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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 4 décembre 2012, n° 11/15313

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pampr'oeuf Distribution (SAS)

Défendeur :

Les Etablissements Ligner (SA), Caradec (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hirigoyen

Conseillers :

Mme Delbès, M. Boyer

T. com. Bobigny, du 5 juill. 2011, n° 20…

5 juillet 2011

La société Groupe Appro, anciennement dénommée Appro, regroupe des producteurs d'oeufs dont elle vend la production à la grande et moyenne distribution.

Lors de sa constitution sous la forme d'une société anonyme avec directoire et conseil de surveillance, les quatorze fondateurs, auparavant membres d'un GIE, ont apporté les branches d'un fonds de commerce de commercialisation et ont signé un protocole fixant les règles de fonctionnement de la société.

Un premier pacte d'actionnaires a été conclu le 7 octobre 1999, jour de la signature des statuts de la société Appro, entre les sociétés Etablissements Le Gal, Sodine, Pampr'oeuf Distribution, L'Oeuf Landais, Berteau Distribution, Michel Le R., Sovopa, Degut, Ferme du Vieux Pays, Les Producteurs Alsaciens et Lorrains, Ferme du Pré, Gaec des 3 B, Sodise, Hubert L..

Le17 avril 2002, une modification des statuts a été adoptée pour transformer Groupe Appro en une société anonyme à conseil d'administration.

Courant 2000, les sociétés Caradec et Ligner ont souhaité rejoindre Groupe Appro.

A une date non précisée, les seize actionnaires comprenant désormais les sociétés Caradec et Ligner, ont signé un nouveau pacte ayant pour objet d'organiser l'activité commerciale et la vie sociale de Groupe Appro ainsi que les modalités de cession des actions par leurs détenteurs prévoyant un droit de préemption.

Le 9 septembre 2002, un groupe d'actionnaires comprenant les sociétés Pampr'oeuf, Sovopa, Sodise, Ferme du Vieux Pays, Ligner et Caradec ont conclu un autre pacte, celui-ci occulte, dénommé 'sous-pacte', dont l'article 1 contenait un engagement de vote dans le sens déterminé par un vote à la majorité simple des signataires, dont l'article 2 stipulait que lorsque les signataires refusent que l'un d'eux cède sa participation à un tiers, la cession interviendra au profit de ceux-ci à un prix fixé annuellement par avance à la majorité simple et dont l'article 3 prévoyait à titre de sanction l'exclusion du signataire avec rachat de sa participation au prix ainsi fixé ou une sanction financière.

Le 30 juin 2003, la société Ferme du Vieux Pays, le plus gros actionnaire du groupe, a été placée en liquidation amiable. Le liquidateur, Maître A., a entrepris de céder ses actions et droits à produire. La cession des actions et droits à produire au profit de Pampr'oeuf, Sovopa et Ferme du Pré a été contestée par les autres actionnaires qui avaient exercé leur droit de préemption. Le litige a été porté devant le tribunal de commerce de Bobigny qui, par jugement du 2 juillet 2004, a déclaré la préemption régulière et a ordonné la cession des actions de la société Ferme du Vieux Pays aux sociétés ayant exercé leur droit de préemption à proportion de leur part dans le capital avec exécution provisoire.

Durant la période postérieure, les droits à produire de la société Ferme du Vieux Pays sont cependant restés affectés aux sociétés Pampr'oeuf, Sovopa et Ferme du Pré ce qui a donné lieu à de nouvelles procédures civiles entre actionnaires puis à une plainte pénale en date du 26 mars 2006 notamment pour abus de biens et pouvoir à l'encontre des sociétés Pampr'oeuf et Sovopa, auxquelles les plaignants imputaient des abus notamment de pouvoir destinés à préserver une position dominante au sein de Groupe Appro au détriment des autres actionnaires.

Lors d'une réunion qui se tenait au siège du groupe dont dépend la société Caradec, le 8 juin 2004, les participants ont infligé à la société Ligner une sanction financière de 150 000 € pour avoir enfreint l'obligation de confidentialité en dévoilant l'existence du sous-pacte.

Par ailleurs, les signataires du sous-pacte ont été convoqués par lettre recommandée du 7 mars 2005 pour délibérer sur l'admission de deux nouveaux membres et sur la décision à prendre sur un prochain changement d'actionnaire principal dans le capital de l'un des membres qui s'est avéré être la société Caradec.

Par lettre du 21 mars 2005 adressée aux autres signataires, la société Caradec, qui n'était pas présente à la réunion, a dénoncé le sous-pacte comme nul et inopposable.

C'est dans ces circonstances que par actes des 3, 6 et 9 juin 2005, la société Caradec a assigné devant le tribunal de commerce de Bobigny les sociétés Pampr'oeuf, Sovopa, Ligner, Sodise et Ferme du Pré, Hubert L., Ferme du Vieux Pays et Maître J., ès qualités de mandataire liquidateur, pour voir prononcer la nullité du sous-pacte du 9 septembre 2002 , à défaut, le dire inopposable car signé par son administrateur n'ayant pas mandat à cet effet, prononcer sa nullité en ce que le sous-pacte institue une convention de vote illimitée et méconnaît les articles 1843-4 du code civil et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dire qu'il a été abrogé par le pacte d'actionnaires non daté conclu entre les seize actionnaires.

L'affaire a donné lieu à trente-sept appels à l'audience collégiale du tribunal de commerce entre juin 2007 et mars 2011.

Par jugement du 5 juillet 2011, le tribunal de commerce de Bobigny a reçu le Gaec 3B et la société Sodine en leur intervention et leur a donné acte de leur désistement, a pris acte de l'absorption de Sodise par Ferme du Pré et dit que cette dernière vient aux droits de Sodise, a mis hors de cause Maître J., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ferme du Vieux Pays, a dit que Pampr'oeuf et Sovopa ont qualité à agir et a débouté les sociétés Caradec, Ferme du Pré et Hubert L. de leur fin de non-recevoir, a dit que le sous-pacte du 9 septembre 2002 n'était pas caduc à l'époque où l'instance a été introduite, a dit qu'il est opposable à Caradec, a débouté les sociétés Caradec, Ferme du Pré et Hubert L. de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du sous-pacte mais a dit que les deux premières phrases du 3ème alinéa de l'article 2 et l'article 3 sont réputées non écrites, a débouté la société Caradec de sa demande tendant à voir dire que le sous pacte du 9 septembre 2002 a été abrogé par le pacte, a débouté la société Ligner de sa demande de dommages intérêts à l'encontre de Pampr'oeuf et Sovopa, a débouté Pampr'oeuf et Sovopa de leur demande de dommages intérêts dirigée contre Caradec et de leur demande d'expertise, a débouté Pampr'oeuf et Sovopa de leur demande de dommages intérêts dirigée contre Ligner, a condamné Caradec à payer à Pampr'oeuf 15 000 €, à Sovopa 5 000 € , à Maître J., ès qualités, 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie.

Par déclaration du 12 août 2011, la société Pampr'oeuf a relevé appel en intimant les seules sociétés Ligner et Caradec.

Par dernières conclusions signifiées le 6 avril 2012, la société Pampr'oeuf demande à la cour, vu les articles 1134 et 1147 du code civil, de lui donner acte que seules sont critiquées les dispositions concernant le rejet de sa demande reconventionnelle, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages intérêts dirigée contre Ligner et de sa demande de dommages intérêts dirigée contre Caradec ainsi que de sa demande d'expertise, statuant à nouveau, de condamner la société Ligner au paiement de la somme de 150 000 € outre intérêts de droit à compter du 23 février 2006 en réparation de la violation de ses engagements, de dire que la violation par Caradec de ses engagements souscrits dans le pacte du 9 septembre 2002 est à l'origine d'une dévalorisation des actions et des droits à produire de chacun des membres du pacte, de condamner Caradec sur le fondement de l'article 1147 du code civil à réparer le préjudice consécutif, avant dire droit, d'ordonner expertise avec mission pour l'expert de chiffrer la perte de valeur des titres et droits à produire du fait de la défection de Caradec, de condamner Ligner et Caradec à lui payer 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 23 février 2012, la société Caradec demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts formée par la société Pampr'oeuf à son encontre, en ce qu'il a annulé les deux premières phrases du 3ème alinéa de l'article 2 et l'article 3 du sous-pacte dans son intégralité, d'infirmer le jugement en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir prise du défaut de qualité à agir et en ce qu'il l'a condamnée à indemniser la société Pampr'oeuf de ses frais non taxables, statuant à nouveau, de dire que la société Pampr'oeuf est irrecevable à agir et à contester les prétentions de Caradec, n'étant plus actionnaire de Groupe Appro, vu les articles L. 225-35, L. 225-51-1, L. 225-56 du code de commerce , 1134, 1843-4 et 1844 alinéa 1 du code civil, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme , de dire que le pacte d'actionnaires daté du 9 septembre 2002 lui est inopposable pour n'avoir pas été signé par une personne ayant qualité pour engager la personne morale, de prononcer la nullité de ce pacte en ce qu'il institue une convention de vote illimitée et viole les dispositions d'ordre public des 1843-4 du code civil et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de dire que le pacte d'actionnaires précité a été abrogé par le pacte non daté conclu entre les seize actionnaires de Groupe Appro et par la volonté commune de ses signataires encore actionnaires de cette dernière, de débouter Pampr'oeuf de ses demandes reconventionnelles et de toutes prétentions, de la condamner au paiement de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions responsives signifiées le 22 février 2012, la société Ligner demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit non écrites les deux premières phrases du troisième alinéa de l'article 2 et article 3 du sous-pacte d'actionnaires et débouté Pampr'oeuf de toutes demandes à son encontre, de l'infirmer pour le surplus, de déclarer nul en son entier le sous-pacte dont se prévaut Pampr'oeuf, à défaut, de le dire inapplicable car contraire au droit, à défaut encore, de constater qu'il n'a jamais été appliqué, qu'il a été abrogé et qu'en tout état de cause, Pampr'oeuf qui n'est plus actionnaire ne peut s'en prévaloir, à défaut encore, de dire qu'il ne permettait pas d'exclure un de ses signataires ni de prononcer une sanction financière au motif de la violation de l'article 4 du sous-pacte, seuls les cas limitativement énumérés à l'article 3 le permettant, débouter Pampr'oeuf de la totalité de ses demandes, de condamner Pampr'oeuf à lui payer la somme de 20 000 € de dommages intérêts pour procédure abusive et 10 000 € en application de l' article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

- Sur les limites de l'appel

Par l'effet de l'appel principal et des appels incidents, la cour est saisie de l'entier litige mais entre les seules parties au procès d'appel.

- Sur la fin de non-recevoir prise du défaut d'intérêt à agir de Pampr'oeuf

La société Caradec fait plaider que Pampr'oeuf est irrecevable à réclamer réparation d'un préjudice dont la source serait la désorganisation de la société Groupe Appro dont elle n'est plus actionnaire en vertu d'un pacte d'actionnaires qui ne l'oblige plus et observe que le jugement entrepris a mis hors de cause à ce motif la société Ferme du Vieux Pays.

Il est constant que Pampr'oeuf a cédé ses actions de Groupe Appro début 2006.

Cependant, il résulte de l'article 31 du code de procédure civile que l'intérêt au succès ou au rejet d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice, la recevabilité ne pouvant dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendue sans objet.

Ainsi, la cession des actions postérieurement à l'assignation introductive de l'instance, délivrée en juin 2005, est sans effet sur la recevabilité de l'action engagée par Pampr'oeuf.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir.

- Sur la demande de la société Caradec aux fins d'inopposabilité du sous-pacte

Pour critiquer le jugement qui a rejeté son moyen de défense pris de l'inopposabilité du sous-pacte, la société Caradec soutient que jamais M. C. qui était actionnaire en son nom propre de Groupe Appro n'a été désigné comme son représentant en vue de la signature du sous-pacte occulte et qu'aucun document relatif à ce sous-pacte n'a été envoyé ou reçu par le représentant de Caradec.

Il ressort des pièces versées au débat que le sous-pacte résulte d'un protocole d'accord sous seing privé daté du 9 septembre 2002, conclu entre 'les soussignés'soit six actionnaires de Groupe Appro qui sont énumérés en première page et parmi lesquels figure la société Caradec, qu'en dernière page est apposée la signature de chacun des représentants des six sociétés, que sous l'intitulé: 'Caradec Sa', on trouve une signature dont il est acquis qu'elle est celle de M. C., suivie de la mention manuscrite suivante: 'Loïc C. Administrateur'.

Il n'est pas contesté que M. C. était simple administrateur de la société Caradec, qu'en vertu de l'article 16 des statuts de cette société, seuls le président du conseil d'administration et le directeur général avaient le pouvoir de l'engager sauf mandat exprès, et que, par ailleurs, M. C. détenait à titre personnel une action de Groupe Appro.

Cependant, la qualité de M. C. d'administrateur de la société Caradec et sa présence à cette réunion occulte dont l'enjeu résidait dans la répartition des droits à produire entre les actionnaires à proportion de leur participation au capital suffisaient, pour le moins, à créer lors de la signature de l'acte une apparence de mandat qui autorisait les autres signataires à ne pas vérifier ses pouvoirs.

Un tel mandat a pour effet d'obliger le mandant dans les termes de l'acte souscrit par le mandataire apparent.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit le sous-pacte opposable à la société Caradec.

- Sur la demande des sociétés Caradec et Ligner aux fins de nullité du sous-pacte

Le tribunal a considéré que le sous-pacte était valable à l'exception des deux premières phrases du 3ème alinéa de l'article 2 et de l'article 3 qui concernent respectivement les droits d'entrée et de sortie des actionnaires de Groupe Appro, signataires du sous-pacte, et les sanctions applicables en cas de manquement aux engagements pris lors d'une réunion ou en cas de cession des actions à un tiers malgré la clause d'agrément prévue par le sous-pacte.

Seules les sociétés Caradec et Ligner critiquent ces dispositions et seulement en ce que le tribunal les a déboutées de leur demande d'annulation du sous-pacte en son entier.

Elles reprennent leurs moyens de première instance en faisant valoir pour l'essentiel, que le sous-pacte crée une convention de vote illimitée quant à son objet (article 1) et sa durée (article 5), qu'il instaure en cas de préemption des actions d'un signataire une fixation du prix d'avance contraire à l'article 1843-4 du code civil (article 2) et prévoit des sanctions pécuniaires en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme CEDH (article 3).

Elles soulignent que le sous-pacte n'avait pour objet que de maîtriser encore davantage la gestion de Groupe Appro par Sovopa et Pampr'oeuf qui entendaient asseoir leur position dominante.

L'article 1 du sous pacte, intitulé 'Prise de position lors de l'assemblée générale', stipule: ' Les signataires s'engagent à se réunir préalablement à toute réunion en assemblée générale ordinaire ou extraordinaire des actionnaires de la société Appro pour déterminer les choix qu'ils opéreront dans le cadre du fonctionnement de la société. [Ils] s'engagent à voter lors de l'assemblée générale dans le sens qu'ils auront déterminé à la majorité lors de la réunion préparatoire'.

Comme l'ont justement analysé les premiers juges, cette convention de vote est licite dès lors qu'elle repose sur un engagement éclairé des actionnaires signataires lesquels ont connaissance des résolutions soumises à leur vote, qu'elle respecte les dispositions d'ordre public en n'emportant pas cession du droit de vote ni atteinte au principe de libre révocabilité des dirigeants sociaux et que, destinée 'à l'établissement d'une politique stable et durable', elle ne contrarie pas l'intérêt social.

L'engagement a été souscrit pour une durée indéterminée. Une telle convention est licite dans la mesure où elle peut être résiliée unilatéralement à tout moment.

L'article 2, intitulé 'Entrée et sortie des actionnaires', est ainsi libellé:

' La cession d'actions à un tiers sans déroger à ce qui a été prévu au pacte d'actionnaires liant l'ensemble des actionnaires de la Sa Appro ..., il a été convenu entre les membres du présent protocole d'accord qu'aucun d'entre eux ne pourrait céder les actions dont il est titulaire à un tiers, quelqu'il soit sans l'accord de l'ensemble des membres du pacte qui devra être sollicité dans le cadre d'une réunion préparatoire dans les formes prévues à l'article qui précède et aux mêmes conditions de majorité.

Dans l'hypothèse où la cession ne serait pas autorisée, les signataires du présent protocole se substitueront au tiers qui n'aura pas été agréé en procédant à l'acquisition des actions.

Le prix sera déterminé chaque année lors d'une réunion tenue par les membres du pacte en début d'année. La décision fixant le prix sera prise à la majorité simple. A défaut de fixation du prix, il sera fixé par un expert désigné amiablement avec le cédant. A défaut d'accord, chaque partie désignera un expert. Le collège expertal statuera alors à la majorité simple.'

Le dispositif de fixation annuelle par avance du prix de cession des actions préemptées tel qu'il résulte du troisième alinéa est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil qui imposent dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ceux-ci par la société, la fixation de la valeur des droits sociaux à dire d'expert en cas de contestation.

Si seules les stipulations concernant le mode de fixation préalable du prix sont contraires à l'ordre public, c'est bien l'économie de la clause de préemption tout entière telle qu'instaurée par les parties qui en est affectée de sorte que l'article 2 doit être annulé non pas partiellement mais en son entier.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Quant à l'article 3 , il prévoit que 'dans l'hypothèse où un signataire ne respecterait pas les engagements pris à la majorité simple lors d'une réunion préparatoire, à une assemblée générale , un conseil de surveillance, un directoire ou un conseil d'administration comme dans l'hypothèse où il céderait ses actions à un tiers malgré la clause d'agrément stipulée ci-dessus, les signataires statuant à la majorité simple, l'auteur de la violation étant exclu du vote, pourront à leur choix soit appliquer une pénalité financière dont le montant sera déterminé par les signataires au présent protocole d'accord à la majorité simple... soit décider l'exclusion de l'auteur de la violation de la société Appro...le prix de cession étant celui déterminé annuellement'.

Cette clause qui ignore les droits de la défense et le droit à un procès équitable, étant souligné que le montant de la sanction pécuniaire n'est enfermé dans aucune limite, encourt l'annulation comme l'ont justement décidé les premiers juges.

Il apparaît que les clauses du protocole constituent un ensemble complexe dont chacune n'est pas la condition de toute l'opération. Les signataires en sont convenus en prévoyant à l'article 6 du protocole que la nullité d'une des clauses du protocole n'entraînerait pas la nullité de l'ensemble du protocole. Par suite, les premiers juges ont justement limité les conséquences de l'annulation aux articles 2 et 3 sauf à l'étendre, comme il a été dit, à l'article 2 en son entier.

- Sur l'abrogation et la caducité du sous-pacte

La société Caradec soutient que le sous-pacte a été post-daté, qu'en réalité, il a été signé avant le pacte lequel n'est pas daté mais qui aurait été signé au plus tard le 17 avril 2002 et qui a abrogé le sous-pacte.

La société soutient cette argumentation en soulignant qu'à supposer même que le sous-pacte soit postérieur au pacte, il ne peut s'y substituer sans l'accord de tous les signataires, le seul pacte applicable étant, dès lors, celui qui réunit l'ensemble des signataires.

Mais pas plus qu'en première instance, la preuve n'est rapportée de la chronologie alléguée et il n'est pas démontré d'éléments de contrariété entre les deux protocoles dont il pourrait s'évincer une abrogation tacite de l'un par l'autre, étant rappelé que les pactes extra-statutaires conclus par une partie seulement des actionnaires sont licites.

Par ailleurs, le fait que le sous-pacte ne serait plus appliqué n'a pas pour effet de le rendre caduc.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Cardec et Ligner de leurs demandes de ces chefs.

- Sur les demandes reconventionnelles de Pampr'oeuf

En cause d'appel, Pampr'oeuf reproche à la société Caradec d'avoir, alors qu'elle était mise en demeure de ne pas le faire et qu'elle avait connaissance de sa volonté d'exercer les droits de préemption, cédé ses titres sans respecter la procédure prévue à l'article 2 du sous-pacte et d'avoir pris au sein du conseil d'administration et de l'assemblée générale de Groupe Appro des dispositions qui n'ont pas été soumises aux actionnaires liés par le sous-pacte en violation de l'article 1er et 2 de celui-ci. Elle précise que la violation par Caradec du pacte d'actionnaires a entraîné une dévalorisation des titres qu'elle détenait dans le capital de Groupe Appro qui ressort sans discussion possible de la comparaison entre la valeur des actions et droits à produire qui a été prise en compte lors de la cession des actions de la société Ferme du Vieux pays et du prix recueilli lorsqu'elle-même a été obligée de céder ses titres aux actionnaires actuels du groupe Appro

Mais, Pampr'oeuf ne vise aucune délibération des membres du sous-pacte ni aucune décision du conseil d'administration et de l'assemblée générale de Groupe Appro, reprochant en réalité à Caradec d'avoir laissé ses actionnaires vendre leurs actions (Caradec) à d'autres actionnaires de Groupe Appro. Or, ce faisant, la société Caradec n'a enfreint aucune des stipulations du sous-pacte qui visent exclusivement les cessions des actions de Groupe Appro.

S'il en était autrement, la nullité de la clause de préemption du sous-pacte exclurait toute faute de la part de Caradec.

Par suite, le jugement mérite confirmation en ce qu'il a débouté Paimpr'oeuf de sa demande de dommages intérêts et d'expertise dirigée contre Caradec.

Quant à la faute reprochée à Ligner, elle consiste en la divulgation du sous-pacte à des parties non-signataires contrairement à la clause de confidentialité inscrite dans son article 4.

Au soutien de sa demande dirigée contre Ligner, la société Pampr'oeuf rappelle que le 8 juin 2004, 'les parties' ont appliqué à Ligner une sanction financière de 150 000 € pour avoir violé le pacte puisqu'elle avait participé à la réunion au cours de laquelle 'les parties' étaient convenues de ne pas préempter les actions de la société Ferme du Vieux pays, que la sanction qui a été appliquée en exécution du pacte n'est pas une clause pénale et que le juge doit l'appliquer telle quelle sans pouvoir la modifier, qu'en conséquence, c'est à tort que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande en réparation du préjudice que lui cause la violation par Ligner des obligations souscrites par elle.

Or, c'est sur le fondement de l'article 3 du sous-pacte relatif aux sanctions que Ligner a été sanctionné.

La confirmation de l'annulation de cet article 3, prononcée par le tribunal en une disposition dont la société Pampr'oeuf n'a d'ailleurs pas sollicité la réformation, conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Pampr'oeuf de sa demande de dommages intérêts tendant à l'application de cette stipulation, étant observé de surcroît qu'il n'est pas démontré de préjudice appelant indemnisation.

- Sur la demande de la société Ligner aux fins de dommages intérêts pour procédure abusive

Dans le contexte de procédures multiples ayant opposé les sociétés membres de Groupe Appro, la société Ligner ne rapporte pas la preuve d'un abus de Pampr'oeuf de son droit d'ester en justice.

Le jugement doit être encore confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Partie perdante, la société Pampr'oeuf supportera les dépens et sera condamnée à payer aux sociétés Cardec et Ligner, en plus des sommes allouées à celles-ci en première instance, chacune, pour leurs frais non taxables d'appel, la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, sans pourvoir prétendre au bénéfice de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit réputées non écrites les deux premières phrases du 3ème alinéa de l'article 2 du sous-pacte,

Statuant à nouveau du seul chef infirmé

Dit qu'est réputé non écrit l'article 2 du sous-pacte en son entier,

Ajoutant

Condamne la société Pampr'oeuf à payer aux sociétés Cardec et Ligner, chacune, la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.