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Décisions

ARCEP, 28 juillet 2015, n° 2015-0971-RDPI

ARCEP

se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant, d’une part, les sociétés Free et Free Mobile et, d’autre part, la société Orange

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soriano

Membre :

Mme Benhamou, Mme Denis, M. Stern

ARCEP n° 2015-0971-RDPI

27 juillet 2015

L’Autorité   de   régulation   des   communications   électroniques   et   des   postes   (ci-après

« l’Autorité »),

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 7 mars 2002 modifiée relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 modifiée relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 32-1, L. 36-8, L. 37-1 et suivants, R. 11-1 et D. 301 et suivants ;

Vu la décision n° 2014-0733 de l’Autorité en date du 26 juin 2014 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d’accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;

Vu la décision n° 2014-0471 de l’Autorité en date du 15 avril 2014 portant adoption du règlement intérieur ;

Vu la demande de règlement de différends, enregistrée à l’Autorité le 1er avril 2015, présentée par la société Free, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 421 938 861, dont le siège social se situe au 8 rue de la Ville l’Evêque, 75008 Paris, représentée par son président, et par la société Free Mobile, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 499 247 138, dont le siège social se situe au 16 rue de la Ville l’Evêque, 75008 Paris, représentée par son président ;

Les sociétés Free et Free Mobile (ci-après « les sociétés Free » ou « Free ») demandent à l’Autorité d’enjoindre à la société Orange :

- « de supprimer toute modification tarifaire des offres d’accès à la boucle locale, d’hébergement et de lien fibre optique (LFO) lorsque ces infrastructures sont utilisées pour collecter des flux mobiles 3G et 4G (que ces sites soient raccordés en cuivre ou en fibre optique) ;

- de modifier le contrat d’accès à la boucle locale pour permettre explicitement le raccordement optique des éléments de réseau distants, notamment les sites mobiles, aux équipements actifs hébergés en application dudit contrat, sans sur-tarification ; les prix des emplacements d’hébergement ne devront pas excéder les tarifs régulés en vigueur figurant dans la version du 31 décembre 2014 de l’offre d’accès à la boucle locale d’Orange, qu’un emplacement serve ou non au raccordement optique des sites mobiles ;

- de modifier le contrat d’Hébergement d’équipements au sein de locaux d’Orange pour l’exploitation des boucles locales en fibre optique pour permettre explicitement le raccordement optique des éléments de réseau distants, notamment les sites mobiles[,] aux équipements actifs hébergés en application dudit contrat, sans sur-tarification ; les prix des emplacements d’hébergement ne devront pas excéder les tarifs régulés en vigueur figurant dans la version du 3 octobre 2014 de l’offre d’hébergement au sein des locaux d’Orange pour l’exploitation des boucles locales en fibre optique, qu’un emplacement serve ou non au raccordement optique des sites mobiles ;

- de modifier le contrat LFO pour permettre explicitement l’acheminement des flux issus des éléments de réseau distants, notamment les sites mobiles, raccordés en fibre optique, sans sur-tarification quelle que soit la durée de l’abonnement souscrit par Free ; les prix de la collecte ne devront pas excéder les tarifs de l’offre en date du 3 octobre 2014 publiée par Orange ».

Sur la compétence et la recevabilité des demandes, les sociétés Free soutiennent que :

- l’Autorité est compétente en application du I de l’article L. 36-8 du CPCE ;

- l’échec des négociations est formalisé pour chacune de leurs demandes.

Sur le fond, les sociétés Free estiment que le raccordement des antennes mobiles en fibre optique est indispensable pour répondre à l’évolution des usages en matière de très haut débit mobile. Elles soutiennent que le raccordement immédiat en fibre optique des antennes  mobiles est impératif pour demeurer compétitif sur le marché français.

Concernant l’accès aux ressources d’hébergement associées à la boucle locale, les sociétés Free affirment, en premier lieu, que le réseau de répartiteurs d’Orange est incontournable. Selon elles, la duplication partielle ou totale de ce réseau serait difficile voire impossible, de telle sorte qu’elles estiment être captives du réseau d’Orange pour raccorder rapidement les antennes. En deuxième lieu,  les  sociétés  Free  soutiennent  que  la  décision  de  l’Autorité n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée impose à Orange l’obligation de pratiquer des tarifs orientés vers les coûts pour les prestations d’hébergement. À cet égard, elles estiment que la décision ne prévoit pas d’exception liée à l’usage d’équipements actifs et qu’Orange doit faire évoluer son offre d’hébergement pour répondre aux besoins des opérateurs. En troisième lieu, les sociétés Free affirment que la sur-tarification demandée par Orange est exorbitante et ne respecte pas l’obligation de pratiquer des tarifs orientés vers les coûts. Elles estiment que leur demande visant à pouvoir raccorder leurs antennes à leurs équipements hébergés dans les répartiteurs d’Orange, sans surcoût par rapport au prix déjà payé pour l’hébergement de ces derniers, est raisonnable.

Concernant l’accès aux ressources de collecte associées à la boucle locale, les sociétés Free soutiennent, d’abord, que, sur le marché de la collecte, elles sont captives de la société Orange, largement dominante sur ce marché. Ensuite, elles affirment que les tarifs de la collecte doivent être non excessifs et que la notion de revenus induits pour l’opérateur client de LFO ne peut pas intervenir dans la notion d’excessivité des tarifs. Elles ajoutent que la majoration tarifaire demandée par Orange pour un « usage étendu » de LFO est excessive au regard des coûts de production sous-jacents mais également au regard du fait qu’elle interdirait la couverture du territoire en dégroupage et en très haut débit mobile. Enfin, elles soutiennent que leur demande de stabilité tarifaire est justifiée et raisonnable.

Vu les courriers en date du 3 avril 2015, par lesquels la directrice des affaires juridiques de l’Autorité a transmis aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et a désigné les rapporteures ;

Vu les observations en défense enregistrées à l’Autorité le 30 avril 2015, présentées par la société Orange, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 380 129 866, dont le siège social se situe 78 rue Olivier de Serres, 75505 Paris cedex 15, représentée par son directeur de la réglementation ;

La société Orange demande à l’Autorité « de lui accorder l’entier bénéfice de ses présentes observations et, en conséquence, de rejeter l’ensemble des demandes de Free […] »  et affirme qu’il serait injustifié, déraisonnable et inéquitable de faire droit à ces demandes.

Sur le contexte, la société Orange affirme que les contrats qu’elle a conclus avec les sociétés Free ne leur permettent pas d’utiliser les prestations d’hébergement et de collecte pour acheminer les flux optiques mobiles et qu’elle leur a proposé des évolutions contractuelles afin de permettre cet usage, ainsi qu’une remise tarifaire au volume. Elle relève que les sociétés Free se sont opposées à toute modification tarifaire et estime que leurs demandes visent à faire entériner par l’Autorité l’utilisation de ces prestations pour acheminer leurs flux optiques mobiles en méconnaissance des contrats signés. Par ailleurs, elle soutient que les sociétés Free ont d’ores et déjà bénéficié de mesures réglementaires favorables et que faire droit à leurs demandes reviendrait à leur accorder un nouvel avantage injustifié sur le marché mobile, au risque de fausser la concurrence.

Sur le fond, la société Orange affirme que les prestations d’hébergement et de collecte ne sont pas indispensables au déploiement d’un réseau mobile et à la collecte des flux mobiles compte tenu de l’existence de plusieurs solutions alternatives permettant d’acheminer le trafic mobile entre une antenne et le cœur de réseau, en particulier les faisceaux hertziens (ci-après « FH »), technologie pertinente et largement utilisée par les opérateurs français. Elle ajoute que le raccordement en fibre optique d’une antenne mobile n’impose pas de recourir aux prestations du réseau fixe d’Orange.

La société Orange soutient ainsi que l’utilisation des prestations d’hébergement et de collecte pour le raccordement en fibre optique d’antennes mobiles doit faire l’objet d’une tarification spécifique et précise qu’elle a décidé de ventiler cette tarification sur ces deux prestations.

S’agissant de l’hébergement, elle considère que ses obligations n’ont pas évolué entre les troisième et quatrième cycles d’analyse de marché (décisions n° 2011-0668 du 11 juin 2011 et n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée), de telle sorte que seule la prestation d’hébergement dans ses NRA et NRO pour la collecte des flux optiques fixes est soumise à l’obligation de pratiquer des tarifs orientés vers les coûts. Elle affirme qu’il lui appartient, au cas par cas, d’apprécier le caractère raisonnable ou non de chaque demande d’accès, notamment lorsque la demande concerne des usages non liés au trafic issu de clients finals fixes et qu’il est ainsi équitable et justifié d’appliquer un tarif spécifique pour l’utilisation de la prestation d’hébergement à des fins de collecte de flux optiques mobiles.

À titre subsidiaire, dans le cas où l’Autorité estimerait que l’obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts s’applique à cette utilisation de la prestation d’hébergement, la société Orange affirme que l’Autorité devrait considérer, au regard des enjeux concurrentiels en cause, que la valeur retirée par les sociétés Free de cette utilisation doit être recouvrée autrement.

S’agissant de la collecte, la société Orange souligne que la procédure de règlement des différends n’a pas pour objet de définir un marché pertinent ni de qualifier la position d’un acteur sur ce marché et estime ainsi que les prémisses des sociétés Free, concernant notamment l’existence d’une position dominante sur le marché de la collecte, ne sont pas pertinentes. En tout état de cause, elle affirme que, si elle devait être considérée comme détenant une position dominante sur un éventuel marché de la collecte, faire droit aux demandes des sociétés Free créerait une distorsion de concurrence sur le marché mobile, incompatible avec sa responsabilité de marché. Elle affirme en outre qu’elle n’est soumise à aucune obligation réglementaire en matière de collecte des flux mobiles issus d’antennes raccordées en fibre optique et que les tarifs de l’offre LFO ont été établis sur la base de considérations étrangères à la présente procédure. Elle estime ainsi que les sociétés Free ne sauraient bénéficier pour le déploiement de leur réseau mobile des effets de la régulation du marché fixe, qui répond à des objectifs spécifiques. En outre, elle soutient que faire droit aux demandes des sociétés Free concernant les tarifs de l’offre LFO serait discriminatoire vis-à- vis des opérateurs fixes qui n’ont pas d’activité mobile ou qui n’utilisent pas cette offre pour la collecte de leurs flux mobiles et introduirait un déséquilibre sur le marché fixe entre les opérateurs, selon qu’ils utilisent ou non les ressources associées au dégroupage pour d’autres usages.

Enfin, la société Orange soutient que la tarification qu’elle a établie est raisonnable, justifiée et équitable. Elle affirme à cet égard que cette tarification doit être en rapport avec la valeur retirée des prestations fournies et qu’elle ne doit pas fausser la concurrence entre les opérateurs sur les marchés de détail mobile et du haut et très haut débit fixe. Elle précise que le « modèle technico-économique des coûts de terminaison d’appel d’un opérateur mobile générique efficace actif respectivement sur les zones métropole, Antilles-Guyane et La Réunion-Mayotte » de l’Autorité est un outil pertinent pour vérifier que le niveau de tarification a été établi à un juste niveau, dès lors que ce modèle détermine les coûts d’un opérateur mobile efficace tout en tenant compte des paramètres des opérateurs déjà présents sur ce marché. Elle procède à l’analyse des tarifs qu’elle propose au regard, d’une part, du coût de construction en propre d’une collecte en fibre optique et, d’autre part, du coût de construction en propre d’une collecte en FH et conclut que ces tarifs sont justifiés et équilibrés.

Vu les observations en réplique présentées par les sociétés Free et enregistrées à l’Autorité le 13 mai 2015, par lesquelles elles persistent dans leurs conclusions et  moyens ;

Sur le contexte, les sociétés Free estiment notamment que les propos d’Orange concernant  les conditions d’entrée de Free Mobile sur le marché mobile sont hors sujet. Elles ajoutent que les avantages dont elles ont bénéficié concernant la 3G sont très relatifs et qu’elles ne disposent d’aucun avantage particulier pour le déploiement du réseau 4G. Elles relèvent que  la société Orange a elle-même bénéficié d’avantages significatifs pour le déploiement de son réseau très haut débit mobile et estiment que leurs demandes visent à permettre aux concurrents de la société Orange sur le marché mobile de la concurrencer efficacement en bénéficiant des avantages du réseau fixe dans des conditions équivalentes. Elles ajoutent que les affirmations de la société Orange relatives à la situation des sociétés Bouygues Telecom et SFR doivent être relativisées, compte tenu notamment de l’accord de mutualisation de sites mobiles conclu entre ces dernières.

Sur le fond, les sociétés Free affirment ne pas disposer d’autre alternative que d’utiliser les infrastructures de génie civil de la société Orange pour déployer les liens en fibre optique permettant de raccorder leurs antennes aux nœuds de raccordement et accéder au seul réseau de collecte très haut débit disponible que constituent les liens LFO sur le segment amont des nœuds de raccordement. Elles ajoutent que le remplacement du réseau de cuivre par un réseau en fibre optique ne génère aucune nouvelle charge pour la société Orange.

Concernant l’hébergement, elles indiquent notamment qu’elles estiment que l’obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts n’implique pas l’obligation pour l’Autorité de  considérer que la société Orange doit recouvrer autrement une partie de la valeur qu’elles retirent de l’utilisation des prestations d’hébergement. Elles ajoutent que, si tel était le cas, cela permettrait à la société Orange de détourner la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 de sa finalité de préservation de la concurrence.

Concernant la collecte, les sociétés Free affirment que les tarifs proposés par la société Orange sont excessifs au regard de l’impact financier pour Free Mobile, du coût incrémental de production de la société Orange et des coûts complets de production d’une collecte en fibre optique. Par ailleurs, dans l’hypothèse où l’Autorité déciderait qu’il est possible de facturer un tarif supplémentaire lorsque l’offre LFO permet la collecte des flux optiques mobiles, elles estiment que la sur-tarification doit être objective, raisonnable et équitable. Elles relèvent que le modèle de terminaison d’appel de l’Autorité susmentionné n’a pas pour objet d’évaluer les coûts du réseau de collecte et produisent des estimations de coûts fondées sur une modélisation complémentaire bottom-up.

Vu les courriers en date du 15 mai 2015 par lesquels le chef de l’unité « Nouvelles régulations, nouveaux réseaux, collectivités et Europe » de la direction des affaires juridiques de l’Autorité (ci-après « le chef d’unité ») a transmis des questionnaires des rapporteures aux parties ;

Vu les deuxièmes observations en défense, présentées par la société Orange et enregistrées à l’Autorité le 27 mai 2015, par lesquelles elle persiste dans ses conclusions et moyens ;

Sur le contexte, la société Orange soutient notamment qu’aucune circonstance ni différence de situation ne justifie, aujourd’hui, en équité, l’octroi d’un avantage supplémentaire aux sociétés Free et conteste la pertinence des arguments de ces dernières. Elle estime que les tarifs définis dans le cadre de la régulation du marché fixe ne sont pas adaptés lorsque les prestations d’hébergement et de collecte sont utilisées pour l’acheminement de flux optiques mobiles.

Sur le fond, concernant l’hébergement, la société Orange maintient que l’obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts, prévue par la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014,  ne s’applique pas à cette prestation lorsqu’elle est utilisée pour l’acheminement des flux optiques mobiles.

S’agissant de sa demande subsidiaire, la société Orange ajoute que, même si l’obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts s’applique à la prestation d’hébergement quel que soit l’usage qui en est fait, l’utilisation par Free des prestations qu’elle propose sur son réseau fixe doit être rémunérée de manière équitable lorsqu’elles sont utilisées pour acheminer des flux optiques mobiles. La tarification de cet usage ayant été répartie sur les deux prestations en cause, la société Orange affirme que le tarif raisonnable devra être réparti autrement, au regard des enjeux concurrentiels du différend et de la valeur retirée par Free de l’utilisation de ces prestations.

Concernant la collecte, la société Orange réfute les arguments des sociétés Free et maintient que la prestation qu’elle propose n’est pas indispensable pour l’acheminement des flux optiques mobiles.

Concernant le caractère raisonnable de la tarification qu’elle a établie, la société Orange affirme que l’impact financier pour les sociétés Free de la tarification proposée doit être relativisé de manière importante, compte tenu des critiques qui peuvent être formulées à l’encontre des hypothèses retenues par ces dernières. Elle ajoute que la référence aux coûts qu’elle supporte pour fournir les prestations en cause n’est d’aucune pertinence s’agissant d’une offre commerciale et précise que, même pour les tarifs régulés de l’offre LFO de base, ce ne sont pas les coûts de revient qui permettent de vérifier qu’elle respecte la réglementation.

Vu les réponses aux questionnaires des sociétés Free et de la société Orange, enregistrées à l’Autorité le 1er juin 2015 ;

Vu les courriers en date du 12 juin 2015 par lesquels les sociétés Free, Free Mobile et Orange ont été invitées à participer à une audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité le 8 juillet 2015 et informées que la clôture de  l’instruction  de  la  présente  affaire  était  fixée  au  jeudi  25  juin  2015  à  12 heures ;

Vu les courriers en date du 12 juin 2015 par lesquels le chef d’unité a transmis un second questionnaire des rapporteures aux parties ;

Vu les réponses au second questionnaire des sociétés Free et de la société Orange, enregistrées à l’Autorité le 22 juin 2015 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu le 8 juillet 2015, lors de l'audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité, composée de M. Sébastien Soriano, président, Mme Françoise Benhamou, Mme Marie-Laure Denis et M. Jacques Stern, membres de l’Autorité, et en la présence des agents des services et des représentants des sociétés Free et de la société Orange :

- le rapport de Mmes Liliane Dedryver et Marie Francfort, présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations des représentants des sociétés Free ;

- les observations des représentants de la société Orange ;

Sur la publicité de l’audience ;

L'article 14 du règlement intérieur susvisé prévoit que « l'audience est publique, sauf  demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l'Autorité en délibère ».

Les sociétés Free et Orange ont indiqué par courrier électronique en date du 30 juin 2015 ne pas s’opposer à ce qu’elle soit publique.

En conséquence, l’audience a été publique.

La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité (composée de M. Sébastien Soriano, président, Mme Françoise Benhamou, Mme Marie-Laure Denis et M. Jacques Stern, membres de l’Autorité), en ayant délibéré le 28 juillet 2015 en la seule présence de ses membres, adopte la présente décision.

1. Contexte

1.1. La régulation des offres d’accès aux infrastructures physiques constitutives  de la boucle locale filaire

Les réseaux fixes de communications électroniques présentent une architecture hiérarchisée, qui s’articule schématiquement autour de trois niveaux : le réseau dorsal (ou « backbone »), le réseau de collecte et le réseau de desserte (ou boucle locale).

Les réseaux de collecte font le lien entre le réseau dorsal et les réseaux de desserte, en permettant l’acheminement des trafics depuis et jusqu’aux points de desserte, au niveau desquels sont installés les équipements actifs de distribution des opérateurs permettant de fournir des services de communications électroniques aux abonnés.

La construction d’une offre de détail haut et très haut débit fixe nécessite d’associer plusieurs offres de gros qui relient l’amont – le réseau dorsal et le réseau de collecte de l’opérateur – à l’aval – le réseau de desserte de ses abonnés.

Les opérateurs présents sur le marché de détail fixe disposent en théorie pour chaque segment de réseau de plusieurs options : souscrire une offre (régulée ou non régulée, le cas échéant) ou déployer un segment de réseau par leurs propres moyens.

Dans le cadre des cycles successifs d’analyse de marché, l’Autorité a estimé que la société Orange exerce une influence significative sur le marché des offres de gros d’accès aux infrastructures constitutives de la boucle locale filaire, qui comprend les offres d’accès à la boucle locale de cuivre, les offres d’accès aux infrastructures de génie civil ainsi  que les offres d’accès aux boucles locales optiques, en raison notamment du fait que, sur l’ensemble du territoire, elle exploite une infrastructure essentielle, à savoir la boucle locale de cuivre, et qu’elle est la seule à détenir des infrastructures de génie civil permettant de déployer, de façon continue, une boucle locale. Pour prévenir les risques concurrentiels découlant de cette puissance de marché de l’opérateur historique, l’Autorité a notamment imposé à Orange de faire droit aux demandes raisonnables d’accès à ces infrastructures, ainsi qu’aux ressources et services qui y sont associés.

Au titre des obligations qui lui ont été imposées, la société Orange publie ainsi plusieurs offres de gros d’accès régulées, notamment « l’offre d’accès à la boucle locale d’Orange » (offre de dégroupage) qui contient aussi les prestations d’hébergement dans les nœuds de raccordement d’abonnés (NRA1), « l’offre d’accès aux installations de génie civil et d’appuis aériens d’Orange pour la boucle locale optique », « l’offre d’hébergement au sein de locaux d’Orange pour l’exploitation des boucles locales en fibre optique » ainsi qu’une offre de collecte appelée « offre de lien de fibre optique mono-fibre d’Orange » (offre LFO).

Les offres régulées peuvent parfois cohabiter avec des offres commerciales proposées par des opérateurs alternatifs ayant bâti leur propre infrastructure. C’est le cas notamment sur le segment de la collecte.

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1.2. Le déploiement des réseaux mobiles

Le marché mobile métropolitain compte quatre opérateurs de réseau, désormais tous aussi présents sur le marché fixe : Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile. Orange, SFR et Bouygues Telecom ont débuté leur activité mobile dans les années 1990. Free Mobile, quatrième opérateur de réseau, est entré sur le marché mobile au début de l’année 2012. Tous les quatre commercialisent, à ce jour, des services 2G, 3G et 4G. Le marché compte également quelques dizaines d’opérateurs virtuels (« MVNO »), qui s’appuient chacun sur le réseau d’un ou plusieurs opérateurs de réseau pour fournir des services mobiles sur le marché de détail.

Alors que le marché mobile était au départ porté par les services de voix (sur les réseaux 2G), les usages ont progressivement évolué vers les services de données en mobilité, donnant lieu à une consommation de trafic qui suit jusqu’à présent une croissance exponentielle2. Cette croissance est portée par plusieurs facteurs qui seront amenés à s’amplifier3, notamment :

· du côté de la demande, de nouveaux usages se développent. Les utilisateurs accèdent de plus en plus fréquemment aux services sur internet en mobilité, en particulier avec la diffusion des smartphones, et consomment des quantités de données croissantes. Le nombre de terminaux et d’objets connectés aux réseaux mobiles augmente, contribuant à l’accroissement de la demande ;

· du côté de l’offre, la pénétration des réseaux à haut et très haut débit mobile s’accroît. Ils donnent accès, par l’amélioration de l’efficacité spectrale des récentes évolutions technologiques (LTE par exemple, permettant d’offrir des services 4G), à des débits croissants sur les bandes de fréquences disponibles. En outre, l’augmentation de la quantité de fréquences disponibles (avec notamment l’attribution récente des autorisations dans les bandes 800 MHz et 2,6 GHz, et dans la bande 700 MHz prochainement) contribue à rendre possible l’augmentation des volumes de données mobiles.

Les réseaux mobiles à très haut débit permettent désormais d’offrir aux utilisateurs des débits de plusieurs dizaines voire centaines de Mbit/s, largement supérieurs aux performances des services 3G.

Ces réseaux sont en cours de déploiement par les opérateurs, ce qui requiert de leur part des investissements importants pour accompagner la demande des utilisateurs et participer activement au jeu concurrentiel. Les autorisations d’utilisation de fréquences attribuées aux opérateurs prévoient notamment des obligations minimales de déploiement4. Fin décembre 2014, les couvertures en 4G d’Orange et de Free Mobile étaient respectivement de 72 % et   33 % de la population5.

Pour fournir leurs services, en particulier à très haut débit, les opérateurs de réseaux mobiles déploient des boucles locales radioélectriques composées de sites mobiles (comprenant notamment les stations de bases, qui permettent de générer les ondes de radiocommunication, reliées aux antennes qui sont fixées sur des supports) qui maillent le territoire métropolitain et assurent sa couverture. Ces sites mobiles doivent être raccordés au reste du réseau de l’opérateur par des liens, qui assurent la transmission des données entre le site et un point amont du réseau. Ils peuvent être construits sur trois types de supports6 :

· Un support filaire en cuivre : limité en termes de débit, le cuivre a principalement été utilisé pour le raccordement des sites mobiles 2G et 3G. Les opérateurs convergents fixe-mobile ont en effet la possibilité de tirer bénéfice de la capillarité de leur réseau fixe pour relier leurs équipements actifs installés au niveau des NRA à leurs sites mobiles par des liens DSL, en recourant notamment à l’offre de dégroupage d’Orange, qui permet, depuis la décision n° 2011-0668 du 14 juin 2011 d’analyse de marché, le raccordement des éléments de réseau distants, et notamment des sites mobiles7. Il convient de relever que, dans ce cas, le support filaire en cuivre n’est utilisé qu’entre le site mobile et le NRA. En amont de ce dernier, c’est dans la très grande majorité des cas un support filaire en fibre qui est utilisé ;

· Un support radioélectrique, reposant sur l’utilisation de faisceaux hertziens (« FH ») : permettant d’atteindre des débits plus importants que le cuivre, notamment grâce à l’évolution progressive des technologies hertziennes, un lien en FH permet notamment de raccorder des sites situés dans des zones moins denses ou isolées, où l’empreinte fixe des opérateurs est moins importante, et où les conditions de déploiement d’un réseau filaire peuvent être plus contraignantes (zones montagneuses, etc.). Les FH sont utilisés pour raccorder des sites mobiles 2G/3G/4G. Leur performance dépend de la disponibilité des ressources spectrales, ce qui peut provoquer des phénomènes de congestion des liens par endroits. Le raccordement des sites mobiles en FH se caractérise également par un déploiement en propre des équipements actifs par chaque opérateur, ne nécessitant pas le recours à des offres de gros activées d’opérateurs tiers, au moins sur la liaison point à point8. Les FH permettent de relier les sites à des points potentiellement situés plus en amont dans le réseau que les NRA/NRO9 ;

· Un support filaire en fibre optique : au vu de la croissance de la demande et des débits proposés grâce à la 4G, les opérateurs, profitant notamment de la mise à niveau de leur réseau fixe, ont de plus en plus intérêt à recourir à la fibre optique pour établir des liens pérennes et permettant d’écouler des débits supérieurs. Pour ce faire, les opérateurs peuvent notamment, depuis la décision n° 2011-0668 du 14 juin 201110, recourir à l’offre de gros d’accès aux infrastructures de génie civil de boucle locale d’Orange afin de déployer dans ces infrastructures un câble de fibre optique  raccordant des éléments de réseau distants, et notamment les sites mobiles. La fibre optique peut raccorder le site à différents points amont du réseau où l’opérateur est présent, en particulier un NRA/NRO.

Aujourd’hui, SFR11 et Bouygues Telecom12 ont recours aux liens FH, dans une proportion importante, pour le raccordement de leurs sites mobiles. Cependant, si le discours de ces opérateurs en ce qui concerne l’utilisation de la fibre optique pour raccorder leurs sites mobiles a pu varier au fil du temps 13, le groupe Numericable-SFR s’appuie de manière croissante sur le réseau fixe du groupe pour relier les sites mobiles14. Pour sa part, Orange a déjà initié un déploiement important de fibre optique pour raccorder ses sites mobiles, en commençant par les zones très denses, où, en 2012, 97 % de ses sites mobiles étaient raccordés en fibre optique (contre un taux de 80 % sur l’ensemble du territoire national)15. Concernant Free, à fin 2014, [SDA] de ses sites sont raccordés en FH, [SDA] en cuivre et [SDA] en fibre optique16.

1.3. La convergence des réseaux fixe et mobile

Depuis une dizaine d’années, les évolutions technologiques ont conduit à une déspécialisation progressive des réseaux fixes et des réseaux mobiles, permettant leur convergence. Les opérateurs mobiles peuvent ainsi, lorsqu’ils disposent d’un réseau fixe, réutiliser une partie de leurs infrastructures fixes. Notamment, les réseaux dorsaux (réseaux structurants parcourant le territoire), ainsi que les réseaux de collecte peuvent largement être utilisés tant pour les services fixes que mobiles.

Ainsi, le marché français est structuré par la convergence fixe-mobile, dans la mesure où les principaux opérateurs de réseaux ont développé des infrastructures et des services tant mobiles que fixes. Notamment, l’opérateur mobile Bouygues Telecom a lancé des services fixes dès 2006 ; Free, initialement présent sur les marchés des services fixes a, quant à lui, obtenu une autorisation d’utilisation de fréquences mobiles au début de l’année 201017. Par la suite, le rachat de l’opérateur fixe-mobile SFR par l’opérateur fixe Numericable en 2014, a permis à Numericable de s’implanter durablement sur le marché mobile18.

Outre la déspécialisation des réseaux et l’intégration horizontale et verticale des opérateurs, la convergence fixe-mobile s’est accompagnée d’un rapprochement des marchés de détail fixe et mobile. En effet, les opérateurs intégrés fixe-mobile se sont tous positionnés sur des formules associant des offres mobiles et fixes, de plus en plus plébiscitées par les clients19. Sur le marché résidentiel, il s’agit principalement des offres dites « quadruple play », incluant internet, téléphonie fixe, télévision et téléphonie mobile.

Les économies d’échelle et d’envergure d’une infrastructure intégrée à très haut débit constituent une opportunité pour les opérateurs. Elles permettent en effet à ces derniers d’améliorer leur structure de coûts, d’accroître l’efficacité de leurs investissements et d’animer la concurrence au détail sur les offres de convergence à très haut débit, désormais devenues stratégiques 20 tout en répondant à la demande, de la part des utilisateurs, de continuité pour les services d’accès à internet, fixe et mobile.

Dans ce contexte, le déploiement du très haut débit fixe, en particulier par la fibre optique, facilite les raccordements en fibre optique des stations de base des réseaux mobiles de dernière génération, qui acheminent  des  volumes  croissants  de  données.  Dans  son  avis  n° 2014-0815 du 22 juillet 201421, l’Autorité avait ainsi considéré que « dans les années à venir, le passage au très haut débit devrait accélérer la convergence entre les réseaux fixes et mobiles ».

1.4. Présentation des parties

Les sociétés Free et Free Mobile sont des filiales du groupe Iliad.

La société Free est un opérateur de gros et de détail présent sur les marchés du haut et du très haut débit fixe. Au 31 décembre 2014, elle a dégroupé environ 6 682 NRA correspondant à une couverture de plus de 87 % de la population et déploie, avec d’autres filiales du groupe Ilad22, des réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné (« FttH ») dans les zones très denses du territoire et hors de ces zones, représentant un potentiel de couverture à terme de près de         8 millions de prises23.

La société Free Mobile est un opérateur de réseau mobile présent sur le marché depuis janvier 2012, proposant à ses abonnés des services 2G, 3G et 4G.

Au 31 mars 2015, les sociétés Free comptaient, d’une part, 5,9 millions d’abonnés haut et très haut débit fixe, dont plus de 700 000 abonnés au très haut débit (VDSL2 et FttH), et, d’autre part, 10,5 millions d’abonnés mobiles24.

La société Orange est un opérateur de gros et de détail, présent sur les marchés mobiles (2G, 3G et 4G) et du haut et du très haut débit fixe.

Au 31 décembre 2014, la société Orange commercialisait 10,3 millions d'accès haut et très haut débit fixe, dont 563 000 accès en fibre optique jusqu’à l’abonné. À la même date, son parc de clients mobiles (forfait) s’élevait à 21,9 millions de clients dont 3,7 millions de clients 4G25.

Les prestations d’hébergement fournies par la société Orange à la société Free sont régies, d’une part, par la « convention d’accès à la boucle locale de France Télécom » en date du 28 avril 2010 et, d’autre part, par la « convention d’hébergement d’équipements au sein de locaux d’Orange pour l’exploitation des boucles locales en fibre optique » du 29 octobre 2013.

Les prestations de collecte fournies par la société Orange à la société Free sont également régies par deux contrats : le contrat conclu le 12 avril 2006 « Service de collecte NRA », permettant la souscription de liens en fibre optique bi-fibres et le contrat conclu le 17 avril 2012 « Service de collecte NRA sur Lien Fibre Optique », permettant la souscription de liens mono-fibre.

Au début de l’année 2014, la société Orange a annoncé son intention de proposer des évolutions contractuelles concernant l’utilisation des prestations d’hébergement et de collecte aux fins d’acheminer les flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique. Les sociétés Free ont rejeté ces propositions par deux courriers en date du 10 août et du 13 novembre  2014, dans lesquels elles demandaient notamment à la société Orange de « renoncer à toute modification tarifaire de LFO et de l’hébergement, y compris lorsque ces infrastructures sont utilisées pour collecter des flux mobiles 3G et 4G ».

Au mois de décembre 2014, la société Orange a proposé, notamment aux sociétés Free, des évolutions contractuelles par la conclusion d’un « contrat d’extension d’usage d’infrastructures d’hébergement mises à disposition de l’Opérateur » et d’un contrat mono- fibre « Service de collecte Nœuds de Raccordement d’Orange sur Lien Fibre Optique », permettant expressément l’utilisation des prestations d’hébergement et de collecte aux fins d’acheminer le trafic issu des « Eléments Raccordés »26 et « Sites d’Extrémité » (notamment les sites mobiles) raccordés en fibre optique27, en contrepartie de tarifs s’ajoutant aux tarifs des prestations de base. La société Orange a également proposé aux sociétés Free une remise tarifaire au volume pour la prestation d’hébergement d’équipements permettant l’acheminement des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique.

Les sociétés Free ont refusé ces propositions par un courrier en date du 12 mars 2015, par lequel elles ont mis la société Orange en demeure de satisfaire leur demande précitée dans un délai de dix jours, en leur adressant de nouveaux contrats autorisant explicitement et sans sur- tarification l’utilisation des prestations d’hébergement et de collecte pour le raccordement optique des éléments de réseau distants.

2. Sur la compétence de l’Autorité et la recevabilité des demandes

 2.1. Sur les demandes des sociétés Free

Dans leurs écritures, les sociétés Free affirment que l’Autorité est compétente pour trancher le présent différend et que leurs demandes sont recevables, ce que ne conteste pas la société Orange.

Lors de l’audience du 8 juillet 2015, les sociétés Free ont précisé que, dans le cadre de leurs négociations avec la société Orange préalables à la saisine de l’Autorité en règlement de différends, leurs demandes n’avaient porté que sur les tarifs des prestations d’hébergement et de collecte lorsqu’elles sont utilisées aux fins d’acheminer les flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique et non, de façon plus large, sur les tarifs de ces prestations lorsqu’elles sont utilisées aux fins d’acheminer les flux issus d’autres éléments de réseau raccordés en fibre optique, ce qui a été confirmé par la société Orange.

Or, conformément aux dispositions du I de l’article L. 36-8 du CPCE, l’Autorité ne peut être régulièrement saisie d’un différend qu’ « en cas de refus d’accès ou d’interconnexion,  d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau  de  communications  électroniques ».

Compte tenu de ces éléments et au regard des pièces du dossier, l’Autorité considère qu’elle est compétente pour résoudre le présent différend et que les demandes des sociétés Free sont recevables en tant qu’elles portent sur les tarifs des prestations d’hébergement et de collecte en vue d’acheminer les flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique.

2.2. Sur la demande subsidiaire de la société Orange

La société Orange demande à l’Autorité, à titre principal, de rejeter les demandes des sociétés Free et, à titre subsidiaire, si l’Autorité estimait que la prestation d’hébergement en cause est soumise à l’obligation de refléter les coûts prévue par la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée, de « considérer, au regard des enjeux concurrentiels [exposés], que la valeur retirée par Free de l’utilisation de ces prestations à des fins de gestion et collecte du trafic optique mobile doit être recouvrée autrement »28.

La société Orange indique à cet égard que « les tarifs fixés dans le contrat d’extension d’usage d’infrastructures d’hébergement et dans le contrat LFO, au titre de l’usage étendu, ne résulte [sic] que d’une ventilation du tarif qu’il est légitime de facturer au regard de la valeur des deux prestations qui lui sont fournies par Orange au  bénéfice  d’un  réseau  mobile »29.

Or, l’Autorité est tenue de statuer dans les limites du périmètre des négociations ayant échoué30. En l’espèce, ce périmètre est compris entre les tarifs proposés par la société Orange pour chaque prestation en décembre 2014 et les demandes des sociétés Free, consistant dans l’absence de tarification supplémentaire.

En conséquence, la demande subsidiaire de la société Orange, en tant qu’elle tend à obtenir des tarifs différents de ceux qui ont fait l’objet de négociations entre les parties, doit être rejetée.

3. Sur le fond

Les demandes des sociétés Free portent sur la modification, d’une part, des contrats d’hébergement et, d’autre part, des contrats de collecte LFO, conclus avec la société Orange, afin de permettre explicitement l’utilisation de ces prestations, aux tarifs appliqués pour les usages fixes, en vue d’acheminer les flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique.

Ainsi, les demandes des sociétés Free ne portent pas sur les contrats en vigueur, lesquels font l’objet d’une interprétation divergente entre les parties, mais sur leur modification, afin d’encadrer contractuellement, et pour l’avenir, l’utilisation et les tarifs des prestations, proposées par la société Orange, d’hébergement et de collecte aux fins d’acheminement des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique.

Aussi, afin de trancher le présent différend, il appartient à l’Autorité de déterminer si Orange peut soumettre l’utilisation par Free de ces prestations aux fins d’acheminement des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique à une tarification supplémentaire par rapport aux tarifs appliqués pour les autres usages et, le cas échéant, de statuer sur les tarifs proposés.

3.1. Sur la demande des sociétés Free relative à la prestation d’hébergement

3.1.1. La régulation de la prestation d’hébergement

 3.1.1.1. Contexte règlementaire

Pour être en mesure d’accéder en dégroupage à la boucle locale de cuivre de la société Orange, les opérateurs tiers doivent installer leurs équipements actifs à l’intérieur ou à proximité des NRA.

IMG3.pngL’obligation de proposer des prestations dites « d’hébergement » a été imposée à la société France Télécom, devenue la société Orange, dès l’ouverture de l’accès à la boucle locale de cuivre (« dégroupage »), prévue par le décret n° 2000-881 du 12 septembre 2000 et par le règlement européen n° 2887/2000 du 18 décembre 200031 . En effet, conformément à ce règlement, la société Orange était tenue de faire droit aux demandes raisonnables d’accès à la boucle locale de cuivre ainsi qu’aux ressources connexes, lesquelles incluaient notamment les services de colocalisation, c’est-à-dire « la fourniture d'un espace et des ressources techniques nécessaires à l'hébergement et à la connexion, dans des conditions raisonnables, des équipements pertinents d'un bénéficiaire […] » 32. Les tarifs de l’accès à la boucle locale de cuivre et des ressources connexes devaient être orientés vers les coûts33.

La société Orange doit donc proposer, depuis l’ouverture de l’accès à la boucle locale de cuivre, plusieurs prestations connexes au dégroupage, pour permettre, d’une part, l’hébergement des équipements actifs des opérateurs tiers au sein des NRA, sous forme d’une offre de colocalisation physique et, d’autre part, lorsque l’hébergement à l’intérieur du NRA n’est pas possible, une offre de localisation distante permettant à un opérateur tiers disposant de son propre hébergement à proximité du NRA de se raccorder au répartiteur général.

Le dégroupage a initialement été mis en œuvre par l’installation des équipements des opérateurs alternatifs dans les salles de cohabitation mises en place dans les plus grands NRA, principalement dans les grandes villes. Par la suite, la prestation d’hébergement proposée par la société Orange a évolué. Les emplacements s’avérant ineffectifs au-dessous d’une certaine taille de NRA, la société Orange a, à la demande de l’Autorité, progressivement adapté les conditions d’hébergement afin d’accompagner au mieux l’extension du dégroupage vers des NRA de plus en plus petits34.

Ces évolutions se sont poursuivies en 201135 et en 201436 avec la création d’emplacements spécifiques, répondant à la baisse de la taille des NRA dégroupés et aux évolutions techniques, dotés de prestations conformes aux contraintes opérationnelles et physiques de ces sites.

Par ailleurs, la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 d’analyse de marché est venue clarifier le périmètre de la prestation d’hébergement en tant que ressource associée à l’ensemble des infrastructures constitutives de la boucle locale filaire et non uniquement à la boucle locale de cuivre d’Orange. En effet, plusieurs évolutions des offres de gros d’hébergement sont intervenues entre les troisième et quatrième cycles d’analyse de marché37 pour permettre aux opérateurs alternatifs d’utiliser les NRA d’Orange pour héberger les équipements actifs nécessaires à l’exploitation de boucles locales optiques.

Ainsi, depuis le début de la mise en œuvre de l’obligation de dégroupage, la prestation d’hébergement est indissociable de l’accès à la boucle locale. C’est ce qui explique que les obligations imposées à la société Orange concernant cette prestation ne diffèrent pas de celles s’appliquant aux paires de cuivre de la boucle locale, à savoir notamment l’obligation de proposer des tarifs orientés vers les coûts et de fournir l’accès dans des conditions non- discriminatoires.

3.1.1.2. Le cadre réglementaire applicable

La décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée impose à la société Orange, en tant qu’opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres d’accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, l’obligation de faire droit aux demandes raisonnables d’hébergement des équipements actifs de boucle locale de cuivre et de boucle locale optique, en tant que ressource associée à l’accès à ces boucles locales filaires, à des tarifs reflétant les coûts correspondants.

L’article 11 de cette décision dispose en effet que :

« Orange fait droit aux demandes raisonnables d’accès aux ressources et services associés à l’accès aux infrastructures constitutives de la boucle locale filaire portant sur l’hébergement d’équipements actifs de boucle locale de cuivre ou optique au sein des bâtiments qu’il exploite et sur le raccordement des équipements au réseau des opérateurs tiers et à son réseau ».

L’article 35 de cette décision précise que :

« Orange offre les prestations relatives aux offres de gros d’accès aux ressources et services associés à l’accès aux infrastructures constitutives de la boucle locale filaire portant sur l’hébergement d’équipements actifs de boucle locale et sur le raccordement des équipements au réseau à des tarifs reflétant les coûts correspondants, en respectant en particulier les principes d’efficacité, de non-discrimination et de concurrence effective et loyale ».

Les sociétés Free estiment qu’en application de ces dispositions, les tarifs de la prestation d’hébergement proposée par la société Orange pour acheminer les flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique doivent refléter les coûts correspondants. Elles font notamment valoir que la décision n° 2014-0733 précitée ne prévoit pas « d’exceptions particulières au principe d’orientation vers les coûts liées à un usage des équipements actifs pour le raccordement d’antennes mobiles ou à la nature fixe ou mobile des services accessibles à partir des équipements de réseau »38.

La société Orange affirme à l’inverse que cette prestation n’est pas soumise à l’obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts. Elle considère que ses obligations concernant la prestation d’hébergement n’ont pas évolué entre les décisions relatives aux troisième et quatrième cycles d’analyse de marché et que seule la prestation d’hébergement, en tant que prestation associée au dégroupage et à l’accès aux infrastructures de génie civil pour la gestion de flux fixes, fait l’objet d’une régulation39.

L’Autorité relève que, comme le soulignent  les  sociétés  Free,  l’article  10  de la  décision  n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée impose à la société Orange de faire droit aux demandes raisonnables d’accès aux infrastructures de génie civil mobilisables pour le déploiement de boucles locales optiques « permettant de fournir des accès généralistes et spécifiques entreprises, ainsi que de raccorder des sous-répartiteurs, des éléments de réseau et du mobilier urbain connecté » (soulignement ajouté).

La notion d’éléments de réseau, également présente dans la décision du 14 juin 2011 de troisième cycle d’analyse de marché40, inclut notamment, comme le rappellent les motifs de la décision du 26 juin 2014 de quatrième cycle d’analyse de marché, les « stations de base de réseaux mobiles, points d’accès Wi-Fi, femto-cellules, etc. » (soulignement ajouté)41.

En conséquence, Orange est tenue de faire droit aux demandes raisonnables d’accès à ses infrastructures de génie civil formulées par un opérateur qui souhaite déployer dans ces infrastructures un câble de fibre optique en vue du raccordement de ses sites mobiles.

En outre, conformément à l’article 11 de la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée, la prestation d’hébergement est une ressource associée à l’accès aux infrastructures constitutives de la boucle locale filaire, y compris aux infrastructures de génie civil de boucle locale optique. Les tarifs de cette prestation sont soumis, conformément à l’article 35 de cette décision, à l’obligation de refléter les coûts correspondants. L’Autorité remarque à cet égard qu’aucune des dispositions de la décision ne limite la portée des obligations d’accès et de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants pesant sur la société Orange en matière d’hébergement aux seules prestations d’hébergement liées à certains usages (ex : usages généraliste, entreprise, éléments de réseau, mobilier urbain,…).

Il résulte de ce qui précède que les tarifs de la prestation d’hébergement au sein des NRA et NRO de la société Orange pour l’acheminement des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique sont soumis à l’obligation de refléter les coûts correspondants prévue par l’article 35 de la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014.

Au surplus, si, comme le note la société Orange42, l’article 12 de la décision n° 2014-0733 susvisée lui a imposé l’obligation de maintenir les prestations d’hébergement existantes, les motifs de la décision rappellent qu’ « il convient qu’Orange maintienne son offre existante et la fasse évoluer si d’autres besoins étaient identifiés par les opérateurs, y compris Orange, dans le cadre de leurs déploiements de boucles locales optiques » 43.

En l’espèce, l’Autorité constate que la société Orange a proposé aux sociétés Free une offre qui répond aux besoins d’hébergement des équipements permettant l’acheminement des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique exprimés par ces dernières mais qui ne les satisfait pas en ce qui concerne les conditions tarifaires, à propos desquels l’Autorité doit se prononcer dans le cadre de la présente procédure.

Enfin, l’Autorité rappelle que, conformément à l’article 15 de la décision n° 2014-0733 susvisée, la société Orange est soumise, en ce qui concerne les conditions de fourniture des prestations et ressources associées à l’accès aux infrastructures constitutives de la boucle locale filaire portant sur l’hébergement, à une obligation de non-discrimination.

À cet égard, l’Autorité relève que la société Orange n’a pas souhaité communiquer d’informations sur les réseaux de collecte qu’elle utilise pour raccorder ses antennes mobiles, estimant que ces informations sont couvertes par le secret des affaires44. La société Orange ne fournit pas davantage d’éléments sur les solutions d’hébergement qu’elle utilise à cette fin. Néanmoins, l’Autorité note que la société Orange n’a pas contesté l’affirmation des sociétés Free45 selon laquelle elle héberge au sein de ses nœuds de raccordement, pour ses propres besoins, des équipements permettant la collecte de flux issus de ses sites mobiles raccordés en fibre optique. En outre, comme l’ont souligné les sociétés Free, des représentants de la société Orange ont indiqué lors d’interventions publiques que « les liens de transmission [entre les sites mobiles et le réseau de l’opérateur] pour acheminer le trafic […] sont majoritairement en fibre optique : c’est le cas dans 97 % des zones très denses, et 80 % en général sur le territoire national »46.

3.1.2. Appréciation des conditions tarifaires proposées

La société Orange a proposé aux sociétés Free les tarifs suivants – qui s’ajoutent aux tarifs de base de la prestation d’hébergement – pour l’hébergement aux NRA et NRO des équipements permettant l’acheminement des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique :

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Elle a également proposé aux sociétés Free une remise tarifaire au volume :

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Les sociétés Free estiment que ces tarifs ne respectent pas l’obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants. Elles affirment en effet que, lorsque l’emplacement utilisé pour l’acheminement du trafic issu des sites mobiles est mutualisé avec l’emplacement de dégroupage ou de boucle locale optique, la société Orange ne supporte aucun surcoût. Elles ajoutent qu’elles s’acquittent déjà des tarifs reflétant les coûts de la prestation d’hébergement des équipements permettant l’acheminement des flux fixes issus de la boucle locale filaire, de telle sorte que tout tarif supplémentaire pour un même emplacement ne peut qu’excéder les coûts correspondants.

La société Orange n’a fourni aucun élément tendant à établir l’existence de coûts spécifiques  à l’hébergement d’équipements permettant de collecter les flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique, que ce soit dans le cadre de ses écritures ou en réponse à la question qui lui a été adressée à cet égard47. En outre, elle n’a pas contesté l’affirmation des sociétés Free selon laquelle l’utilisation mutualisée d’un même emplacement pour l’hébergement des équipements permettant la collecte des flux mobiles et des flux fixes ne génère aucun surcoût.

Au regard des dispositions de la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée et compte tenu notamment de l’absence d’éléments établissant l’existence de coûts spécifiques, l’Autorité estime que la société Orange ne peut facturer aux sociétés Free de tarif supplémentaire pour la prestation d’hébergement d’équipements permettant l’acheminement des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique, par rapport aux tarifs appliqués pour la prestation d’hébergement dite « de base » dans l’offre d’Orange.

3.2. Sur la demande des sociétés Free relative à la prestation de collecte

 3.2.1. La régulation de la prestation de collecte

 3.2.1.1. Contexte règlementaire

Entre 2001 et fin 2004, en ce qui concerne le dégroupage, les opérateurs alternatifs avaient équipé environ 900 répartiteurs (soit environ 6 % des NRA d’Orange), dont la majorité était raccordée à leurs propres réseaux de collecte en fibre optique. Cette modalité de collecte a permis d’atteindre près de  50 %  des  lignes  en  2004.  Une  fois  cette  couverture  atteinte  et malgré le déploiement sur certains territoires de réseaux de collecte en fibre optique raccordant les NRA à l’initiative de collectivités territoriales, l’Autorité a constaté un essoufflement de l’extension géographique du dégroupage par les opérateurs tiers. En effet,

les NRA non dégroupés étaient globalement de plus petite taille et plus éloignés du réseau de collecte des opérateurs que les NRA déjà dégroupés. La rentabilité en dégroupage de ces NRA était donc plus faible et l'incitation à l'investissement moindre, notamment au regard des coûts importants relatifs au déploiement de réseau de collecte en fibre optique, amortis sur un nombre réduit de lignes.

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En 2005, l’Autorité a en conséquence estimé « nécessaire d'imposer à France Télécom de formuler une offre de raccordement des sites distants au point de présence de l’opérateur alternatif dans le cadre de l'offre de référence dégroupage pour la période couverte par la présente analyse de marché »48 , la mise en place de ressources concurrentes au réseau de collecte d’Orange n’étant pas viable économiquement pour permettre d’étendre la couverture du dégroupage sur le territoire. En d’autres termes, l’Autorité a pris acte d’une limitation à la concurrence par les infrastructures, s’agissant du segment de la collecte, et a identifié la nécessité d’une mutualisation des réseaux de collecte pour poursuivre l’extension du dégroupage.

De cette analyse est née l’offre d’Orange « lien fibre optique » (« LFO »), créée en 2006. Il s’agit d’une offre de collecte passive de fibre noire de raccordement des NRA d’Orange. En 2008 et 2011, à l’occasion des deuxième et troisième cycles d’analyse des marchés 49 , l’Autorité a maintenu cette obligation de proposer une offre de raccordement, la considérant nécessaire et proportionnée. La collecte était qualifiée de « ressource associée à l’accès » à la boucle locale de cuivre (dégroupage) dans le cadre de ces analyses de marché.

Plusieurs évolutions majeures ont suivi l’analyse de marché de 201150. En premier lieu, l’offre LFO est devenue une offre mono-fibre, ce qui a augmenté la disponibilité de cette offre et a réduit les coûts de collecte pour les opérateurs alternatifs. En deuxième lieu, afin de continuer à contribuer à l’extension du dégroupage vers des NRA de plus en plus petits, les tarifs alors proposés par Orange, consistant en un tarif par mètre linéaire plus élevé quand le NRA raccordé est de petite taille, ont été modifiés à la faveur des NRA de plus petite taille afin de maintenir la dynamique du dégroupage. En troisième lieu, depuis le 1er avril 2013, l’offre LFO intègre des évolutions en faveur d’une disponibilité accrue des liens sur le territoire.

L’Autorité a confirmé, dans la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 d’analyse de marché, l’ensemble des évolutions susvisées dans le cadre des obligations règlementaires applicables à l’offre de gros LFO. Par ailleurs, à l’instar de la prestation d’hébergement, cette décision est venue entériner l’élargissement du périmètre de l’offre LFO en tant que ressource associée non plus uniquement au dégroupage mais à l’ensemble des infrastructures constitutives de la boucle locale filaire.

À ce jour, plus de la moitié des NRA dégroupés51 sont collectés par le biais de l’offre LFO et ce volume tend à augmenter.

Ainsi, depuis la création de l’offre LFO, plusieurs décisions d’analyse de marché sont venues préciser le cadre de régulation applicable à cette offre de gros d’Orange. Les obligations imposées à Orange pour cette prestation sont moins contraignantes que celles s’appliquant par exemple aux paires de cuivre de la boucle locale. En particulier, en ce qui concerne son tarif, Orange doit pratiquer des tarifs non-excessifs, ne faisant pas obstacle à l’extension du dégroupage et au déploiement de boucles locales optiques.

3.2.1.2. Le cadre réglementaire applicable

La décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 d’analyse de marché susvisée impose à la société Orange, en tant qu’opérateur exerçant une influence significative sur ce marché, l’obligation de faire droit aux demandes raisonnables de raccordement passif des répartiteurs distants, en tant que ressource associée à l’accès aux boucles locales filaires, à des tarifs non-excessifs, ne faisant pas obstacle à l’extension du dégroupage et au déploiement de boucles locales optiques.

L’article 13 de cette décision dispose en effet que :

« Orange fait droit aux demandes raisonnables d’accès aux ressources et services associés à l’accès aux infrastructures constitutives de la boucle locale filaire portant sur le raccordement passif des répartiteurs distants.

L’offre de gros de raccordement passif des répartiteurs distants permet de collecter les flux issus des boucles locales filaires, qu’elles soient en cuivre ou en fibre optique, pour les accès généralistes ou spécifiques entreprises.

L’offre de gros de raccordement passif des répartiteurs distants est composée, d’une part, d’une offre de location de longue durée d’un lien mono-fibre de fibre noire et, d’autre part, d’une offre d’accès aux infrastructures de génie civil d’Orange pour le déploiement de réseaux de collecte en fibre optique. Cette dernière doit être disponible en cas d’absence ou d’indisponibilité d’une offre de location de longue durée d’un  lien  mono-fibre  de  fibre noire ».

L’article 36 de cette décision précise que :

« Orange offre les prestations relatives à l’offre de gros d’accès aux ressources et services associés à l’accès aux infrastructures constitutives de la boucle locale filaire portant sur le raccordement passif des répartiteurs distants à des tarifs non-excessifs, ne faisant pas obstacle à l’extension du dégroupage et au déploiement de boucles locales optiques. »

Les demandes des sociétés Free portent sur la composante de l’offre de gros de raccordement passif des répartiteurs distants relative à la location d’un lien de fibre noire, appelée « LFO ».

Les sociétés Free soutiennent que les dispositions précitées des articles 13 et 36 de la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 s’appliquent à la prestation de collecte des flux issus de sites mobiles raccordés en fibre optique proposée par la société Orange.

Cette dernière affirme à l’inverse que les dispositions de la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 ne s’appliquent pas à la prestation de collecte qu’elle a proposée aux sociétés Free et qu’il appartient en conséquence à l’Autorité de trancher le différend en équité.

En premier lieu, comme le rappellent les sociétés Free, la prestation de collecte soumise à l’obligation prévue par l’article 13 de la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 précitée est une prestation associée à l’accès aux infrastructures constitutives de la boucle locale filaire et, au titre des obligations d’accès pesant sur la boucle locale de cuivre et sur le génie civil mobilisable pour le déploiement de boucles locales optiques52, la société Orange est tenue de faire droit aux demandes raisonnables de raccordement des éléments de réseau distants.

Toutefois, et en deuxième lieu, l’Autorité relève que les dispositions précitées de l’article 13 de la décision n° 2014-0733 mentionnent l’origine des flux que l’offre de la société Orange doit permettre a minima de collecter, à savoir « les flux issus des boucles locales filaires, qu’elles soient en cuivre ou en fibre optique, pour les accès généralistes ou spécifiques entreprises ». Ainsi, la collecte des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique n’est pas incluse dans le périmètre de l’obligation d’accès prévue par cet article53.

Il résulte de ce qui précède que les tarifs de la prestation de collecte des flux provenant de sites mobiles raccordés en fibre optique ne sont pas soumis à l’obligation tarifaire de non-excessivité prévue par la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée.

Il appartient ainsi à l’Autorité d’examiner, au regard des objectifs mentionnés à l’article

L. 32-1 du CPCE s’il est équitable de faire droit aux demandes des sociétés Free relatives à cette prestation.

En effet, comme l’a jugé la Cour d’appel de Paris, l’Autorité doit « exercer sa mission au regard des objectifs de la régulation […] définis à l’article L. 32-1 du CPCE, en se fondant, au-delà de la situation particulière d’un opérateur, […] sur des conditions touchant à l’ordre public économique »54. Il revient alors « à une entreprise qui souhaite que les conditions techniques et tarifaires soient appréciées en équité de se prévaloir d’éléments précis de nature à établir le bien-fondé de ses prétentions [...] »55.

Le caractère équitable doit ainsi être apprécié par l’Autorité en prenant en compte les objectifs mentionnés au II de l’article L. 32-1 du CPCE, qui lui imposent en particulier de veiller :

« 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques. A ce titre, ils veillent à l'exercice de la concurrence relative à la transmission des contenus et, lorsque cela est approprié, à la promotion d'une concurrence fondée sur les infrastructures ;

3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace notamment dans les infrastructures améliorées et de nouvelle génération, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;

bis A tenir compte, lorsqu'ils fixent des obligations en matière d'accès, du risque assumé par les entreprises qui investissent et à autoriser des modalités de coopération entre les investisseurs et les personnes recherchant un accès, afin de diversifier le risque d'investissement dans le respect de la concurrence sur le marché et du principe de non- discrimination ;

4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ; […]

13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ; […] ».

3.2.2.     Appréciation des conditions tarifaires proposées

À titre liminaire, l’Autorité relève que les parties ont entretenu un débat nourri concernant le caractère indispensable ou non des prestations de collecte de la société Orange pour l’acheminement des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique.

En effet, d’un côté, les sociétés Free soutiennent que le raccordement en fibre optique des sites mobiles est indispensable pour répondre à l’évolution des usages mobiles et demeurer compétitif sur le marché français et qu’elles sont captives de la société Orange, qui serait en position dominante sur le marché de la collecte, pour collecter les flux issus de leurs sites mobiles raccordés en fibre optique.

De l’autre côté, la société Orange conteste ces affirmations en soutenant notamment qu’il existe des solutions de collecte des flux mobiles alternatives, en particulier les faisceaux hertziens, et que le recours à ses prestations de collecte n’est pas indispensable pour acheminer le trafic issu des sites mobiles raccordés en fibre optique.

À cet égard, il n’appartient pas à l’Autorité, dans le cadre de la présente procédure, d’établir s’il existe un marché pertinent de la collecte – et, en particulier, d’analyser si la collecte en fibre optique noire est substituable à la collecte par faisceaux hertziens ou s’il y a lieu de distinguer un seul ou plusieurs marchés de la collecte, en fonction de la nature des flux, fixe ou mobile, qui sont acheminés –, ni de déterminer si la société Orange détient une position dominante sur un éventuel marché de la collecte et doit à ce titre faire droit aux demandes raisonnables d’accès à son réseau de collecte dans d’autres cas que ceux prévus par la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée.

Cependant, afin de trancher le présent différend, l’Autorité doit déterminer si, comme le soutient Free, il est équitable d’enjoindre à la société Orange de lui proposer l’accès à la prestation de collecte des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique sans sur- tarification par rapport à la collecte des flux fixes issus des boucles locales filaires et des flux issus de sites mobiles raccordés par des paires de cuivre dégroupées.

À cet égard, l’Autorité note en premier lieu que, à la suite de l’obtention en 2010 d’une autorisation d’utilisation de fréquences pour l’exploitation d’un réseau 3G, Free s’est appuyée sur son réseau fixe et ses investissements dans le dégroupage pour raccorder par des paires de cuivre dégroupées ses sites mobiles. Free a en outre indiqué acheminer sur le réseau de collecte en fibre optique qu’elle a déployé en propre ou qu’elle loue à la société Orange via l’offre LFO les flux issus de ses sites mobiles raccordés par des paires de fils de cuivre dégroupées56.

Il apparaît ainsi que le réseau de collecte de Free, y compris lorsqu’il repose sur des LFO souscrits auprès d’Orange, assure déjà de façon mutualisée le transport de flux fixes et mobiles.

En deuxième lieu, Free indique investir dans le déploiement de réseaux en fibre optique et, en particulier, vouloir procéder au remplacement des paires de cuivre reliant ses sites mobiles jusqu’au NRA et louées à Orange par des liens en fibre optique déployés en propre par Free. Selon Free, cette migration vers la fibre optique est nécessaire afin de répondre à l’évolution des usages mobiles et aux besoins en termes de débits générés par ces usages.

L’Autorité estime qu’au regard de ces évolutions57, le choix des sociétés Free de raccorder en fibre optique leurs sites mobiles apparaît comme une solution pertinente et pérenne, même si des solutions alternatives de collecte des flux mobiles peuvent être utilisées à ce jour, notamment le recours aux faisceaux hertziens.

Cependant, il apparaît que seul un réseau de collecte en fibre optique est en mesure de collecter de façon mutualisée les flux fixes et mobiles.

En effet, si les FH sont une solution retenue par les opérateurs pour raccorder leurs sites mobiles et acheminer les flux issus de ces sites, ces réseaux ne sont pas utilisés, sauf circonstances exceptionnelles, par les opérateurs pour collecter leurs flux fixes.

L’Autorité constate ainsi que, même lorsqu’il n’existait pas d’offre d’accès au réseau de collecte en fibre optique d’Orange, les opérateurs alternatifs n’ont pas utilisé les réseaux FH pour étendre l’empreinte de leur dégroupage. Orange n’utilise d’ailleurs les solutions de collecte en FH pour son réseau de collecte inter-NRA que pour des NRA extrêmement isolés58, situés notamment en montagne, sur certaines îles mal reliées au continent ou dans certains départements d’outremer.

Ainsi, compte tenu du fait que le réseau de collecte existant de Free, qui repose en grande partie sur l’offre LFO, assure déjà l’acheminement mutualisé des flux fixes issus des boucles locales filaires et des flux issus de ses sites mobiles raccordés par des paires de cuivre dégroupées et que Free investit pour remplacer les paires de cuivre par de la fibre optique, l’Autorité estime qu’il est justifié que Free puisse mutualiser l’ensemble de ses flux fixes et mobiles, y compris les flux issus de ses sites mobiles raccordés en fibre optique, et les collecter en recourant à son réseau existant, qui repose notamment sur  des LFO déjà souscrits auprès d’Orange.

L’Autorité note d’ailleurs que la stratégie de Free a également été celle d’Orange59. Ces deux opérateurs présentent en effet un profil similaire, puisqu’à l’instar d’Orange et comme le relève cette dernière60, Free a d’abord exercé son activité sur le marché fixe avant d’entrer sur le marché mobile et a cherché, dans ce cadre, à réutiliser ses investissements dans la collecte inter NRA, au service de son réseau mobile61.

Enfin, l’Autorité relève qu’il ressort des écritures d’Orange que cette dernière ne s’oppose pas, sur le principe, à l’utilisation des liens de fibre optique de l’offre LFO pour la collecte des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique62.

Comme la société Orange l’a souligné lors de l’audience qui s’est tenue le 8 juillet 2015, l’enjeu du présent règlement de différend ne concerne pas l’utilisation des prestations de collecte pour l’acheminement des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique, mais les conditions tarifaires de cette utilisation.

Les tarifs de LFO proposés par Orange pour « l’usage de base » 63 et pour « l’usage étendu »64 sont les suivants (tarifs exprimés en euros hors taxes par mètre linéaire par an, « € HT/ml/an ») :

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Free estime qu’il est inéquitable qu’Orange applique une sur-tarification pour l’utilisation de la prestation de collecte LFO lorsque celle-ci est utilisée pour l’acheminement des flux issus de ses sites mobiles raccordés en fibre optique et demande en conséquence à l’Autorité d’enjoindre à Orange de « supprimer toute modification tarifaire » de l’offre LFO pour cette prestation afin que les prix n’excèdent pas les tarifs de l’offre en date du 3 octobre 2014 publiée par Orange, relative à l’usage de base.

Orange soutient au contraire que, s’agissant d’une prestation commerciale, il est légitime qu’elle puisse facturer un tarif supplémentaire. Elle estime que le tarif de cette prestation doit tenir compte de la valeur retirée par Free de son utilisation et que par ailleurs l’absence de sur- tarification entraînerait des distorsions de concurrence sur les marchés mobile et du haut et très haut débit fixe65.

L’Autorité doit donc se prononcer sur le principe d’une sur-tarification de l’offre LFO basée sur la valeur retirée par Free de son utilisation.

En premier lieu, il convient de rappeler que l’offre de collecte LFO consiste en la mise à disposition à l’opérateur client de fibres optiques noires, c’est-à-dire d’une infrastructure passive. Comme le rappelle Free, ces fibres mises à disposition sont « neutre[s] technologiquement »66 et les équipements actifs nécessaires à la transmission de données sur le réseau de fibres optiques et permettant de maîtriser la capacité des LFO (en termes de Gbit/s) sont installés et exploités par l’opérateur client67, qui dispose pour ce faire d’une grande autonomie68.

Seul l’opérateur qui active la fibre optique de l’offre LFO, à savoir Free au cas d’espèce, est en mesure de distinguer, au sein de son trafic sur le lien considéré, la nature exacte des flux de données à destination ou en provenance d’un client final (résidentiel ou entreprise) ou d’un élément de réseau (par exemple une antenne mobile).

Ainsi, Orange précise dans sa réponse au questionnaire en date du 12 juin 2015 qu’elle « n’est pas en mesure d’analyser les flux de trafic des clients de son offre LFO qui est une offre de transmission passive » 69.

L’Autorité relève ainsi que la prestation de collecte LFO consiste en la mise en disposition d’une infrastructure de collecte passive en fibre optique, capable par définition de supporter tous les types de trafic.

Comme rappelé précédemment, Orange conditionne au paiement d’un tarif supplémentaire l’utilisation par Free de son offre LFO pour collecter depuis ses nœuds de raccordement les flux issus des sites mobiles de Free raccordés en fibre optique. Cette différenciation du tarif repose à la fois sur la nature du raccordement (réseau de desserte) reliant le nœud de raccordement au site mobile, c’est-à-dire sur la nature d’une infrastructure totalement indépendante du réseau de collecte LFO d’Orange, et sur la nature des flux qui transitent sur le réseau de collecte en amont du nœud de raccordement.

Or, s’agissant d’une infrastructure de collecte passive et au regard des circonstances de l’espèce, l’Autorité note que le principe d’une tarification liée aux usages et à la nature du raccordement apparaît inédit. Free a en effet indiqué que les conventions d’accès souscrites auprès des autres opérateurs offreurs de prestations de collecte ne prévoient pas de restriction d’usages ou de tarification spécifique liée à certains usages70, de telle sorte qu’elle peut librement utiliser ces prestations pour collecter l’ensemble de ses flux, y compris ceux issus de sites mobiles raccordés en fibre optique. Le principe d’une différenciation tarifaire des prestations de collecte passive en fibre optique en fonction des usages et de la nature du raccordement retenu par la société Orange apparaît ainsi en rupture par rapport à la pratique des autres offreurs du marché.

Par ailleurs, l’Autorité estime qu’en l’espèce l’existence d’une telle différenciation tarifaire est de nature à limiter la capacité de l’opérateur client à développer de nouveaux usages ou services, procure à l’opérateur fournisseur de l’offre un avantage concurrentiel en obligeant l’opérateur client à le tenir informé de ses innovations, ralentit l’opérateur client en le contraignant à attendre l’approbation (et la tarification) du nouveau service ou usage et met en place une barrière à l’entrée pour de nouveaux acteurs aux usages innovants.

Au regard de ce qui précède, l’Autorité considère que faire varier le tarif des liens de collecte en fibre noire en fonction des usages et de la nature du raccordement va à l’encontre des objectifs mentionnés aux 2°, 3° et 13° du II de l’article L. 32-1 du CPCE relatifs « à l’exercice au bénéfice des utilisateurs d’une concurrence effective et loyale », « au développement […] de l’innovation […] dans le secteur des communications électroniques » et à la neutralité technologique.

En deuxième lieu, la tarification supplémentaire demandée par Orange est de nature à limiter l’incitation de Free à investir pour remplacer les paires de cuivre dégroupées reliant ses sites mobiles au nœud de raccordement d’Orange par des fibres optiques. Dans un contexte où la transition vers les réseaux à très haut débit et la couverture de l’ensemble du territoire national par ces réseaux constituent un enjeu majeur pour le secteur et les pouvoirs publics, et alors que Free souhaite investir dans des réseaux de nouvelle génération en fibre optique, l’Autorité estime qu’une telle sur-tarification va à l’encontre des objectifs mentionnés aux  2°, 3° et      3° bis du II de l’article L. 32-1 du CPCE relatifs « à l’exercice, au bénéfice des utilisateurs d’une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de communications électroniques », « au développement […] de l’investissement efficace notamment les infrastructures améliorées de nouvelle génération » et à la prise en compte, s’agissant des obligations d’accès, « du risque assumé par les entreprises qui investissent ».

Free dispose d’ores et déjà d’un accès aux fibres noires d’Orange au titre de l’offre LFO pour collecter les flux issus de ses sites mobiles raccordés au moyen de paires de cuivre dégroupées. Or, alors que la collecte des flux issus de sites mobiles raccordés en cuivre ne fait pas l’objet d’une tarification spécifique mais fait partie de l’usage de base défini par Orange, la collecte des flux issus de sites mobiles raccordés en fibre optique devrait selon l’offre d’Orange faire l’objet d’une tarification supplémentaire. Ainsi, en investissant pour remplacer le cuivre par de la fibre optique entre le nœud de raccordement d’Orange et son site mobile71, Free devrait payer à Orange un tarif supplémentaire pour la collecte des flux issus de ce site mobile72, alors qu’aucun investissement de la part d’Orange dans l’infrastructure de collecte passive servant à collecter ces flux n’a été réalisé.

Autrement dit, l’origine de la valeur susceptible d’être retirée par Free, au regard de laquelle Orange estime devoir fixer ses tarifs pour la prestation en cause, résulte du seul investissement de Free dans un réseau à très haut débit en fibre optique pour le raccordement de ses sites mobiles. La sur-tarification envisagée par Orange conduirait ainsi à lui procurer des revenus substantiels, sans justification économique.

Au regard des objectifs, mentionnés aux, 2°, 3° et 3° bis du II de l’article L. 32-1 du CPCE, consistant à veiller « à l’exercice au bénéfice des utilisateurs d’une concurrence effective et loyale » « au développement […] de l’investissement efficace notamment dans les infrastructures améliorées et de nouvelle génération » et à « tenir compte, lorsqu’ [elle fixe] des obligations en matière d’accès, du risque assumé par les entreprises qui investissent », l’Autorité estime qu’il n’existe aucun élément justifiant qu’Orange puisse s’approprier la valeur susceptible d’être créée par les seuls investissements de son concurrent.

Par ailleurs, l’Autorité relève qu’Orange indique que, pour déterminer les tarifs des prestations d’hébergement et de collecte en cause, elle a fixé un tarif global en rapport avec la valeur retirée de leur utilisation, qu’elle a ensuite « ventilé » sur chacune de ces prestations73.

L’Autorité constate cependant qu’Orange n’a pas expliqué comment elle a évalué la valeur retirée par Free de l’usage de ces prestations ni précisé le montant résultant de cette évaluation, à partir duquel elle a fixé un tarif global « ventilé » sur les tarifs des prestations en cause d’hébergement et de collecte.

L’Autorité relève à cet égard que, pour établir les tarifs des prestations de collecte et d’hébergement proposées à Free, Orange, tout en affirmant fonder cette tarification sur la valeur retirée des prestations, indique avoir procédé à la « vérification du juste niveau de tarification » en analysant les tarifs proposés au regard, d’une part, de l’évaluation du coût de construction en propre d’un réseau de collecte mobile en fibre optique et, d’autre part, de l’évaluation du coût de construction en propre d’un réseau de collecte mobile en faisceaux hertziens74.

Or, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les hypothèses retenues par Orange pour estimer le coût de construction en propre d’une collecte mobile en fibre optique ou en faisceaux hertziens, l’Autorité constate que la méthode de tarification proposée par Orange est de nature à rendre neutre l’arbitrage de Free entre la location de l’infrastructure de collecte d’Orange pour ses besoins mutualisés fixe-mobile et la construction de son propre réseau de collecte dédié au mobile en parallèle des liens LFO utilisés par Free pour ses besoins fixes et ses sites mobiles raccordés par des paires de cuivre dégroupées7576.

Telle qu’elle est conçue, cette méthode de tarification conduit ainsi Orange à prélever une part significative, voire la totalité, des gains d’efficacité que Free aurait pu attendre des synergies de ses réseaux fixe et mobile sur le segment de la collecte.

Orange considère que cette tarification supplémentaire, qui conduit à une captation des gains d’efficacité de Free, est indispensable afin d’éviter l’apparition de distorsions de concurrence entre les opérateurs, d’une part, sur le marché de détail mobile et, d’autre part, sur le marché de détail du haut et du très haut débit fixe77.

En effet, Orange estime qu’en l’absence d’une telle sur-tarification, Free serait libre d’allouer ses coûts de collecte LFO entre ses activités fixes et mobiles, contrairement à SFR et Bouygues Telecom qui, ayant déployé leur réseau mobile avant de pénétrer le marché fixe, disposent à ce jour d’une collecte mobile dédiée constituée majoritairement de liaisons FH. Selon Orange, Free disposerait donc de coûts de collecte structurellement moins élevés que ses concurrents, tant sur le marché mobile, que sur le marché fixe, ce qui lui permettrait de proposer des tarifs plus compétitifs que ces derniers78.

Orange considère également que faire droit aux demandes de Free octroierait un avantage significatif à ce dernier au détriment des opérateurs mobiles ayant déployé leurs réseaux grâce à d’autres architectures, ce qui « favoriserait anormalement le modèle de l’opérateur fixe qui entre ultérieurement sur le marché mobile et défavoriserait sans justification les opérateurs qui ont d’abord déployé leurs réseaux mobiles avant de pénétrer le marché fixe »79.

Cependant, l’Autorité estime que les risques évoqués par Orange ne sont pas avérés.

Au contraire, l’Autorité considère, d’une part, que les principaux risques de distorsion de concurrence résulteraient de la captation d’une part significative voire de la totalité des gains d’efficacité de Free, qui limite les possibilités de convergence et de mutualisation de ses réseaux et conduit Orange à se poser en arbitre des choix d’investissement de Free. La sur- tarification imposée par Orange est ainsi de nature à contraindre les choix d’investissement et la compétitivité de Free, avec laquelle elle est en concurrence sur les marchés de détail.

D’autre part, et comme l’Autorité l’a relevé ci-dessus, Free présente un profil similaire à celui d’Orange et n’est donc pas le premier opérateur initialement présent sur le marché fixe, qui ayant décidé de diversifier ses activités en déployant un réseau mobile, souhaite rationaliser ses investissements en réutilisant ses infrastructures fixes existantes pour ses besoins mobiles. Interrogée sur sa stratégie d’arbitrage entre les différents réseaux de collecte envisageables pour ses sites mobiles (cuivre, FH, fibre optique), Orange a ainsi indiqué que :

« Dans les cas où FH et fibre optique sont des solutions qui sont l’une et l’autre possibles, une étude économique est faite sur la base de la méthode des coûts actualisés à long terme. Cette étude prend en compte les Capex [c’est-à-dire les investissements et amortissements], mais également les coûts d’entretien ainsi que les taxes : redevance sur les fréquences et l’IFER [imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux]. Le choix final de la solution peut prendre en compte des critères opérationnels (facilité ou difficulté de déploiement en fonction des critères locaux) sans toutefois s’écarter trop d’une rationalité économique » (soulignement ajouté)80.

Cette rationalité économique a conduit Orange à préférer majoritairement une collecte mutualisée en fibre optique, par rapport au déploiement d’une collecte dédiée en FH. Ainsi, Free souligne que dès 2012 Orange avait raccordé plus de 80 % de ses antennes en fibre optique81.

Ainsi, l’argument avancé par Orange selon lequel il est nécessaire de prévenir des distorsions de concurrence au moyen de la sur-tarification revient à priver Free du bénéfice des synergies dont Orange a elle-même bénéficié82 en imposant à Free de rapprocher artificiellement sa structure de coûts de celle d’opérateurs présentant un profil d’investissement distinct et un autre historique de déploiement des réseaux fixes et mobiles.

En proposant la prestation en cause en contrepartie d’un tarif supplémentaire par rapport aux tarifs payés pour l’usage de base, Orange vient donc limiter la compétitivité de Free sur les marchés de détail mobile et fixe, par rapport à ses propres branches de détail qui bénéficient pleinement et depuis plusieurs années des synergies fixe et mobile sur le segment de la collecte83. De ce fait, l’existence d’une telle sur-tarification irait à l’encontre des objectifs mentionnés aux 2°, 3° et 4° du II de l’article L. 32-1 du CPCE, relatifs « à l’exercice, au bénéfice des utilisateurs d’une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de communications électroniques », « au développement de […] la compétitivité dans le secteur des communications électroniques » et « à la définition de conditions d’accès aux réseaux ouverts au public […] qui garantissent […] l’égalité des conditions de concurrence ».

Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, et au regard notamment des objectifs mentionnés aux 2°, 3°, 3° bis, 4° et 13° du II de l’article L. 32-1 du CPCE, l’Autorité estime que le principe d’une tarification supplémentaire pour l’utilisation de la prestation de collecte aux fins d’acheminer les flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique est inéquitable.

En outre, dans la mesure où Free dispose d’ores et déjà d’un accès aux fibres noires de collecte d’Orange au titre de l’offre LFO en échange du paiement d’un abonnement annuel, et où Free indique, sans être contredite par Orange, qu’aucune prestation spécifique, génératrice de coûts supplémentaires pour Orange, n’est nécessaire pour collecter les flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique84, l’Autorité estime que faire droit à la demande de Free tendant à ce qu’Orange propose la prestation en cause sans tarif supplémentaire ne génère pas de contraintes disproportionnées pour Orange.

Par ailleurs, Orange estime que lui imposer de renoncer à appliquer une sur-tarification par rapport aux tarifs pour lesquels  elle est soumise, conformément à l’article 36 de la décision  n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée, à une obligation de pratiquer des tarifs non-excessifs, ne faisant pas obstacle à l’extension du dégroupage et au déploiement de boucles locales optiques, serait inéquitable en ce que ces tarifs ne sont pas adaptés au marché mobile, mais ont été élaborés en vue d’objectifs de régulation liés au réseau fixe85. Orange précise que ce tarif a été établi par Orange, sous le contrôle de l’Autorité, dans une optique d’extension du dégroupage86 et qu’il ne repose pas sur les coûts sous-jacents supportés par Orange pour fournir cette prestation87.

Néanmoins, l’Autorité rappelle qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer ici sur le niveau  du tarif que Free acquitte déjà au titre de la collecte des flux issus de ses boucles locales fixes, mais d’apprécier si faire droit aux demandes de Free tendant à l’absence de sur-tarification s’ajoutant à ce tarif était équitable.

Au surplus, il n’est pas contesté que la société Orange réalise une marge lors de la commercialisation de l’offre LFO. Le niveau de cette marge est estimé par les sociétés Free à 56 %88. L’estimation correspondante des coûts a été contestée par Orange, sans que celle-ci ne fournisse, malgré les demandes de l’Autorité au cours de la procédure, des informations complémentaires permettant d’effectuer cette évaluation. En tout état de cause, l’Autorité rappelle que, comme le souligne Orange, le tarif régulé de l’offre LFO ne repose pas sur les coûts sous-jacents de l’offre de gros et est uniquement soumis à une obligation de non- excessivité89. Sur la base du tarif actuel, Orange recouvre donc l’entièreté des coûts associés à cette offre de gros et réalise en outre une marge.

Au regard de l’ensemble de ce qui précède et compte tenu notamment des objectifs mentionnés au 2°, 3°, 3° bis , 4° et 13° du II de l’article L. 32-1 du CPCE, l’Autorité estime qu’il est équitable d’enjoindre à la société Orange de proposer aux sociétés Free une convention permettant expressément, en sus de la collecte des flux dégroupés et des flux fixes issus des boucles locales optiques et sans tarif supplémentaire par rapport à cette prestation, la collecte des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique.

Décide :

Article 1 : La société Orange doit proposer aux sociétés Free et Free Mobile une convention d’accès aux prestations d’hébergement, au sein de ses nœuds de raccordement d’abonnés (NRA) et nœuds de raccordement optique (NRO), d’équipements permettant l’acheminement des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique, à des tarifs reflétant les coûts correspondants.

Article 2 : La société Orange doit proposer aux sociétés Free et Free Mobile une convention permettant à ces sociétés de collecter, en sus des flux collectés dans le cadre de l’utilisation de l’offre de location d’un lien de fibre noire mentionnée à l’article 13 de la décision de l’Autorité n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée, les flux issus de leurs sites mobiles raccordés en fibre optique, sans tarif supplémentaire par rapport aux tarifs de cette offre.

Article 3 : La société Orange applique la présente décision dans un délai de six semaines à compter de sa notification.

Article 4 : Le surplus des demandes des sociétés Free et Free Mobile est rejeté.

Article 5 : Les demandes de la société Orange sont rejetées.

Article 6 : La directrice des affaires juridiques de l’Autorité est chargée de notifier la présente décision aux sociétés Free, Free Mobile et Orange. Elle sera rendue publique, sous réserve des secrets protégés par la loi.

Notes : 

1 Un nœud de raccordement d’abonnés (« NRA ») est un point de concentration du réseau de boucle locale de cuivre d’Orange, où sont installés les équipements actifs à partir desquels l’opérateur active les accès DSL de ses abonnés.

2 Les chiffres de l’Observatoire de l’ARCEP montrent une croissance du trafic mobile de 70 % entre 2011 et 2012, 64 % entre 2012 et 2013, et 97 % entre 2013 et 2014.

3 Voir la consultation publique du 16 décembre 2014 sur la revue stratégique du spectre pour le très haut débit mobile : http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/consult-THD-mobile-700mhz-161214.pdf

4 Le calendrier ci-dessous présente les obligations de déploiement en très haut débit mobile prévues par les autorisations des opérateurs dans les bandes 800 MHz et 2,6 GHz. Il s’agit des obligations imposées aux opérateurs mais ceux-ci peuvent avoir intérêt à déployer leur réseau plus rapidement qu’ils n’y sont tenus.

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5 ARCEP, Observatoire sur la couverture et la qualité des services mobiles (juillet 2014, mise à jour partielle en mai 2015).

6 Les supports filaires (en cuivre ou en fibre optique) peuvent se décliner en offres d’accès passif (dans ce cas l’infrastructure support est louée à l’opérateur qui installe ses propres équipements actifs en extrémité pour écouler lui-même le trafic) ou en offres d’accès activé (dans ce cas, l’opérateur client reçoit en un point situé en amont du réseau le trafic, qui est livré par les équipements de l’opérateur offreur).

7 V. la décision n° 2011-0668 en date du 14 juin 2011, article 3 et pp. 65-66 : « Au cours de la période couverte par la présente analyse de marché, il semble probable que les opérateurs mobiles, qui achètent actuellement l’offre de gros [d’accès activé] AIRCOM de France Télécom, viennent à demander à France Télécom d’utiliser les offres de gros de dégroupage pour raccorder leurs éléments de réseau. […] La plupart de ces opérateurs [SFR, Bouygues Telcom, Free] sont présents sur de nombreux NRA et disposent d’un réseau de collecte adapté pour l’acheminement des données de leurs stations BTS vers leurs éléments de réseaux situés en amont, notamment les BSC et MSC mobiles. Les nouvelles normes de transmission des réseaux mobiles, telles que la 3G+ et la 4G, permettent un transport de données à des débits élevés. Cette montée en débit et le taux élevé d’utilisation des BTS nécessitent des opérateurs mobiles un réseau de collecte suffisamment dimensionné pour permettre une utilisation satisfaisante pour le consommateur des offres de données mobiles. L’offre de gros AIRCOM ne permet pas à ces acteurs de valoriser leurs infrastructures de réseaux fixes capillaires et leurs investissements dans le dégroupage, contrairement au groupe France Télécom/Orange. […]Il apparaît pourtant que l’offre de gros AIRCOM, basée sur les technologies DSL, repose techniquement sur des offres de gros disponibles. Il semble ainsi légitime que les opérateurs mobile tiers puissent avoir accès sur le marché de gros à ces mêmes briques élémentaires afin de raccorder leurs BTS. […]Au vu des éléments présentés, la demande des opérateurs d’utiliser des prestations de l’offre de gros de dégroupage pour le raccordement d’éléments de réseaux, et notamment les stations de base mobiles, semble, prima facie, constituer une demande raisonnable d’accès ».

8 Les opérateurs ont recours dans certains cas à des offres de gros passives d’hébergement sur des pylônes.

9 Un nœud de raccordement optique (« NRO ») est un point de concentration d’un réseau en fibre optique où  sont installés les équipements actifs à partir desquels l’opérateur active les accès de ses abonnés.

10 V. la décision n° 2011-0668 du 14 juin 2011, article 13 et p. 80.

11 Réponse de SFR à la consultation publique de l’ARCEP – 29 mai 2012 (mémoire en défense, pièce n°12).

12 Jean-Paul Arzel au magazine 01net, le 17 septembre 2013, cité par Orange (mémoire en défense, p. 20).

13 Lors du Comité de l’interconnexion et de l’accès qui s’est tenu à l’ARCEP le 21 novembre 2012 (en présence notamment des représentants de Free, Orange, SFR et Bouygues Telecom), SFR et Bouygues Telecom ont soutenu la demande de Free relative au raccordement en fibre optique des stations de base. Orange fait toutefois valoir que SFR a indiqué, dans le cadre de sa réponse à une consultation publique de l’Autorité lancée en mars 2012 et relative aux besoins futurs et perspectives d’évolution des faisceaux hertziens, que « concernant l’infrastructure mobile, les [FH] resteront à terme la technologie la plus utilisée en ce qui concerne le raccordement des stations de base, derrière les solutions de raccordement filaire en fibre optique » (mémoire en défense, p. 17). Elle fait également valoir que Bouygues Telecom a manifesté, dans le cadre de sa réponse à la consultation publique de l’Autorité de juillet 2013 relative aux bilan et perspectives des marchés du haut et très haut débit fixe, son opposition à l’utilisation des prestations de l’offre LFO et l’offre d’hébergement au NRA ou NRO pour acheminer des flux mobiles (mémoire en défense, p. 31).

14 Patrick Drahi, dirigeant d’Altice, maison-mère de Numericable-SFR, cité par Free dans sa saisine (p. 12), a notamment déclaré que « l'avenir du mobile c'est le fixe, c'est une certitude technique, scientifique », dans un article de La Tribune du 17 mars 2014. V. également le « Document de référence 2014 » de Numericable  –  SFR, cité par Free (réponse au deuxième questionnaire, Q9), selon lequel « Le Groupe remplace un grand nombre de ses antennes en les dotant de la technologie single RAN (2G/3G/4G) avec transmission par  fibre,    ce qui réduira les coûts de maintenance et garantira une infrastructure de qualité sur le long terme. La combinaison du réseau fibre fixe à haute connectivité du Groupe avec les réseaux mobiles 4G de haute qualité de SFR permettra au Groupe de répondre à une demande en données sur téléphone mobile en forte croissance, en fournissant des connexions fibre de transit haut débit pour le raccordement au réseau RAN de téléphonie mobile ».

15 Delphine Ernotte, le 21 juin 2012 au magazine ITesperesso.fr, citée par les sociétés Free (saisine, p. 11).

16 Observations en réplique présentées par les sociétés Free et Free Mobile, p. 18/29.

17 Décision n° 2010-0043 en date du 12 janvier 2010 autorisant la société Free Mobile à utiliser des fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique de troisième génération ouvert au public.

18 Décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-160 du 30 octobre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de SFR par le groupe Altice.

19 Selon l’étude « La diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la  société française » du CREDOC (juin 2014), 63 % des clients disposant d’un accès à internet à domicile et d’un téléphone mobile sont abonnés chez le même opérateur pour ces deux services. Parmi eux, 80 % ont souscrit à une offre permettant d’obtenir une remise sur les deux services, en les regroupant.

20 L’Autorité de la concurrence a ainsi relevé dans sa décision n° 14-DCC-160 relative au rachat de SFR par Numericable que « la convergence fixe-mobile est effectivement au cœur de la stratégie de la nouvelle entité » (§ 329).

21 Avis n° 2014-0815 du 22 juillet 2014 rendu à la demande de l’Autorité de la concurrence portant sur la concentration constituée par l’acquisition du contrôle exclusif de la Société Française du Radiotéléphone (SFR) par le groupe Altice et sa filiale Numericable Group.

22 Free Infrastructure, IRE et Immobilière Iliad.

23 Source : rapport de gestion de 2014 du groupe Iliad. http://www.iliad.fr/finances/2015/Rapport_Gestion_2014_120315.pdf

24 Communiqué de presse du groupe Iliad du 15 mai 2015, http://www.iliad.fr/finances/2015/CP_150515.pdf

25 Communiqué de presse du groupe Orange du 17 février 2015  http://www.orange.com/fr/content/download/28510/623471/version/3/file/CP_Orange_FY14_FR_17022015%20.pdf

26 V. art. 4.2 du « contrat d’extension d’usage d’infrastructures d’hébergement mises à disposition de  l’Opérateur ».

27 V. art. 2 et art. 10.3.2. du contrat « Service de collecte Nœuds de Raccordement d’Orange sur Lien Fibre Optique ». Les « Sites d’Extrémité » sont définis comme les « éléments de réseau (BTS, hotspots, femtocells,…), ou équipements d’un client professionnel (radars, éoliennes, feux rouge, bornes d’appels…), installés sur des sites avec ou sans adresse postale normalisée ».

28 Mémoire en défense, p. 28.

29 Ibid.

30 V. Cour d’appel de Paris, 19 janvier 2012, France Télécom c/ Bouygues Télécom, n° 2010/24694.

31 Règlement du Parlement européen et du Conseil n° 2887/2000 du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l’accès à la boucle locale.

32 Articles 2. h) et 3 du règlement.

33 Article 4 du règlement.

34 Ont ainsi été créés les emplacements « dédiés » en 2002, les emplacements « restreints » en 2004 ou encore les espaces « très petits sites » en 2005, permettant aux opérateurs d’adapter leurs équipements et leur occupation de l’espace en fonction de la taille du NRA dégroupé. Voir notamment la décision n° 05-0277 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu’opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros de l’accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre.

35 V. la décision n° 2011-0668 en date du 14 juin 2011 portant sur la définition du marché de gros pertinent des offres d’accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché.

36 V. la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée.

37 Décision n° 2011-0668 en date du 14 juin 2011 susmentionnée et décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée.

38 Saisine, p. 25.

39 Mémoire en défense, pp. 25-27.

40 Décision n° 2011-0668 en date du 14 juin 2011 susmentionnée, v. notamment p. 9, p. 66 et annexe 1.

41 Décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée, p. 10.

42 Mémoire en défense, p. 26.

43 Décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée, p. 107.

44 Réponse au premier questionnaire, Q11.

45 V. par exemple p. 16 de la saisine et p. 8 du mémoire en réplique.

46 Interview de Delphine Ernotte, alors directrice générale d’Orange, publiée sur le site Itespresso le 26 juin 2012 (saisine, p. 11).

47 La société Orange n’a pas répondu à la question des rapporteures concernant les coûts spécifiques à l’hébergement d’équipements des actifs permettant de collecter les flux issus des stations de base raccordées en optique et non pris en compte dans la tarification des offres d’hébergement de base, au motif que cette question n’était pas pertinente s’agissant d’une offre commerciale (premier questionnaire, Q18).

48 Décision n° 05-0277 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu’opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros de l’accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre.

49 Décisions n° 2008-0835 en date du 24 juillet 2008 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d’accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché et n° 2011-0668 en date du 14 juin 2011 susmentionnée.

50 Décision n° 2011-0668 en date du 14 juin 2011 susmentionnée.

51 Comme indiqué précédemment, les autres NRA dégroupés ont été collectés en fibre optique par des déploiements en propre des opérateurs ou par le recours à des réseaux d’initiative publique de collecte.

52 Articles 3 et 10 de la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée.

53 Comme le rappellent les motifs de la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 susvisée, « l’utilisation de l’offre de dégroupage existante et des moyens qui y sont associés mentionnés au point 4.2.4 de la présente analyse [c’est-à-dire des prestations d’hébergement et de collecte], livrés selon les processus et les conditions inscrits aux offres correspondantes, ne saurait être fermée a priori au raccordement d’éléments de réseau ». En outre, conformément à l’article 13 de cette décision, la société Orange est tenue de maintenir cette prestation.

54 Cour d’appel de Paris, 24 février 2011, Mobius contre LRN, RG n° 2010/16143.

55 Ibid.

56 V. par exemple saisine, p.4.

57 V. partie 1.2 de la présente décision.

58 Dans ces cas, les débits proposés aux clients finals fixes sur le marché de détail sont limités (de l’ordre de 2 Mbit/s) et décorrélés des performances réelles qui pourraient être proposées au client final si le NRA était raccordé en fibre optique.

59 Free relève que d’autres opérateurs historiques, Deutsche Telekom et Telecom Italia Mobile, disposent également d’un réseau de collecte de leurs sites mobiles reposant majoritairement sur des réseaux filaires (saisine p. 17).

60 Mémoire en défense, p. 36.

61 Les autres opérateurs de réseau mobile, à savoir les sociétés SFR et Bouygues Telecom, ont développé jusqu’à présent une stratégie de collecte de leurs flux mobiles différente. Cela peut notamment s’expliquer par le fait que ces opérateurs, à l’inverse des sociétés Free et Orange, ont d’abord exercé une activité mobile, pour laquelle ils ont notamment déployé un réseau étendu de collecte en faisceaux hertziens, avant d’entrer sur le marché fixe.

62 Mémoire en défense, p. 22.

63 L’article 2 du contrat « Service de collecte Nœuds de Raccordement d’Orange sur Lien Fibre Optique » proposé par Orange à Free définit l’usage de base comme « l’usage du Service en vue de collecter les trafics exclusivement en provenance de Sites Clients Finaux Fixes issus des boucles locales filaires, en cuivre ou en fibre optique, et, dans le cas de la boucle locale cuivre d’Orange des trafics issus de Sites d’Extrémité raccordés via des Accès dégroupés à des Nœuds de Raccordement d’Abonnés ». La notion de « Site d’Extrémité » est définie dans ce même article comme les « éléments de réseau (BTS, hotspots, femotcells…), ou équipements d’un client professionnel (radars, éoliennes, feux rouge, bornes d’appels…), installés sur des sites avec ou sans adresse postale normalisée ».

64 L’article 2 du contrat « Service de collecte Nœuds de Raccordement d’Orange sur Lien Fibre Optique » définit l’usage étendu comme « l’usage de base et la collecte des trafics en provenance de Sites d’Extrémité raccordés en fibre optique à des Nœuds de Raccordement d’Orange ».

65 V. notamment, mémoire en défense, p. 4 et p. 35.

66 Réplique, p. 20.

67 V. notamment la réponse au premier questionnaire, Q10 et Q11.

68 Free indique construire ses propres équipements (réponse au deuxième questionnaire, Q3).

69 Réponse au deuxième questionnaire, Q1. Orange indique que le contrôle de l’usage fait par Free du LFO mis à sa disposition pourrait faire l’objet d’un audit selon une méthodologie discutée entre les parties conformément au contrat proposé.

70 Réponse au premier questionnaire, Q16.

71 Le goulot d’étranglement des débits sur la collecte fixe des sites mobiles de Free se situe sur le segment de raccordement (desserte) en cuivre en aval du répartiteur et non sur le segment amont du répartiteur déjà opticalisé.

72 Free qualifie cette tarification supplémentaire de « péage » (v. par exemple saisine, pp. 4-5).

73 Mémoire en défense, p. 22 et p. 28.

74 Mémoire en défense, pp. 36-40.

75 Free estime que « la fibre coûte plus cher que le FH en investissements [« CAPEX »], mais devrait coûter moins cher en fonctionnement [« OPEX »]. […] Il est évident que dès lors que l’opérateur opticalisant un site mobile devrait acquitter un "péage" OPEX sur l’hébergement ou la LFO, comme souhaite l’imposer Orange, il n’y aurait plus aucun sens économique au fibrage des sites » (réponse au deuxième questionnaire, Q1). Lors de l’audience qui s’est tenue le 8 juillet 2015, Free a précisé qu’il n’est pas rationnel de réaliser des dépenses d’investissement (« CAPEX ») pour voir augmenter ses dépenses d’exploitation (« OPEX »). Dès lors, en raison du « péage » imposé par Orange qui augmente les OPEX de Free, il ne serait pas rationnel pour elle d’investir dans le déploiement de la fibre optique.

76 La société Orange a ainsi indiqué lors de l’audience en date du 8 juillet 2015 que la tarification a été établie en fonction de ce que devrait dépenser un opérateur mobile générique efficace pour répliquer le réseau de collecte.

77 V. notamment mémoire en défense, p. 4 et p. 35.

78 Mémoire en défense, p. 34.

79 Mémoire en défense, p. 31.

80 Réponse au premier questionnaire, Q12.

81 Saisine, p. 12. Free fait en outre valoir que « Orange considère que le fibrage des antennes 4G est une nécessité dans son réseau, lui conférant un avantage technique et concurrentiel important. En revanche, pour les autres opérateurs, il s’agirait d’une coquetterie inutile. Orange oublie que les quatre opérateurs sont concurrents sur le même marché, que le marché est tiré par l’appétence pour les usages data, et que la compétitivité technique et commerciale est un facteur clef de survie à moyen et long terme » (réplique, p. 10).

82 Free estime à cet égard que « d’un point de vue concurrentiel, c’est bien la situation actuelle, dans laquelle Orange peut tirer avantage de son réseau fixe pour déployer son réseau mobile, qui fausse la concurrence et non l’accès de Free Mobile ou d’autres opérateurs aux infrastructures existantes pour le raccordement de leurs sites mobiles » (réplique, p. 8).

83 Il convient de préciser que, comme le relève Free (réplique, p. 8), en raison du fait qu’Orange est un opérateur intégré, la tarification des offres de gros de collecte (actives ou passives) qu’elle fournit aux autres opérateurs n’a pas d’impact économique pour elle-même (consommation en interne des prestations correspondantes pour les besoins de sa branche de détail).

84 V. par exemple mémoire en défense pp. 41-42.

85 V. notamment mémoire en défense, p. 32, et mémoire en duplique, p. 10.

86 Mémoire en défense, p. 33.

87 Mémoire en duplique, p. 20.

88 Mémoire en réplique, p. 24.

89 Ibid.