CE, 8 septembre 1997, n° 121904
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Groux
Rapporteur :
M. de La Verpillière
Rapporteur public :
M. Lamy
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 21 décembre 1990 et le 22 avril 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard X..., demeurant ..., à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), agissant en qualité de syndic à la liquidation des biens de la société à responsabilité limitée SERACHROM ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 10 octobre 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête dirigée contre les jugements des 2 juillet 1986 et 16 avril 1987 du tribunal administratif de Nantes, rejetant ses demandes d'annulation des arrêtés du préfet de Loire-Atlantique des 9 novembre 1983, 10 janvier 1984 et 17 mai 1985, imposant à la société SERACHROM certaines mesures en application de la loi du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 ;
Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 et le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l'environnement : "Sont soumis aux dispositions de la présente loi les usines, ateliers, dépôts, chantiers, carrières et d'une manière générale les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments." ; que l'article 23 de la même loi, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Nantes, dispose que : "indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées et lorsqu'un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l'expiration du délai fixé pour l'exécution, l'exploitant n'a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut : - soit faire procéder d'office, aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures prescrites ; - soit obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l'exploitant, au fur et à mesure de l'exécution des travaux ; il est, le cas échéant, procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances étrangères à l'impôt et aux domaines ; - soit suspendre par arrêté, après avis du conseil départemental d'hygiène, le fonctionnement de l'installation, jusqu'à exécution des conditions imposées" ;
Considérant, en premier lieu, que, sur le fondement des dispositions combinées des articles 1er et 23 de la loi du 19 juillet 1976, l'article 34, troisième alinéa, du décret du 21 septembre 1977 a pu légalement prévoir que, lorsqu'une installation cesse l'activité au titre de laquelle elle était autorisée ou déclarée, "l'exploitant doit remettre le site de l'installation dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976. A défaut, il peut être fait application des procédures prévues par l'article 23 de cette loi." ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas méconnu la règle de droit en écartant l'exception d'illégalité, tirée de ce que l'administration ne peut légalement imposer des prescriptions aux exploitants qui ont cessé leur activité, que M. X..., agissant en qualité de syndic à la liquidation des biens de la société SERACHROM, avait soulevée à l'encontre du troisième alinéa de l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'obligation de remettre en état le site de l'installation pèse sur l'exploitant, à moins qu'il n'ait cédé son installation et que le cessionnaire se soit régulièrement substitué à lui en qualité d'exploitant ; qu'en l'espèce, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé : "que les déchets toxiques abandonnés dans l'usine de Plesse doivent être regardés, dans les circonstances de l'affaire, comme se rattachant directement à l'activité de la société SERACHROM ; que les dispositions du contrat passé entre la société et un récupérateur, qui a acquis en septembre 1983 le matériel, les machines et le mobilier de bureau de l'établissement, sont inopposables à l'administration ; que M. X... ne peutdavantageinvoquer l'exploitation de l'usine de Plesse par la société Sodelec pour s'exonérer de ses obligations au titre de la législation sur les installations classées dès lors que cette société ne s'est substituée à elle que temporairement en qualité d'exploitant, sans d'ailleurs qu'un transfert d'activité ait été déclaré à l'administration." ; que la cour n'a, ce faisant, ni dénaturé les faits soumis à son appréciation, ni méconnu la règle de droit, en estimant que le préfet de Loire-Atlantique avait pu légalement mettre en oeuvre les mesures prévues à l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 à l'encontre de la société SERACHROM ;
Considérant, en troisième lieu, que les mesures énumérées à l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ont été instituées pour contraindre les exploitants à prendre les dispositions nécessaires à la sauvegarde des intérêts visés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 ; qu'aussi longtemps que subsiste l'un des dangers ou inconvénients mentionnés à cet article, le préfet peut mettre en oeuvre les différentes mesures prévues par l'article 23 précité ; que la cour administrative d'appel de Nantes n'a, dès lors, pas méconnu la règle de droit en estimant que "les dispositions de l'article 23 ... permettent au préfet, dans le cas où, à l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, l'exploitant n'a pas obtempéré à cette injonction, de mettre en oeuvresuccessivement les diverses mesures énumérées par cet article." ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en jugeant que les travaux supplémentaires imposés par l'arrêté du 17 mai 1985 entraient dans le cadre de la remise en état qui avait fait l'objet de la mise en demeure du 9 novembre 1983, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine qui ne peut être remise en cause devant le juge de cassation ;
Considérant, enfin, qu'il résulte des dispositions de l'article 15 de la loi du 13 juillet 1967 qu'après le prononcé de la liquidation des biens, le débiteur est dessaisi de ces derniers et que "les droits et actions concernant son patrimoine sont exercés, pendant toute la durée de la liquidation des biens, par le syndic" ; qu'ainsi, en jugeant que la procédure de consignation avait été à bon droit engagée, par l'arrêté du 17 mai 1985, à l'encontre de M. X..., pris en sa qualité de syndic à la liquidation des biens de la société SERACHROM, la cour administrative d'appel a fait une exacte application des dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 10 octobre 1990 ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard X..., à M. Y... et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.