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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 22 juin 2018, n° 16/23043

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

FDD TECHNOLOGIES AG (Sté), DVD-D PACKAGING FRANCE (S.A.R.L.U.)

Défendeur :

CDISCOUNT (S.A.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Colette PERRIN

Conseillers :

Mme Véronique RENARD, Mme Laurence LEHMANN

Avocats :

SELARL BDL AVOCATS, Me Pierre-Olivier C., SCP AFG, SELARL F. - D. & ASSOCIES

Paris, du 10 nov. 2016

10 novembre 2016

M. Patrick L. a déposé, en se désignant comme inventeur, le 30 octobre 2000 un brevet américain US 6 468 619 délivré le 22 octobre 2002 et le 8 novembre 2000 un brevet européen EP 1 228 411 sous la priorité du précédent et visant la France délivré le 29 juin 2005.

Ces deux brevets portent sur un disque digital à la durée de vie limitée appelé «DVD- ou «DVD à la séance» dont la conception a débuté en 1998. Selon l'invention, ces produits sont conditionnés dans une pochette hermétique dont l'ouverture par l'utilisateur libère une substance oxydante qui détruit la couche de données au terme d'une durée librement déterminée par celui qui les commercialise, la technologie mise en 'uvre devant remédier aux inconvénients inhérents à la location physique ou en ligne et à la vidéo à la demande.

La société CDiscount, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bordeaux le 26 août 1999 et dont le groupe Casino est devenu actionnaire courant 2000, a pour activité principale la vente en ligne de produits de grande consommation.

Alors que monsieur M. L. et la société Thomson Licensing s'étaient rapprochés dans le cadre de relations confidentielles permettant un échange d'informations sur l'invention, la société CDiscount a été associée en mars 2003 aux négociations qui ont permis de formaliser un protocole d'accord du 7 mai 2003 aux termes duquel les parties fixaient le cadre de la poursuite de ces dernières et les conditions de conclusion d'un contrat de licence pour le 30 juin 2003.

Dans ce cadre, monsieur Patrick L. créait la société de droit suisse FDD Technologies AG (ci-après FDD) pour qu'elle développe et exploite la technologie DVD-D et qu'elle dispose de ses droits sur le brevet américain ainsi que la société DVD-D Packaging France pour qu'elle fabrique les DVD-D.

Par acte sous seing privé du 23 septembre 2003, la société CDiscount et la société FDD concluaient un contrat exclusif de fourniture de DVD-D dont le terme était fixé au 31 janvier 2007 pour les territoires de la France, de la Belgique et des principautés d'Andorre et de Monaco.

Le contrat mentionnait que la société FDD, sur demande de la société CDiscount«adaptera la technologie afin de réaliser un disque DVD-D ayant une durée de vie utile de 48 heures après retrait de l'emballage». Le contrat précisait des objectifs de ventes échelonnés conditionnant le maintien de l'exclusivité et stipulait le versement par la SA CDiscount d'une avance de 1.000.000 euros à titre de pré-paiement de disques DVD-D sans possibilité de remboursement d'un solde quelconque sauf rupture causée par la faute de la société FDD.

Par un courrier du 12 mars 2004, la société Thomson Licensing, qui n'était pas partie à cette convention, indiquait à la société FDD qu'elle cessait leurs relations contractuelles pour mettre un terme à un conflit d'intérêts avec une société de son groupe qui s'était engagée avec une société tierce développant une technologie concurrente.

Cinq avenants successifs au contrat du 23 septembre 2003 ont été signés entre 2003 et 2010 entre les sociétés CDiscount et FDD pour concéder une fourniture non exclusive de disques DVD-D pour le territoire des Pays-Bas (avenant n°1 du 12 novembre 2003), adapter les tarifs à un contenu adulte (avenant n°2 du 5 décembre 2003) et pour prolonger la durée de l'exclusivité au 31 janvier 2009 puis au 31 juillet 2010 et enfin au 31 juillet 2012 en prévoyant de nouveaux objectifs de ventes cumulées à compter du 31 juillet 2006 puis du 31 janvier 2008 et du 31 janvier 2010 (avenants n°3 à 5 des 10 mars 2004, 31 janvier 2005 et 30 juin 2006).

Bien que les objectifs stipulés ne fussent pas atteints, la société FDD et la société CDiscount signaient une lettre contractuelle le 22 avril 2010, dans l'attente de la signature d'un nouveau contrat incluant M. L. au terme de laquelle la société FDD acceptait d'étendre l'exclusivité au monde entier, et la société CDiscount abandonnait à la société FDD le solde du minimum garanti d'un million d'euros qui avait été payé à l'origine du premier contrat d'exclusivité.

Le 17 avril 2011 un contrat était conclu entre M. L., la société FDD et la société CDiscount à effet rétroactif au 22 avril 2010 se substituant à tous les contrats précédents et portant «licence exclusive de brevets et de savoir-faire en vue de la fabrication et [de] la commercialisation de DVD vidéo à durée limitée (DVD-D) » pour le monde entier. Contrairement au contrat et aux avenants précédents, aucun objectif de vente n'était fixé conditionnant le maintien de l'exclusivité.

Le terme de ce contrat était fixé au 31 décembre 2020. La société CDiscount se voyait notamment investie du droit de fabriquer et de commercialiser personnellement ou par l'intermédiaire d'un tiers de son choix les produits et abandonnait le solde, d'un montant de 833 160,85 euros HT, de l'avance en paiement consentie dans le cadre du contrat du 23 septembre 2003. La société CDiscount s'obligeait à commercialiser les produits en exploitant son catalogue sous sa seule responsabilité (article6), la société FDD Technologies AG et monsieur Patrick L. garantissaient la fiabilité de la technologie mise en 'uvre (article 5.2). Aux termes de l'article 4.3, la la société MPO était désignée comme partenaire industriel pour fabriquer les DVD-D.

Invoquant la découverte du déréférencement total des titres DVD-D sur le site internet exploité par la société CDiscount et l'absence de commencement d'exécution du contrat du 17 avril 2011, la société FDD Technologies AG a interrogé cette dernière sur ses intentions par courrier du 30 janvier 2012 puis le 8 mars 2012.

Le 20 mars 2012 une réunion avait lieu entre M. L. et la société CDiscount à la suite de laquelle la société CDiscount émettait le souhait qu'un rendez-vous soit fixé pour formaliser juridiquement la fin de la commercialisation.

Le 4 mai 2012, la société FDD écrivait à la société CDiscount lui reprochant l'absence de tout commencement d'exécution du contrat depuis le 22 avril 2010 et lui signifiait une mise en demeure de 30 jours conformément à l'article 9 pouvant entraîner la résiliation aux torts de la société CDiscount. Elle faisait également état d'un préjudice dont elle demandait réparation à hauteur de 30 millions d'euros.

Le 30 juillet 2012, la société CDiscount reprochait à la société FDD d'avoir sciemment manqué à son obligation d'exclusivité prévue à l'article 3.4 du contrat et indiquait que la durée d'utilisation des DVD-D était largement supérieure à la durée contractuellement convenue entravant ainsi la négociation avec les Majors de l'industrie cinématographique et pouvant engager la responsabilité de CDiscount à leur égard.

Le 6 aout 2012 la société FDD réfutait ces reproches et indiquait qu'elle considérait non avenue la décision de la société CDISCOUNT de mettre fin au contrat sur ces manquements contractuels.

Le 10 septembre 2012, la société FDD prenait acte de la rupture du contrat mais en rejetait la faute sur la société CDISCOUNT.

La poursuite des échanges entre les contractants ne permettait pas un règlement amiable du litige.

C'est dans ces circonstances que la société FDD et la société DVD-D Packaging France ont, par un acte d'huissier du 8 juillet 2014, assigné devant le tribunal de commerce de Bordeaux qui, par jugement du 2 juin 2015, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris à qui le dossier de l'affaire a été transmis conformément à l'article 97 du Code de procédure civile.

Par un jugement contradictoire du 10 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :

- constaté que le contrat de licence conclu le 17 avril 2011 entre la société FDD, M. L. et la société CDiscount a été régulièrement résilié par cette dernière,

- rejeté l'intégralité des demandes de la société FDD et de la société DVD-D Packaging France,

- rejeté l'intégralité des demandes reconventionnelles de la société CDiscount,

- rejeté les demandes de la société FDD Technologies AG et de la société DVD-D Packaging France au titre des frais irrépétibles,

- condamné in solidum la société FDD et la société DVD-D Packaging France à payer à la SA CDiscount la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société FDD et la société DVD-D Packaging France à supporter les entiers dépens de l'instance.

La société FDD et la société DVD-D Packaging France ont interjeté appel le 18 novembre 2016.

Par leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2018 , auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de leurs moyens conformément à l'article 445 du Code de procédure civile, la société FDD Technologies AG et la SARL DVD-D Packaging France demandent à la cour de :

- dire et juger que la société CDiscount a manqué à ses obligations contractuelles envers la société FDD Technologies AG, causant à cette dernière un préjudice ;

- dire et juger que la société CDiscount est mal-fondée à reprocher à la société FDD Technologies AG des manquements contractuels, de sorte que la rupture unilatérale et anticipée du Contrat de Licence par la société CDiscount lui est exclusivement imputable ; - dire et juger que la défaillance de la société CDiscount, dans ses relations avec la société FDD Technologies AG, est constitutive d'une faute à l'égard de la société DVD-D Packaging France et que cette faute lui a causé un préjudice ;

Par conséquent :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu que le Contrat de licence a été régulièrement résilié par la société CDiscount, en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de la société FDD Technologies AG et de la société DVD-D Packaging France, et en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés FDD Technologies AG et DVD-D Packaging France à verser à la société CDiscount la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance ;

- confirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société CDiscount de ses demandes reconventionnelles à l'égard de la société FDD Technologies AG et également à l'égard de la société DVD-D Packaging France s'agissant des demandes relatives à la procédure abusive ;

Statuant à nouveau :

- condamner la société CDiscount à payer à la société FDD Technologies AG la somme de 49.630.000 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'exploitation par la société CDiscount de la technologie DVD-D et du manque à gagner en résultant pour la société FDD Technologies AG ;

- condamner la société CDiscount à verser à la société FDD Technologies AG la somme de 5.295.000 euros, sauf à parfaire, au titre des frais engagés par la société FDD Technologies AG en pure perte, en conséquence des manquements de la société CDiscount à ses obligations contractuelles ;

- condamner la société CDiscount à payer à la société DVD-D Packaging France la somme totale de 1.380.000 euros sauf à parfaire en réparation du préjudice subi ;

- débouter la société CDiscount de toutes ses demandes, fins et conclusions :

En tout état de cause :

- débouter la société CDiscount de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner l'intimée à payer aux appelantes la somme de 100.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société CDiscount aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Frédéric L. de la Seral BDL Avocats.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 février 2018 , auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de leurs moyens conformément à l'article 445 du Code de procédure civile, la société CDiscount demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé que la société FDD Technologies n'apporte aucune preuve qu'elle a mis au point une technologie fiable susceptible d'être exploitée dans les termes du contrat du 17 avril 2011 ;

- débouté les sociétés FDD Technologies et subsidiairement DVD-D Packaging France de l'ensemble de leurs demandes infondées ;

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la société FDD Technologies a manqué à son obligation d'exclusivité ; - dire et juger que des actes d'exploitation préparatoires et des actes d'exploitation ont été réalisés par la société CDiscount ;

- dire et juger que la société CDiscount a effectué en vain toutes les diligences destinées à assurer la commercialisation des DVD-D ;

- constater l'absence d'intérêt à agir de la société DVD-D Packaging France et la déclarer irrecevable en son action ;

Et statuant à nouveau :

- infirmer le jugement sur la demande reconventionnelle de CDiscount ;

- faire droit à la demande reconventionnelle de la société CDiscount ;

- condamner la société FDD Technologies au remboursement de la somme de 833.160,85 euros H.T. indûment versée par la société CDiscount ;

- condamner la société FDD Technologies au paiement de la somme de 50.000 euros au titre de la violation de l'exclusivité ;

- condamner la société FDD Technologies au paiement de la somme de 227.331 euros correspondant aux frais de personnel engagés en pure perte par la société CDiscount ;

- condamner les sociétés FDD Technologies et DVD-D Packaging France solidairement au paiement de la somme de 150.000 € au titre de la procédure abusive ;

- condamner les sociétés FDD Technologies et DVD-D Packaging France solidairement au paiement de la somme de 150.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La clôture a été prononcée le 1er mars 2018 .

MOTIFS

Sur la résiliation du contrat de licence conclu le 17 avril 2011

Le contrat portant licence exclusive conclu entre M. L., la société FDD et la société CDiscount le 17 avril 2011 à effet rétroactif au 22 avril 2010 pour prendre fin au 31 décembre 2020 se substituait à tous les contrats précédents.

Il prévoyait en son article 3.3.2, la possibilité pour chaque co-contractant de résilier sans nécessité de motif le contrat à l'expiration des 4 périodes biennales intermédiaires, moyennant le respect d'un préavis de 3 mois notifié par LRAR.

Il stipulait également en son article 9.1 la possibilité de résilier le contrat de plein droit pour inexécution par l'autre partie de l'une quelconque de ses obligations essentielles au titre du contrat, sans préjudice de sa faculté de demander des dommages et intérêts, sous réserve d'une mise en demeure et d'un délai d'un mois laissé au débiteur.

Les parties s'accordent à dire qu'il a été mis fin au contrat au terme de l'échange de courriers et mises en demeures ci-dessus rappelés entre le 30 janvier 2012 et le 10 septembre 2012.

Elles ne formulent aucune contestation quant à la réalité de cette résiliation étant par ailleurs observé comme l'ont fait les premier juges que M. L., partie au contrat, n'est pas appelé à la procédure et qu'aucune demande indemnitaire n'est formulée relativement à cette rupture.

Sur les demandes formulées à l'encontre de la société CDiscount au titre de ses manquements contractuels

Sur les manquements contractuels

La société FDD formule à l'encontre de la société CDiscount des demandes indemnitaires fondées sur les manquements contractuels qu'elle lui oppose et notamment sur l'inexécution de son obligation d'exploiter pleinement, au maximum de ses moyens et facultés, l'invention concédée en licence exclusive mondiale. Elle lui reproche de n'avoir jamais réellement eu l'intention d'exploiter l'invention et ce dès la signature du contrat conclu le 17 avril 2011 et de n'avoir signé que motivée par un montage financier ayant pour but de masquer la perte de la somme de 1.000.000 euros versés lors du premier contrat et de le transférer sur la nouvelle relation contractuelle.

La société CDiscount en réplique, ne conteste ni l'obligation du licencié exclusif de tout mettre en 'uvre pour exploiter, ni le fait qu'elle n'a acquis aucun DVD-D postérieurement au 22 avril 2010 mais expose que cette situation est imputable aux manquements de la société FDD à son obligation de délivrance d'une technologie permettant l'illisibilité d'un DVD-D à l'issue d'une période de 24 ou 48 heures qui seraient exclusifs de sa propre responsabilité contractuelle. Elle explique que son obligation d'exploiter le brevet cesse en cas d'obstacle constituant un motif légitime qui est ici constitué par la défaillance structurelle et constante de la technologie objet du contrat qui a été constatée dès le début des relations contractuelles et reconnue par M. L.. Elle produit des procès-verbaux des 4 et 7 mars 2013 et un rapport du laboratoire d'analyse indépendant Kudelski Ski Security qui, selon elle, prouverait cette défaillance. Elle ajoute que la société FDD n'a pas respecté la clause d'exclusivité dont elle bénéficiait.

Pour autant, la cour rappelle que si l'absence de commencement d'exécution du contrat avait été reprochée à la société CDiscount dès le 30 janvier 2012, ce n'est que le 30 juillet 2012 que la société CDiscount reprochait à la société FDD les manquements sus visés et ce après mise en demeure formalisée par la société FDD le 4 mai 2012 au visa de la clause résolutoire de l'article 9 du contrat.

Pour justifier de l'impossibilité d'exploiter l'invention, la société CDiscount produit aux débats :

* 8 procès-verbaux de constat des 4 et 7 mars 2013 portant sur 8 DVD-D qui seraient toujours lisibles plus de 48 heures après leur ouverture.

* un rapport du laboratoire Kudelski Security du 25 novembre 2015 portant sur l'analyse de 100 DVD-D aléatoirement sélectionnés par un huissier et 400 DVD-D remis par la société Cdiscount démontrant un taux de défectuosité extrêmement important de l'ordre de plus de 80%.

Pour autant, outre le fait que ces constats ont nécessairement été effectués sur des DVD-D fabriqués et livrés antérieurement au contrat de 2011, que l'on ne connait pas les conditions dans lesquelles les DVD-D ont été stockés, ni comment l'échantillonnage a été effectué, ces constats ne peuvent justifier de l'inexécution caractérisée des obligations de la société CDiscount d'exploiter le brevet et constatée plusieurs années avant ces constats (deux années pour les constats d'huissier et 4 années avant le rapport du laboratoire).

De plus, les défectuosités constatées et alléguées par la société CDiscountpréexistaient au contrat du 17 avril 2011 et il lui appartenait de décider au vu de la connaissance qu'elle avait du produit et de ses éventuelles défectuosités de décider si elle devait ou non contracter.

Le choix qui a été le sien de contracter mais de ne pas mettre en 'uvre la licence exclusive pour le monde entier qu'elle acquérait et ce sans mettre en garde ou en demeure ses co-contractants, la société FDD et M. L. est fautif au sens des articles anciens 1134 et 1147 du code civil.

S'agissant de la violation de la clause d'exclusivité par la sociétéFDD alléguée également par la société CDiscount pour justifier de la non-exécution du contrat, il doit également être retenu qu'elle a été invoquée pour la première fois que le 30 juillet 2012 et qu'il n'est pas justifié en quoi cette supposée violation aurait empêché toute mise en 'uvre de l'exploitation qu'elle devait au titre du contrat de licence qui lui avait été concédé.

En outre les éléments produits aux débats n'établissent pas que la société FDD aurait violé l'exclusivité après la conclusion du contrat de licence de 2011. Il est seulement établi que le site www.dvd-d.org, exploité par la société FDD reproduisait des jaquettes des DVD-D qui avaient été édités sur commandes des partenaires de FDD avant que l'exclusivité mondiale ne soit octroyée à CDISCOUNT, sans qu'il soit justifié de la possibilité d'acheter des DVD-D sur ce site.

Sur le préjudice invoqué par la société FDD

La faute contractuelle retenue à l'encontre de la société CDiscount est susceptible d'entraîner une condamnation indemnitaire visant à réparer le préjudice subi par la société FDD.

La société FDD fait valoir que son préjudice résulte d'une part du fait de l'absence d'exploitation par la société CDiscount de la technologie à hauteur de 49.630.000 euros et d'autre part des frais qu'elle a engagés en pure perte à hauteur de 5.200.000 euros, soit 54.830.000 euros au total.

Elle produit à l'appui de sa demande de dommages et intérêts sollicités un rapport d'évaluation réalisé par le cabinet Sorgem le 30 mai 20104 auquel la société CDiscount répond notamment par la production d'un contre-rapport établi par le cabinet Accuracy.

Cependant c'est de manière erronée que la société FDD sollicite réparation du préjudice qu'elle aurait subi pour absence d'exploitation depuis le début de ses relations contractuelles avec la société CDiscount soit depuis le 23 septembre 2003.

En effet, il est constant que les parties avaient fait le constat du non-respect des objectifs de vente qui avaient été fixés antérieurement sans que la faute puisse être imputée à la société CDiscount et qu'elles avaient décidé par avenants de proroger l'exclusivité et de modifier les objectifs de vente.

De plus, il convient de rappeler que la société CDiscount a réglé la somme de 1 million d'euros à titre d'avance sur les ventes qu'elle a définitivement abandonnée à la société FDD alors que le volume des ventes ne correspondait pas à une telle redevance.

Les parties ont en outre lors de la signature du contrat du 17 avril 2011 décidé que le nouveau contrat remplacerait leurs anciennes relations contractuelles, d'étendre le champs de l'exclusivité mais également d'abandonner tout objectif de vente venant conditionner le maintien de l'exclusivité.

Dès lors ce n'est qu'à compter de cette date que l'inaction de la société CDiscountpeut être reconnue fautive et susceptible d'entraîner dédommagement.

De même c'est de manière erronée que la société FDD calcule son préjudice sur une période allant jusqu'au terme contractuel maximal prévu au 31 décembre 2020, alors que les parties ont toutes deux mis un terme au contrat courant 2012 et qu'en tout état de cause au plus tard au 10 septembre 2012, la société FDD n'était plus tenue par l'exclusivité accordée à la société CDiscount.

En outre, il ressort des éléments versés aux débats que la société FDD ne justifie pas avoir exploité ou fait exploiter la technologie du DVD-D de manière utile et rentable ni antérieurement à l'exclusivité mondiale accordée, ni postérieurement au mois de septembre 2012.

De plus, il est manifeste que le marché du DVD physique a perdu du terrain de manière très significative au profit du DVD dématérialisé et de la VOD entre le dépôt des brevets en 2000 et les années 2010/2011. Or l'absence de développement significatif du DVD-D antérieurement à 2010 pour des raisons qui ne peuvent être imputées à la société CDiscount a rendu incertain le développement commercial de la technologie postérieurement à cette date.

S'agissant de la demande formée par la société FDD pour des frais qu'elle aurait engagés en pure perte à hauteur de 5.200.000 euros la cour constate que la somme avancée n'est pas justifiée et surtout qu'elle ne semble pas avoir été engagée sur la période d'inexécution fautive.

Dès lors la cour, au vu des éléments versés aux débats est à même de fixer à la somme de 200 000 euros le préjudice subi par la société FDD du fait de l'inexécution retenue à l'encontre de la société CDiscount.

Sur le préjudice invoqué par la société DVD-D Packaging France

La société DVD-D Packaging France, tiers aux contrats, sollicite sur le fondement délictuel l'indemnisation d'un préjudice qu'elle allègue avoir subi du fait de la faute contractuelle retenue à l'encontre de la société CDiscount à hauteur de 1.380.000 euros.

Pour autant la cour constate que cette société ne justifie ni de son rôle, ni de son préjudice postérieurement au contrat du 17 avril 2011 et au choix de la société MPO pour la remplacer.

Elle sera déboutée de ses demandes indemnitaires fondées sur l'article 1382 devenu 1240 du Code civil.

Sur les demandes incidentes formulées à l'encontre de la société FDD par la société CDiscount, les frais et les dépens de l'instance

La société CDiscount sollicite à l'encontre de la société FDD un dédommagement pour violation de son obligation d'exclusivité.

La cour ayant cependant ci-dessus constaté qu'un tel manquement n'était pas prouvé.

Elle sollicite également la restitution de la somme de 833.160,85 euros sur la somme de 1.000.000 d'euros qu'elle avait versée lors du premier contrat de 2003 à titre d'avance.

Pour autant, outre que le contrat mentionnait qu'il n'y aurait de restitution résiduelle sur cette somme sauf résiliation fautive du contrat aux torts de la société FDD, l'abandon de cette somme a expressément été confirmé par la société CDiscountlors de l'accord contractuel du 22 avril 2010 et du contrat subséquent.

La société CDiscount qui succombe sera nécessairement déboutée de ses demandes formées sur le fondement de l'abus de procédure et de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle sera ainsi déboutée de l'intégralité de ses demandes incidentes.

Les dépens de la procédure de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société CDiscount.

Cette société sera en outre condamnée à verser à la société FDD une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile comme il sera précisé au dispositif.

La société D Packaging France conservera quant à elle la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes reconventionnelles de la société CDiscount et rejeté les demandes de la société DVD-D Packaging France,

Et statuant à nouveau :

Condamne la société CDiscount à payer à la société FDD Technologies AG la somme de 200.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution fautive du contrat conclu le 17 avril 2017 et ce, jusqu'à sa résiliation constatée le 10 septembre 2012,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société CDiscount à payer à la société FDD Technologies AG la somme de 60.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a engagés pour la procédure,

Condamne la société CDiscount aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître Frédéric L. de la Selarl BDL Avocats.