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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 11 avril 2012, n° 11/12550

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

KS La Baraque (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hirigoyen

Conseillers :

Mme Delbes, M. Boyer

Avocats :

Me Peytavi, Me Ait-Said, Me Buret, Me Perot-Reboul

T. com. Paris, du 31 mai 2011, n° 201102…

31 mai 2011

M. Amadou S. et Mme Annie K., alors concubins, ont crée en 2000 une Sarl KS qui est propriétaire et exploite un restaurant-night-club, sous l'enseigne La Baraque, situé 102, rue de Charonne à Paris, 12ème arrondissement.

Le capital social est réparti ainsi qu'il suit : M. S. et Mme K. 249 parts chacun, la mère de cette dernière 2 parts.

Mme K. a été nommé gérante le 19 février 2001 en remplacement de son compagnon, lequel a été, à compter du 20 février 2002, salarié par la société en qualité de disc- jockey et animateur.

Le couple s'est séparé en 2007 sans qu'aucun des deux intéressés ne se retire de la société faute d'accord sur un prix de cession et de rachat des parts.

M. Amadou S. a, par acte en date du 28 mars 2011, fait assigner à jour fixe devant le tribunal de commerce de Paris Mme Annie K. et la société KS La Baraque en dissolution anticipée de la société sur le fondement de l'article 1844-7,5° du code civil.

La société KS, qui concluait au débouté, a sollicité reconventionnellement la désignation d'un mandataire ad hoc à l'effet de voter, en lieu et place de M. S., lors d'une assemblée générale extraordinaire appelée à statuer sur une augmentation de capital.

Par jugement en date du 31 mai 2011, le tribunal de commerce de Paris a débouté M. S. de ses demandes et, faisant droit à la demande reconventionnelle, a désigné Maître Denis B. en qualité de mandataire ad hoc à l'effet de voter, en lieu et place de M. S., dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social mais ne portant pas atteinte à l'intérêt légitime de celui-ci, lors de l'assemblée générale extraordinaire appelée à statuer sur l'augmentation de capital rendue nécessaire en raison de l'existence de fonds propres négatifs depuis le 31 décembre 2009, a condamné M. S. à supporter les frais et honoraires du mandataire ad hoc désigné et à verser à la Sarl KS La Baraque la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. S. a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 5 juillet 2011.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 11 août 2011, il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de constater que Mme K. ne comparaît pas et ne conclut pas, de lui donner acte qu'elle n'a par conséquent aucune observation à faire, de débouter la Sarl KS de ses demandes, de prononcer la dissolution de la société, de fixer les effets de la dissolution au jour de l'arrêt à intervenir, de désigner un liquidateur judiciaire avec mission de procéder aux formalités et opérations, aux frais de la société KS, et de condamner cette dernière in solidum avec la Mme K. à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 11 octobre 2011, la société KS La Baraque et Mme K. demandent à la cour de déclarer irrecevable, comme nouvelle en appel, la demande de condamnation dirigée contre Mme K. au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner M. S. à payer à la société KS la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Au soutien de la demande de dissolution de la société KS La Baraque, M. S. expose, pour l'essentiel :

- qu'un contrôle fiscal a révélé d'importantes dissimulations de recettes par Mme K. sur plusieurs exercices (de l'ordre 200 000 à 300 000 euros par exercice pour un chiffre d'affaires de 770 000 à 835 000 euros) qui l'ont privé, en sa qualité d'associé, de la part des bénéfices qui lui seraient revenus si la société avait été gérée honnêtement,

- que la gérante a tiré seule profit du système qu'elle a mis en place alors même que les bénéfices légalement générés sont systématiquement reportés à nouveau, ainsi d'un bénéfice net pour 2009 de 103 216 euros,

- que les rectifications opérées par l'administration fiscale au titre du bénéfice imposable et de la TVA se sont élevées à la somme de 250 000 euros, à la suite d'une transaction qui a été acceptée par Mme K. sans consultation ni information préalable de son associé,

- que la société a réglé la somme de 50 000 euros, les 200 000 euros restants ayant été avancés par Mme K. mais inscrits au crédit de son compte courant, de sorte que la charge de la dette fiscale qui résulte du seul comportement de la gérante pèse en définitive sur les associés,

-qu'il a engagé de ce chef, dans le cadre d'une instance distincte, l'action sociale en responsabilité contre la gérante, aux fins d'obtenir des dommages et intérêts,

- que s'il s'est prononcé pour la continuité de la société, c'est à la condition expresse que la gérante abandonne sa créance de 200 000 euros au titre du compte associé,

- que loin d'y consentir, Mme K. propose une augmentation du capital aux fins de se rembourser de cette somme, laquelle augmentation de capital aura en outre pour effet de diluer sa participation au capital,

- qu'ayant provoqué la convocation d'une assemblée générale, avec pour ordre du jour la révocation du gérant, la dissolution de la société et la nomination d'un liquidateur, laquelle s'est tenue le 31 janvier 2011 en présence d'un huissier de justice qui avait été désigné à son initiative par ordonnance sur requête du 27 janvier 2011, Mme K. a fait ajouter à l'ordre du jour le vote de résolutions déjà par deux fois rejetées portant augmentation du capital, avant d'interrompre soudain l'assemblée et de refuser de répondre à ses questions.

Il soutient que l'affectio societatis a disparu et que le fonctionnement de la société se trouve complètement paralysé en soulignant que sa dissolution n'affecterait pas le personnel dès lors que la réalisation des actifs supposera la cession du fonds de commerce.

La société La Baraque et Mme K. récusent l’ensemble de ces griefs et soutiennent que le fonctionnement de la société n'est nullement paralysé de sorte que les conditions de la dissolution pour justes motifs ne sont pas réunies.

L'article 1844-7, 5° dispose que la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.

Il en résulte que la mésentente existant entre les associés, et par suite la disparition de l'affectio societatis, ne peuvent constituer un juste motif de dissolution qu'à la condition de se traduire par une paralysie du fonctionnement de la société.

Or, en l'espèce, aucun des griefs avancés par M. Amadou S. n'établit une telle paralysie.

S'agissant du contrôle fiscal, la transaction avec l'administration est un acte de gestion qui relève du gérant, M. S. ne démontrant pas que ladite transaction à l'issue de laquelle l'administration fiscale a renoncé à une majoration à hauteur de 70 000 euros aurait été contraire à l'intérêt social.

S'agissant du manque d'information des associés sur le litige fiscal, les premiers juges ont justement relevé que le contrôle fiscal avait été évoqué, il est vrai de manière succincte, dans le rapport de gérance présenté lors de l'approbation des comptes de l'exercice 2009 puis dans une lettre du 8 février 2001, étant à toutes fins souligné que ce contrôle a concerné la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, durant laquelle M. S. expose avoir exercé, au -delà de ses fonctions de disc-jokey, les responsabilités les plus étendues de surveillance et de gestion administrative du restaurant, de sorte qu'il n'est nullement établi que l'absence de facturation de livraisons de boissons durant une aussi longue période et pour les volumes constatés par l'administration fiscale, qui se trouve à l'origine dudit redressement, ait pu complètement lui échapper.

M. S. ne peut davantage exciper au soutien de ses prétentions dans le cadre de la présente instance de l'absence de distribution des dividendes sur l'exercice 2008 (26 968 euros), le report à nouveau de ces sommes - lequel augmente au demeurant la valeur de l'actif net- décidé par l'assemblée générale des associés ne caractérisant pas un dysfonctionnement de la société.

Il sera souligné, en outre, que lors de l'assemblée générale du 30 juin 2010 qui a constaté une perte de capitaux propres à la clôture de l'exercice 2009, consécutive au redressement fiscal, la gérante a proposé aux associés, comme il lui appartenait de le faire, de décider soit de la dissolution anticipée de la société, soit de la reconstitution des fonds propres, M. S. reconnaissant dans ses écritures avoir alors été favorable à la continuation de l'activité, comme en font foi au demeurant ses déclarations actées au procès-verbal.

En réalité, l'appelant redoute que la reconstitution de fonds propres projetée, à hauteur d'une somme de 200 000 euros par émission de 500 parts nouvelles de 400 euros chacune, n'ait pour effet de réduire sa participation au capital, alors que l'augmentation de capital n'est nullement réservée à la seule gérante, tous les associés pouvant y souscrire, ou pour objet de reporter sur l'ensemble des associés la charge de la dette fiscale qu'il impute, à tort ou à raison, aux seuls agissements dissimulés de la gérante, une telle crainte ne suffisant pas à caractériser la paralysie du fonctionnement social ou le risque de ruine de la société qu'il invoque, étant observé de surcroît que M. S. recherche, dans le cadre d'une instance distincte, la responsabilité de la gérante de ce chef sur le fondement de l'article 1843-5 du code civil.

Il résulte enfin des pièces versées aux débats que la société KS La Baraque poursuit à ce jour son activité sans rencontrer de difficultés de gestion courante, qu'elle emploie une dizaine de salariés et a dégagé un résultat bénéficiaire d'un montant de 51 560 euros sur l'exercice 2010, de sorte que le climat d'animosité et de défiance qui oppose les parties ne caractérise pas, faute de paralysie juridique des organes sociaux ou de menace de ruine économique, le juste motif de dissolution exigé par l'article 1844-7, 5° du code civil.

Aussi M. S. sera-t-il débouté de ses demandes et le jugement confirmé sur ce point.

C'est à juste titre enfin que les premiers juges ont retenu qu'en s'opposant systématiquement à une proposition d'augmentation des fonds propres alors pourtant que tous les associés avaient refusé la dissolution anticipée de la société, de sorte que cette augmentation, légalement requise dans les deux ans, est nécessaire à sa pérennité, M. S. manifeste une attitude qui, contraire à l'intérêt général de la société dans l'unique dessein d'exercer sa vindicte à l'égard de son ancienne compagne, caractérise l'abus de minorité.

Le jugement déféré sera dès lors également confirmé en toutes ses dispositions.

L'équité ne commande pas cependant de faire droit aux demandes d'indemnité présentées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne M. Amadou S. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.