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Décisions

ARCEP, 9 décembre 2008, n° 20-08.136

ARCEP

se prononçant sur un différend opposant les sociétés Intercâble Réunion SAS et France Télécom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Champsaur

Membre :

M. Rapone, M. Bridoux, M. Curien, M. Raude, Mme Toledano, Mme Gauthey

Avocat :

Me Montravers

ARCEP n° 20-08.136

9 décembre 2008

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive "cadre") ;

Vu la directive 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques aux ressources associées ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles, L. 32 8°, L. 34-8, L. 36-8 ;

Vu l’arrêté du 12 mars 1998 modifié autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu la décision n° 2008-0835 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après « Autorité ») en date du 24 juillet 2008 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d’accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;

Vu le récépissé de déclaration n° 07-0422 du 13 février 2007 qui atteste que la société Intercâble Réunion déclare son intention de fournir des réseaux et des services de communications électroniques au public ;

Vu le règlement intérieur de l’Autorité, modifié par la décision n° 2007-0705 de l’Autorité en date du 26 juillet 2007 ;

Vu la demande de règlement d’un différend enregistrée à l'Autorité le 28 août 2008, présentée par la société Intercâble Réunion SAS, RCS de Saint Denis (Réunion) 493 723 712, dont le siège social est situé 39 rue Pierre Brossolette, 97420 Le Port, représentée par Maître Stephen Montravers du Cabinet Montravers & Partners ;

- Sur les demandes

Présentation des faits

La société Intercâble Réunion SAS (ci-après « Intercâble») indique qu’elle est un opérateur de communications électroniques autorisé en vertu de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE ») à établir et exploiter des réseaux ouverts au public, ainsi qu’à fournir des services de communications électroniques.

Intercâble précise qu’elle construit et exploite un réseau de communications électroniques qui desservira à terme 80% du territoire de l’Ile de la Réunion d’ici à 5 ans et permettra de proposer des offres « triple play » aux Réunionnais apportant ainsi une offre concurrentielle face notamment à France Télécom, seul opérateur à la Réunion pouvant aujourd’hui proposer des offres « triple play ».

Conformément à la réglementation en vigueur, Intercâble indique qu’elle a procédé aux demandes de permissions de voirie auprès des municipalités concernées et a ensuite adressé les déclarations d’intention de travaux à l’ensemble des exploitants d’ouvrages, notamment France Télécom, concernés par la mise en place du réseau câblé.

Intercâble ajoute que France Télécom a donc adressé en avril 2007 un projet de convention cadre de location de ses fourreaux mais les conditions tarifaires et les modalités contractuelles ne lui convenant pas, la convention n’a pas été signée. Intercâble explique qu’en dépit de l’absence de signature de cette offre de liaison de génie civil, elle a décidé de déployer ses câbles et équipements sur les communes concernées.

Intercâble indique que, le 25 avril 2008, elle s’est vue mise en demeure par France Télécom afin qu’elle cesse tout déploiement dans ses infrastructures de génie civil, qu’elle lui transmette les plans de son réseau déjà déployé et qu’elle signe les conventions de location du génie civil sur le domaine public routier (LGC-DPR) et de location du génie civil dans les zones d’aménagement concertées (LGC-ZAC).

Faisant suite à cette mise en demeure, Intercâble explique avoir entamé des négociations avec France Télécom afin de proposer que certaines modifications soient intégrées dans les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC. Intercâble s’est vue opposer un refus de la part de France Télécom sur l’essentiel des ces demandes. Intercâble explique que dans ce contexte, et sous la menace de devoir déposer son réseau déjà déployé, elle a signé les dites conventions le

9 juin 2008. Intercâble indique également avoir stoppé tout déploiement dans les infrastructures de France Télécom à partir du 26 mai 2008 et avoir transmis à France Télécom tous ses plans d’ingénierie ainsi que la liste et adresses de ses équipements et mobiliers installés sur le territoire des communes.

Intercâble constate que malgré sa bonne volonté, France Télécom envoie une nouvelle mise en demeure le 7 juillet 2008. Intercâble indique que face à la menace de la dépose de l’ensemble de son réseau et des conséquences irrémédiables sur sa viabilité financière, elle assigne, le 4 août 2008, France Télécom aux fins de mise en œuvre immédiate de la procédure de règlement amiable conformément aux dispositions de l’article 33 des Conventions cadres de LGC et ordonner la suspension des effets de la mise en demeure du 7 juillet 2008 devant le Tribunal de Commerce de Paris.

Intercâble indique que France Télécom, de son côté, délivre, le 6 août 2008 une assignation devant le Tribunal Mixte de Commerce de Saint Denis de la Réunion pour une audience le   27 août 2008.

Intercâble souligne que c’est dans ce contexte qu’elle a saisi l’Autorité d’une demande de règlement de différend sur le fondement de l’article L. 36-8 du CPCE.

La saisine

La société Intercâble Réunion SAS demande à l'Autorité :

- d'imposer à France Télécom d'offrir à Intercâble, via les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC un accès à ses infrastructures de génie civil dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires ;

- d'imposer à France Télécom de respecter les engagements contractuels pris en exécutant de bonne foi les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC qu'elle a signé avec Intercâble.

II  -      Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

Intercâble souligne que la présente affaire s’inscrit dans le contexte du blocage des négociations commerciales et d’un désaccord des sociétés Intercâble et France Télécom sur l’exécution d’une convention d’accès à un réseau de télécommunications.

Intercâble constate que les différents courriers font incontestablement état du refus de France Télécom de répondre aux demandes raisonnables d’Intercâble de négociation des conditions techniques et financières des contrats conclus pour l’accès à son réseau de télécommunications et d’exécuter de bonne foi les conventions d’accès à son génie civil qu’elle a pourtant imposée à Intercâble et ce sans aucune marge de négociation.

Intercâble indique que ces différents courriers matérialisent l’échec des négociations entre les parties. Intercâble précise que France Télécom s’est retranchée derrière le principe de non discrimination pour refuser l’essentiel des modifications appelées de ses vœux dans les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC. Ainsi, Intercâble explique que France Télécom lui a indiqué que la marge de négociation sur les conventions type LGC-DPR et LGC–ZAC était inexistante sur les problématiques techniques et tarifaires.

Intercâble estime que ces échanges matérialisent l’échec des négociations.

Sur la compétence de l’Autorité

Intercâble indique que les conventions d’accès LGC-DPR et LGC-ZAC répondent à la qualification d’une offre d’accès au sens de l’article L. 34-8-I 1er alinéa du CPCE. En effet, Intercâble précise que les prestations offertes par France Télécom dans les conventions conclues entre les parties entrent bien dans la définition d’une prestation d’accès à un réseau de communications électroniques au sens de l’article L. 32 du CPCE.

III  -     Sur le fond

Sur les conditions techniques et tarifaires d’accès au réseau de France Télécom

Intercâble indique que la décision n° 2008-0835 du 24 juillet 2008 reconnaît officiellement les infrastructures appartenant à France Télécom comme des infrastructures essentielles et l’obligation pour celle-ci de proposer des offres de location d’infrastructures de génie civil permettant à la fois une loyale concurrence, des conditions techniques et tarifaires adaptées aux opérateurs demandeurs mais également d’obliger France Télécom à fournir la documentation de son réseau, élément préalable indispensable pour tout projet de développement d’un réseau tel que celui d’Intercâble.

Intercâble souligne que France Télécom se prévaut du fait qu’elle ne peut négocier les contrats cadre signés avec Intercâble sans risquer de « discriminer » les autres opérateurs. Intercâble précise que l’obligation de non discrimination est prévue par l’article L. 38-I 2° du CPCE qui prévoit la possibilité d’imposer une obligation de non discrimination à un opérateur réputé exercer une influence significative. Intercâble ajoute que l’article D. 309 du code précité précise que les obligations de non discrimination imposent aux opérateurs d’appliquer « des conditions équivalentes dans les circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents et qu’ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu’ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires ».

Intercâble constate que France Télécom ne communique pas les conventions signées avec les autres opérateurs et ne prouve pas que ces opérateurs sont dans la même situation qu’Intercâble et qu’ils fournissent des services équivalents.

Intercâble fait remarquer que France Télécom aurait des difficultés à prouver ce dernier point étant donné qu’Intercâble est le seul opérateur alternatif qui propose de fournir du triple play sur l’île de la Réunion.

Intercâble estime que France Télécom dénature l’obligation de non discrimination issue des termes de la décision n° 2008-0835 de l’Autorité du 24 juillet 2008 qui a pour objectif d’éviter que France télécom offre à ses concurrents des conditions techniques ou tarifaires moins avantageuses que celles qu’elle s’accorde à elle-même, à ses filiales ou à ses partenaires, afin de renforcer sa position sur le marché de détail.

Intercâble ajoute que les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC qu’elle a été contrainte de signer comportent, en plus des tarifs exorbitants, des nombreuses dispositions qui ne sont pas adaptées à la création d’un réseau FTTh desservant à terme 50% des foyers réunionnais.

Sur l’exécution des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC

Intercâble constate qu’après la signature des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC en juin 2008, France Télécom l’a mis en demeure le 7 juillet 2008 afin qu’elle cesse tout nouveau déploiement dans son génie civil. Intercâble indique que cette mise en demeure s’appuie sur la base d’un constat d’huissier du 27 juin 2008. Au terme de cette mise en demeure, Intercâble doit cesser tout déploiement sans autorisation de France Télécom, communiquer l’audit exhaustif des déploiements effectués à cette date et procéder à la dépose de son réseau.

Intercâble estime qu’il y a un différend concernant l’exécution des conventions d’accès au génie civil de l’opérateur historique, qui n’a jamais négocié de bonne foi ces conventions avec Intercâble. France Télécom a été contrainte de signer sous la pression du Conseil de la concurrence et de l’Autorité et son seul objectif est, via un recours judiciaire devant le Tribunal de commerce de Saint Denis, d’écarter son unique concurrent direct sur l’île de la Réunion, ou de freiner autant que possible son développement.

Sur le caractère raisonnable des demandes d’Intercâble

Intercâble rappelle que l’article L. 34-8 II du CPCE impose à tous les exploitants de réseaux ouverts au public de faire droit aux demandes d’accès qui leur sont faites. Intercâble indique que les conditions dans lesquelles doit se faire cet accès s’analysent par une lecture combinée de différentes dispositions du CPCE, notamment l’article L. 34-8 I et l’article D. 99-10 du CPCE. Ces modalités doivent également respecter les objectifs définis à l’article L. 32-1, à savoir, entre autres, garantir des conditions égales de concurrence et qui soient bénéfiques aux consommateurs.

Intercâble estime que les offres d’accès de France Télécom, en sa qualité d’opérateur fournissant l’accès à son réseau de communications électroniques, doivent donc être des conditions équitables, raisonnables et non-discriminatoires.

Intercâble ajoute qu’il ne fait aucun doute que les conditions techniques et financières imposées par France Télécom violent ces principes et qu’elles ont pour conséquence « d’empêcher un opérateur efficace de faire des offres concurrentes à celles proposées » par France Télécom.

Intercâble estime donc qu’il appartient à l’Autorité d’imposer à France Télécom de lui offrir, via les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC un accès à ses infrastructures de génie civil dans des conditions équitables, raisonnables et non-discriminatoires.

Vu les observations en défense enregistrées le 26 septembre 2008, présentées par la société France Télécom, RCS Paris n° 380 129 866, dont le siège social est situé 6 place d’Alleray 75505 Paris cedex 15 ;

- Sur les demandes

Présentation des faits

France Télécom fait remarquer le caractère volontairement parcellaire et manifestement contradictoire de la présentation des faits effectuée par Intercâble.

France Télécom précise qu’Intercâble n’a jamais informé France Télécom d’un quelconque désaccord sur les conditions contractuelles concernant les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC qui lui ont été envoyés en avril 2007 ni sa volonté de négocier les conditions d’entrée dans le génie civil de France Télécom.

France Télécom ajoute qu’Intercâble a choisi d’investir le génie civil de France Télécom en s’affranchissant totalement des contraintes qui sont pourtant imposées à l’ensemble des acteurs du marché.

France Télécom estime qu’Intercâble disposait, dès 2007, de la faculté à la fois d’engager des discussions avec France Télécom et de saisir l’Autorité d’un éventuel désaccord sur les conditions techniques et tarifaires. France Télécom souligne qu’Intercâble reconnaît avoir signé des accords avec la Région et certains gestionnaires immobiliers, propriétaires d’infrastructures, et qu’elle ne peut donc nier avoir eu toute la connaissance nécessaire du périmètre des infrastructures qu’elle a investit au titre de ces contrats et donc à contrario de celui pour lequel elle ne disposait d’aucun droit.

C’est dans ces conditions que France Télécom indique qu’elle a adressé une mise en demeure à Intercâble le 25 avril 2008.

France Télécom précise qu’afin d’encadrer les futurs déploiements d’Intercâble les modèles de conventions LGC-DPR et LGC-ZAC avaient été adressés à Intercâble dès le 25 avril 2008.

Ces conventions qui ne disposaient que pour l’avenir, ont finalement été signées les 9 et 17 juin 2008 et pris effet à compter de cette date.

France Télécom ajoute qu’elle a constaté des dégradations sur son génie civil le 27 juin 2008, notifiées dans un rapport d’huissier, et a pris la décision le 7 juillet 2008 d’envoyer une mise en demeure concernant l’exécution des conventions signées.

France Télécom constate que l’ordonnance du 14 août 2008 du Tribunal de commerce de Paris, devant lequel Intercâble avait assigné France Télécom suite à sa mise en demeure, a confirmé que les conventions visées par le présent règlement de différend, dès lors qu’il porte sur les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC, ne peuvent concerner que les déploiements postérieurs à leur signature.

France Télécom précise que de son côté elle a assigné le 6 août 2008 Intercâble devant le Tribunal de commerce de Saint Denis de la Réunion afin de mettre un terme aux interventions illicites sur ses infrastructures lors de la période précédant la signature des deux conventions LGC-DPR et LGC-ZAC les 9 et 17 juin 2008.

France Télécom constate qu’Intercâble cherche par tous les moyens à peser sur les débats devant les autorités judiciaires en saisissant l’Autorité d’une question qui fait d’ores et déjà l’objet d’une mesure de conciliation.

La saisine

France Télécom demande à l’Autorité de déclarer la saisine d’Intercâble irrecevable en ce qu’elle méconnait les dispositions du CPCE en la matière et de rejeter l’ensemble des prétentions d’Intercâble.

II  -      Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

France Télécom indique qu’il est difficile pour Intercâble de soutenir qu’elle n’aurait pas accepté les conditions des conventions signées avec France Télécom puisqu’elle les a signées sans réserves et ne les as pas dénoncées depuis. France Télécom explique que si Intercâble n’avait pas accepté certaines dispositions des conventions, elle n’en n’a tiré aucune conséquence sur le plan contractuel.

France Télécom ajoute qu’Intercâble a précisément engagé une procédure devant le Tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir la pérennisation des droits et obligations des parties au titre des dites conventions. France Télécom relève que le seul point de désaccord matérialisé postérieurement à la signature des conventions entre les parties se limite, non pas aux conditions techniques et tarifaires de la prestation, mais au constat par France Télécom du non-respect par Intercâble des conditions contractuelles en vigueur.

Sur la compétence de l’Autorité

France Télécom indique que la saisine d’Intercâble porte exclusivement sur les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC dont le périmètre est cantonné aux déploiements postérieurs à leur signature.

D’ailleurs, France Télécom souligne que le Tribunal de commerce de Paris a confirmé dans son ordonnance du 14 août 2008 « que les conventions signées en juin 2008 n’ont pas traité les litiges antérieurs à la signature des conventions ». Conjointement à ce constat sur le périmètre des conventions le Tribunal a ordonné une mesure de conciliation sur l’exécution des dites conventions qui interdit de facto la reconnaissance d’un litige entre les parties.

France Télécom estime donc que l’Autorité ne peut connaître du présent litige, alors qu’une conciliation sur l’interprétation des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC est en cours entre les mêmes parties et que le Tribunal de commerce de Paris reste valablement saisi.

France Télécom rappelle que selon une pratique décisionnelle constante de l’Autorité, les conditions de recevabilité doivent être appréciées « à la date de la demande ». Or, France Télécom fait remarquer qu’Intercâble ne démontre pas dans sa saisine qu’un désaccord existerait entre les parties à la date de la saisine et confirme par la communication d’un courrier du 1er septembre 2008 que la conciliation est en cours et porte bien sur les conventions prétendument en litige devant l’Autorité.

III  -     Sur le fond

Sur les conditions techniques et tarifaires d’accès au réseau de France Télécom

France Télécom souhaite rappeler que l’obligation visée à l’article D. 309 du CPCE ne concerne que les offres d’interconnexion et d’accès donnant lieu à une régulation ex ante, ce qui n’est pas le cas des offres LGC-DPR et LGC-ZAC.

France Télécom ajoute que dès lors qu’elle satisfait à ses obligations de publication de l’offre d’accès à ses infrastructures de génie civil adaptée au déploiement de la fibre optique, l’existence de conventions LGC-DPR et LGC-ZAC ne constitue aucunement l’indice de non-respect des dispositions réglementaires encadrant la nouvelle offre.

France Télécom note que cette nouvelle offre a fait l’objet d’échanges multilatéraux avec l’ensemble des opérateurs sous l’égide de l’Autorité et doit permettre de répondre aux demandes d’accès raisonnables, afin notamment de garantir des conditions d’accès aux fourreaux maximisant l’utilisation de ces derniers par des tiers.

France Télécom estime qu’Intercâble ne peut valablement invoquer le non respect de la décision n°08-0835 par les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC sauf à considérer que la décision aurait pour effet de modifier rétroactivement des conventions signées entre opérateurs et sauf à exposer ses propres déploiements au respect de conditions d’ingénierie n’autorisant pas par exemple le déploiement de câble coaxial dans les fourreaux.

France Télécom rappelle également que l’Autorité a explicité la portée de l’obligation de non discrimination dans sa décision n° 2008-0835 en application de laquelle France Télécom a publié son offre de référence le 15 septembre 2008.

France Télécom ajoute qu’en dehors de la publication d’une offre de référence dont les modalités techniques et tarifaires sont a priori connues du marché, qu’il ne saurait être question de communiquer à un opérateur les conventions signées avec des tiers comme le requiert Intercâble. L’institutionnalisation entre les acteurs du marché d’une telle transparence serait incompatible avec les règles de concurrence en matière d’entente et contreviendrait tout aussi certainement aux dispositions de l’article D. 99-6 du CPCE qui prévoient « (…) Les opérateurs disposant d’informations dans le cadre d’une négociation ou de la mise en œuvre d’un accord d’interconnexion ou d’accès ne peuvent les utiliser qu’aux seules fins explicitement prévues lors de leur communication ».

Sur l’exécution des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC

France Télécom indique avoir constaté après la signature des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC le déploiement de nouveaux câbles dans une chambre lui appartenant en dehors du cadre défini par les conventions. France Télécom explique avoir fait procéder à un constat par huissier de ce que des travaux avaient été entrepris sur son génie civil sans qu’elle en soit informée alors même que les conventions signées prévoient qu’elle le soit systématiquement. En conséquence, France Télécom indique avoir adressé un courrier de mise en demeure à Intercâble concernant l’exécution des conventions signées.

France Télécom ajoute, que le désaccord entre les parties postérieurement à la signature des conventions, ne porte pas sur les conditions techniques et tarifaires auxquelles Intercâble a souscrit, mais sur le non respect par Intercâble des conditions contractuelles en vigueur.

Sur le caractère raisonnable des demandes d’Intercâble

France Télécom estime que les critiques d’Intercâble sur les conditions concurrentielles sont sans fondement. Le Conseil de la concurrence a d’ailleurs souligné la responsabilité particulière de France Télécom en ce qui concerne le contrôle du respect par les opérateurs des conditions d’accès à son génie civil qui leur sont consenties.

France Télécom constate qu’Intercâble qui a investi, sans droit ni titre, des infrastructures de génie civil qui ont vocation à accueillir l’ensemble des opérateurs, perturbe en réalité directement l’application des conditions non discriminatoires entre ces mêmes opérateurs. C’est pourquoi, France Télécom a entrepris de saisir le Tribunal de commerce de Saint-Denis de la Réunion afin de garantir rapidement l’intégrité du réseau et des conditions d’accès à ce dernier.

France Télécom ajoute que dans la mesure où Intercâble déploie un réseau hybride, fibre en transport et coaxial en distribution, elle ne peut bénéficier de conditions d’accès au génie civil relevant de la décision n° 2008-0835 de l’Autorité, cette décision s’appliquant au déploiement de câbles en fibre optique.

Vu la pièce complémentaire adressée par Intercâble et enregistrée à l’Autorité le 19 septembre 2008 ;

Vu les observations en réplique enregistrées le 10 octobre 2008 présentées par la société Intercâble Réunion SAS ;

I  - Sur les demandes

Présentation des faits

Intercâble note que France Télécom ose soutenir dans ses observations qu’il n’existe aucun litige entre les deux sociétés.

Intercâble souhaite préciser qu’elle est dans une situation financière dramatique, que sa pérennité est menacée et estime que sa demande d’accès aux infrastructures de France

Télécom est légitime et souhaite donc faire un rappel précis du contexte contractuel et des procédures judiciaires en cours.

Intercâble ajoute à ses premières observations que France Télécom n’apportait pas la preuve de la propriété de ses fourreaux, ceux-ci n’étant pas identifiés et refusait de manière totalement discrétionnaire de lui communiquer ses titres de propriété, et de préciser la localisation de ses infrastructures.

Intercâble précise que forte des conventions d’utilisation des conduits déjà signées avec les bailleurs sociaux, les collectivités locales et la Région et en l’absence de preuve de la propriété des fourreaux fournie par France Télécom, elle partait du principe que les infrastructures appartenaient aux communes.

Intercâble souligne qu’à compter du mois de mars 2008, France Télécom faisait réaliser un certain nombre de constats au terme desquels, il lui était reprocher d’utiliser ses infrastructures, sans pour autant apporter la preuve de leur propriété et par suite, France Télécom adressait le 25 avril 2008 un courrier de mise en demeure.

Intercâble indique qu’elle a répondu à la mise en demeure le 30 avril 2008, que le 22 mai 2008 les parties se sont retrouvées au siège de la Direction des ventes et services clients aux opérateurs nationaux de France Télécom et qu’à la suite de cette réunion France Télécom adressait le 23 mai 2008 un courrier recommandé par lequel elle prenait acte de la volonté d’Intercâble de signer l’offre de location de génie civil en réitérant sa volonté de ne pas appliquer de conditions d’accès différentes à celles appliquées aux autres opérateurs. France Télécom exigeait également l’arrêt immédiat de tout nouveau déploiement du réseau ainsi que la signature des deux conventions LGC-DPR et LGC-ZAC sous huitaine.

Intercâble explique que sous la menace de devoir déposer son réseau déjà déployé, elle a  signé les dites conventions le 9 juin 2008. Intercâble indique également avoir stoppé tout déploiement dans les infrastructures de France Télécom à partir du 26 mai 2008 et avoir transmis à France Télécom tous ses plans d’ingénierie ainsi que la liste et adresses de ses équipements et mobiliers installés sur le territoire des communes.

Intercâble indique avoir ensuite reçu de la part de France Télécom une nouvelle mise en demeure le 7 juillet 2008, cette dernière lui reprochant notamment des interventions sur son génie civil ne respectant pas les règles des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC. Intercâble indique que le courrier de France Télécom la menace alors de la contraindre à la dépose de son réseau.

Intercâble rappelle que c’est dans ce contexte qu’elle a demandé, le 4 août 2008, au Tribunal de commerce de Paris de mettre en œuvre la procédure de conciliation afin de pouvoir exécuter les contrats LGC signés et donc de continuer à déployer ses fibres et à exploiter son réseau de télécommunications et qu’elle a saisi par courrier du 22 août 2008 l’Autorité d’une demande de règlement de différend.

Intercâble indique que le 17 septembre 2008 les parties se sont réunies pour une réunion de conciliation. Lors de cette réunion de conciliation, Intercâble s’est dite prête à élargir la mission du conciliateur afin qu’une solution amiable soit trouvée au plus vite afin qu’elle puisse reprendre le déploiement de son réseau et France Télécom prenait note de cette proposition et indiquait qu’en l’absence d’un représentant habilité à prendre une décision en ce sens, elle allait répercuter la proposition d’Intercâble auprès de sa direction.

Intercâble précise que France Télécom a refusé, le 2 octobre 2008, l’élargissement de la mission de conciliation et que de toute évidence France Télécom voulait attendre la décision du Tribunal Mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion pour donner sa position.

Intercâble ajoute que le Tribunal de commerce de Saint Denis de la Réunion a débouté, le 8 octobre 2008, France Télécom de ses demandes de dépose du réseau d’Intercâble, s’estimant incompétent.

La saisine

La société Intercâble Réunion SAS, complète ses demandes initiales. Elle demande à l’Autorité :

- d’enjoindre à France Télécom de proposer des conventions d’accès à son infrastructure de génie civil et à sa boucle locale qui soient adaptées aux besoins d’Intercâble, dans des conditions tarifaires et techniques raisonnables et non discriminatoires et en conformité avec ses obligations telles que définies par le CPCE et l’Autorité ;

- d’enjoindre à France Télécom - si l’Autorité considère que les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC sont adaptées aux besoins d’Intercâble – de modifier les dites conventions conformément aux amendements proposés à France Télécom par Intercâble et dans tous les cas dans des conditions administratives, tarifaires et techniques équitables, transparentes et non discriminatoires ;

- d’enjoindre à France Télécom conformément aux  obligations figurant dans la décision   n° 2008-0835 de transmettre à Intercâble des informations préalables sur l’état de ses infrastructures de génie civil (plan de réseau, fiche d’occupation des alvéoles) et le cas échéant, qu’elle procède à la désaturation de son réseau ;

- de désigner un expert ayant pour mission de recenser et déterminer la propriété des infrastructures de génie civil appartenant à France Télécom, de dresser un rapport précis sur la localisation et la nature de ces dernières, de donner son avis sur leur état technique d’entretien et de conformité, d’auditer, en procédant aux tests techniques indispensables, la disponibilité réelle desdites infrastructures et leur degré de saturation et enfin de donner son avis sur la disponibilité des infrastructures de génie civil appartenant à France Télécom.

II  -      Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

Intercâble indique qu’il y a eu désaccord entre les parties, d’une part lors de la négociation commerciale des conventions LGC, et d’autre part lors de l’exécution de ces conventions.

Intercâble souligne qu’il y a eu un désaccord formel relatif à la négociation commerciale des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC, et que l’ensemble des propositions formulées par Intercâble ont été refusées par France Télécom obligeant son cocontractant à signer telles quelles les conventions dans un délai de 8 jours et sous la menace de la dépose de son réseau.

Intercâble ajoute que France Télécom, postérieurement à la signature des conventions, a rapidement décidé de les résilier. Pour Intercâble, France Télécom n’a signé ces conventions que pour la forme et n’a jamais eu l’intention de les exécuter loyalement et de bonne foi.

Intercâble constate que l’ensemble des procédures contentieuses mises en œuvre devant le Tribunal de commerce de Paris et de Saint Denis de la Réunion démontrent qu’il y avait bien un désaccord formel entre les parties.

Sur la compétence de l’Autorité

Intercâble précise que l’ordonnance du 14 août 2008 du Tribunal de commerce de Paris ne fait pas obstacle au constat d’un litige entre les parties. En outre, selon Intercâble, France Télécom ne peut soutenir qu’aucun différend n’existe au moment de la saisine de l’Autorité en cela que ce différend constitue précisément la source du litige entre les parties justifiant la mission du conciliateur nommé par le Tribunal de commerce de Paris.

Intercâble ajoute que l’argument selon lequel la saisine du Tribunal de commerce constituerait un obstacle à la compétence de l’Autorité est inopérant dans la mesure où Intercâble a saisi l’Autorité sur le fond des dites conventions alors que le Tribunal de commerce de Paris a été saisi en référé pour faire cesser le dommage imminent qu’aurait entraîné la résiliation des conventions.

Intercâble précise ainsi que les deux procédures en cours ont deux fondements différents et le fait que le Tribunal de commerce de Paris soit concomitamment saisi ne saurait faire obstacle à la compétence de l’Autorité sur l’article L. 36-8 du CPCE.

Intercâble souligne que l’Autorité a retenu sa compétence dans des différends où d’autres juridictions ont été saisies par les mêmes parties sur des fondements juridiques distincts (décision n° 01-0253 Liberty Surf Télécom et décision n° 06-0350 Antalis TV).

III  -  Sur le fond

Intercâble indique que la décision n° 2008-0835 du 24 juillet 2008 s’applique au présent litige. Intercâble souhaite démontrer que les offres de France Télécom ne sont pas adaptées à ses besoins et que France Télécom ne saurait donc aujourd’hui prétendre que ladite décision ne pourrait s’appliquer aux relations entretenues avec Intercâble.

Sur les conditions techniques et tarifaires d’accès au réseau de France Télécom

Intercâble souligne que France Télécom lui a proposé des conventions inadaptées à ses besoins puisque dans sa consultation publique sur la situation concurrentielle des fourreaux, l’Autorité souligne que l’offre LGC-DPR est utilisée par des opérateurs tiers pour des besoins ponctuels. Or, Intercâble n’est pas un opérateur ponctuel et n’est pas un opérateur professionnel puisque ses offres sont majoritairement destinées aux particuliers.

A ce titre, Intercâble rappelle que dans sa réponse à la consultation publique précitée, elle avait indiqué que l’offre LGC-DPR était financièrement trop lourde à supporter dans le cadre d’un projet d’ampleur. Intercâble ajoute qu’elle se fonde également d’une part sur les réponses apportées par les opérateurs tiers à la consultation publique, qui montraient que ces derniers considéraient les offres d’accès aux fourreaux de France Télécom comme insatisfaisantes, et d’autre part sur la décision de l’Autorité du 12 février 2008 dans laquelle elle considérait que l’offre LGC-DPR était inappropriée pour le déploiement d’une nouvelle boucle locale en fibre optique.

Intercâble s’interroge donc sur les raisons pour lesquelles France Télécom ne lui a pas proposé son offre d’accès expérimentale à ses infrastructures de génie civil qu’elle s’était engagée à proposer en septembre 2007 pour permettre le déploiement d’un réseau très haut débit en fibre optique par un opérateur tiers.

En réponse à l’argument de France Télécom qui soutient qu’Intercâble ne peut évoquer la décision n° 2008-0835 de l’Autorité sauf à considérer que cette décision aurait pour effet de modifier rétroactivement des conventions signées entre opérateurs, Intercâble précise que l’Autorité est habilitée à modifier rétroactivement les conventions signées entre France Télécom et Intercâble au regard des obligations prévues dans la décision n° 2008-0835 et en tout état de cause en équité.

Intercâble ajoute que France Télécom ne peut soutenir que la seule obligation qui lui est imposée est celle de publier une offre de référence. Intercâble rappelle qu’au regard de l’article D. 307 II) du CPCE, il ressort que la publication d’une offre de référence imposée par l’Autorité est l’obligation minimale que doit respecter un opérateur exerçant une influence significative tel que France Télécom et que l’Autorité peut à tout moment imposer des modifications à cette offre et que France Télécom ne peut invoquer l’existence d’une offre de référence pour refuser d’engager des négociations commerciales.

Sur l’exécution des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC

Intercâble rappelle son incompréhension devant la mise en demeure de France Télécom qu’elle estime injustifiée, France Télécom lui demandant de cesser tout déploiement sans autorisation expresse alors qu’Intercâble a cessé tout déploiement depuis le 26 mai 2008. Intercâble indique que les conventions signées n’ont pas pu être exécutées en pratique et qu’à compter de leurs signatures aucun déploiement n’a pu être effectué par Intercâble.

Intercâble estime donc qu’un différend existe sur l’exécution des conventions d’accès au génie civil de l’opérateur historique. Intercâble souligne que le seul objectif de France Télécom est, via un recours judiciaire devant le Tribunal de commerce de Saint Denis de la Réunion, d’écarter son unique concurrent direct sur l’île de la Réunion, ou de freiner autant que possible son développement.

Sur le caractère raisonnable des demandes d’Intercâble

Intercâble rappelle que dans sa décision n°08-D-02, le Conseil de la concurrence a considéré qu’au regard de la détention d’infrastructures de génie civil, France Télécom ne doit pas fausser le jeu de la concurrence sur les marchés naissants du très haut débit en se réservant une utilisation de ses infrastructures qu’elle refuserait à ses concurrents ou en ouvrant leur accès de façon discriminatoire.

Intercâble constate que d’une part France Télécom, en ne lui permettant pas d’exploiter son réseau déjà déployé et d’effectuer de nouveaux déploiements cherche à empêcher un concurrent de faire son entrée sur l’île de la Réunion ; et d’autre part, France Télécom instrumentalise les différentes procédures judiciaires pour retarder au maximum l’entrée d’Intercâble sur le marché du très haut débit.

Intercâble réfute l’argument au moyen duquel France Télécom soutient que le déploiement du réseau d’Intercâble, en ce qu’il comporte des segments de câble coaxial, ne pourrait se faire dans les conditions fixées par la décision n° 2008-0835 de l’Autorité. Intercâble rappelle que dans cette même décision, l’Autorité a souligné le principe de neutralité technologique précisant que « les modalités de l’accès aux infrastructures de génie civil ne doivent pas venir limiter artificiellement la possibilité pour les opérateurs de déployer leurs propres réseaux de boucle locale optique, quels que soient leur choix technologiques conformément au principe de neutralité technologique, éventuellement en parallèle  du  déploiement  de  France Télécom ».

Vu le courrier de l’adjoint au chef du service juridique en date du 13 octobre 2008 adressé aux parties leur transmettant le questionnaire des rapporteurs et fixant au 20 octobre 2008 la clôture des réponses ;

Vu la pièce complémentaire adressée par Intercâble et enregistrée à l’Autorité le 15 octobre 2008 ;

Vu les réponses apportées par les sociétés Intercâble Réunion SAS et France Télécom au questionnaire des rapporteurs enregistrées le 20 octobre 2008 ;

Vu la demande de délai de réponse aux écritures de la société Intercâble Réunion SAS présentée par France Télécom le 23 octobre 2008 ;

Vu les observations en réplique enregistrées le 29 octobre 2008 présentées par la société France Télécom ;

-   Sur les demandes Présentation des faits

France Télécom fait remarquer que par un étrange renversement des rôles, Intercâble prétend subir un préjudice du seul fait qu’elle est engagée dans une relation contractuelle avec France Télécom sur l’exécution des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC signées le 17 juin 2008.

France Télécom souligne qu’elle ne répondra pas point par point aux écrutures d’Intercâble mais démontrera l’absence de sérieux de la description faite par cet opérateur d’une part du déroulement de la procédure devant les tribunaux de commerce, et d’autre part des discussions commerciales engagées avec France Télécom.

France Télécom conteste l’affirmation d’Intercâble selon laquelle aucune négociation n’aurait été possible en avril 2007, à la transmission des conditions contractuelles des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC.

France Télécom précise qu’Intercâble n’a pas entamé de discussions avec la Division Opérateurs (DIVOP) sur les conditions d’accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom avant avril 2008.

France Télécom souligne qu’en tout état de cause l’existence de telles discussions n’aurait aucunement pu justifier qu’Intercâble déploie hors de tout cadre contractuel ses équipements dans les infrastructures de France Télécom.

France Télécom ajoute que l’ordonnance du 14 août 2008 du Tribunal de commerce de Paris a indiqué que les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC pour lesquelles un litige lui était soumis, n’encadraient que les déploiements futurs.

France Télécom précise qu’elle a procédé par voie d’huissier à des constats sur ses propres infrastructures afin d’évaluer l’ampleur des déploiements effectués par Intercâble sans aucun droit ni titre, dans la mesure où aucune convention n’encadrait, ni avant ni après le 17 juin 2008, ces occupations illicites.

France Télécom indique que, compte tenu de l’impossibilité d’obtenir une information exploitable sur les déploiements d’Intercâble, et faute de pouvoir s’assurer du respect des conventions signées, elle a choisi de mettre en demeure Intercâble et de saisir le Tribunal de commerce de Saint Denis de la Réunion.

France Télécom rappelle qu’elle a proposé à Intercâble la signature des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC alors même qu’Intercâble avait déjà déployé illicitement des câbles dans ses infrastructures et que les obligations de la décision n° 2008-0835 n’étaient pas en vigueur.

France Télécom fait remarquer que ses efforts pour ne pas fermer toute possibilité à une discussion ont été mis à profit par Intercâble pour proroger sine die une situation dont elle tire partie, celle-ci lui permettant de s’exonérer de toute charge pour l’occupation du génie civil de France Télécom dans une période où sa capacité financière est dégradée du fait de facteurs externes ainsi que le démontre son rapport de gestion du 30 juin 2008 pour le second trimestre.

France Télécom signale qu’elle a interjeté appel de la décision du Tribunal de commerce de Saint Denis de la Réunion du 14 octobre 2008 et que la conciliation demeure pendante devant le Tribunal de commerce de Paris.

La saisine

France Télécom note qu’Intercâble a complété ses demandes postérieurement à sa saisine pour réclamer à l’Autorité qu’elle enjoigne à France Télécom des mesures qui n’ont fait l’objet d’aucune discussion entre les parties, ou qui n’entrent tout simplement pas dans le champ des dispositions de l’article L. 36-8 du CPCE.

II  -      Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

France Télécom indique qu’en ce qui concerne les demandes complémentaires formulées par Intercâble le 10 octobre 2008, portant sur le bénéfice d’autres conventions que celles signées entre les parties et le bénéfice de la décision n° 2008-0835 ; aucun échec des négociations ne peut être avancé en cela qu’Intercâble n’a jamais entamé de telles négociations avec France Télécom

Sur la compétence de l’Autorité

France Télécom souligne que dans sa décision n° 96-378, le Conseil constitutionnel a souhaité éclairer les dispositions législatives introduites par la loi de réglementation des télécommunications en indiquant que les opérateurs disposent d’une faculté de saisir en matière de litige sur les conditions techniques et tarifaires des conventions d’accès de façon exclusive l’une de l’autre, soit l’Autorité, soit le juge des contrats.

France Télécom souligne que l’ordonnance du Tribunal de commerce de Paris fait obstacle au prononcé d’une décision de l’Autorité sur les prestations prétendument en litige, puisqu’elle a suspendu les droits et obligations entre les parties et qu’elle a nommé un conciliateur sur les différends liés aux conventions d’accès négociées entre les parties.

France Télécom précise que l’ordonnance du Tribunal de commerce de Saint Denis de la Réunion du 14 août 2008 indique que tous les différends liés à l’exécution des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC, qui ont vocation d’encadrer les déploiements pour l’avenir, font désormais l’objet d’une conciliation.

France Télécom ajoute enfin que les demandes d’Intercâble concernant la nomination d’un expert sont, également, incompatibles avec les dispositions du CPCE en matière de règlement de différend. En effet, France Télécom  souligne que l’Autorité a  rappelé dans sa  décision  n° 05-1009 que le champ de ses interventions était en pratique limité à l’instruction et qu’il lui était possible de mener de telles expertises qu’à la condition qu’elles puissent matériellement être menées dans le délai d’instruction.

III  -  Sur le fond

France Télécom estime qu’Intercâble revendique à tort les dispositions réglementaires de la décision n° 2008-0835 du 24 juillet 2008.

Sur les conditions techniques et tarifaires d’accès au réseau de France Télécom

France Télécom constate qu’Intercâble ne peut pas tirer argument de la signature des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC pour justifier d’une quelconque méconnaissance par France Télécom de ses obligations réglementaires alors même que la décision n° 2008-0835 lui impose de continuer à commercialiser ces deux offres et qu’Intercâble n’a jamais cherché  à négocier les conditions de l’offre FTTx que France Télécom publie parallèlement conformément à la décision de l’Autorité.

Sur l’exécution des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC

France Télécom indique que le désaccord entre les parties postérieurement à la signature des conventions, ne porte pas sur les conditions techniques et tarifaires auxquelles Intercâble a souscrites, mais sur le non respect par Intercâble des conditions contractuelles en vigueur.

Sur le caractère raisonnable des demandes d’Intercâble

France Télécom fait remarquer que les travaux d’Intercâble - qui préemptent aujourd’hui sans droit ni titre les infrastructures de génie civil de France Télécom et ne respectent aucune des règles permettant l’utilisation par des opérateurs concurrents de ces mêmes infrastructures - entrainent des conséquences graves concernant les conditions de concurrence entre opérateurs.

France Télécom ajoute qu’elle a interjeté appel du jugement du 8 octobre 2008 du Tribunal de commerce de Saint Denis de la Réunion qui s’est déclaré incompétent sur les demandes qui lui ont été soumises concernant les occupations illicites d’Intercâble.

France Télécom constate que si un trouble perdure encore en matière de respect des règles concurrentielles quant à l’accès au génie civil de France Télécom, il est du seul fait d’Intercâble qui maintient sans droit ni titre ses équipements dans les infrastructures de France Télécom qui, dans un contexte de concurrence vive depuis plusieurs mois entre les opérateurs sur le haut débit dans les DOM, ont vocation à accueillir l’ensemble des opérateurs.

France Télécom estime qu’Intercâble ne peut revendiquer  le bénéfice de la décision n° 2008-0835 au regard de l’architecture qu’elle a choisie. France Télécom précise que l’offre proposée aujourd’hui répond aux demandes raisonnables d’accès entendues dans les conditions fixées par l’article 13 et l’annexe 1.B du dispositif de la décision précitée.

France Télécom souligne donc que l’offre d’accès à ses installations pour les réseaux FTTx porte exclusivement sur les déploiements de câbles de fibre optique conformément à la décision de l’Autorité n° 2008-0835 et constate que les déploiements d’Intercâble ne satisfont pas à ces prérequis.

France Télécom tient à rappeler que, concernant l’occupation des fourreaux, la pose de câbles coaxiaux en alvéoles occupées initialement par des câbles optiques ou cuivre à paires torsadées de France Télécom, fait courir un grand risque en cas de dépose. France Télécom ajoute que les règles d’ingénierie définies et acceptées par les opérateurs FTTH visent à une cohabitation sans risque pour les différents opérateurs qui se partagent la même infrastructure.

France Télécom constate que la méconnaissance par Intercâble de ces règles élémentaires démontre sa volonté de s’affranchir des règles sectorielles et concurrentielles dont elle invoque pourtant le bénéfice dans le cadre du présent litige.

France Télécom souligne que le litige porté devant l’Autorité ne vise que les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC. France Télécom précise que néanmoins au regard des constats établis, il ressort que les interventions d’Intercâble sur ses infrastructures portent manifestement atteinte à l’intégrité des réseaux et services en méconnaissance des dispositions de l’article D. 99-7 du CPCE qui impose aux opérateurs de prendre l’ensemble des mesures nécessaires pour garantir notamment la sécurité de fonctionnement des réseaux et le maintien de l’intégrité des réseaux.

France Télécom demande à l’Autorité, si elle déclarait la saisine d’Intercâble recevable, de prendre acte du non respect par Intercâble des dispositions de l’article D. 99-7 du CPCE, et d’enjoindre à Intercâble d’assurer ses déploiements au titre des conventions qui la lient à France Télécom dans des conditions permettant de garantir l’intégrité des réseaux et des services.

France Télécom, précisant que le litige ne porte que sur les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC qui ne couvrent par nature que les déploiements à compter de leur date de signature, demande à l’Autorité d’en tirer toutes les conséquences pour tout déploiement futur.

France Télécom ajoute que pour les déploiements passés qui ne sont pas couverts par le présent litige, elle s’en remet aux pouvoirs dont dispose l’Autorité au titre des articles D. 99-7 et L. 36-11.

Vu le courrier de la société Intercâble Réunion SAS enregistré le 18 novembre 2008 transmettant l’ordonnance du Tribunal de commerce de Paris en date du 13 novembre 2008 ;

Vu le courrier du chef du service juridique en date du 19 novembre 2008 informant les parties que la date d’audience est fixée au 2 décembre 2008 à 9h30 ;

Vu le courrier de la société Intercâble Réunion SAS enregistré le 19 novembre 2008 souhaitant que l'audience devant le collège soit publique ;

Vu les trois documents complémentaires adressés par Intercâble et enregistrés à l’Autorité le 21 novembre 2008 ;

Vu les deux nouvelles pièces complémentaires adressées par Intercâble et enregistrées à l’Autorité le 24 novembre 2008 ;

Vu le courrier de France Télécom enregistré à l’Autorité le 26 novembre 2008 transmettant ses observations en réponse aux pièces complémentaires d’Intercâble ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 28 novembre 2008 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Après avoir entendu le 2 décembre 2008, lors de l'audience devant le collège (composé  de MM. Paul Champsaur, Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Denis Rapone, Patrick Raude et Mmes Gabrielle Gauthey et Joëlle Toledano) :

- le rapport de M. Ghislain Heude, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de M. Guy Laflamme et de Maîtres Stephen Montravers pour la société Intercâble Réunion SAS ;

- les observations de MM. Didier Dillard et Gabriel Lluch pour la société France Télécom.

En présence de :

- MM. Guy Laflamme et de Maîtres Stephen Montravers, Hedwige Caldairou et Ryadh Bensalem pour la société Intercâble Réunion SAS ;

- MM. Didier Dillard et Gabriel Lluch pour la société France Télécom ;

- M. Philippe Distler, directeur général, M. François Lions, directeur  général  adjoint, MM. Sébastien Soriano, Ghislain Heude, Loïc Taillanter, Mmes Joëlle Adda, Barbara Feledziak, Pascale Terral agents de l'Autorité ;

Sur la publicité de l'Audience

L'article 15 du règlement intérieur susvisé dispose que « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe le collège de l'Autorité en délibère ».  La  société  Intercâble  Réunion  SAS  a  indiqué  par  courrier  du  19 novembre 2008 qu’elle demandait que l’audience soit publique. Interrogée sur ce point par le Président avant l'ouverture des débats de l'audience, la société France Télécom a indiqué qu'elle confirmait qu’elle souhaitait que l’audience ne soit pas publique.

Par conséquent, le collège (hors la présence de M. Patrick Raude), en ayant délibéré hors la présence des représentants d’Intercâble Réunion SAS, de France Télécom, du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l’Autorité, a décidé que l’audience serait publique.

Le collège (composé de M. Paul Champsaur, président, MM Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Denis Rapone, Patrick Raude et Mmes Gabrielle Gauthey et Joëlle Toledano) en ayant délibéré le 9 décembre 2008, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;

Adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après.

1.  - Sur la compétence de l’Autorité

Les dispositions de l’article L. 36-8 I du CPCE prévoient qu’ « En cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès au réseau de communications électroniques, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie du différend par l’une ou l’autre des parties. […] Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés. […] ».

Aux termes des dispositions de l’article L. 32 8° du CPCE, « on entend par accès toute mise à disposition de moyens, matériels ou logiciels, ou de services, en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de communications électroniques. Ne sont pas visés par le présent code les systèmes d’accès sous condition et les systèmes techniques permettant la réception de services de  communication  audiovisuelle,  définis  et  réglementés  par  la  loi n° 86-1087 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ».

Il résulte des dispositions précitées que l’Autorité peut être saisie d’une demande de règlement de différend par un opérateur qui a signé une convention d’accès avec un autre opérateur afin notamment de régler un différend relatif à un échec des négociations ou un désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’accès à un réseau de communications électroniques.

En l’espèce, l’Autorité constate qu’il ressort des pièces du dossier que France Télécom ne conteste à aucun moment le fait que l’accès à ses infrastructures de génie civil sollicité par Intercâble soit une prestation d’accès.

En conséquence, le litige introduit par Intercâble se rattache au champ d’application de l’article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques et relève du champ de compétence de l’Autorité.

2.  Sur la recevabilité des différentes demandes formées par Intercâble Réunion

Il ressort des pièces du dossier que la société Intercâble Réunion demande à l’Autorité dans le dernier état de ses conclusions :

- d’imposer à France Télécom de respecter les engagements contractuels pris en exécutant de bonne foi les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC qu’elle a signées avec Intercâble ;

- d’enjoindre à France Télécom de proposer des conventions d’accès à son infrastructure de génie civil et à sa boucle locale qui soient adaptées aux besoins d’Intercâble dans des conditions tarifaires et techniques raisonnables et non discriminatoires et en conformité avec ses obligations telles que définies par le code des postes et des communications  électroniques ;

- d’enjoindre à France Télécom, si par extraordinaire l’Autorité venait à considérer que les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC correspondaient aux besoins d’Intercâble, d’adapter ces conventions conformément aux amendements proposés par Intercâble dans son courrier du 30 mai 2008 dans des conditions administratives, tarifaires et techniques équitables, transparentes et non discriminatoires ;

- d’enjoindre à France Télécom conformément aux obligations figurant dans la décision n° 2008-0835 de transmettre à Intercâble des informations préalables sur l’état de ses infrastructures de génie civil et le cas échéant, qu’elle procède à la désaturation de son  réseau ;

- de désigner un expert ayant pour mission de :

  • Recenser et déterminer la propriété des infrastructures de génie civil appartenantà France Télécom,
  • Dresser un rapport précis sur la localisation et la nature de ces dernières,
  • Donner son avis sur leur état technique d’entretien et de conformité,
  • Auditer, en procédant aux tests techniques indispensables, la disponibilité réelle desdites infrastructures et leur degré de saturation, et donner son avis sur la disponibilité des infrastructures de génie civil appartenant à France Télécom,

2.1. - Sur la demande d’enjoindre à France Télécom de proposer des conventions d’accès à son infrastructure de génie civil et à sa boucle locale qui soient adaptées aux besoins d’Intercâble dans des conditions tarifaires et techniques raisonnables et non discriminatoires et en conformité avec ses obligations telles que définies par le code des postes et des communications électroniques et sur la demande subsidiaire d’Intercâble d’adapter les conventions LGC DPR et LGC-ZAC conformément aux amendements proposés par Intercâble dans son courrier du 30 mai 2008 « dans des conditions administratives, tarifaires et techniques équitables, transparentes et non discriminatoires »

- Sur la fin de non recevoir opposée par la société France Télécom, et tirée de l’absence de discussions entre les parties pour de nouvelles conventions d’accès

Dans ses observations en date du 29 octobre 2008, France Télécom soutient que la société Intercâble formule « une demande purement générique sans jamais indiquer quelle serait la nature de la convention souhaitée, ni les conditions techniques et tarifaires réclamées, et pour cause puisqu’aucune négociation n’a eu lieu entre les parties sur la signature d’une convention d’accès qui viendrait compléter les conventions signées pour les déploiements futurs afin de prendre en compte des spécificités d’Intercâble, ou sur le remplacement des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC signées ».

France Télécom ajoute que la « société Intercâble n’indique jamais quelle serait la nature des nouvelles conventions d’accès que France Télécom devrait proposer en substitution des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC signées entre les parties ».

Intercâble  dans  ses  observations  en  défense  en  date  du  10  octobre  2008,  indique  que « France Télécom aurait donc du proposer à Intercâble la signature de  l’offre expérimentale d’accès à son génie civile qu’elle se devait d’ailleurs de faire évoluer afin de la mettre en conformité avec les obligations imposées au titre de l’analyse de marché réalisée dans le cadre de la décision n° 2008-0835 ».

France Télécom indique dans ces observations enregistrées le 29 octobre 2008 qu’aucune discussion, ni aucun échange n’a eu lieu à l’initiative d’Intercâble sur d’autres conventions d’accès que celles signées entre les parties.

Aux termes des dispositions de l’article L. 36-8 du CPCE, l’Autorité peut être saisie du différend par l’une ou l’autre des parties en cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou d’accès à un réseau de communications électroniques.

Ainsi, il résulte de ces dispositions que l’existence même d’un litige constitue une condition de la recevabilité d’un règlement de différend. La partie demanderesse doit notamment établir qu’il y a eu échec des négociations quant à l’objet même du litige et démontrer que les questions évoquées ont été effectivement débattues en vain.

En l’espèce, la recevabilité d’un litige sur ce point est donc subordonnée à la formulation, antérieure à la saisine de l’Autorité, d’une demande expresse de la part de la société Intercâble auprès de la société France Télécom.

Il ne ressort d’aucune pièce du dossier qu’à la date de la demande susmentionnée de la société Intercâble :

- une demande ait été formulée par Intercâble auprès de France Télécom aux fins de se voir proposer la signature d’autres conventions que celles signées entre les parties le 17 juin 2008.

- un refus d’accès ou un échec des négociations commerciales d’accès à son réseau aient été opposés par France Télécom relatifs à de telles conventions.

- ni même qu’une négociation ait été engagée sur ces questions par les deux parties, postérieurement à la signature, le 17 juin des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC.

- des réserves aient été formulées à l’occasion de la signature des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC ou que celles-ci aient été dénoncées par Intercâble depuis leur signature.

Ainsi, il résulte de ce qui précède que les deux demandes susvisées de la société Intercâble, qui méconnaissent les conditions susmentionnées de l’article L. 36-8, sont irrecevables.

2.2 Sur la demande d’enjoindre à France Télécom, conformément aux obligations figurant dans la décision n° 2008-0835, de transmettre à Intercâble des informations préalables sur l’état de ses infrastructures de génie civil et le cas échéant, qu’elle procède à la désaturation de son réseau

Dans le dernier état de ses conclusions, la société Intercâble demande à l’Autorité de modifier les conventions signées entre France Télécom et Intercâble au regard des obligations prévues dans la décision n° 2008-0835 susvisée. Elle demande le bénéfice de nouvelles conventions d’accès conformes aux dispositions de cette même décision.

La société Intercâble indique également que la société France Télécom n’a pas respecté et ne respecte toujours pas les obligations qui lui sont imposées par l’Autorité dans le cadre de la décision n° 2008-0835 notamment en ne lui fournissant aucune information préalable (plan de réseaux, fiches d’occupation des alvéoles, etc...) malgré ses diverses demandes.

France Télécom, dans ses écritures en date du 29 octobre 2008, soutient que la société Intercâble ne peut pas bénéficier de la décision n° 2008-0835 car celle-ci n’a à aucun moment cherché à négocier les prestations de France Télécom conformément à cette décision.

En outre, France Télécom indique également que la société Intercâble ne peut revendiquer le bénéfice de la décision n° 08-0835 de l’Autorité en date du 24 juillet 2008 au regard de l’architecture qu’elle a choisie.

En effet, France Télécom ajoute que cette même décision fait expressément référence aux déploiements de réseaux très haut débit de type FTTH, c'est-à-dire du déploiement de réseau en fibre optique jusque chez le client final. Elle rappelle que l’offre d’accès aux installations de France Télécom pour les réseaux FTTx porte exclusivement sur les déploiements de câbles de fibre optique. Celle-ci ne peut donc s’appliquer que pour le déploiement de fibre optique, et sous réserve notamment du respect du cahier des charges et des règles d’ingénierie.

Or, France Télécom soutient que les déploiements d’Intercâble ne satisfont pas à ces prérequis.

L’Autorité souhaite rappeler que les termes de l’article 11 de la décision n° 2008-0835 susvisée prévoient que « dans les zones où France Télécom est propriétaire ou gestionnaire des infrastructures de génie civil constitutives de la boucle locale filaire, France Télécom doit faire droit à toute demande raisonnable d’accès aux infrastructures de génie civil constitutives de la boucle locale filaire ou à des moyens qui y sont associés. Elle doit notamment offrir a minima, les prestations d’accès suivantes :

- accès aux infrastructures de génie civil constitutives de la boucle locale filaire, comprenant notamment les fourreaux et les chambres, permettant d’adresser les clientèles professionnelle et résidentielle ;

- processus de désaturation des infrastructures de génie civil constitutives de la boucle locale filaire. 

- Offre d’accès aux informations préalables et de mises à jour de ces informations. »

En outre, l’article 13 de la même décision indique que « France Télécom doit publier une offre technique et tarifaire d’accès aux infrastructures de génie civil constitutives de la boucle locale filaire. Cette offre décrit les prestations d’accès aux infrastructures de génie civil constitutives de la boucle locale filaire et leurs modalités de façon détaillée en précisant au minimum les éléments listés en annexe 1.B de la présente décision ».

L’annexe 1.B  de cette même décision précise que l’offre de  référence doit  comprendre  une «offre d’accès aux infrastructures de génie civil constitutives de la boucle locale filaire, comprenant notamment l’occupation des fourreaux par des câbles optiques et l’hébergement des équipements passifs dans les chambres de tirage (…) » ainsi qu’un « processus de désaturation des fourreaux et des chambres ». Cette même annexe précise également que les modalités d’accès à ces prestations précisent « les modalités d’accès aux informations préalables concernant d’une part les tracés des infrastructures de génie civil, d’autre part l’état d’occupation des alvéoles ».

Ainsi, conformément aux dispositions de cette décision, France Télécom a publié une offre de référence le 15 septembre 2008.

Il ressort des pièces communiquées par Intercâble que son projet consiste à déployer un réseau d’accès filaire constitué notamment de câbles en fibre optique dans la boucle locale de France Télécom. Dès lors, il apparaît qu’Intercâble, à condition qu’elle en formule la demande et qu’elle signe avec France Télécom une convention en ce sens, pourrait bénéficier, pour le déploiement de ces segments constitués de câbles en fibre optique, de l’accès aux infrastructures du génie civil de France Télécom dans les conditions prévues par l’offre de référence FTTx, et ce conformément aux dispositions de la décision n° 2008-0835.

En l’espèce, il ne ressort d’aucune pièce versée au dossier de la procédure qu’à la date de la saisine de l’Autorité par la société Intercâble, une négociation ait été engagée pour bénéficier de l’offre FTTx issue de la décision de l’Autorité n° 2008-0835 susvisée, notamment en vue de se voir transmettre des informations préalables sur l’état des infrastructures de génie civil de FT et de procéder à la désaturation du réseau de France Télécom.

Il suit de là que la demande de la société Intercâble, qui méconnaît les conditions de recevabilité susmentionnées de l’article L. 36-8 est irrecevable.

Au demeurant, l’Autorité constate que la société  Intercâble, dans un courrier en date du 21 novembre 2008, a demandé expressément, et ce pour la première fois, à la société France Télécom de pouvoir bénéficier de l’offre d’accès à son génie civil pour les réseaux FTTx issue de la décision de l’Autorité n° 2008-0835 .

2-3 Sur la demande de la société Intercâble concernant la nomination d’un expert

Dans le dernier état de ses conclusions, la société Intercâble demande à l’Autorité de  désigner un expert ayant pour mission de :

  • Recenser et déterminer la propriété des infrastructures de génie civil appartenantà France Télécom,
  • Dresser un rapport précis sur la localisation et la nature de ces dernières,
  • Donner son avis sur leur état technique d’entretien et de conformité,
  • Auditer, en procédant aux tests techniques indispensables, la disponibilité réelle desdites infrastructures et leur degré de saturation, et donner son avis sur la disponibilité des infrastructures de génie civil appartenant à France Télécom.

Aux termes des dispositions de l’article L. 36-8 du CPCE, « l’Autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations et, le cas échéant, procédé à des consultations techniques, économiques ou juridiques, ou expertises respectant le secret de l'instruction du litige dans les conditions prévues par le présent code. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés (…) ».

Il résulte ainsi de ces dispositions que les mesures d'expertises auxquelles l'Autorité peut, si elle l'estime utile pour se prononcer au fond, procéder sont des mesures d'instruction qui ne sont susceptibles d'intervenir que dans ce seul cadre et sous la réserve que leur exécution s'inscrive dans le délai de quatre mois prévu à l'article R. 11-1 du CPCE.

En l'espèce, la demande dont est saisie l'Autorité par la société Intercâble tend à missionner un expert dans le cadre non de l'instruction mais de la décision tranchant au fond le différend.

L'Autorité, pour qui d'ailleurs l'expertise qu'elle aurait pu décider de prononcer par elle même au titre de ses pouvoirs propres d'instruction n'est pas apparue nécessaire au règlement du présent litige, ne peut donc que constater que cette demande, qui méconnait les dispositions précitées de l'article L. 36-8 du CPCE, est irrecevable.

2-4 Sur la demande d’imposer à France Télécom de respecter les engagements contractuels pris en exécutant de bonne foi les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC qu’elle a signées avec Intercâble

La société Intercâble entend, par cette demande, contester la mise en demeure que lui a adressée la société France Telecom le 7 juillet 2008 de :

- procéder à l’arrêt de tout déploiement de réseau qui ne serait pas réalisé conformément aux conventions visées ;

- communiquer sans autre retard l’ « audit exhaustif » des déploiements effectués à ce jour compte tenu des nouveaux déploiements constatés en dehors du cadre contractuel établi ;

- régulariser la situation en déposant l’intégralité du réseau dont le déploiement est non conforme et ne peut être rendu compatible avec les règles contractuelles ».

La société Intercâble soutient avoir cessé tout déploiement avant la signature de ces conventions et n’avoir jamais pu déployer dans le cadre des conventions. Elle soutient ensuite que ces conventions participaient à un processus de régularisation du passif.

La société France Télécom de son coté affirme avoir constaté que des travaux avaient été entrepris sur son génie civil sans qu’elle n’en soit informée et bien que les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC prévoient que France Télécom le soit systématiquement. En outre, France Télécom explique que ces conventions ne portent que sur les nouveaux déploiements.

Aux termes du deuxième alinéa de l’article 36-8 du CPCE : « L’Autorité se prononce, (…). Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés ».

Or, l’Autorité constate que la demande d’Intercâble « d’imposer à France Telecom de respecter les engagements contractuels pris en exécutant de bonne foi les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC » ne porte pas directement ou indirectement sur les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'accès doit être assuré, condition principale de la compétence de l’Autorité en matière de règlement de différend.

Ainsi, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par France Telecom à cette demande, il y a lieu de la rejeter en raison de l’incompétence de l’Autorité pour y statuer.

Décide

Article 1 : La demande de règlement de différend susvisée présentée par la  société  Intercâble Réunion est rejetée.

Article 2 : Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier à la société Intercâble Réunion et à la société France Télécom la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.