ARCEP, 22 juillet 2014, n° 2014-0844 - RDPI
ARCEP
se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant la société Orange et le Syndicat des communes du Pays de Bitche
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Silicani
Membre :
Mme Benhamou, Mme Denis, M. Courtois
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après, l’Autorité),
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») modifiée ;
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques aux ressources associées ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») modifiée ;
Vu la recommandation de la Commission européenne du 20 septembre 2010 sur l’accès réglementé aux réseaux d’accès de nouvelle génération (ci-après « recommandation NGA ») ;
Vu la recommandation n° 2013/466/UE de la Commission européenne du 11 septembre 2013 sur des obligations de non-discrimination et des méthodes de calcul des coûts cohérentes pour promouvoir la concurrence et encourager l’investissement dans le haut débit (recommandation « non-discrimination ») ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après CPCE), notamment ses articles L. 34-8-3, L. 36-8, R. 11-1 ;
Vu le code général des collectivités territoriales (ci-après « CGCT »), notamment son article L. 1425-1 ;
Vu la décision n° 2009-1106 de l’Autorité en date du 22 décembre 2009 précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE, les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée modifiée par la décision n° 2013-1475 de l’Autorité ;
Vu la décision n° 2010-1312 de l’Autorité en date du 14 décembre 2010 précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE, les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l’ensemble du territoire à l’exception des zones très denses ;
Vu la décision n° 2014-0471 de l'Autorité en date du 15 avril 2014 portant adoption du règlement intérieur ;
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée à l’Autorité le 19 mars 2014, présentée par la société Orange, société anonyme, dont le siège social est 78, rue Olivier de Serres, 75015 Paris, représentée par son directeur des affaires réglementaires, par laquelle la société Orange demande à l’Autorité d’enjoindre au Syndicat des communes du Pays de Bitche (ci-après « SCPB ») :
A- Qu’il propose une solution permettant l’accès à ses infrastructures au niveau des points de mutualisation (ci-après PM) passifs remplaçant les points de raccordement optiques (ci-après PRO) actuels permettant l’hébergement de coupleurs passifs FttH, ainsi qu’un calendrier de mise à disposition de tels points de mutualisation.
B- Qu’il fournisse une offre optionnelle de raccordement distant aux PM pendant toute la durée de vie du réseau dès lors que les PM couvrent une zone de moins de 1000 logements, permettant à Orange de choisir au cas par cas entre un raccordement direct aux PM ou un raccordement à ces points de raccordement distant.
C- Qu’il propose une nouvelle version de son contrat d’accès passif à son réseau FttH qui soit satisfaisante, complète et raisonnable, et, plus précisément :
C.1. Qu’il prévoie une annexe tarifaire précisant pour chacune des prestations figurant dans le contrat d’accès, un tarif correspondant et ce, à un niveau raisonnable respectant les principes de non-discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité conformément à la décision n° 2009-1106 de l’ARCEP en date du 22 décembre 2009 ;
C.2. Qu’il permette à la société Orange d’effectuer les raccordements de ses clients finals au moyen de câbles mono-fibre ou, à titre subsidiaire, qu’il précise les modalités, notamment financières, d’utilisation de son réseau bi-fibres, en particulier lors des raccordements d’utilisateurs finals ;
C.3. Qu’il supprime l’obligation de procéder au versement d’un dépôt financier au titre de la négociation du contrat ;
C.4. Qu’il définisse les conditions d’accès à son Web Service, notamment le format des données fournies par ce serveur et les engagements de disponibilité de ce serveur ;
C.5. Qu’il prévoie un délai d’exécution des commandes de routes optiques de 5 jours ouvrés maximum lorsque le raccordement du client final est réalisé par l’opérateur commercial ;
C.6. Qu’il définisse des spécifications techniques d’accès au service fournissant une description précise et factuelle des éléments composant le réseau du SCPB afin qu’un opérateur soit en mesure de s’y raccorder ;
D- Qu’il permette à la société Orange de bénéficier des conditions de cofinancement ab initio sur l’ensemble du réseau du SCPB dès que ce dernier lui aura communiqué un contrat d’accès satisfaisant, conforme à la réglementation et permettant la mutualisation effective des câblages qu’il a déployés.
La société Orange soutient, en premier lieu, qu’elle ne peut actuellement pas bénéficier de l’accès au réseau FttH du SCPB, celui-ci ne comportant pas de PM pour un accès passif dans des conditions raisonnables.
Elle précise que la taille et la configuration actuelle des armoires déployées par le SCPB ne sont pas compatibles avec les obligations imposées à l’article 7 de la décision n° 2010-1312 de l’Autorité du 14 décembre 2010 précisant les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l’ensemble du territoire à l’exception des zones très denses, en ce qu’elles ne permettent pas l’arrivée d’opérateurs et l’hébergement de leurs équipements passifs ou actifs.
La société Orange reproche à la solution qui consisterait à accéder au réseau FttH au niveau des têtes de réseau secondaires (ci-après TDRS), de présenter plusieurs inconvénients, en particulier un risque de forte dégradation de la qualité de service sur l’ensemble de la chaîne de commande, l’obligation de disposer d’un réseau point à point entre le client final et les TDRS alors que le réseau du SCPB n’est pas dimensionné à cet effet, et des longueurs de boucle locale optique excessives pour certains logements.
La société Orange fait valoir que seul l’accès au réseau FttH du SCPB au niveau de PM passifs remplaçant les PRO actuels constitue une solution viable et pérenne. Elle indique notamment que cette solution correspond à une architecture de réseau mutualisé cohérente avec la pratique de la plupart des opérateurs et est adaptée à une architecture technique de type point-a-multipoints (ci-après PON).
La société Orange soutient, en deuxième lieu, que l’opérateur d’immeuble (ci-après « OI ») doit proposer une offre optionnelle de raccordement distant aux PM à partir d’un point de raccordement distant (ci-après PRDM) couvrant une zone comprenant au moins 1000 logements ou locaux à usage professionnel conformément à la décision n° 2010-1312 de l’ARCEP mentionnée ci-dessus.
La société Orange considère, en troisième lieu, que les dispositions du contrat d’accès au réseau du SCPB ne sont pas raisonnables en ce que :
- premièrement, concernant les tarifs, ceux-ci ne sont pas exhaustivement détaillés dans l’offre d’accès initiale communiquée par le SCPB et absents dans la seconde version du contrat ;
- deuxièmement, concernant les conditions d’utilisation du réseau pour les câblages clients finals, la société Orange n’aura pas l’utilité d’une seconde fibre, dont les coûts de raccordement ne sauraient lui être imputés ;
- troisièmement, les modalités de consultation telles qu’établies par le SCPB, à savoir le versement, pour le co-investissement ab initio, d’un dépôt de 10 % du montant du premier versement lié à l’investissement prévu, constituent un frein aux souhaits d’investissement et un moyen de contrainte dans le cadre des négociations ;
- quatrièmement, la société Orange estime indispensable la mise en place du Web Service tel que prévu dans l’offre d’accès afin de pouvoir obtenir l’ensemble des données nécessaires pour fiabiliser les commandes d’accès et éviter les cas d’échec ;
- cinquièmement, les délais d’exécution des commandes de route optique sont trop imprécis ;
- sixièmement, et enfin, les spécifications techniques d’accès au service présentent des incohérences.
La société Orange considère, en quatrième lieu, qu’il ne serait pas raisonnable qu’elle soit contrainte de cofinancer le réseau du SCPB à un niveau tarifaire plus élevé que dans le cadre du cofinancement ab initio, n’ayant pu s’engager au regard de l’offre d’accès actuelle.
Vu les observations en défense enregistrées le 30 avril 2014, présentées pour le SCPB, syndicat mixte, représenté par son président en exercice, domicilié en cette qualité en son siège 38 rue du Colonel Teyssier, 57230 Bitche, ayant pour avocat la SELARL d’avocats Sphère Publique, 4 rue Lavoisier, 75008 Paris.
Le SCPB soutient que, concernant l’échec des négociations, ce dernier n’a aucunement refusé l’accès en mode passif à son réseau FttH et constamment réaffirmé sa volonté d’aboutir à une commande de la société Orange.
Sur le fond et en premier lieu, le SCPB fait valoir que la solution de localisation des PM au niveau des PRO est la plus contraignante, notamment du fait qu’elle accroit l’encombrement des voies publiques, implique des travaux plus lourds et obligerait les opérateurs commerciaux à devoir collecter un nombre important de PM, alourdissant les investissements de ces derniers. Le SCPB affirme que les TDRS pourront bien héberger les équipements de la société Orange avec tout au plus de simples aménagements, et que cette solution est légitime, raisonnable et proportionnée. Il relève que la mise en œuvre de la solution technique retenue ne pourra raisonnablement intervenir qu’à compter d’une commande ferme de l’opérateur.
En deuxième lieu, sur l’offre de raccordement distant, le SCPB soutient que la demande de la société Orange est sans fondement, le SCPB ayant confirmé que la fourniture de ce service est bien proposée.
En troisième lieu, sur les demandes de la société Orange relatives aux conditions techniques et tarifaires du contrat d’accès au réseau du SCPB, celui-ci soutient que ces demandes sont dénuées de fondement. Il indique notamment que les tarifs du contrat d’accès sont bien précisés, que la détermination des conditions d’utilisation du réseau pour les câblages clients finals, à savoir le choix entre un raccordement final mono-fibre ou bi-fibres, relève de la seule appréciation du SCPB conformément à la décision n° 2010-1312 de l’ARCEP, et que le versement du dépôt financier prévu correspond à une clause de dédit. En outre, le SCPB indique concernant les délais d’exécution de route optique, qu’il ne serait pas raisonnable ni proportionné d’imposer au SCPB un délai de 5 jours ouvrés, compte tenu de l’effectif de 9 agents affectés à l’exploitation du réseau.
En quatrième lieu, sur la demande de la société Orange relative aux conditions de cofinancement ab initio, le SCPB soutient qu’il ne s’oppose pas à cette possibilité si la société Orange confirme rapidement son engagement d’investir dans son réseau.
Vu le courrier en date du 16 mai 2014, par lequel la directrice des affaires juridiques de l'Autorité a transmis un premier questionnaire aux parties ;
Vu les observations en réplique, enregistrées à l’Autorité le 26 mai 2014, présentées par la société Orange, par lesquelles elle maintient ses demandes et ses précédentes conclusions, et soutient notamment que la solution de mise en conformité des infrastructures devra s’appliquer sans discrimination à la société Orange comme au fournisseur d’accès intégré du SCPB, et que de simples aménagements seraient loin d’être suffisants pour permettre un accès et un hébergement au niveau des TDRS. La société Orange indique notamment que le détail de la rémunération des études prétendument menées par le SCPB justifiant le dépôt financier demandé par le SCPB n’a jamais été communiqué, que ce dépôt ne peut non plus être une clause de dédit, aucun contrat n’étant formalisé entre l’opérateur commercial et le SCPB, et enfin que ce dépôt est requis par le SCPB lors de la demande de cofinancement adressée par l’opérateur et non lors de l’engagement de cofinancement.
Vu les observations en duplique, enregistrées le 30 mai 2014, présentées pour le SCPB, par lesquelles le SCPB persiste dans ses conclusions et moyens et soutient notamment qu’il maintient sa proposition portant sur la mise en œuvre de l’une ou l’autre des deux solutions techniques envisagées, et qu’il respectera le principe de non-discrimination en mettant en œuvre la même solution pour l’ensemble des opérateurs usagers, y compris pour ses propres services. Le SCPB indique par ailleurs que le dépôt financier correspond à un engagement de cofinancement.
Vu les réponses du SCPB au questionnaire, enregistrées à l’Autorité le 3 juin 2014 ;
Vu les réponses de la société Orange au questionnaire, enregistrées à l’Autorité le 3 juin 2014 ;
Vu le procès-verbal de la visite de sites techniques du SCPB effectuée par les rapporteurs, en présence de la société Orange et du SCPB le 5 juin 2014 ;
Vu le courrier du 17 juin 2014 par lequel la société Orange et le SCPB ont été invités à participer à une audience devant le formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité en date du 1er juillet 2014 et informés que la clôture de l’instruction de la présente affaire était fixée au vendredi 20 juin 2014 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu le 1er juillet 2014, lors de l'audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité (composée de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mmes Françoise Benhamou et Marie-Laure Denis, M. Daniel-Georges Courtois) :
- le rapport de M. Victor Cambazard, rapporteur, présentant les conclusions et les moyens des parties ;
- les observations des représentants de la société Orange ;
- les observations des représentants du SCPB et les observations du de la SELARL d’avocats Sphère Publique ;
En présence :
- de M. Benoit Loutrel, directeur général, Mme Isabelle Caron, directrice des affaires juridiques, M. Romain Bonenfant, directeur de l'accès fixe et des relations avec les collectivités territoriales, M. Valérian Lebert, rapporteur ;
- des représentants de la société Orange ;
- des représentants du SCPB et de la SELARL d’avocats Sphère Publique ;
Sur la publicité de l'audience
L'article 14 du règlement intérieur susvisé prévoit : « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, le collège de l'Autorité en délibère ».
Les parties n’ont pas demandé que l’audience ne soit pas publique. En conséquence, l’audience a été publique.
La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité (composée de de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mmes Françoise Benhamou et Marie- Laure Denis, M. Daniel-Georges Courtois, membres de l’Autorité), en ayant délibéré le 22 juillet 2014 en la seule présence de ses membres, adopte la présente décision.
1. Contexte et cadre juridique
À titre liminaire, l’Autorité rappelle le contexte dans lequel intervient la présente saisine, en présentant le positionnement des parties sur le marché puis le cadre réglementaire des réseaux à très haut débit en fibre optique.
1.1. Positionnement des parties sur le marché
Le SCPB, situé dans le département de Moselle, recouvre les deux communautés de communes du Pays de Bitche et de Rohrbach-Lès-Bitche, réunissant 46 communes.
Le « SIVOM du Pays de Bitche » a été créé par arrêté préfectoral du 28 septembre 1977, puis a pris la dénomination de « Syndicat des communes du Pays de Bitche » par arrêté préfectoral en date du 13 décembre 1989. Par arrêté préfectoral du 16 décembre 1993, le SCPB est devenu un syndicat dit « à la carte », exerçant notamment en lieu et place des communes qu’il regroupe la compétence d’ « installation et autorisation d’installations de réseau distribuant par câble des services de radiodiffusion sonore et de télévision, et surveillance de la cohérence de l’ensemble des infrastructures de télédistribution ». Par arrêté préfectoral du 1er septembre 2001, le SCPB a été transformé en syndicat mixte.
Le SCPB a créé en 1981 un réseau câblé de télédistribution, et a décidé de le moderniser en un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique en passant un marché de conception-réalisation conclu en mars 2009 ; les travaux ont été achevés fin 2012. Le SCPB exploite lui-même ce réseau en fibre optique jusqu’à l’abonné (ci-après FttH), et exerce une activité commerciale sur le marché de gros. Le SCPB est également actif directement sur le marché de détail par sa marque « Tubéo ». Ce réseau permet de desservir environ 18 000 logements et locaux à usage professionnels et 67% des raccordements finals sont aujourd’hui réalisés.
La société Orange, opérateur de gros et de détail sur les réseaux FttH au niveau national, a demandé au SCPB les modalités d’accès à son réseau FttH.
1.2. Cadre réglementaire applicable aux réseaux à très haut débit en fibre optique
Le cadre règlementaire du très haut débit favorise le déploiement de la fibre optique en incitant les acteurs à investir tout en permettant le développement d'une concurrence durable au bénéfice des utilisateurs finals.
Plusieurs décisions complémentaires ont été adoptées par l'Autorité pour atteindre ces objectifs, mettant en œuvre :
- d’une part, une régulation asymétrique des infrastructures de génie civil d’Orange ; cette régulation permet aux opérateurs alternatifs de déployer leurs réseaux
horizontaux dans les infrastructures d’Orange dans des conditions techniques et économiques raisonnables, sans avoir à dupliquer l’infrastructure existante de génie civil ; en effet, une telle duplication serait coûteuse et réduirait de façon significative la capacité des opérateurs alternatifs à déployer des réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH) ;
- d’autre part, une régulation symétrique de la partie terminale des réseaux en fibre optique, c’est-à-dire la partie la plus proche des abonnés, dont le cadre juridique a été déterminé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui instaure un principe de mutualisation de la partie terminale des réseaux entre opérateurs et confie notamment la définition des modalités de mise en œuvre du principe de mutualisation à l’ARCEP.
L’Autorité a fixé par deux décisions les règles pour la mutualisation de la partie terminale des réseaux en fibre optique permettant de desservir les utilisateurs finals.
Dans un premier temps, la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 a défini les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, et précisé certaines modalités de cet accès spécifiques aux zones très denses du territoire.
Dans un second temps, la décision n° 2010-1312 du 14 décembre 2010 a précisé les modalités techniques et financières de l’accès à ces lignes pour le reste du territoire, dans les zones dites « moins denses ».
Le cadre réglementaire mis en place par l’ARCEP dans ses décisions n° 2009-1106 et n° 2010-1312 fixe ainsi les règles de mutualisation applicables sur l’ensemble du territoire et prévoit en particulier la fourniture d’une offre d’accès passive au point de mutualisation. Les communes du SCPB ne font pas partie de la liste des communes des zones très denses établie par la décision n° 2009-1106 et modifiée par la décision n° 2013-1475.
2. Sur la compétence de l’Autorité pour connaître des conclusions de la société Orange relatives aux offres d’accès aux lignes FttH installées par le SCPB
Les demandes de la société Orange portent sur la conclusion d’une convention d’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique du SCPB et ses conditions techniques et financières.
En application de l’article L. 34-8-3 et du 2° bis du II de l’article L. 36-8 du CPCE, l’Autorité est compétente pour régler les différends relatifs à la conclusion ou à l’exécution d’une convention d’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique (FttH).
Par conséquent, l’Autorité est compétente pour connaître de la présente procédure de règlement de différend, ce que ne conteste pas le SCPB.
3. Sur l’échec des négociations
La demande initiale présentée au SCPB par la société Orange de lui communiquer une offre d'accès respectant l'ensemble des obligations réglementaires a été effectuée le 24 janvier 2012, puis réitérée le 23 novembre 2012.
Le 26 mars 2013, le SCPB a transmis à la société Orange les conditions générales de son offre d’accès et la grille tarifaire correspondante, ainsi que les conditions particulières de cette offre.
Au terme des divers échanges et réunions relatifs à la modification de cette dernière offre et à l’adaptation des infrastructures du SCPB, notamment une visite technique sur site le 24 juillet 2013, et à la suite d’une nouvelle proposition d’offre d’accès par le SCPB en date du 9 septembre 2013, la société Orange a constaté l'échec des négociations dans un courrier en date du 18 novembre 2013 relevant notamment que « les modalités de mutualisation prévues, ne permettent toujours pas, en l’état, de répondre de manière satisfaisante aux obligations qui vous incombent au regard de la réglementation en vigueur et ne permettent dès lors pas à Orange de mutualiser votre réseau. […]De surcroit et contrairement à ce que vous prétendez[…] il n’est pas techniquement possible, à l’heure actuelle, d’accéder à votre réseau ».
Le SCPB a effectué le 9 janvier 2014 une proposition de réunion pour le 20 ou 25 février 2014, restée sans réponse.
Il résulte de ce qu’il précède que depuis janvier 2012 et jusqu’à ce jour, aucune solution de mise à niveau du réseau du SCPB n’a été trouvée entre les parties malgré des échanges réguliers, et que, par suite, la détermination des conditions techniques et tarifaires de l’accès n’a pas pu aboutir entre les deux parties.
En conséquence, l'Autorité constate que l'échec des négociations est caractérisé pour l'ensemble des demandes d'Orange.
4. Sur le fond
4.1. Sur la demande d’une solution permettant l’accès aux infrastructures au niveau de points de mutualisation passifs remplaçant les points de raccordement optiques actuels ainsi que d’un calendrier de mise à disposition de ces points de mutualisation
4.1.1. Description de l’architecture du réseau du SCPB
Selon les écritures du SCPB et les constats effectués par les rapporteurs sur site le 5 juin 2014, le réseau du SCPB est constitué de :
- 90 points de raccordement optiques (ci-après PRO) pour environ 18 000 lignes : les PRO sont des armoires de rue passives hébergeant des coupleurs du SCPB et permettant le brassage des lignes en fibre optique vers ces coupleurs ;
- 6 têtes de réseau secondaires (ci-après TDRS) : les TDRS sont des armoires actives collectant les PRO au moyen de 24 à 36 fibres par PRO et hébergeant des équipements actifs du SCPB. 5 de ces TDRS sont hébergées en armoire de rue, et 1 est hébergée dans le bâtiment de la TDR ;
- 1 tête de réseau (ci-après TDR) : la TDR est un bâtiment technique (de type « shelter ») hébergeant des équipements actifs du SCPB (notamment les équipements de transmission des chaines de télévision et des équipements de cœur de réseau) et hébergeant en son sein une TDRS.
4.1.2. Le cadre réglementaire
L’article 1 de la décision n° 2009-1106 de l’ARCEP définit le PM comme « le point d’extrémité d’une ou de plusieurs lignes au niveau duquel la personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique donne accès à des opérateurs à ces lignes en vue de fournir des services de communications électroniques aux utilisateurs finals correspondants, conformément à l’article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques. ». L’article 2 de la décision n° 2010-1312 de l’ARCEP précisant les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l’ensemble du territoire à l’exception des zones très denses reprend cette même définition.
Le point de mutualisation constitue un point fonctionnel essentiel et indispensable pour permettre la mutualisation d’un réseau en fibre optique et sur lequel repose un certain nombre d’obligations. En particulier, l’article 2 de la décision n° 2009-1106 dispose que « L’opérateur d’immeuble offre aux autres opérateurs l’accès aux lignes au point de mutualisation, sous forme passive, dans des conditions raisonnables et non discriminatoires. ». Par conséquent, l’opérateur d’immeuble est tenu de proposer aux opérateurs tiers au niveau du PM un accès aux lignes sous forme d’un chemin optique continu, point-à-point, vers chacun des logements ou locaux à usage professionnel desservis par ce PM.
L’article 7 de la décision n° 2010-1312 dispose par ailleurs que « L’opérateur d’immeuble fait droit à toute demande d’hébergement des équipements passifs et actifs au point de mutualisation, dès lors qu’elle est raisonnable et justifiée, tant au regard des besoins de l’opérateur demandeur que des capacités de l’opérateur d’immeuble à la satisfaire. »
4.1.3. Sur la localisation des points de mutualisation
L’Autorité constate, au vu du dossier d’instruction, que le réseau du SCPB n’est pas, en l’état, conforme au cadre réglementaire actuel. Les TDRS du SCPB ne permettent pas à ce jour l’accès aux lignes sous la forme de chemins optiques continus, point-à-point, vers chaque logement ou local à usage professionnel desservi. En effet, le réseau horizontal entre les TDRS et les PRO ne dispose pas d’une capacité en fibre optique suffisante pour établir, à partir d’une TDRS, un chemin optique continu pour chacune des lignes. Le SCPB précise que
cette capacité est de l’ordre de 24 à 36 fibres par PRO alors que les PRO desservent en moyenne 200 logements. Il convient de relever que la localisation des PM au niveau des TDRS ne permet donc pas, en l’état, de répondre à l’obligation d’offre d’accès passif aux lignes et de fournir un accès au réseau à la société Orange dans des conditions raisonnables.
Les PRO déployés par le SCPB sont des armoires de rue de petite taille hébergeant les coupleurs du SCPB qui, en tant qu’opérateur intégré, active le réseau depuis les TDRS. Les deux parties s’accordent à constater que ces armoires ne permettent pas l’hébergement d’équipements passifs additionnels. Cette impossibilité a été constatée par les rapporteurs lors de la visite sur sites réalisée le 5 juin 2014 et interdit à un opérateur tiers d’établir une architecture point-à-multipoint en installant ses propres coupleurs au PRO. Orange demande par conséquent que le SCPB procède à un réaménagement des PRO afin d’y localiser les PM et d’y offrir une possibilité d’hébergement d’équipements passifs. La société Orange demande également un calendrier de mise à disposition de ces PM.
Dans ses écritures, le SCPB ne s’oppose pas à cette solution, mais privilégie une autre solution consistant à localiser les PM au niveau des TDRS et précise que « ces deux solutions techniques sont en effet bien envisageables et conformes à la réglementation ».
4.1.3.1. Sur la solution de localisation des PM au niveau des TDRS
Le SCPB, sans remettre en question la possibilité de localiser les PM au niveau des PRO, propose une autre solution consistant à localiser les PM au niveau des TDRS, opération que le SCPB estime plus pertinente. Le SCPB considère que cette option nécessiterait de simples aménagements pour que les contenants (armoires de rue constituant les TDRS) soient en mesure d’héberger les équipements passifs ou actifs d’Orange et nécessiterait le déploiement de câbles supplémentaires entre les TDRS et les PRO pour permettre un accès aux lignes en point-à-point à partir des PM. Le SCPB précise que le nombre de prises desservies par chacun des 6 TDRS est respectivement de 3889, 1355, 1057, 1401, 4569 et 5247.
En premier lieu, il convient de souligner que, pour mettre en œuvre la proposition du SCPB, les opérations d’aménagement, notamment le tirage de câbles supplémentaires, apparaissent importants. En effet, pour le TDRS desservant le plus de lignes (5247), le nombre de nouveaux câbles nécessaires dans le réseau horizontal serait au minimum de l’ordre de 8 câbles de 720 fibres au départ de la TDRS (soit 5247 divisé par 720), et éventuellement le double si le SCPB faisait le choix de conserver une desserte optique bi-fibres (voir sur ce point la partie 4.3.1.2 de la présente décision). En outre, ces fibres devraient être montées sur connecteurs dans les TDRS et soudées dans les PRO pour assurer l’accès aux lignes et leur continuité de bout-en-bout. Par conséquent, la localisation des PM au niveau des 6 TDRS du SCPB nécessiterait des aménagements significatifs au niveau des câbles en fibre optique, du tirage de ces câbles dans les artères de génie civil du SCPB et des opérations de soudure dans les PRO et de connectorisation dans les TDRS.
En second lieu, l’aménagement nécessaire au niveau des contenants serait également importants. S’il a été constaté que pour la TDRS hébergée dans le shelter de Freudenbergerhof (TDR), l’espace disponible est suffisant pour héberger les baies supplémentaires qui permettraient d’établir un PM de grande capacité, il a également été constaté que les solutions d’aménagement possibles pour les autres TDRS sont plus complexes et nécessiteraient davantage de travaux. Ainsi, sur les deux TDRS visitées le 5 juin par les rapporteurs, les solutions d’aménagement proposées par le SCPB étaient :
- soit l’adjonction de baies supplémentaires sur les armoires existantes pour augmenter la capacité du contenant ;
- soit la pose d’une armoire supplémentaire distante de l’armoire existante et dédiée à l’hébergement d’équipements passifs.
En outre, le SCPB déduit du « Recueil de spécifications techniques sur les réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné en dehors des zones très denses » élaboré par le comité d’experts fibre1 le 16 octobre 2013 que le comité d’experts traite clairement des cas d’hébergement multi-PM dans un même contenant, et qu’un PM de l’ordre de 3000 ou 4000 prises est considéré comme opportun par celui-ci. Toutefois, il convient de préciser que dans son recueil précité, le comité d’experts propose deux configurations pour les PM de grande capacité (configuration type « répartiteur » et configuration type « armoire à double-châssis ») dans le chapitre « 3.2.3 Le PM en local technique » et définit dans ce même chapitre le local technique comme étant un shelter préfabriqué, un immeuble bâti ou bien un espace dédié dans un NRO. Le comité d’experts n’a cependant pas décrit dans son recueil la possibilité d’établir des PM de grande capacité en armoire de rue et cette configuration pourrait soulever un certain nombre d’interrogations sur la viabilité de la solution en exploitation (espace restreint, saturation des chemins de jarretières, environnement climatique aléatoire pour les interventions, etc.).
4.1.3.2. Sur la solution de localisation des PM au niveau des PRO
La localisation des PM au niveau des PRO telle que demandée par la société Orange fait également partie des solutions proposées par le SCPB lors des échanges précédant la saisine en règlement de différend, ainsi que le rapportent le compte rendu de la réunion technique du 17 juillet 2013 entre les deux parties et le courrier du SCPB du 9 septembre 2013. Le SCPB précise à ce sujet que certains PRO sont situés dans des emplacements posant des difficultés particulières. Cependant, le procès-verbal établi le 18 juin 2014 permet de constater que pour chacun des PRO visités (4 choisis par le SCPB et 4 choisis par la société Orange) le SCPB était en mesure de proposer une solution simple pour remplacer le contenant actuel par un contenant de plus grande taille qui permettrait à la société Orange d’installer ses équipements passifs (une armoire à double-bâti, telle que décrite dans le recueil de spécifications techniques du comité d’experts du 16 octobre 2013). La localisation des PM au niveau des PRO demanderait le remplacement des armoires existantes sur les 90 sites constituant les PRO mais cette solution ne nécessiterait pas de tirer des câbles supplémentaires.
En outre, l’article 3 de la décision n° 2010-1312 de l’ARCEP dispose que « […] Lorsque l’opérateur d’immeuble propose une offre de raccordement distant […] et sauf situation exceptionnelle qu’il appartiendra à l’opérateur d’immeuble de démontrer, la zone arrière d’un point de mutualisation regroupe au moins 300 logements ou locaux à usage professionnel existants au jour de son installation. […] ». Au cas d’espèce, le réseau du SCPB comporte 90 PRO pour un total d’environ 18 000 logements ou locaux à usage professionnel desservis sur le réseau, soit en moyenne 200 lignes par PRO. En localisant les PM du réseau au niveau des PRO, un certain nombre de ces PM n’atteindront dès lors pas le seuil minimal de 300 lignes. Toutefois, comme le rappelle le SCPB, le marché de conception- réalisation du réseau a été attribué en mars 2009, avant que les règles de déploiement des réseaux FttH en dehors des zones denses ne soient complétement établies. Ainsi, l’ancienneté du réseau constitue une situation exceptionnelle justifiant au cas d’espèce, et notamment en tenant compte des investissements déjà engagés et de la configuration de l’habitat, le fait que la zone arrière de certains PM localisés aux PRO regroupe moins de 300 logements ou locaux à usage professionnel.
En conclusion, par rapport à la solution de localisation des PM au niveau des TDRS, la solution de localisation des PM au niveau des PRO présente les avantages suivants ; cette solution :
- permettrait au SCPB d’activer le réseau en conservant son ingénierie actuelle (en hébergeant ses OLT aux TDRS et en hébergeant ses coupleurs aux PRO/PM) et de manière non-discriminatoire par rapport aux autres opérateurs ;
- constituerait une architecture de réseau mutualisé cohérente avec la pratique de la plupart des opérateurs et permettrait à Orange d’activer le réseau en utilisant l’ingénierie employée sur son propre réseau hors des zones très denses (en hébergeant ses OLT aux TDRS ou dans ses propres NRO et en hébergeant ses coupleurs aux PRO/PM) ;
- se rapproche des solutions décrites dans le recueil de spécifications techniques du comité d’experts du 16 octobre 2013, qui font l’objet d’un consensus de la part des experts des différents opérateurs et permettent notamment l’accueil de plusieurs opérateurs simultanément sur le réseau.
En outre, l’Autorité note que cette solution fait partie des solutions initialement proposées à Orange par le SCPB.
Enfin, l’Autorité relève que la société Orange a réaffirmé durant l’audience du 1er juillet 2014 son intention de commercialiser ses services sur le territoire du SCPB en utilisant l’infrastructure passive du SCPB lorsque le réseau aura ainsi été mis à niveau et que l’offre d’accès aura été modifiée. La société Orange a également indiqué qu’elle a pour objectif d’acquérir plusieurs milliers de clients sur la zone de couverture du réseau du SCPB.
Il résulte de tout ce qui précède que, conformément à l’article 7 de la décision n° 2010-1312 susvisée, la solution technique demandée par la société Orange apparait raisonnable et justifiée, tant au regard des besoins de l’opérateur demandeur que des capacités de l’opérateur d’immeuble à la satisfaire, et qu’il revient au SCPB d’y faire droit.
4.1.3.3. Sur les délais de mise en œuvre de la solution retenue
S’agissant des délais d’exécution, le SCPB rappelle qu’il est soumis aux règles de publicité et de mise en concurrence définies par les dispositions du code des marchés publics et que les délais de mise en œuvre de la solution retenue devront intégrer les délais des procédures de passation et de réalisation des marchés de travaux adéquats. Le SCPB précise que les délais de passation de marché public ne sauraient être inférieurs à 6 mois auxquels il faudrait ajouter une période de 4 à 6 mois pour la réalisation des travaux.
Il incombe dès lors au SCPB de proposer à la société Orange un calendrier précisant :
- les délais de remplacement des armoires actuelles constituant les PRO par de nouvelles armoires permettant l’hébergement d’équipements passifs d’opérateurs tiers ;
- les dates de mise à disposition des PM au niveau de ces nouvelles armoires.
Par cohérence avec le délai de publication de l’offre d’accès (voir la partie 4.3.5. de la présente décision), ce calendrier devra être proposé dans un délai maximal de sept mois à compter de la notification de la présente décision et devra être raisonnable, c’est-à-dire être déterminé en fonction notamment des délais réglementaires éventuellement prescrits et de délais de travaux proportionnés aux prestations à effectuer dans le respect des règles de l’art.
4.2. Sur la demande d’une offre optionnelle de raccordement distant aux points de mutualisation pendant toute la durée de vie du réseau dès lors que les points de mutualisation couvrent une zone de moins de 1000 logements
La société Orange demande au SCPB à bénéficier d’une offre de raccordement distant pour les PM du SCPB sans limitation de durée alors que les clauses de l’offre actuelle du SCPB encadrent la possibilité de souscrire à cette offre dans un délai de 6 mois à compter de la date de publication de l’appel au cofinancement.
L’article 3 de la décision n° 2010-1312 de l’ARCEP susvisée dispose que : « […] Lorsque l’opérateur d’immeuble ne propose pas d’offre de raccordement distant, la zone arrière d’un point de mutualisation regroupe au moins un millier de logements ou locaux à usage professionnel existants au jour de son installation.
Lorsque l’opérateur d’immeuble propose une offre de raccordement distant qui respecte les conditions tarifaires fixées à l’article 9 de la présente décision et sauf situation exceptionnelle qu’il appartiendra à l’opérateur d’immeuble de démontrer, la zone arrière d’un point de mutualisation regroupe au moins 300 logements ou locaux à usage professionnel existants au jour de son installation. […] ».
Les motifs de cette même décision précisent à cet égard (p. 21-22) : « Cette offre de raccordement distant est proposée entre le point regroupant au minimum 300 lignes et un point, plus en amont dans le réseau, dont les caractéristiques sont les mêmes que celles d’un point de mutualisation établi en l’absence d’offre de raccordement distant. En particulier, ce point remplit les mêmes conditions d’accessibilité que tout point de mutualisation, et est donc situé à proximité immédiate du segment de transport du réseau d’infrastructures de génie civil de France Télécom, ou d’une infrastructure de génie civil alternative offrant des conditions d’accès équivalentes. »
Comme évoqué dans la partie 4.1 de la présente décision, le SCPB indique dans ses écritures que la capacité en fibre encore disponible dans son réseau horizontal entre les TDRS et les PRO permettrait la fourniture d’une offre de raccordement distant pour des opérateurs souhaitant installer des coupleurs au niveau des PM.
Le SCPB ne remet pas en question le caractère obligatoire de l’offre de raccordement distant dans le cas où les zones arrière de PM regrouperaient moins de 1000 logements ou locaux à usage professionnel et confirme que « cette offre ne sera pas limitée dans le temps ».
Il résulte de ce qui précède et compte tenu des dispositions de la décision n° 2010-1312 susrappelée, que le SCPB est tenu de proposer une offre en un point de raccordement distant mutualisé (PRDM) qui pourrait être situé au niveau des TDRS.
Par cohérence avec le délai de publication de l’offre d’accès (voir la partie 4.3.5. de la présente décision), le SCPB est tenu de proposer une offre optionnelle de raccordement distant dans un délai de sept mois à compter de la notification de la présente décision et de la proposer sans limitation dans le temps.
4.3. Sur la demande d’une nouvelle version du contrat d’accès passif au réseau FttH du SCPB
La société Orange formule six demandes au sujet du contrat d’accès passif au réseau du SCPB.
L’article 4 de la décision n° 2009-1106 de l’ARCEP susvisée dispose que :
« […] l’opérateur d’immeuble publie une offre d’accès qui comprend notamment les prestations suivantes, permettant de répondre aux obligations qui lui incombent au titre des articles 2, 3 et 5 de la présente décision :
- conditions d’installation d’une fibre optique dédiée ou d’un dispositif de brassage ;
- accès aux lignes par mise à disposition de fibre optique dédiée et/ou de fibre optique partagée ;
- accès aux ressources associées.
Pour chacune des prestations mentionnées à l’alinéa précédent, l’offre précise notamment les conditions de souscription et de résiliation, les informations préalables, les caractéristiques techniques, les processus de livraison et de service après-vente, les délais et préavis, la qualité de service et les conditions tarifaires. […] ».
Les demandes exprimées par la société Orange concernent :
- les caractéristiques techniques :
o demande portant sur la définition de spécifications techniques d’accès au service fournissant une description précise et factuelle des éléments composant le réseau du SCPB afin qu’un opérateur soit en mesure de s’y raccorder ;
o demande portant sur le fait de permettre à la société Orange d’effectuer les raccordements de ses clients finals au moyen de câbles mono-fibre ;
- les processus de livraison :
o demande portant sur les conditions d’accès au Web Service, notamment le format des données fournies par ce serveur et les engagements de disponibilité de ce serveur ;
o demande d’un délai d’exécution des commandes de routes optiques de 5 jours ouvrés maximum lorsque le raccordement du client final est réalisé par l’opérateur commercial ;
- les conditions tarifaires :
o demande de détermination par le SCPB d’une annexe tarifaire précisant pour chacune des prestations figurant dans le contrat d’accès, un tarif correspondant et ce, à un niveau raisonnable respectant les principes de non-discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité conformément à la décision n° 2009- 1106 de l’ARCEP en date du 22 décembre 2009 ;
o demande à titre subsidiaire, si la demande de réaliser les raccordements au moyen de câbles mono-fibre est refusée, visant à ce que le SCPB précise les modalités, notamment financières, d’utilisation de son réseau bi-fibres, en particulier lors des raccordements d’utilisateurs finals ;
- les conditions de souscription du contrat :
o demande de suppression de l’obligation de verser un dépôt financier au titre de la négociation du contrat.
4.3.1. Sur les caractéristiques techniques
Orange demande au SCPB de définir des spécifications techniques d’accès au service (demande C.6) et de lui permettre de réaliser les raccordements finals au moyen de câbles mono-fibre (demande C.2).
4.3.1.1. Sur la demande de détermination des spécifications techniques d’accès
La société Orange relève le caractère imprécis des spécifications techniques d’accès au service du SCPB. Elle souhaiterait en particulier connaitre les caractéristiques techniques précises :
- des points de branchement optique ;
- des points de mutualisation (PM) ;
- des points de raccordement distant mutualisés (PRDM).
L’article 2 de la décision n° 2009-1106 de l’ARCEP dispose que : « […]L’accès aux lignes proprement dites s’accompagne de la mise à disposition des ressources nécessaires associées à la mise en œuvre effective de l’accès dans des conditions raisonnables et non discriminatoires, notamment celles précisées à l’annexe II de la présente décision. »
L’annexe II de la décision précitée précise à ce titre que « Les ressources associées à la mise en œuvre effective de l’accès dans des conditions raisonnables et non-discriminatoires et dont la mise à disposition aux opérateurs est nécessaire au titre de l’article 2 de la présente décision sont notamment : […]
- les caractéristiques techniques, les modalités de raccordement et les conditions d’accessibilité ».
Les éléments demandés par Orange apparaissent comme indispensables pour permettre la mise en œuvre effective de l’accès au réseau et pour lui permettre d’installer ses équipements passifs, de réaliser des opérations de brassage et de réaliser des opérations de raccordement final tel que prévu dans l’offre d’accès du SCPB. Ces éléments constituent donc des ressources nécessaires associées à l’accès.
Si le SCPB soutient que les modalités techniques ne pourront être précisées que lorsqu’une solution technique aura été arrêtée, il résulte de la présente décision que le SCPB est tenu de procéder à une adaptation de son réseau pour permettre l’accès d’opérateurs alternatifs, conformément à la partie 4.1 de la présente décision.
Dès lors, la demande de la société Orange apparait justifiée et il revient au SCPB d’y faire droit en application de l’article 2 de la décision n° 2009-1106 de l’Autorité susvisée. Le SCPB devra ainsi modifier son offre d’accès afin de préciser les spécifications techniques avant le remplacement des premières armoires constituant les PM.
Ces spécifications devront précisément définir les caractéristiques techniques de l’ensemble des équipements du SCPB concernés par l’accès au réseau par un opérateur tiers ou par l’hébergement de ses équipements, en s’appuyant dans la mesure du possible sur les consensus en la matière (les deux parties citent notamment dans leurs écritures les travaux du comité d’experts pour la boucle locale en fibre optique).
4.3.1.2. Sur la demande de raccordement final au moyen de câbles mono-fibre
La société Orange souhaite pouvoir réaliser les raccordements finals au moyen de câbles mono-fibre. Elle indique n’avoir l’utilité que d’une seule fibre et estime qu’une ingénierie spécifique à une zone donnée nuit à sa capacité d’industrialisation au niveau national.
Le SCPB a choisi dès l’origine du projet de déployer deux fibres par logement ou local à usage professionnel.
Conformément à la décision n° 2009-1106, l’obligation d’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique porte sur la partie de la ligne comprise entre le PM, voire le PRDM, et le dispositif terminal intérieur optique (ci-après DTIO). L’opérateur d’immeuble étant tenu de respecter cette obligation est donc responsable de la ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique de bout en bout, c’est-à-dire du point de mutualisation jusqu’au DTIO. Il appartient donc à l’opérateur d’immeuble de déterminer les modalités de l’architecture de son réseau concernant le raccordement final.
Si le SCPB prévoit déjà dans son offre d’accès la possibilité de réaliser un raccordement final par un opérateur commercial, seul l’opérateur d’immeuble, en l’espèce le SCPB est mandataire de cette opération, l’opérateur commercial agissant au titre d’un contrat de sous- traitance.
Dès lors, il appartient au SCPB de définir précisément les modalités techniques du raccordement final, et autoriser ou non, à ce titre, la possibilité de réaliser ce raccordement au moyen de câbles mono-fibre sur son réseau bi-fibres.
Au surplus, et d’une part, le recueil de spécifications techniques sur les réseaux FttH en dehors des zones très denses du comité d’experts du 16 octobre 2013, cité par les deux parties dans leurs écritures, précise qu’il n’existe aucun consensus à date sur le nombre de fibres des câbles de raccordement final y compris sur les réseaux mono-fibre.
D’autre part, il convient de noter que la société Orange est d’ores et déjà mise en situation de réaliser des raccordements finals multi-fibres y compris sur son propre parc de lignes qu’il exploite en tant qu’OI en zones très denses.
Il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société Orange n’apparait pas justifiée.
4.3.2. Sur les processus de livraison
La société Orange demande au SCPB de définir les conditions d’accès à son Web Service et de prévoir la fourniture des routes optique dans un délai maximal de 5 jours ouvrés.
4.3.2.1. Sur la demande relative aux conditions d’accès du Web Service
La société Orange demande au SCPB de définir les conditions d’accès à son Web Service, tel que celui-ci semble prévu dans l’offre d’accès du SCPB. Un outil d’aide à la prise de commande (communément appelé Web Service par les deux parties) permettant la mise à disposition du système d’information nécessaire à la production des commandes est en effet décrit par le SCPB dans l’annexe 5 de son offre d’accès :
«Flux d’échange des données
La communication des informations d’immeubles, les échanges de données de SI à SI, les formats de fichiers utilisés sont en cours de définition dans les groupes de travail ARCEP INTEROP.
Le SI du SCPB proposera des interfaces d’échange conformes aux spécifications issues de ce groupe de travail et publiées par l’ARCEP. Ces interfaces sont aujourd’hui définies en mode « fichier ».
Le SI du SCPB proposera des interfaces sous forme de Web Services permettant une connexion simple de SI à SI pour les services :
(i) d’éligibilité de zone
(ii) de gestion des commandes
Une interface interactive permet aux Opérateur qui ne souhaiteraient pas implanter l’une des spécifications ci-dessus d’accéder aux informations d’éligibilité et à la gestion de commandes du SI du SCPB. »
Le passage de commandes est un processus clé pour un opérateur commercial afin de permettre un accès effectif. L’industrialisation de ce processus est nécessaire, notamment pour permettre la fourniture du service au client final dans les meilleurs délais.
A ce titre, l’annexe II de la décision n° 2009-1106 de l’Autorité précise que « Les ressources associées à la mise en œuvre effective de l’accès dans des conditions raisonnables et non- discriminatoires et dont la mise à disposition aux opérateurs est nécessaire au titre de l’article 2 de la présente décision sont notamment : […]
- le système d’information, notamment pour la préparation des commandes, les commandes et résiliations, la maintenance, les demandes de réparation, la gestion des écrasements à tort, le suivi des commandes et des demandes de réparation, la facturation ».
La mise à disposition de cet outil fait partie de la mise à disposition de l’accès aux lignes au sens de l’article L. 34-8-3 du CPCE. Ainsi, pour assurer un traitement non discriminatoire de la société Orange, il apparaît nécessaire que le SCPB fournisse cet outil. Celui-ci doit être le reflet des bases techniques du SCPB qui recensent l’ensemble des lignes à construire de son parc. Il devra contenir a minima des informations concernant toutes les lignes raccordables et toutes les lignes existantes.
L’Autorité rappelle également que l’homogénéité, l’exhaustivité et la qualité des informations contenues dans l’outil d’aide au passage de commande apparaissent comme des éléments essentiels au bon fonctionnement du processus de commande d’accès.
Par conséquent, conformément aux dispositions de la décision n° 2009-1106 précitée et eu égard notamment au fait que la mise en œuvre de cet outil est bien initialement prévue par le SCPB, la demande de la société Orange apparait justifiée et proportionnée.
Les engagements de disponibilité du service devront être précisés par le SCPB et être compatibles avec l’activité d’un opérateur commercial, c’est-à-dire prévoir, a minima, une disponibilité durant les heures de travail des jours ouvrables selon un taux que le SCPB devra définir.
4.3.2.2. Sur la demande relative au délai de fourniture des routes optiques
La société Orange demande la fourniture des routes optiques sous un délai maximal de 5 jours ouvrés lorsqu’elle réalise les raccordements finals.
La fourniture d’une route optique constitue un des flux d’échange de données ayant vocation à être automatisé par l’outil d’aide à la prise de commande que proposera le SCPB. Le SCPB a transmis dans son courrier du 5 février 2014 une annexe listant les protocoles du groupe « Interop’ Fibre » que le SCPB prévoit de mettre en œuvre au titre de son Web Service. Cette liste de protocoles prévoit notamment le protocole « Flux accès – P 1.2 » qui formalise la fourniture des routes optiques lors des commandes d’accès.
La fourniture de cette information a dès lors vocation à être automatisée dans le cadre du Web Service. Par suite, un délai maximal de 5 jours ouvrés à compter de la réception de la commande pour la fourniture de cette information apparait proportionné. Ce délai apparait également proportionné pour traiter de manière non automatisée les éventuels cas particuliers, sauf circonstances exceptionnelles.
Seuls certains cas exceptionnels, dument motivés par des raisons objectives, pourraient justifier des délais supérieurs à 5 jours. Il pourrait s’agir par exemple de demandes nécessitant des déplacements d’agents du SCPB (par exemple pour un contrôle, une opération sur le réseau ou s’il s’avérait nécessaire de réaliser un brassage au préalable).
Il résulte de tout ce qui précède que le SCPB est tenu de modifier son offre d’accès pour proposer la fourniture des routes optiques sous 5 jours ouvrés au maximum pour les commandes à compter de leur réception, sauf cas exceptionnels dûment motivés par des raisons objectives.
4.3.3. Sur les conditions tarifaires
La société Orange demande au SCPB de définir une annexe tarifaire complète respectant les principes de non-discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité et de préciser les modalités, notamment financières, d’utilisation de son réseau bi-fibres.
A ce titre, et conformément à l'article 4 de la décision n° 2009-1106 de l'Autorité, « l'opérateur d’immeuble publie une offre d’accès [...] permettant de répondre aux obligations qui lui incombent au titre des articles 2, 3 et 5 de la présente décision [...] l'offre précise notamment […] les conditions tarifaires. »
L'article 3 de la décision n° 2009-1106 précitée précise également que « Les conditions tarifaires de l’accès prévu aux articles 2 et 5 de la présente décision doivent être raisonnables et respecter les principes de non discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité. »
4.3.3.1. Sur la demande relative à l’annexe tarifaire
La société Orange conteste le caractère incomplet ou imprécis de l’annexe tarifaire par rapport aux prestations décrites dans les conditions générales et dans les conditions particulières de l’offre d’accès aux lignes.
En particulier, la société Orange soutient qu’il existe une confusion entre les prestations pratiquées par le SCPB sur le marché de détail et celles pratiquées sur le marché de gros en raison de l’utilisation de la dénomination « Tubéo » dans l’annexe tarifaire.
Or, il résulte de la lecture des pièces contractuelles que les conditions tarifaires sont incomplètes, l’ensemble des prestations décrites dans le contrat du SCPB n’étant pas précisées dans son annexe tarifaire ou, à l’inverse, certaines prestations figurant dans l’annexe tarifaire ne sont pas reprises dans l’offre d’accès.
Ainsi, et comme le relève la société Orange, les « frais de première mise en service » prévus à l’article 8 des conditions générales ne figurent pas dans l’annexe tarifaire du SCPB. En outre, la grille tarifaire comprend une prestation « Frais d’accès au service par prises GP ». qui n’est pas décrite dans les conditions générales et particulières.
Or, afin de permettre l’accès à son réseau, le SCPB doit proposer une annexe tarifaire complète, reprenant l’ensemble des prestations figurant dans le contrat selon les termes utilisés dans ce contrat et associant précisément un tarif à chaque prestation.
La demande de la société Orange apparait donc justifiée, en application de l’article 10 de la décision n°2010-1312 susmentionnée.
L’Autorité souligne que conformément à l’article 3 de la décision n° 2009-1106 précitée, les tarifs proposés par le SCPB devront respecter les principes de non-discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité. En particulier, et afin de respecter le principe de non-discrimination, compte tenu du fait que le SCPB intervient à la fois sur le marché de gros et sur le marché de détail, le SCPB devra assurer la cohérence entre les tarifs proposés aux opérateurs tiers sur le marché de gros d’une part (prestations externes), et les coûts qu’il intègre (prestations internes identiques, en autofourniture) pour définir les tarifs de son offre de détail « Tubéo » d’autre part.
4.3.3.2. Sur la demande relative aux modalités d’utilisation du réseau bi-fibres
Compte tenu du rejet de la demande principale d’Orange relative à l’utilisation d’un réseau mono-fibre (voir partie 4.3.1.2. de la présente décision), la société Orange demande, à titre subsidiaire, d’enjoindre au SCPB de préciser les modalités, notamment financières, d’utilisation du réseau bi-fibres du SCPB, en particulier lors des raccordements d’utilisateurs finals.
Le SCPB soutient qu’il est possible qu’un opérateur « B » puisse passer une commande d’accès sur la seconde fibre de la ligne desservant un client final lorsqu’un opérateur « A » utilise déjà la première fibre. Selon le SCPB cette fibre n’est pas dédiée à l’usage d’un opérateur en particulier, y compris le SCPB lui-même, mais accessible à tout moment à tous les opérateurs. En revanche, en ce qui concerne la tarification de cette seconde fibre, le SCPB renvoie au dispositif de mutation défini à l’annexe 7 des conditions particulières de son contrat d’accès. Or, en l’état, ce dispositif ne fournit que la description du mécanisme de remboursement éventuel à un opérateur (en fonction du coût du raccordement initial et de la durée d’utilisation de ce raccordement) d’une partie des frais de raccordement lorsque cet opérateur résilie une ligne. Il ne précise en rien quelle tarification serait appliquée pour l’utilisation simultanée de la seconde fibre.
Par suite, la demande de la société Orange apparait raisonnable.
Le SCPB devra modifier son contrat d’accès pour proposer une tarification du réseau bi-fibres respectant les principes de non-discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité.
Il apparaitrait justifié, dans l’hypothèse où deux opérateurs peuvent utiliser simultanément le même raccordement final en utilisant chacun une fibre différente, que les frais de raccordement puissent être partagés équitablement entre ces deux opérateurs et que les remboursements prévus au fil du temps par le principe de mutation puissent être équitablement répartis. Il ne semblerait en effet pas conforme aux principes d’objectivité, de pertinence et de non-discrimination qu’un opérateur B, qui commanderait un accès sur la deuxième fibre d’une ligne déjà simultanément utilisée par un opérateur A sur la première fibre, ne contribue pas à la prise en charge d’une partie du coût initial de raccordement.
Plusieurs possibilités peuvent être envisagées à cet égard, par exemple en adaptant la quote- part facturée initialement à l’opérateur A, ou encore en s’appuyant sur un mécanisme de reversements en fonction des commandes ou résiliations. Les échanges intervenus durant l’audience ont montré que les deux parties s’accordent sur le principe d’un mécanisme de reversements. Il reviendra au SCPB de définir dans son offre des modalités adaptées au cas d’espèce et couvrant l’ensemble des cas de figure. En tout état de cause, il ne devra pas y avoir de discrimination entre l’opérateur qui utilise la première fibre et celui qui utilise la deuxième.
4.3.4. Sur les conditions de souscription : la demande relative au versement d’un dépôt financier au titre de la négociation du contrat
La société Orange indique que la stipulation de l’offre d’accès du SCPB (annexe 2 des conditions particulières) prévoyant le versement d’un dépôt est inacceptable et déraisonnable dans la mesure où elle constitue un moyen de contrainte dans le cadre des négociations du contrat.
Le SCPB indique dans son premier mémoire qu’il s’agit d’une clause de dédit, condition classique à la prise en compte d’un engagement de commande et précise dans son second mémoire que la clause litigieuse constitue une stipulation classique en matière de promesse de contrat.
L’annexe 2 des conditions particulières de l’offre d’accès du SCPB stipule que dans le cadre de l'appel au cofinancement « Un opérateur, dans le délai de réponse « ab initio », s’engage sur une zone donnée et un niveau de cofinancement. Cet engagement prend la forme d’une lettre de demande de cofinancement (modèle en Annexe 3) précisant la zone concernée et le niveau d’engagement envisagé. Cette lettre est envoyée au SCPB en courrier recommandé avec accusé de réception. La prise en compte de cette demande d’investir est assortie du versement d’un dépôt de 10% du montant du premier versement lié à l’investissement. Ce dépôt est limité à 15 000 € et est définitivement acquis au SCPB au titre des études liées à la conclusion du contrat définitif. Ce dépôt sera transformé en avoir lors de la conclusion du contrat définitif. ».
D’une part, l’Autorité relève qu’au regard des faits de l’espèce, l’offre d’accès présentée par le SCPB n’étant pas complète, il n’apparait pas justifié d’exiger d’un opérateur tiers de verser un dépôt financier alors même que le réseau FttH du SCPB n’a pas été mis en conformité et que, conséquemment, les termes de l’offre d’accès et ses conditions tarifaires ne peuvent pas être définis. Il résulte du cadre réglementaire, notamment des dispositions des décisions n° 2009-1106 et n° 2010-1312 qu’il est nécessaire qu’un opérateur souhaitant effectuer un appel au cofinancement procède au préalable à la publication d’une offre d’accès complète et respectant la réglementation, permettant ainsi à tout opérateur intéressé d’abord de prendre connaissance de l’offre d’accès, puis de contractualiser avec l’opérateur d’immeuble et enfin de souscrire un engagement de commande.
D’autre part, et en tout état de cause, même si l’offre d’accès présentée par le SCPB était conforme au cadre réglementaire, il convient de relever que cette stipulation litigieuse constitue un obstacle à l’accès aux lignes et à la participation au cofinancement de celles-ci.
En effet, la décision n° 2009-1106 précise dans ses motifs que l’offre d’accès constitue une « offre cadre » et que « C’est sur la base de cette offre d’accès que l’opérateur d’immeuble sera amené ensuite à conclure des conventions d’accès avec les opérateurs tiers intéressés ». Ainsi, l'offre d'accès proposée par le SCBP diffère du contrat d'accès qui sera conclu avec l'opérateur tiers. Cette offre d'accès n'incluant pas l'ensemble des clauses contractuelles, il sera nécessaire aux deux parties de passer par une phase de négociation.
A cet égard, l'Autorité constate que le SCPB prévoit une période de 6 mois pour la négociation du contrat définitif et précise que le versement du dépôt financier sera « définitivement acquis au SCPB au titre des études liées à la conclusion du contrat définitif » (annexe 2 des conditions particulières du contrat d’accès).
Ainsi ce dépôt financier constitue pour le SCPB une condition préalable nécessaire à la négociation du contrat.
Or, au regard des principes de non discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité de l’article 3 de la décision n° 2009-1106 précitée, et indépendamment des qualifications juridiques que présente le SCPB pour justifier la présence de la clause litigieuse dans son offre d'accès, il n'apparait pas qu'une telle condition, en tant qu’elle constitue une étape obligatoire préalable à la négociation du contrat d'accès et donc un obstacle à l'accès aux lignes tel que défini à l’article 8 de la décision n° 2010-1312 précitée, soit raisonnable.
Par conséquent, il est justifié et proportionné de faire droit à la demande de la société Orange de supprimer l’obligation de procéder à un dépôt financier préalable à la négociation et la signature d’un contrat.
4.3.5. Sur les délais d’application
Le SCPB estime qu’un délai de six mois est nécessaire à la passation du marché public pour la mise en conformité du réseau. En outre, l’Autorité estime qu’un délai additionnel d’un mois permettrait au SCPB de prendre en compte dans son offre d’accès l’ensemble des éléments inhérents au choix qu’il effectuera à l’issue de la passation du marché.
Dès lors, il apparait proportionné de laisser au SCPB un délai de sept mois à compter de la notification de la présente décision pour la mise à jour et la publication d’une offre d’accès conforme à la règlementation et aux dispositions de la présente décision.
4.4. Sur la demande de bénéficier des conditions de cofinancement ab initio sur l’ensemble du réseau du SCPB dès que ce dernier lui aura communiqué un contrat d’accès satisfaisant, conforme à la réglementation et permettant la mutualisation effective des câblages qu’il a déployés.
La société Orange demande à pouvoir bénéficier des conditions de cofinancement ab initio dès que le SCPB aura publié une offre d’accès conforme à la réglementation.
Conformément à l’article 8 de la décision n° 2010-1312, « L’opérateur d’immeuble offre, au niveau du point de mutualisation, un accès aux lignes permettant de participer au cofinancement de celles-ci, tant ab initio qu’a posteriori, ainsi qu’un accès passif à la ligne, en location ».
Au regard de l’échec des négociations entre les parties sur le contrat d’accès, il est justifié qu’aucun engagement formel n’ait pu être formulé de la part de la société Orange.
Au cas d’espèce, il a été démontré dans la partie 4.1. de la présente décision que le réseau du SCPB ne comportait pas encore de PM répondant aux obligations réglementaires.
L’installation de PM dans les conditions décrites dans la partie 4.1 de la présente décision permettra une mise à disposition effective du réseau à la société Orange.
En outre, le SCPB confirme dans ses écritures concernant la demande de la société Orange de bénéficier des conditions d’engagement ab initio qu’il « ne s’y oppose pas », Orange s’étant manifesté dans un délai de 3 mois à l’issue de l’appel au cofinancement initial. Le SCPB relève néanmoins que la société Orange n’a formulé aucun engagement.
La demande de la société Orange de pouvoir bénéficier des conditions ab initio lorsque le SCPB lui aura communiqué un contrat d’accès conforme à la réglementation est donc justifiée, conformément à l’article 8 de la décision n° 2010-1312 précitée.
Le choix d'un délai de 3 mois pour permettre aux opérateurs tiers de formaliser leur intention de cofinancer apparait proportionné, ce délai étant celui prévu dans la première version de l’offre du SCPB. La date de mise à disposition de ces PM constitue en outre une date raisonnable pour la cession des droits d’usage pérenne.
Le SCPB devra proposer dans sa nouvelle offre d’accès la possibilité de bénéficier des conditions de cofinancement ab initio pendant une période d’au moins 3 mois, à compter de la publication d’une offre d’accès complète et conforme à la règlementation et à la présente décision.
Décide :
Article 1er : Le Syndicat des communes du Pays de Bitche doit proposer dans un délai maximal de sept mois à compter de la notification de la présente décision un calendrier raisonnable de mise à disposition des points de mutualisation au niveau des points de raccordement optique, dans les conditions définies dans la partie 4.1 de la présente décision.
Article 2 : Le Syndicat des communes du Pays de Bitche doit proposer une nouvelle offre d’accès dans un délai maximal de sept mois à compter de la notification de la présente décision. Cette offre d’accès devra :
- permettre l’hébergement d’équipements passifs dans les points de mutualisation ;
- proposer une offre de raccordement distant sans limitation dans le temps ;
- préciser les modalités d’utilisation du réseau bi-fibres ;
- proposer une annexe tarifaire complète et associant à chaque prestation décrite dans le contrat un tarif respectant les principes de non-discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité ;
- proposer des spécifications techniques complètes ;
- proposer un outil automatisé d’aide à la prise de commande dont les engagements en temps de réponse et en disponibilité devront être précisés ;
- prévoir la fourniture des routes optiques dans un délai inférieur à 5 jours ouvrés à compter de la réception de la commande, sauf cas exceptionnels dument motivés ;
- ne prévoir aucune obligation de procéder à un dépôt financier préalable à la négociation et la signature d’un contrat.
Article 3 : Le Syndicat des communes du Pays de Bitche doit proposer la possibilité de bénéficier des conditions de cofinancement ab initio dès la publication de cette nouvelle offre d’accès durant un délai qu’il conviendra au Syndicat des communes du Pays de Bitche de préciser et qui ne saurait être inférieur à trois mois à compter de la publication d’une offre d’accès complète et conforme à la règlementation et aux dispositions de la présente décision.
Article 4 : Le surplus des demandes d’Orange est rejeté.
Article 5 : La directrice des affaires juridiques de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargée de notifier la présente décision à la société Orange et au Syndicat des communes du Pays de Bitche, qui sera rendue publique, sous réserve des secrets protégés par la loi.
Notes :
1 Le comité d’experts « fibre optique » est un groupe de travail indépendant, institué par la décision n° 2012- 1295 de l’ARCEP, chargé de l’étude des dispositions techniques devant être respectées lors du déploiement de réseaux en fibre optique.