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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 9 novembre 2018, n° 16/06409

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Orthomedica (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Renard, Mme Lehmann

TGI Paris, 3e ch. 1re sect., du 28 janv.…

28 janvier 2016

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, en remplacement de Colette PERRIN, Présidente, empêchée, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Monsieur Jean-Paul P. est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le brevet européen n°EP 1 494 627 (ci-après EP 627) désignant la France intitulé « attelle pour articulation et procédés de fabrication d'une telle attelle», déposé le 15 avril 2003 et délivré le 11 juin 2008 sous la priorité du brevet français n°02 05352 déposé le 15 avril 2002 et délivré le 27 mai 2005 auquel il s'est intégralement substitué.

La SAS Orthomédica inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Dijon depuis 1984 a été créée par monsieur P. qui en était le directeur et a pour activité la fabrication et le négoce de tous produits orthopédiques et articles en textile se rattachant à l'orthopédie.

Le 28 juillet 2006, monsieur P. a cédé ses parts sociales de la société Orthomédica à la société KER Babas, dont le gérant monsieur Sébastien G., est devenu le représentant légal de la société Orhomedica, aujord'hui SARL Orthomédica.

Le 5 avril 2007, monsieur P. et la société Orthomédica représentée par monsieur G. ont conclu un contrat de licence exclusive d'exp1oitation portant notamment sur le brevet français et la demande de brevet européen pour une durée de 10 années commençant à courir rétroactivement au 1er octobre 2006.

Ce contrat exposait en préambule que par acte sous seing privé en date du 17 février 2003, monsieur P. avait « consenti une licence d'exploitation relative à «une attelle pour articulation reliant deux membres d'un corps humain ou analogue et procédés de fabrication d'une telle attelle» et que «Les parties entendent par les présentes modifier le contrat de licence signé entre elles relatif à l'attelle pour cheville.»

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 3 avril 2014, monsieur P. a notifié avec un préavis de 3 mois expirant le 4 juillet 2014 la résiliation de ce contrat de licence exclusive en invoquant la violation des stipulations de son article 9-2 tirée du défaut de communication depuis le mois de juillet 2012 de l'état trimestriel récapitulatif des ventes et de paiement corrélatif des redevances.

Par acte d'huissier en date du 12 novembre 2014, la société Orthomédica faisait assigner monsieur P. devant le tribunal de grande instance de Paris en répétition de l'indu et en indemnisation de son préjudice.

La société Orthomédica exposait au soutien de ses prétentions que monsieur P. avait émis des factures pour des produits qu'il savait étrangers à son brevet EP 627 alors que les attelles de cheville qu'elle fabrique n'entraient pas dans le champs du brevet et ne comportaient pas l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1.

Monsieur P. exposait que depuis 8 années, la société Orthomédica ne contestait pas fabriquer des attelles mettant en œuvre le brevet, ce qui était le cas, et demandait à titre reconventionnel le paiement des redevances dues depuis 2012 et la constatation et la réparation d'actes de contrefaçon à compter de la résiliation du contrat de licence au 4 juillet 2014.

Par jugement contradictoire en date du 28 janvier 2016, le tribunal de grande instance Paris a :

- rejeté les demandes en répétition de l'indû et en indemnisation présentées par la société Orthomédica,

- condamné la société Orthomédica à payer à monsieur P. la somme de 61.131,76 euros TTC en exécution forcée du contrat de licence du 5 avril 2007 pour la période du 1er juillet 2012 au 4 juillet 2014,

- dit qu'en fabriquant, faisant fabriquer et en commercialisant des attelles de chevilles reproduisant les revendications 1, 12 et 20 du brevet européen n°EP 1 494 627 postérieurement à la résiliation à effet du 4 juillet 2014 du contrat de licence du 5 avril 2007 duquel elle tirait son droit d'exploitation, la société Orthomédica a commis des actes de contrefaçon,

- condamné la société Orthomédica à payer à monsieur P. la somme de 28.728 euros en réparation de son préjudice matériel causé par les actes de contrefaçon,

- interdit à la SAS Orthomédica, sous astreinte de 150 euros par infraction pendant un délai de 3 mois courant à compter de la signification de la présente décision, de fabriquer, faire fabriquer et commercialiser des attelles de cheville contrefaisant les revendications du brevet européen n°EP 1 494 627,

- ordonné à titre de réparation complémentaire la confiscation au profit de monsieur P. et aux frais de la société Orthomédica, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 3 mois à l'expiration d'un délai de 15 jours courant à compter de la signification du jugement, des moules de production se rapportant au brevet européen n°EP 1 494 627,

- s'est réservé la liquidation de ces astreintes,

- rejeté les demandes de réparation complémentaire de son préjudice matériel et d'indemnisation de son préjudice moral ainsi que de publication judiciaire présentées par monsieur P.,

- rejeté la demande de la société Orthomédica au titre des frais irrépétibles,

- condamné la société Orthomédica à payer à monsieur P. la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Orthomédica à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par maître Marguerite B. en application de l'article 699 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celles portant sur la restitution des moules.

La société Orthomédica a interjeté appel du jugement le 15 mars 2016.

Le 6 décembre 2016, le tribunal de commerce de Dijon a ouvert une procédure de sauvegarde à l'encontre de la société Orthomédica et désigné maître Thibaud P. mandataire judiciaire.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 9 mai 2018, la société Orthomédica et maître P. T., es qualité de mandataire judiciaire, demandent à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :

A titre principal,

- dire et juger que l'attelle de cheville fabriquée par la société Orthomédica n'entre pas dans le champ de la protection du brevet européen n°EP1 494 627,

- dire et juger que les redevances versées par la société Orthomédica au titre du brevet de l'attelle de cheville n'étaient pas dues,

- condamner monsieur P. à payer à la société Orthomédica une somme de 57.994,04 euros au titre de la répétition de l'indu,

- condamner monsieur P. à payer à la société Orthomédica une somme de 100.000 euros au titre de dommages et intérêts,

- condamner monsieur P. à payer à la société Orthomédica une somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code procédure civile,

- condamner monsieur P. aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

- constater la nullité du brevet EP1494627 pour défaut d'activité inventive et par voie de conséquence ;

- dire et juger que la société Orthomédica n'a commis aucun acte de contrefaçon,

- débouter monsieur P. de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles,

A titre infiniment subsidiaire,

vu l'article L622-22 du Code de Commerce,

- constater que monsieur P. a déclaré sa créance à hauteur de 98.698,62 euros entre les mains du mandataire judiciaire désigné au titre de la procédure de sauvegarde de la société Orthomédica,

- dire et juger que monsieur P. ne peut se prévaloir de toute créance supérieure à 98.698,62 euros à l'égard de la société Orthomédica,

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la confiscation des moules.

Par ses dernières conclusions notifiées le 11 mai 2018, monsieur P. demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu le 28 janvier 2016 en ce qu'il a :

- rejeté les demandes en répétition de l'indu et en indemnisation formées par la société Orthomédica, celles-ci étant tant irrecevables que mal fondées, justifiant leur débouté,

- condamné la société Orthomédica à payer à monsieur P. la somme de 61.181,76 euros TTC en exécution forcée du contrat de licence du 5 avril 2007 pour la période du 1er juillet 2012 au 4 juillet 2014,

y ajoutant, sur ce point,

- dire et juger que monsieur P., en tant que de besoin, sera admis au passif de la société Orthomédica pour ladite somme de 61 181,76 euros TTC, à titre chirographaire, et que ladite somme sera à ce titre inscrite sur l'état des créances de la société Orthomédica,

- dit qu'en fabriquant, faisant fabriquer et en commercialisant des attelles de cheville reproduisant les revendications 1, 12 et 20 du Brevet Européen numéro EP 1 494 627 postérieurement à la résiliation à effet du 4 juillet 2014 du contrat de licence de brevet du 5 avril 2007 duquel elle tirait son droit d'exploitation, la société Orthomédica a commis des actes de contrefaçon,

- prononcé condamnation à paiement au profit de monsieur P. et à l'égard de la société Orthomédica en réparation de son préjudice matériel causé par les actes de contrefaçon,

Réformer le jugement sur le quantum du préjudice matériel et fixer celui-ci à la somme de 37.440,00 euros au paiement de laquelle la société Orthomédica sera condamnée, et en conséquence condamner la société Orthomédica à payer à monsieur P. la somme de 37.440,00 euros (au 31 juillet 2016 et donc éventuellement à parfaire) en réparation de son préjudice matériel causé par les actes de contrefaçon,

y ajoutant, sur ce point,

- dire et juger que monsieur P., en tant que de besoin, sera admis au passif de la société Orthomédica pour ladite somme de 37.440,00 euros, à titre chirographaire, et que ladite somme sera à ce titre inscrite sur l'état des créances de la société Orthomédica.

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- interdit à la société Orthomédica, sous astreinte de 150 euros par infraction, de fabriquer, faire fabriquer et commercialiser des attelles de cheville contrefaisant les revendications du brevet européen n°EP 1 494 627, le jugement n'étant réformé sur ce point que sur la limitation dans le temps (3 mois) de l'astreinte,

- ordonné, à titre de réparation complémentaire, la confiscation au profit de monsieur P. et aux frais de la société Orthomédica, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 3 mois à l'expiration d'un délai de 15 jours courant à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, des moules de production se rapportant au brevet européen n°EP 1 494 627,

- rejeté la demande de la société Orthomédica au titre des frais irrépétibles,

- condamné la société Orthomédica à payer à monsieur P. la somme de 10.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

y ajoutant, sur ce point,

- jugé que monsieur P. en tant que de besoin, sera admis au passif de la société Orthomédica pour ladite somme de 10.000,00 euros, à titre chirographaire, et que ladite somme sera à ce titre inscrite sur l'état des créances de la société Orthomédica.

Y ajoutant,

Statuant sur la prétention nouvelle en appel portant demande de nullité du brevet européen n°1 494 627,

À titre principal, sur la forme :

vu les articles 122 du Code de procédure civile et 2224 du Code civil,

- dire et juger irrecevable car prescrite la demande de nullité du brevet, l'en débouter,

À titre subsidiaire, sur le fond :

- dire et juger mal fondée la demande de nullité du brevet, l'en débouter,

Y ajoutant également, en toute hypothèse :

- condamner la société Orthomédica à payer à monsieur P., à hauteur de Cour, la somme de 30.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Y ajoutant, sur ce point,

- dire et juger que monsieur P., en tant que de besoin, sera admis au passif de la société Orthomédica pour ladite somme de 30.000,00 euros, à titre chirographaire, et que ladite somme sera à ce titre inscrite sur l'état des créances de la société Orthomédica,

- condamner la même aux entiers dépens tant d'instance que d'appel lesquels pourront être recouvrés par maître Marguerite B. - avocat au Barreau de Paris, ainsi qu'il est prescrit à l'article 699 du Code de procédure civile,

Y ajoutant, sur ce point,

- dire et juger que monsieur P. et maître Marguerite B.-avocat, en tant que de besoin, seront admis au passif de la société Orthomédica pour le montant des dépens, à titre chirographaire, et que ladite somme sera à ce titre inscrite sur l'état des créances de la société Orthomédica.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 mai 2018.

MOTIFS

Sur la demande en restitution de l'indu présentée par la société Orthomédica

L'article 1302 du Code civil, anciennement 1235, dispose :

« Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition.

La répétition n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.»

L'article 1302-1 du Code civil, anciennement 1376, dispose :

« Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.»

La société Orthomédica sollicite à titre principal la condamnation de monsieur P. à lui restituer la somme de 57.994,04 euros qu'elle considère lui avoir indûment payer au titre des redevances en application du contrat de licence entre le 7 janvier 2010 et le 7 décembre 2012 considérant que les attelles de cheville qu'elle fabrique et commercialise ne sont pas couvertes par le brevet EP 627.

Pour ce faire elle expose, comme en première instance, que ces attelles comportent des inserts en mousse synthétique positionnés sur la face interne de chaque coque et non des chambres réalisées en une matière plastique souple pouvant être mise sous pression par tout moyen approprié et ainsi ne comportent pas la caractéristique 2 de la revendication 1 du brevet.

Elle ajoute en cause d'appel que la partie rigide de la coque de ses attelles n'est pas fabriquée en polypropylène copolymère (PPe) ou en polyamide 6 (PA6) mais en polypropylène homopolymère (Pph) contrairement à la revendication 1 du brevet EP 627.

Monsieur P. rappelle que le contrat de licence signé le 5 avril 2007 a été appliqué sans contestation par la société Orthomédica qui a elle-même déclaré ses états trimestriels de ventes et ce jusqu'au mois de novembre 2014, montrant la légèreté de la procédure engagée, et soutient que les attelles de cheville de la société Orthomédica sont bien concernées par le contrat de licence du brevet EP 627.

L'examen de la réalité de l'indu suppose celui de la reproduction par les attelles de cheville commercialisées par la société Orthomédica des revendications du brevet européen EP 627 objet du contrat et pour ce faire de l'étude de la portée du brevet et de ses revendications.

Sur le brevet européen EP 627

L'invention porte sur une attelle pour une articulation reliant deux membres d'un corps humain ou d'un animal telle que la cheville, le genou ou le coude, constituée d'au moins deux coques rigides globalement concaves, aptes à être positionnées de part et d'autre de l'articulation, en appui sur celle-ci et comprenant des moyens permettant d'éviter toute blessure du tissu 'démateux apparu consécutivement à une entorse ou une foulure.

La partie descriptive du brevet indique que l'on connaissait déjà des attelles composées de deux coques rigides concaves aptes à être positionnées de part et d'autre de la cheville comprenant sur leurs faces internes une chambre réalisée en matière plastique souple pouvant être mise sous pression par tout moyen approprié et une base également rigide apte à être positionnée sous le talon .L'inconvénient de l'art antérieur auquel le brevet entend remédier est de présenter des bords rigides susceptibles de prendre appui sur le tissu 'démateux de la cheville occasionnant une gêne et des douleurs. Si l'art antérieur avait déjà créé des attelles constituées d'une coque centrale rigide et de bord de caoutchouc ou similaires, les deux parties étaient reliées en couplage mécanique avec l'inconvénient de se décoller ou de s'arracher en cas d'utilisation prolongée.

Le but de l'invention est de remédier à ces deux inconvénients et de proposer une attelle rigide dans sa partie centrale avec une zone flexible le long des bords longitudinaux les deux parties étant chimiquement liées entre elles.

Le brevet se compose de 19 revendications de produit (1 à 19) et d'une revendication indépendante de procédé (20).

La revendication 1, qui énonce les caractéristiques essentielles de l'invention, est principale tandis que les revendications 2 à 19, qui concernent des modes particuliers de réalisation de cette invention, sont dépendantes de celle-ci, la revendication 12 étant bien une revendication dépendante des revendications précédentes contrairement aux allégations de monsieur P..

La revendication 1, pertinente pour déterminer l'applicabilité du contrat de licence, se lit comme suit :

«Attelle pour une articulation reliant deux membres d'un corps humain ou d'un animal, telle que la cheville, le genou ou le coude par exemple, constituée d'au moins une coque (1,2) rigide globalement concave, constituée d'un unique élément comprenant au moins une zone flexible (7,8;12,13), apte à être positionnée autour de l'articulation, en appui sur ladite articulation, et comprenant sur sa face interne, c'est-à-dire sur sa face concave, une chambre (3,4) réalisée en une matière plastique souple pouvant être mise sous pression par tout moyen approprié, positionnée sur la face interne de la coque (1,2) pour fournir un coussin de support entre ladite coque (1,2) et l'articulation, et recouvrant une partie au moins de la face interne de la coque (1,2), ladite attelle comprenant des moyens (6) pour maintenir ladite coque (1,2) en position autour de l'articulation, caractérisée en ce que la zone flexible (7,8 ; 12,13) est obtenue dans un copolymère blocs styrène éthylène butylène styrène (SEBS) chimiquement lié à la partie rigide de la coque (1,2) obtenue dans du polypropylène copolymère (PPe) ou du polyamide 6 (PA 6) afin d'éviter toute blessure du tissu 'démateux apparu consécutivement à une entorse ou une foulure de ladite articulation».

C'est à juste titre et par des motifs que le cour adopte que le tribunal a analysé la revendication en une première partie constituée d'un préambule reprenant l'état de la technique et d'une seconde partie caractérisante, introduite par les termes « caractérisé en ce que» introduisant les éléments constitutifs de l'invention, les moyens nouveaux et inventifs pris dans leur forme et leur fonction qui s'appliquent à l'objet compris dans l'art antérieur et qui sont exclusivement protégés. La partie caractérisante n'est prise « en liaison » avec le préambule que parce que celui-ci est le support de celle-là et que les moyens pour lesquels la protection est revendiquée et accordée s'appliquent au produit décrit dans le préambule.

La revendication indépendante 20 relative à un procédé de fabrication des coques est rédigée de la manière suivante :

«Procédé de fabrication des coques (1, 2) d'une attelle pour une articulation reliant deux membres du corps humain, telle que la cheville, le genou ou le coude par exemple, constituée d'au moins deux coques (1, 2) rigides globalement concaves, aptes à être positionnées de part et d' autre de l'articulation, en appui sur ladite articulation, suivant l'une quelconque des revendications 1 à 6 caractérisé en ce qu'il consiste à introduire une matière synthétique en polypropylène co-polymère (PPe) ou en polyamide 6 (PA 6) liquide à chaud qui se rigidifie en refroidissant dans un moule de forme correspondant à la forme de la coque (1,2) à obtenir, puis à introduire dans ledit polypropylène co-polymère (PPe) ou ledit polyamide 6 (PA 6) un copolymère blocs styrène éthylène butylène styrène (SEBS) dans au moins une zone du moule. »

Sur l'attelle commercialisée par la société Orthomédica

L'attelle commercialisée par la société Orthomédica présente une coque bi-matière à savoir : rigide dans sa partie centrale et flexible le long des bords longitudinaux - la zone flexible obtenue dans un co-polymère blocs SEBS étant chimiquement liée à la partie rigide de coque et un insert en mousse perméable sur les faces internes.

Il est avéré que la partie centrale rigide et la zone flexible le long des bords longitudinaux sont d'un seul tenant, chimiquement liées entre elles, ainsi que le préconise l'invention.

Cependant, la société Orthomédica met en avant deux éléments qui selon elle permettraient de dire que les attelles qu'elle fabrique et commercialise ne sont pas issues du brevet EP et qu'ainsi elle n'aurait pas dû verser des redevances.

Il s'agit de l'absence de « chambre réalisée en une matière plastique souple pouvant être mise sous pression par tout moyen approprié, positionnée sur la face interne de la coque» remplacée par un insert en mousse.

Pour autant et comme l'a retenu le tribunal l'argument est sans portée puisque la chambre gonflable ne relève pas de la partie caractérisante de la revendication 1 consacrée à la « zone flexible » faisant chimiquement corps avec la coque rigide. Les revendications 2 à 19 étant dépendantes de la revendication 1, la reproduction de celle-ci implique la reproduction de celles-là. La reprise de la revendication indépendante de procédé 20 n'est pour sa part pas contestée ou ne l'est qu'à travers l'interprétation erronée de la revendication 1.

En cause d'appel, la société Orthomédica ajoute que la partie rigide des attelles qu'elle commercialise ne sont fabriquées ni en polypropylène copolymère (PPe) ni en polyamide 6 (PA 6) mais en polypropylène homopolymère à 40% de carbonate de calcium.

Elle produit pour ce faire le cahier des charges qui avait été établi le 18 avril 2006 par monsieur P. alors qu'il était directeur de la société Orthomédica l'attention du fabricant la société PRM indiquant que devait être utilisé pour la partie rigide du polypropylène à 40% de carbonate de calcium référencé MAFILL 10CA/4O et une attestation du dirigeant de cette société du 12 avril 2016 indiquant que la matière utilisée avait toujours été de l'homopolymère polypropylène MAFILL 10CA/4O.

Monsieur P. ne conteste pas ces faits mais indique que dans les deux cas on est en présence de Polypropylène (PP) l'un copolymère (PPc), l'autre homopolymère (PPh), ayant strictement la même formule chimique (-CH2-CH(CH3)-) possédant strictement les mêmes propriétés chimiques et impliquant en conséquence la même liaison chimique avec le SEBS de la partie souple.

Pour autant, comme le fait observer la société Orthomédica un homopolymère est un polymère issu d'une seule espèce et s'oppose à un copolymère qui est au contraire un polymère issu d'au moins deux monomères différents, appelés comonomères.

Ils sont ainsi chimiquement différents et ont également des propriétés physiques notamment de résistance différente.

De plus, monsieur P. affirme que la partie caractérisant, inventive et nouvelle, de la revendication 1 de son brevet se lit : « la zone flexible est obtenue dans un copolymère blocs styrène éthylène butylène styrène (SEBS) chimiquement lié à la partie rigide de la coque obtenue dans du polypropylène copolymère (PPe) ou du polyamide 6 (PA 6) afin d'éviter toute blessure du tissu 'démateux apparu consécutivement à une entorse ou une foulure de ladite articulation».»

La cour constate que la revendication 1 n'était pas ainsi formulée dans le brevet français n°02 05352 déposé le 15 avril 2002 et délivré le 27 mai 2005 constituant l'antériorité du brevet européen.

En effet la partie caractérisante de la revendication 1 se lisait :

Caractérisée en ce que la coque comprend une zone flexible obtenue dans un copolymère bloc styrène éthylène butylène styrène (SEBS) mélangé avec la matière synthétique rigide dans laquelle est obtenu la coque afin d'éviter toute blessure du tissu 'démateux apparu consécutivement à une entorse ou une foulure de ladite articulation ».

La revendication 2 précisait :

« Attelle suivant la revendication précédente caractérisée en ce que la partie rigide de la coque est obtenue dans du polypropylène copolymère (PPe)».

Et la revendication 3 :

« Attelle suivant la revendication 1 caractérisée en ce que la partie rigide de la coque est obtenue dans du polyamide 6 (PA 6)».

En revanche, les revendication dépendantes 2 et 3 ont été intégrées dans la revendication 1 lors de l'obtention du brevet européen EP 627.

Ainsi, si la reproduction de la revendication principale indépendante du brevet français n'impliquait pas nécessairement que la partie rigide soit en polypropylène copolymère (PPe) ou en polyamide 6 (PA 6),telle n'est plus le cas s'agissant du brevet européen obtenu le 11 juin 2008 et se substituant à compter de cette date au brevet français.

Ainsi, aucune des deux revendications principales 1 et 20 du brevet européen ne sont reproduites.

Dès lors, il faut considérer que les sommes versées depuis cette date en paiement de contrat de licence sont indues étant précisé que le contrat de licence prévoyait en son article 9-2 du contrat de licence, « les décomptes de redevances se feront trimestriellement. A la fin de chaque trimestre, l'exploitant transmettra au concédant, un état récapitulatif des ventes et des règlements correspondants. Il sera alors établi un virement des sommes dues augmentées de la TVA au taux en vigueur, au compte bancaire désigné par le concédant, dans un délai de 30 jours maximum, à compter de la date d'émission de l'état trimestriel ».

Monsieur P. sera condamné à restituer à la société Orthomédica la somme de 57.994,04 euros qu'elle a payée indument en application du contrat de licence entre le 7janvier 2010 et le 7 décembre 2012, cette période tenant compte de la prescription quinquennale applicable à cette demande.

Sur les demandes présentées par monsieur P.

Il s'infère de ce qui précède que les demandes présentées par monsieur P. de voir condamner la société Orthomédica au paiement de redevances sur la période allant du mois de juillet 2012 au 4 juillet 2014, date de la résiliation du contrat de licence, et de confiscation des moules ne peuvent prospérer.

Monsieur P. sera débouté de ses demandes.

De même, la partie rigide des attelles commercialisées par la société Orthomédica n'étant fabriquées ni en polypropylène copolymère (PPe) ni en polyamide 6 (PA 6),il ne peut être retenu postérieurement au 4 juillet 2014, date de la résiliation du contrat de licence, de contrefaçon des revendications indépendantes 1 et 20, ni de la revendication dépendante 12.

Le jugement sera également infirmé de ce chef.

Sur la demande indemnitaire présentée par la société Orthomédica

La société Orthomédica sollicite la condamnation de monsieur P. à lui verser une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir en toute connaissance de cause facturé des redevances pour un produit qu'il savait en dehors du champ du brevet.

Pour autant la cour constate que ni l'existence d'une faute volontairement commise par monsieur P., ni l'existence d'un préjudice d'image allégué par la société Orthomédica n'est démontré par les éléments de la procédure, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à cette demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Monsieur P. qui succombe sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement et y substituant,

Dit que les attelles commercialisées par la société Orthomédica n'entrent pas dans le champ de la protection du brevet européen n°EP1 494 627 et que les redevances versées au titre du brevet de l'attelle de cheville n'étaient pas dues,

Condamne monsieur P. à payer à la société Orthomédica, représentée par maître P., mandataire judiciaire, une somme de 57.994,04 euros au titre de la répétition de l'indû entre le mois de janvier 2010 et le mois de décembre 2012,

Déboute la société Orthomédica, représentée par maître P., mandataire judiciaire, du surplus de ses demandes,

Déboute monsieur P. de ses demandes,

Condamne monsieur P. à payer à la société Orthomédica, représentée par maître P., mandataire judiciaire, une somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne monsieur P. dépens de première instance et d'appel.