Cass. 3e civ., 24 mai 2018, n° 16-24.000
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP de Nervo et Poupet, SCP Boulloche
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° T 16-24.000 et F 16-24.058 ;
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi n° T 16-24.000 en ce qu'il est dirigé contre la société L'Atelier d'agencement et à M. et Mme Z... du désistement de leur pourvoi n° F 16-24.058 en ce qu'il est dirigé contre M. X... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2016), que M. et Mme Z... ont conclu un contrat de maîtrise d'oeœuvre avec M. X... pour la rénovation de leur villa ; que les travaux, exécutés par la société L'Atelier d'agencement, ont été réceptionnés avec des réserves ; que, soutenant que l'architecte et l'entreprise avaient entretenu, pendant le chantier, des relations financières, les maîtres de l'ouvrage les ont assignés en nullité ou en résolution du marché de travaux et du contrat de maîtrise d'oeœuvre ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de M. et Mme Z..., ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de nullité du rapport d'expertise ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, souverainement retenu, abstraction faite de motifs surabondants, que l'irrégularité tenant au défaut de communication du dire de l'entreprise et des pièces qui y étaient annexées n'avait causé aucun grief à M. et Mme Z... alors qu'ils avaient été en mesure de faire valoir leurs observations sur ces éléments et que les comptes avaient été établis au vu de critères purement techniques afférents aux travaux, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite, a pu en déduire que la demande de nullité du rapport d'expertise devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de M. et Mme Z..., ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de nullité du marché pour dol ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la découverte par les maîtres de l'ouvrage de factures établissant le versement d'une rémunération de l'architecte par l'entreprise à leur insu, justifiait leurs doutes sur la probité de l'architecte ainsi que les sanctions disciplinaires, mais que ces factures ne permettaient pas, à elles seules, de démontrer l'existence d'une entente préalable et frauduleuse entre l'entreprise et l'architecte au moment de la conclusion du marché, la cour d'appel en a souverainement déduit, par une décision motivée, que la preuve de manoeuvres frauduleuses ayant abouti à convaincre M. et Mme Z... de conclure le marché dans des conditions dolosives n'était pas rapportée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal de M. et Mme Z..., ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de résolution du marché de travaux aux torts de l'entreprise ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les maîtres de l'ouvrage ne remettaient pas en cause l'avis de l'expert sur la conformité des travaux réalisés et que la rémunération de l'architecte par l'entreprise n'établissait pas des faits de corruption, la cour d'appel a pu en déduire que l'entreprise n'avait pas commis une faute d'une gravité suffisante à justifier la résolution du marché à ses torts ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal de M. et Mme Z..., ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la société L'Atelier agencement une somme de 134 003,36 euros au titre du solde du marché ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. et Mme Z... ne contestaient ni la signature du marché initial et de six devis complémentaires ni la conformité des travaux réalisés, la cour d'appel en a souverainement déduit qu'après déduction des règlements effectués, du coût des travaux de reprise et des sommes dues au titre des préjudices de jouissance, il restait dû à l'entreprise un solde de 134 003,06 euros ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société L'Atelier d'agencement, ci-après annexé :
Attendu que la société L'Atelier d'agencement fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de M. et Mme Z..., au titre du solde du marché, à lui payer la somme de 134 003,36 euros et de rejeter le surplus de ses demandes ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que l'entreprise ne justifiait ni que M. et Mme Z... avaient passé commande des travaux visés dans les devis des 20 juillet 2006 et 8 février 2007, ni qu'ils les avaient acceptés de manière non équivoque, la cour d'appel a pu limiter leur condamnation à la somme de 134 003,36 euros ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de M. X... :
Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour prononcer la résolution du contrat conclu avec M. et Mme Z... aux torts exclusifs de M. X... et le condamner à leur restituer la somme de 69 966 euros, en remboursement des honoraires perçus, l'arrêt retient qu'il est établi que M. X... a été défaillant dans ses obligations déontologiques en entretenant des relations financières avec la société L'Atelier d'agencement pendant toute la durée du chantier, sans qu'un acte de corruption soit démontré pour le choix de l'entreprise, et que cet élément essentiel et objectif, mettant en cause l'intégrité et la rigueur de M. X... dans tout le processus ayant présidé à la réalisation des travaux, indépendamment des prestations de maîtrise d'oeuvre qu'il a fournies sur le chantier avant et après réception, met en cause le lien de confiance qui doit exister entre le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage et justifie la résolution du contrat de maîtrise d'oeuvre aux torts de M. X..., qui devra restituer les honoraires, qui lui ont été réglés à hauteur de la somme de 69 966 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la résolution d'un contrat d'architecte ne peut être prononcée qu'en cas d'inexécution ou d'exécution imparfaite des prestations fournies depuis l'origine, la cour d'appel, qui a constaté que les travaux réalisés sous la maîtrise d'oeuvre de M. X... étaient conformes et avaient été réceptionnés, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résolution du contrat conclu le 16 septembre 2005 entre M. X..., architecte et M. et Mme Z..., aux torts de M. X... et le condamne en conséquence à restituer à M. et Mme Z... la somme de 69 966 euros en remboursement des honoraires perçus, avec intérêts au taux légal depuis le 14 novembre 2008, l'arrêt rendu le 3 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.