution du contrat, était égal au montant total des redevances qu'il aurait dû recevoir jusqu'à la constatation par la cour de l'acquisition de la clause résolutoire, alors, selon le moyen :
1 / que le contrat est résolu par le seul effet de la clause résolutoire, à l'expiration du délai ouvert par le commandement délivré au débiteur ; qu'il s'ensuit que M. X... ne pouvait plus prétendre au paiement des redevances après avoir, le 10 juillet 1992, délivré à la société Bugnot une mise en demeure en application de la clause résolutoire stipulée à l'article 13 du contrat delicence ; qu'en décidant cependant que M. X... avait été privé du paiement des redevances auquel il avait droit jusqu'à sa décision du 6 mars 2000 qui avait constaté l'acquisition de la dite clause résolutoire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2 / qu'à supposer que la résolution judiciaire du contrat eût été prononcée, il résultait des conclusions de M. X... qu'il demandait à la cour de constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue par l'article 13 du contrat de licence, pour défaut de paiement des redevances, et non pas de prononcer la résolution judiciaire du contrat pour ce motif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a pas prononcé la résolution judiciaire du contrat, ni décidé que M. X... avait droit aux redevances courues jusqu'à son arrêt, mais que, sans arrêter le principe ni le quantum du préjudice, elle a seulement enjoint aux parties de produire toutes pièces de nature à déterminer le montant de ces redevances jusqu'à cette date ; que le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bugnot aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... une somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille deux.