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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 11 février 2014, n° 13/01506

POITIERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Prodiland (EARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Jouvenet

Conseillers :

M. Ralincourt, Mme Fauresse

T. com. Sables d’Olonne, du 9 avr. 2013

9 avril 2013

Vu l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de grande instance des Sables d'Olonne en date du 9/04/2013 qui a, dans le cadre de la liquidation judiciaire de Philippe R. :

- rejeté les demandes d'acquisition présentées par la Mairie de la Mothe-Achard, par la société PRODILAND, voire celle de Corinne B. épouse R.,

- autorisé la vente de gré à gré à Alec R. de L., au prix de 243.792 €, des biens immobiliers suivant dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire :

> commune de Saint-Georges-de-Pointindoux :

- une maison d'habitation et des bâtiments d'exploitation sis au [...], cadastrés section C n° 802,

- des parcelles de terre cadastrés section C n° 164-167-169-170-171-183-184-185-188-189-190-193 et 194,

> commune de Sainte-Flaive-des-Loups :

- des parcelles de terre cadastrées section n° 26 et 28,

> commune de la Mothe-Achard :

- une parcelle de terre cadastrée section AC n° 11,

Vu l'appel interjeté par Corinne B. épouse R. selon déclaration du 19/04/2013,

Vu l'appel interjeté par l'EARL PRODILAND selon déclarations des 30/04/2013 et 16/07/2013,

Vu les ordonnances de jonction des 11/09 et 12/11/2013,

Vu les dernières conclusions du 30/10/2013 de Corinne B. épouse R., demandant à la Cour de :

- annuler l'ordonnance entreprise et renvoyer la SELARL H. ès-qualités (de liquidateur judiciaire de Philippe R.) à mieux se pourvoir,

- subsidiairement, réformer ladite ordonnance,

- statuant à nouveau, autoriser la vente de gré à gré des biens immobiliers visés dans l'ordonnance entreprise, à l'EARL PRODILAND au prix de sa dernière offre,

- en tout état de cause condamner la SELARL H. et Alec R. de L. au paiement d'une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu les dernières conclusions du 2/12/2013 de l'EARL PRODILAND, demandant à la Cour de :

- constater, dire et juger qu'elle est titulaire d'un bail rural et exploitante rurale sur les biens situés communes de Saint-Georges-de-Pointindoux, la Mothe-Achard et Sainte-Flaive-des-loups, la ferme de la Célinière, cadastrés :

> commune de Saint-Georges-de-Pointindoux section C n° 164, 167, 169, 170, 171, 183, 184, 185, 188, 189, 190, 193, 194,

> commune de Sainte-Flaive-des-loups section ZA n° 26 et 28 pour une surface de 4ha 24a 43 ça,

> commune de la Mothe-Achard section AC n° 11 pour 10ha 72a 90ca,

à l'exception des parcelles cadastrées AC 11 (d) en totalité, AC 11 (a) & AC 11 (b) partiellement suivant bornage, C 193 (c) en totalité, C 193 (a) & (b) partiellement suivant bornage,

- constater que l'EARL PRODILAND est titulaire d'un droit conventionnel de préemption sur les biens et parcelles situés communes de Saint-Georges-de-Pointindoux, la Mothe-Achard et Sainte-Flaive-des- loups, la Ferme de la Célinière, cadastrés C1 802 en totalité, AC 11 (d) en totalité, AC 11 (a) & AC 11 (b) partiellement suivant bornage, C 193 (c) en totalité,C 193 (a) & (b) partiellement suivant bornage,

- dire et juger recevable l'appel nullité interjeté par l'EARL PRODILAND à l'encontre de l'ordonnance entreprise, sans convocation à l'audience du preneur à bail rural en violation de l'article L.412-11 du code rural,

- dire et juger que l'EARL PRODILAND n'est pas forclose en sa demande de nullité,

- annuler l'ordonnance entreprise pour violation de l'article L412-11 du code rural,

- renvoyer le dossier devant le Juge Commissaire de la liquidation judiciaire de Philippe R. pour qu'il soit statué, après convocation de l'exploitant et preneur rural des terres, l'EARL PRODILAND, sur l'autorisation de vente de gré à gré des biens immobiliers dépendant de cette liquidation judiciaire,

En cas d'évocation, statuant à nouveau,

- autoriser la vente de gré à gré des biens immobiliers précités, dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de Philippe R., à l'EARL PRODILAND au prix de son offre du 21/02/2013, soit 254.000 €,

- rejeter toutes demandes de Maître H. ès-qualité et d'Alec R. de L.,

Subsidiairement,

- dire et juger recevable l'appel interjeté par la société PRODILAND à l'encontre de l'ordonnance entreprise,

- annuler et subsidiairement réformer ladite ordonnance,

- renvoyer le dossier devant le Juge Commissaire à la liquidation judiciaire de Philippe R. du Tribunal de Grande Instance des Sables d'Olonne pour qu'il soit statué, après convocation de l'exploitant et preneur rural des terres, l'EARL PRODILAND, sur l'autorisation de vente de gré à gré des biens immobiliers dépendant de cette liquidation judiciaire,

* en cas d'évocation, statuant à nouveau,

- autoriser la vente de gré à gré des biens immobiliers précités, dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de Philippe R. à l'EARL PRODILAND au prix de son offre du 21/02/2013, soit 254.000 €,

- rejeter toutes demandes de Maître H. ès-qualité et d'Alec R. de L. ;

Vu les dernières conclusions du 25/11/2013 de la SELARL H. ès-qalités de liquidateur judiciaire de Philippe R., demandant à la Cour de :

- rejeter les appels de Corinne B. épouse R. et de l'EARL PRODILAND,

- dire et juger Corinne B. épouse R. irrecevable ou à tout le moins mal fondée en son exception de nullité de l'ordonnance dont appel pour défaut de mise en oeuvre de la procédure de cession d'entreprise prévue par l'article L.642-22 du Code de Commerce,

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- subsidiairement, en cas d'annulation de l'ordonnance entreprise, statuer sur le fond en application de l'article 562 alinéa 2 du Code de Procédure Civile  et autoriser la vente de gré à gré des biens immobiliers dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de Philippe R. à Alec R. de L. au prix de 243.792 €,

- en tout état de cause, condamner Corinne B. épouse R. au paiement d'une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu les dernières conclusions du 11/12/2013 d'Alec R. de L., demandant à la Cour de :

- dire et juger irrecevable l'appel interjeté par Corinne B. épouse R.,

- dire et juger également irrecevable l'appel interjeté par l'EARL PRODILAND et par Alexandre D. (sic),

- constater que Corinne B. épouse R. et l'EARL PRODILAND sont irrecevables et mal fondées à se prévaloir d'un éventuel non-respect du droit de préemption du preneur à ferme,

- constater que l'EARL PRODILAND n'établit pas de manière certaine être titulaire d'un bail à ferme portant sur les terres visées dans l'ordonnance du 9 avril 2013,

- dire et juger qu'une éventuelle action en nullité de la part du preneur à bail ne peut tendre qu'à l'octroi de dommages et intérêts et non à la substitution d'acquéreur,

- constater que l'EARL PRODILAND n'a pas saisi le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux en nullité de la vente intervenue par  ordonnance du 9/04/2013 et ce dans le délai de 6 mois,

- dire et juger en conséquence l'EARL PRODILAND forclose à invoquer cette nullité,

- dire et juger Corinne B. épouse R. irrecevable à invoquer cette cause de nullité,

* à titre subsidiaire, sur le fond,

- constater que l'offre d'Alec R. de L. à hauteur de 243.792 € était l'offre la mieux-disante,

- constater que cette offre était complète et conforme aux dispositions du Code de commerce,

- donner acte à Alec R. de L. de ce qu'il offre de laisser à disposition de Philippe R. la maison d'habitation, comprise dans son offre, sous réserve d'arrêter avec ce dernier les modalités de cette occupation,

- dire et juger, par conséquent, que c'est à bon droit que le Juge Commissaire a ordonné la cession de gré à gré de l'ensemble des biens immobiliers dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de Philippe R. à Alec R. de L. pour la somme de 243 792 €,

- rejeter l'intégralité des demandes de Corinne B. épouse R., de l'EARL PRODILAND et d'Alexandre D. (sic),

- confirmer l'ordonnance entreprise,

- condamner Corinne B. épouse R. au paiement d'une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile en cause d'appel.

Vu l'ordonnance de clôture du 12/12/2013 ;

Philippe R., marié sous régime légal de communauté réduite aux acquêts, a, par acte sous seing privé du 25/03/2009, donné à bail à ferme à l'EARL PRODILAND (dont Philippe R. est associé à hauteur de 48 %) les terres agricoles, dépendant de la communauté, comprises dans la vente autorisée par l'ordonnance sus-visée, ledit bail ayant été conclu avec le consentement exprès de Corinne B. épouse R., commune en biens.

Par jugement du 2/03/2010, le Tribunal de Grande Instance des Sables d'Olonne  a ouvert le redressement judiciaire de Philippe R., exploitant agricole, puis, au cours de la période d'observation, l'a converti en liquidation judiciaire par jugement du 6/12/2011.

Par requête introductive de l'instance dont appel, le liquidateur judiciaire de Philippe R. a sollicité du juge-commissaire l'autorisation de vendre les biens immobiliers dépendant de ladite liquidation judiciaire.

MOTIFS de la DECISION

Le dispositif des conclusions d'Alec R. de L. est sans portée en ce qu'il vise Alexandre D. qui n'a pas été partie en première instance et qui ne l'est pas davantage dans la présente instance d'appel.

1 - sur la recevabilité de l'appel de Corinne B. épouse R..

1.1 -Alec R. de L. conclut à l'irrecevabilité de l'appel de Corinne B. épouse R. pour défaut de qualité à agir aux motifs :

- qu'elle ne ferait pas partie des personnes auquel l'article L.661-6 du Code de Commerce ouvre le droit d'appel ;

- que le droit d'appel ne serait pas ouvert au repreneur évincé.

En premier lieu, l'ordonnance entreprise est prononcée au visa exprès des articles L.642-18 et L.642-19 du Code de Commerce qui investissent le juge-commissaire du pouvoir juridictionnel d'autoriser la cession des actifs du débiteur en liquidation judiciaire.

L'appel de la décision du juge-commissaire est régi par les articles L.642-18 précité (dernier alinéa) et R.642-37-1 du même code.

L'article 661-6 du même code, invoqué de manière inopérante par Alec R. de L., est inapplicable en l'occurrence, puisqu'il régit, de manière distincte, en son § III, l'appel des jugements qui arrêtent ou rejettent le plan de cession de l'entreprise prévu par les articles L.642-1 et suivants du même code, ledit jugement étant rendu par le tribunal en application de l'article L.642-5, et non par le juge-commissaire.

En second lieu, l'article R.642-37-1 précité du Code de Commerce dispose : le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L.642-18 est formé devant la cour d'appel.

En cette matière, aucun texte ne restreint le droit d'appel à certaines personnes limitativement énumérées.

Sont dès lors applicables les règles de droit commun régissant le droit d'appel, en vertu de l'article R.662-1 du même code qui dispose : à moins qu'il n'en soit disposé autrement par le présent livre, les règles du Code de Procédure Civile sont applicables dans les matières régies par le Livre VI de la partie législative du présent code.

L'article 546 alinéa 1er du Code de Procédure Civile dispose : le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.

D'une part, Corinne B. épouse R. était partie en première instance puisque : elle est expressément mentionnée en tête de l'ordonnance entreprise ; cette ordonnance vise expressément ses déclarations faites à l'audience ; et l'ordonnance la rend expressément destinataire de sa notification.

D'autre part, s'il est admis que l'appel n'est pas ouvert au candidat acquéreur évincé, pour défaut d'intérêt à agir, toutefois, en l'occurrence, Corinne B. épouse R. a un intérêt personnel et distinct à interjeter appel en sa qualité de propriétaire en communauté des biens visés par la vente, en faisant valoir que le juge-commissaire aurait dû retenir par préférence l'offre d'achat de l'EARL PRODILAND, mieux-disante selon elle (cf. ses conclusions page 8).

Il résulte des motifs qui précèdent que l'appel de Corinne B. épouse R. satisfait aux conditions de recevabilité posées par les articles combinés R.642-37-1 et R.662-1 du Code de Commerce et 546 du Code de Procédure Civile.

1.2 - La SELARL H. ès-qualités (auquel se rallie Alec R. de L.) soutient que Corinne B. épouse R. serait irrecevable à invoquer la prétendue nullité de l'ordonnance entreprise pour défaut de mise en oeuvre de la procédure de cession d'entreprise prévue par les articles L. 642-1 et suivants du Code de Commerce , alors qu'elle n'aurait pas soulevé cette exception de procédure avant toute défense au fond, ainsi que l'imposeraient les  articles 73 et 74 du Code de Procédure Civile.

Corinne B. épouse R. fait valoir que, dès lors que la cession portait sur l'ensemble des biens immobiliers de la liquidation de Philippe R., exploitant agricole, c'est la procédure de la cession d'entreprise qui aurait dû être mise en œuvre, de sorte que le juge-commissaire, en statuant en cette matière, aurait excédé ses pouvoirs.

En droit, le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie constitue une fin de non-recevoir, pouvant être proposée en tout état de cause en application de l'article 123 du Code de Procédure Civile, et non une exception d'incompétence.

Corinne B. épouse R. est donc recevable à invoquer, en cause d'appel, l'excès de pouvoir qu'elle impute au juge-commissaire ayant prononcé l'ordonnance entreprise.

1.3 - La SELARL H. ès-qualités (auquel se rallie Alec R. de L.) fait valoir, de manière inopérante, que Corinne B. épouse R. ne justifierait d'aucun grief susceptible de résulter, pour elle, du défaut de mise en oeuvre de la procédure de cession d'entreprise prévue par les articles L. 642-1 et suivants du Code de Commerce,

* alors qu'en application de l'article 124 du Code de Procédure Civile, la fin de non-recevoir (cf. supra § 1.2) tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire en matière de cession d'entreprise peut être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief.

2 - sur le bien-fondé de l'appel de Corinne B. épouse R..

Cette dernière fait valoir, en substance, à l'appui de son appel en annulation :

- que la vente autorisée par l'ordonnance entreprise constituerait une cession partielle d'entreprise au sens de l'article L.642-1 du Code de Commerce,

- qu'elle n'aurait pu être autorisée que par le Tribunal, en application de l'article 642-5 du même code,

- que la décision du juge-commissaire ayant autorisé cette cession serait donc entachée de nullité pour excès de pouvoir.

2.1 - La SELARL H. ès-qualités conteste la qualification juridique de la cession invoquée par Corinne B. épouse R. en faisant valoir :

- que la procédure de cession d'entreprise prévue par les articles L.642-1 et suivants du Code de Commerce ne pourrait être mise en œuvre que si elle est prévue par le jugement prononçant la liquidation judiciaire,

- qu'ainsi, l'article L.642-2 § I alinéa 1 du même code dispose : lorsque le tribunal estime que la cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable, il autorise la poursuite de l'activité et il fixe le délai dans lequel les offres de reprise doivent parvenir au liquidateur et à l'administrateur lorsqu'il en a été désigné,

- que le jugement du 6/12/2011 ayant prononcé la liquidation judiciaire de Philippe R. n'aurait fixé aucun délai pour la présentation d'offres de reprise de l'entreprise.

En premier lieu, le jugement du 6/12/2011 ayant prononcé la liquidation judiciaire de Philippe R. a autorisé la poursuite de son activité.

En second lieu, aucune disposition légale ne prévoit ni la concomitance du prononcé ou de l'ouverture de la liquidation judiciaire avec la fixation du délai de présentation des offres de reprise, ni la concomitance de l'autorisation de poursuite d'activité avec la fixation du délai de présentation des offres de reprises.

Le dispositif légal incite au contraire à une dissociation de l'ouverture ou du prononcé de la liquidation judiciaire, et de la mise en oeuvre (subséquente) de la procédure de cession d'entreprise.

D'une part, ces deux phases de la procédure de liquidation judiciaire sont scindées en deux chapitres distincts du titre IV du livre VI du Code de Commerce, le chapitre I régissant le jugement de liquidation judiciaire, et le chapitre II régissant la réalisation de l'actif.

D'autre part, la procédure de cession de l'entreprise ne peut être mise en œuvre que lorsque les organes de la procédure et le Tribunal disposent d'éléments d'information suffisants pour la rendre envisageable, le cas échéant.

Ainsi, l'article R.642-20 alinéa 3 du même code dispose : le liquidateur, ou l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, communique au greffe les caractéristiques essentielles de l'entreprise ou de la ou des branches d'activité susceptibles d'être cédées.

En l'occurrence, dès lors que la poursuite d'activité a été autorisée lors du prononcé de la liquidation judiciaire, aucune disposition légale ne s'oppose à ce que la cession totale ou partielle de l'entreprise soit mise en œuvre dans un second temps.

Le moyen tiré par la SELARL H. ès-qualités de l'article L.642-2 § I du même code doit être écarté comme non pertinent.

2.2 - L'EARL PRODILAND conteste la qualification juridique de la cession invoquée par Corinne B. épouse R., en faisant valoir qu'au sens de l'article L.642-1 du Code de commerce, une cession d'entreprise a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, alors que Philippe R. n'aurait possédé aucune entreprise et n'aurait exercé aucune activité puisque l'exploitation des terres objets de l'ordonnance était assurée par l'EARL PRODILAND.

L'article L.642-1 alinéas 1 et 2 du Code de Commerce, invoqué par Corinne B. épouse R., dont l'applicabilité est déniée par l'EARL PRODILAND, dispose :

La cession de l'entreprise a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif.

Elle peut être totale ou partielle. Dans ce dernier cas, elle porte sur un ensemble d'éléments d'exploitation qui forment une ou plusieurs branches complètes et autonomes d'activités.

En l'occurrence les deux offres d'acquisition présentées respectivement par l'EARL PRODILAND et par Alec R. de L. présentent un caractère global puisque toutes deux incluent l'intégralité du patrimoine immobilier dont le débiteur Philippe R. est propriétaire (en communauté).

Ces offres portent sur un ensemble d'éléments d'exploitation formant une branche complète et autonome d'activité, au sens de l'alinéa 2 précité de l'article L.642-1 du Code de Commerce, puisqu'elles incluent concurremment les terres agricoles (réparties sur trois communes), les bâtiments d'exploitation et la maison d'habitation, pour une superficie totale de 37 hectares, 63 ares et 18 centiares.

Cette cession globale à un acquéreur unique est de nature à permettre le maintien d'une exploitation autonome, dès lors : que l'un des candidats acquéreurs est l'exploitant des terres en vertu d'un bail rural (dont l'existence est incontestablement établie par l'acte du 25/03/2009 ) ; mais que les bâtiments d'exploitation sont expressément exclus du périmètre du bail (cf. § II page 4 dudit acte : "Monsieur et Madame R. entendent conserver la maison à usage d'habitation, la grange, les hangars et les terrains limitrophes à ces constructions").

Il en aurait été différemment si la cession avait été envisagée parcelle par parcelle, ou par groupe de parcelles, à des acquéreurs potentiellement différents.

Il résulte des motifs qui précèdent que le fondement juridique expressément visé dans l'ordonnance entreprise est erroné, l'article L. 642-18 du Code de commerce étant inapplicable à la procédure de cession partielle d'entreprise, telle qu'elle est envisagée.

En autorisant une opération constituant une cession partielle d'entreprise au sens de l'article L.642-1 du Code de Commerce, le juge-commissaire a excédé ses pouvoirs juridictionnels.

En outre et en tant que de besoin, la cession a été autorisée sans que l'avis du Ministère Public ait été recueilli, alors qu'il était légalement requis en vertu de l'article L.642-5 alinéa 1er du même Code.

L'ordonnance entreprise doit dès lors être déclarée nulle en application de l'article 542 du Code de Procédure Civile.

Dès lors que la nullité de l'ordonnance entreprise est prononcée en raison de l'irrégularité de la saisine du juge-commissaire (aux lieu et place du Tribunal), l'appel n'a pas emporté effet dévolutif, par exception à la règle posée par l'article 562 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

En conséquence, il y a lieu de renvoyer la SELARL H. ès-qualités, requérante, à mieux se pourvoir.

3 - sur l'appel de l'EARL PRODILAND.

Les motifs qui précèdent rendent inutile l'examen de la recevabilité et, le cas échéant, du bien-fondé de l'appel de l'EARL PRODILAND.

4 - sur les dépens et les frais de procédure.

Les dépens doivent incomber à la SELARL H. ès-qualités et être employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Dit et juge Corinne B. épouse R. recevable et bien fondée en sa fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre de la procédure de cession d'entreprise prévue par les  articles L.642-1 et suivants du Code de Commerce , au regard des offres d'acquisition du patrimoine immobilier du débiteur Philippe R., visées dans la requête présentée au juge-commissaire par la SELARL H. ès-qualités de liquidateur judiciaire.

Prononce la nullité de l'ordonnance sus-visée du juge commissaire de la liquidation judiciaire de Philippe R. en date du 9/04/2013.

Renvoie la SELARL H. ès-qualités à mieux se pourvoir.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la SELARL H. ès-qualités de liquidateur judiciaire de Philippe R. aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés comme frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.