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Décisions

CA Paris, 4e ch. b, 10 octobre 2003, n° B20030164

PARIS

Arrêt

Confirmation

CA Paris n° B20030164

9 octobre 2003

M. F, se prévalant d'un brevet d'invention français n°94/01099 relatif à un dispositif aérostatique d'éclairage dont il aurait acquis la propriété de la SARL PLEINE LUNE INTERNATIONALE par cession transcrite au Registre National des Brevets le 11 août 1995, et après avoir fait pratiquer saisie contrefaçon dans les locaux des sociétés DIMSON et PRETEL, a fait citer devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte du 26 novembre 1997, ces sociétés et M. P en contrefaçon du brevet, pour obtenir notamment paiement de dommages et intérêts.

PRETEL, qui se prévaut également d'une cession du brevet d'invention en? ? du 23 février 1995, a appelé dans la cause PLEINE LUNE INTERNATIONALE , qui n'était pas représentée.

DIMSON et M. P avaient conclu au débouté en soulignant qu'ils étaient d'une parfaite bonne foi, et avaient, à titre subsidiaire, réclamé la garantie de PRETEL.

PRETEL avait également conclu au débouté, soutenant que :

- M. F n'établissait pas l'existence d'une cession écrite au sens de l'article L 613-8 du CPI, son action était ainsi irrecevable,

- les personnes signataires n'avaient pas qualité pour engager la société PLEINE LUNE INTERNATIONALE ,

- ces cessions sont également nulles pour défaut de cause, aucun prix de cession n'étant stipulé.

Elle avait reconventionnellement réclamé la condamnation de M. F au paiement de la somme de 1 250 000 francs à titre de réparation pour le préjudice subi et dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue la garantie de PLEINE LUNE INTERNATIONALE et le remboursement de la somme de 200 000 francs payés par elle à titre de prix de cession.

Par le jugement déféré, le tribunal a :

- déclaré PRETEL recevable à contester le transfert de propriété entre PLEINE LUNE INTERNATIONALE et M. F,

- déclaré inexistante la cession enregistrée le 11 août 1995 au registre national des brevets entre M. F et la société PLEINE LUNE INTERNATIONALE portant sur le brevet n° 940199,

- dit que la présente décision devenue définitive sera transmise par les soins du greffier à l'INPI pour inscription au registre national des brevets,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. F à payer à PRETEL, DIMSON et M. P à chacun la somme de 15 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au cours de la procédure d'appel, PRETEL ayant fait l'objet d'une procédure collective, Maître F, es qualités d'administrateur judiciaire, (actuellement commissaire à l'exécution du plan selon jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 5 février 2002) et Maître J, es qualités de représentant des créanciers sont intervenus dans la procédure.

M. F a appelé en intervention forcée la société LUMIAIR qui, selon lui, aurait commis des actes de contrefaçon du brevet français en cause.

La société PLEINE LUNE INTERNATIONALE est intervenue volontairement à titre accessoire au soutien des demandes de la société PRETEL.

M. F, appelant, dans ses dernières écritures du 18 mars 2003 , prie la cour de :

-le déclarer recevable et bien fondé en son appel et en son action en intervention forcée à rencontre de la société LUMIAIR, attraite en cause d'appel par exploit du 9 janvier 2002,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 mai 2000,

- statuant à nouveau,

- à titre principal, dire et juger que la société PRETEL SA et la SARL PLEINE LUNE INTERNATIONALE ne sont pas recevables à invoquer la nullité de la cession de la demande de brevet n° 94 01099, intervenue le 19 octobre 1994 entre M. F et la SARL PLEINE LUNE INTERNATIONALE ,

- subsidiairement, constater que cette cession est régulière,

- en tout état de cause,

- dire et juger que M. F est seul propriétaire des droits attachés au brevet n° 94 01099 délivré le 16 avril 1996,

- dire et juger que l'inscription portée au Registre National des Brevets auprès de l'INPI le 11 août 1995, sous le n° 052060, est opposable aux sociétés PRETEL, C17 DIMSON et LUMIAIR ainsi qu'à M. P,

- en conséquence,

- déclarer M. F recevable et bien fondé en son action en contrefaçon,

- constater que les sociétés PRETEL, C 17 DIMSON et LUMIAIR ainsi que M. P ont commis des actes de contrefaçon du brevet n° 94 0199 en fabriquant et/ou en exploitant commercialement des ballons éclairants mettant en oeuvre les revendications 1 à 6 dudit brevet,

- ordonner la cessation desdits actes dans un délai de 30 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir, et passé ce délai, sous astreinte de 15 245 euros par infraction constatée,

- condamner in solidum la société PRETEL, Maîtres FABRE et JULIEN es qualités, les sociétés C 17 DIMSON et LUMIAIR ainsi que M. P à verser à M. F une provision de 152 450 euros à valoir sur la réparation du préjudice,

- désigner un expert pour donner son avis sur le préjudice subi,

- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt par extraits ou in extenso dans 5 journaux au choix de M. F, aux frais solidairement supportés par la société PRETEL, Maîtres FABRE et JULIEN, es qualités, les sociétés C 17 DIMSON et LUMIAIR ainsi que M. P, à concurrence de la somme de 15 245 euros HT,

- condamner in solidum les mêmes à verser à M. F la somme de 22 868 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par écritures du 13 juin 2001, PRETEL ainsi que Maîtres F et J, es qualités, demandent à la cour de :

- vu les articles 31 du nouveau code de procédure civile et L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle,

- déclarer l'appel interjeté recevable mais mal fondé,

- en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la cession au profit de M. F inexistante,

- le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- vu la procédure collective ouverte au profit de la société PRETEL,

- vu l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985,

- en toute hypothèse, débouter M. F de ses demandes tendant à la condamnation financière de la société PRETEL pour des faits antérieurs à l'ouverture du redressement judiciaire,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société PRETEL de ses demandes tendant à l'indemnisation de son préjudice,

- en conséquence, condamner M. F au paiement à Maître F es qualités d'administrateur de PRETEL de la somme de 1 000 000 francs au titre du préjudice commercial et de la somme de 250 000 francs au titre de l'atteinte portée à l'image de la société PRETEL,

- à titre subsidiaire, prononcer la nullité de la cession intervenue entre la société PLEINE LUNE INTERNATIONALE et PRETEL,

- condamner PLEINE LUNE INTERNATIONALE à payer à PRETEL une somme égale à la condamnation mise à la charge de cette dernière en réparation du préjudice qui lui est causé par ladite condamnation ainsi qu'à la somme de 200 000 francs correspondant au prix de cession,

- condamner M. F au paiement d'une somme de 100 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. P, par écritures du 13 février 2002, demande à la cour de :

- dire et juger ce qu'il appartiendra sur la querelle opposant M. F et la société PRETEL,

- vu l'article L 615-1 du CPI, et disant que M. P peut valablement en bénéficier,

- en conséquence, et en principal :

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a prononcé la mise hors de cause de M. P,

- condamner M. F au paiement de la somme de 2 286, 73 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- à titre subsidiaire,

- condamner PRETEL à relever et garantir M. P de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

- fixer sur ce point la créance de M. P à hauteur de la condamnation éventuelle prononcée contre lui.

DIMSON, par écritures du 14 février 2002, prie la cour de :

- dire et juger ce qu'il appartiendra sur la validité des droits dont se réclament à la fois M. F et la société PRETEL,

- en tirer les conséquences qu'il appartiendra sur la responsabilité de la société PRETEL dans la contrefaçon alléguée,

- à titre principal, sur l'action dirigée contre la concluante,

- dire et juger que DIMSON n'a jamais eu connaissance des droits éventuels de M.

F sur le brevet en question, et qu'elle n'a commis aucun acte dénotant une connivence ou une complicité dans la contrefaçon, qu'elle n'a pas fabriqué les objets contrefaits, qu'il échet de lui faire application de l'article L. 615-1 dernier alinéa du code de la propriété intellectuelle,

- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à la condamner solidairement avec quiconque à d'éventuels dommages et intérêts,

- condamner l'appelant à lui payer la somme de 30 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, au cas où par extraordinaire M. F serait reconnu titulaire du brevet litigieux et, contre toute attente, DIMSON serait jugée responsable de n'avoir pas vérifié l'authenticité et/ou la validité des titres dont se prévalait PRETEL, dire que PRETEL sera tenue de relever et garantir la concluante de toutes sommes mises à sa charge,

- dire que compte tenu de la mise en redressement judiciaire de PRETEL, la cour fixera sur ce point la créance de DIMSON à son égard au montant auquel elle sera condamnée en principal, intérêts et frais au profit de M. F,

- fixer également, en ce cas, la créance de DIMSON sur la société PRETEL à la somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PLEINE LUNE INTERNATIONALE qui avait, par écritures du 3 mars 2003 , pris des conclusions d'intervention volontaire accessoire, a repris de nouvelles écritures le 27 mars 2003 soit le jour de la clôture par lesquelles elle reprend des demandes identiques.

Elle prie en effet la cour de :

- "déclarer son intervention volontaire accessoire au soutien de l'argumentation de PRETEL recevable et bien fondée,

- Vu les articles 31 du nouveau Code de procédure civile,

- Vu les articles 1123 et 1131 du Code civil,

- Vu l'article 1591 du Code civil,

- déclarer la prétendue cession intervenue entre PLEINE LUNE INTERNATIONALE et M. F comme nulle, les actes dont se prévaut M. F provenant de personnes n'ayant pas qualité et capacité à céder le brevet,

- en toute hypothèse, nul de nullité absolue comme ne faisant aucune stipulation de prix en contrepartie et que dès lors la cession est parfaitement dépourvue de cause,

- en conséquence de la nullité, confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance attaqué en ce qu'il a débouté M. F de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile".

LUMIAIR, par écritures du 3 mars 2003 , demande à la cour de :

- vu le jugement du tribunal de grande instance,

- vu les conclusions prises tant par les sociétés PRETEL que PLEINE LUNE INTERNATIONALE ,

- confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

- débouter M. F de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner au paiement d'une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par écritures du 31 mars 2003 , M. F a demandé à la cour d'écarter comme tardives les conclusions signifiées par PLEINE LUNE INTERNATIONALE , le 27 mars 2003 , date du prononcé de l'ordonnance de clôture.

DECISION

Considérant que, bien que déposées le jour du prononcé de la clôture, les écritures de PLEINE LUNE INTERNATIONALE ne sauraient être écartées des débats dès lors qu'elles ne font que reprendre l'argumentation présentée le 3 mars 2003 par des écritures déposées non seulement en son nom mais en mentionnant également le nom de la société PRETEL ; que les écritures du 27 mars 2003 étant seulement rectificatives, la règle du contradictoire a été respectée ;

Considérant que, selon M. F, PRETEL est irrecevable à invoquer par voie d'exception la nullité de la cession du brevet n° 94 010099 réalisée à son profit, faisant valoir qu'il n'a aucun lien de droit avec cette société et que la nullité de l'article L 613-8 du CPI est une nullité relative de sorte que PRETEL n'a pas qualité à contester la validité d'un acte auquel elle n'est pas partie ; qu'il soutient que seule PLEINE LUNE INTERNATIONALE a qualité à remettre en cause la cession mais qu'elle ne peut plus le faire puisque l'action en nullité, y compris pour défaut de cause, est une nullité relative qui se prescrit par cinq ans ; que sa demande en nullité est, en raison de la prescription, également irrecevable ;

Mais considérant que l'effet relatif des contrats n'interdit pas aux juges de rechercher, dans un acte étranger à l'une des parties, des renseignements de nature à éclairer la décision ; que PRETEL qui soutient être elle-même cessionnaire du brevet qui lui est opposé, par un acte qui lui a été consenti par PLEINE LUNE INTERNATIONALE , est recevable dans son moyen de défense tiré de l'existence de cet acte, ayant un intérêt évident à déterminer quel acte de cession est régulier ;

Considérant qu'en outre, PLEINE LUNE INTERNATIONALE qui intervient accessoirement au soutien de la fin de non recevoir soulevée par l'intimée principale (PRETEL) ne saurait se voir opposer de manière pertinente la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil, puisqu'elle n'agit qu'au soutien de la demande reconventionnelle présentée par PRETEL afin de se défendre dans l'action en contrefaçon diligentée par M. F ; qu'elle est donc recevable dans son intervention accessoire ;

Considérant sur le bien fondé de l'appel, que si, comme le fait valoir exactement M. F, par un écrit du 19 octobre 1994 M. A (celui ci étant inventeur du brevet mais non propriétaire du brevet) et Mme H ont, non seulement en leur qualité d'associés de PLEINE LUNE INTERNATIONALE , mais, en ce qui concerne Mme H, en sa qualité de gérante de cette société (puisqu'elle a fait précéder sa signature de la mention "lu et approuvé, bon pour accord, la gérante"), qualité qu'elle avait bien à cette date selon les documents versés aux débats (extrait Kbis du 30 octobre 2000, extrait du BODACC du 24 février 1999 et procès-verbal de l'assemblée générale constituante du 19 septembre 1993), déclaré céder le brevet à M. F et qu'ainsi, Mme H avait bien qualité pour contracter au nom de la société, il subsiste que cet écrit ne comporte pas de prix et qu'il n'est pas signé par M. F ;

Qu'il ne peut en conséquence être retenu comme constituant une vente, puisqu'il n'est pas conforme aux dispositions de l'article 1591 du code civil ;

Considérant que la déclaration d'acceptation en date du 11 avril 1995 effectuée par M. F et signée uniquement par lui ne suffit pas à réparer l'irrégularité tenant au défaut de prix ; qu'en outre, cet acte est postérieur à l'acte de cession consenti par PLEINE LUNE INTERNATIONALE à PRETEL le 23 février 1995 pour un prix de 200 000 francs, dont l'antériorité à la déclaration d'acceptation ne peut être contestée puisque cet acte a été enregistré au centre des impôts de Grenoble le 23 mars 1995 ;

Considérant que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté l'inexistence de la cession de brevet à M. F enregistrée au Registre National des Brevets le 11 août 1995 ; que l'argumentation de M. F reposant sur la circonstance que la première cession inscrite au registre national des brevets est la seule valable n'est pas pertinente puisqu'il n'y a pas en l'espèce de cession à son bénéfice, étant au surplus rappelé que l'inscription au RNB n'a pas d'effet constitutif d'un droit de propriété mais un effet à l'égard des tiers rendant le titre publié opposable à ceux-ci ;

Considérant que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a dit irrecevable M. F en sa demande en contrefaçon puisqu'il ne dispose pas de droit sur le brevet ; que les demandes subsidiaires des intimées et intervenants n'ont pas lieu d'être examinées ;

Considérant que, pas plus en appel qu'en première instance, PRETEL ne justifie d'un préjudice qui résulterait d'un arrêt dans la commercialisation des ballons d'éclairage en cause qui serait lié à la procédure diligentée par M. F ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à chacun des intimés et intervenants la somme de 1000 euros pour les frais d'appel non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS :

Dit recevables les écritures du 27 mars 2003 de la société PLEINE LUNE INTERNATIONALE ;

Dit recevable la société PLEINE LUNE INTERNATIONALE SARL dans son intervention volontaire à titre accessoire ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

Condamne M. F à payer à chacune des personnes ci-après dénommées, SARL PLEINE LUNE INTERNATIONALE , PRETEL et ses administrateurs (Maître F et Maître J), M. P, DIMSON et LUMIAIR la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais d'appel,

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne M.

F aux entiers dépens ;

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés par les avoués concernés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.